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Note d’intention
Il est important pour moi aujourd’hui de mettre en avant et de faire entendre la volupté de la langue.
Le langage pour moi est déjà un monde, et le monde dans ses pluralités.
Après Passé-je ne sais où, qui revient, Au pied du mur sans porte et Rabah Robert, je n’avais pas envie
d’aller vers une grande histoire épique mais plutôt de me recentrer sur une petite histoire sur
laquelle je mettrais une grande loupe pour regarder comment les événements se produisent en
l’individu.
En l’occurrence, trois contes, trois histoires concises, avec un sujet précis et des enjeux à chaque fois
singuliers pour chaque histoire.
Les illisibles. À la lisière du monde rêvé et du monde réel se trouve la Nichée, grande école fantôme
où les enfants restent pour l’éternité. Trois figures. Léonard est comme Don Quichotte, tout ce quʼil
rêve apparaît devant lui et il croit que c’est la réalité. Jérôme est un garçon différent, très grand au
milieu des petits. Agnès est une sainte parmi les saintes et montre de temps en temps son sexe dans
la petite cabane. Léonard désire la voiture transformable de Jérôme pour se sauver du monde et de
ses règles déchirantes, pleines de mauvaise foi.
Quelqu’un est Marie est une pièce brève pour deux femmes et un homme. Marie perd son amoureux
qui s’appelle Vladimir. Femme seule, elle a subi un événement qui l’a traumatisée. Quelque chose
qu’elle refuse de voir. À partir de là, elle se dédouble pour se questionner elle-même, et pour essayer
de comprendre ce qu’il n’est plus possible d’entendre. Elle se dédouble et sa raison apparaît devant
elle. À partir de là, un débat avec sa voix pensée va engendrer déconvenues et péripéties. Vladimir
qui est mort revient la voir.
Homme quiconque, pièce dans le métro. À la marge, un homme rêve d’une femme quʼil a aimée et
qui a disparu. Cet homme vit dans un pays quʼon suppose occupé, on ne sait pas sʻil délire ou sʼil est
paranoïaque. Il rêve dʼune femme quʼil a aimée, et dʼun seul coup est déchaîné par des affects et des
passions, et assassine un autre homme. Son monde intérieur prend le dessus sur lui dans la solitude,
et la folie sʼempare de lui. Nous sommes tous plus ou moins fous.
Dans ces trois contes, il y a toujours une opposition entre le monde réel au-dedans, qui est la voix de
la pensée, et le monde réel au-dehors. Et au lieu de les mettre toujours face à lʼautre, jʼessaie de les
faire converger et se mélanger.
Ce que je pense ou sens à lʼintérieur, cette voix de la pensée qui nʼest peut-être pas autre chose que
la voix des rêves, je la mets tout dʼun coup à lʼextérieur comme une vision subjective dʼun
personnage. Ce que le personnage croit apparaît devant lui, et le jeu du théâtre se trouve à cet
endroit-là. Et ensuite, confronté à la réalité, il y a ces illusions brisées qui apparaissent et quʼon voit
naître. Lʼhomme a besoin de savoir et il sonde les choses et il rêve les choses et il construit un
manteau de chimères, et à travers ce manteau, on voit ses mensonges et aussi ses trahisons.
Pour les Petits contes dʼamour et dʼobscurité, jʼimagine un espace miroitant et réfléchissant, comme
la pensée, minéral. Des grandes vitres, du plexi transparent, du mirollege, tout ça pour dédoubler
lʼespace et le temps. Pouvoir donner place à cet ailleurs de la pensée, à des reflets déformants de
notre réel, à notre subjectivité et notre imaginaire.
Puis dʼun seul coup toutes choses disparaissent derrière des voiles noirs, et la présence de lʼêtre-là au
monde, en face de nous, dans un récit et une adresse directe au spectateur. Lazare, 25 octobre 2013