Des«Chatouilles»commeunegifle
Epoustouflanteperformanced’AndréaBescondauPoche
Le seul en scène d’Andréa Bescond s’intitule Les chatouilles et pourtant, on en ressort plus sonné que
caressé. D’emblée, on comprend que la comédienne est là pour en découdre. Silhouette athlétique,
cheveuxtirésenqueuedechevalsurunvisagesansmaquillage,jeansetteeshirtample:AndréaBescond
estlàavecsonhistoire,sahargne,etriend’autre,pourmettreKOunsujetquipourtantjoued’habitude
l’esquive,lapédophilie.OnnesaurajamaisàquelpointLeschatouilless’inspiredesaproprehistoireet
peuimporte.«C’estl’histoiredetellementdepersonnes,beaucoupplusqu’onnelepense.C’estpourquoi
je ne me permettrais jamais de dire que c’est mon histoire », nous glissait l’auteure et comédienne
quelquesjoursavantlapremièredelapièce.
Decesujetquisetapitgénéralementdansledéni,alorsmêmequelapédophilieintervientleplussouvent
danslecadre familial, Andréa Bescondtisseun spectacle captivant, drôle,bouleversantet révoltant. Un
véritable ascenseur émotionnel qui trouve dans les nombreuses poches d’humour de salutaires
respirationspourmieuxencaisserce témoignage, cette danse de la colère. Surscène,elleestOdette, 8
ans. Une petite fille qui aime rire et dessiner. Pourquoi se méfieraitelle d’un ami de ses parents qui lui
proposedejouer auxchatouilles?Uneminute après,ellea30ansetdéballeson histoireàunepsy,en
présenced’une mère quipréfèregarder ses œillères.Pendantune heureetdemie, Andréa Bescondfait
défilersajeunevie,jonglantavectouslespersonnages,unevingtaineautotal!
Lescoursdeballetoù,enfant,elletrouvaitdansladanseunemanièredelaissersoncorpsexpulserlarage
quirongeaitsonâme;unecarrièreautourdumondeàseproduiredansdescomédiesmusicales,fuyant
sonfoyer,sansserendrecompteque,cequ’ellefuit,c’étaitlavérité;ladroguepouroublier,occulter,se
détruire ; le rapport, plus tard, aux hommes, tantôt incapable d’être touchée par eux, tantôt
s’abandonnantàunedépendancedévastatriceausexe.Ilyauraaussilasolitudeàl’internat,ladécisionde
porterplainte,le procèsetlaconfrontation,enfin,avecsonbourreauquifinitpar tomberlemasquedu
jovialamidelafamille.
Despersonnagesentraînésparlahouledelarévolte
Douloureux,ce destin auraitpuêtresuffocant pour lespectateur,mais la comédiennedéploieune telle
palettederegistresquel’onestsimplementhappéparsonrécit.Demomentssombresoùsoncorpsabrite
touteladouleurd’unepetitefille,poupéedésarticulée,possédée,exorcisée,onpasseàdesparenthèses
comiques,dansdescaricaturesquitiennentquasimentdustandup:laprofalluméeduconservatoirequi
fabulesursesélèves,leproducteurdeclipsquasipornographiquespourMTV,lecopainrappeurquiparle
comme Joey Starr et marche comme un gorille, ou encore le commissaire de police, délicat comme un
bulldozer quand il s’agit d’enregistrer une plainte pour abus sexuel. Forcément transformés par ses
souvenirs,lespersonnagesenflent,débordent,commeentraînésparlahouledesarévolte.Lavaguetient
delaclaque.Forcément,çaréveille!
CatherineMakereel
14/10/2015