Que peuvent nous dire d`intéressant les Physiocrates et les

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1er Congrès Jean-Baptiste Say. 27-30 août 2014. Boulogne-sur-Mer
Le rôle de la nature dans la production : qu’est-ce qu’une production soutenable ?
Pierre Le Masne*
Résumé : Les approches économiques divergent quant au rôle de la nature dans la production. Ce
papier propose, à partir d’une lecture d’économistes classiques et post-classiques (dont J. B. Say) une
réflexion sur le rôle de la nature dans la production et sur la production soutenable. Une définition de
la production soutenable est donnée. La production soutenable prend en compte les relations entre les
fonds de la nature et les flux de ressources qui en sont issus. Elle fait systématiquement la différence
entre ressources renouvelables et non-renouvelables, et insiste sur la nécessité de protéger les fonds
naturels à l’origine des flux de ressources.
Abstract: The Role of Nature towards Production: what is a sustainable Production? The
economic approaches diverge concerning the role of nature towards production. This paper proposes,
relying on a lecture of classical and postclassical economists (among which J. B. Say), a reflection on
the role of nature toward production and on sustainable production. A definition of sustainable
production is given. Sustainable production takes account of the relations between the funds of nature
and the floods of resources. She makes a systematic difference between renewable and non-renewable
resources and insists on the necessity to protect the natural funds at the origin of the floods of
resources.
Introduction
La notion de production est loin d’être claire, surtout si on examine le rôle qu’y joue la nature. Selon
l’INSEE (2011), la production est une « activité exercée sous le contrôle et la responsabilité d'une
unité institutionnelle qui combine des ressources en main-d'oeuvre, capital et biens et services pour
fabriquer des biens ou fournir des services, et [le] résultat de cette activité. Les processus purement
naturels sans intervention ou contrôle humain ne font pas partie de la production ». Le rôle de la
nature reste énigmatique selon cette définition ; on peut penser que la nature ne contribue pas à la
production.
Ce manque de clarté paraît lié aux divergences entre les courants économiques quant au rôle de la
nature dans la production, qui rend difficile une définition par les instituts statistiques. Pour les
Physiocrates, toute richesse vient de la terre, et le travail ne fait que stimuler la terre. Pour les
Classiques, le travail est essentiel, mais s’applique aux valeurs d’usages produites gratuitement par la
nature. Pour le courant néoclassique « traditionnel », le travail et le capital sont les deux facteurs de
production, et la terre ne produit pas. Le courant néoclassique « rénové » a introduit à partir des années
1970 un troisième facteur, le « capital naturel », destiné à prendre en compte le rôle de la nature. Pour
les économistes énergéticiens, la valeur de la production est liée à son contenu en énergie.
Pierre Le Masne est maître de Conférences HDR à l’Université de Poitiers, chercheur au CRIEF (EA 2249) et
membre du RRI ; [email protected].
*
1
Les tensions écologiques contemporaines rendent importantes les conséquences des divergences
précédentes. Toute stratégie de développement soutenable doit s’appuyer sur une analyse précise de la
production et de ses rapports à la nature. K. Polanyi (1975, p. 242) définit l’économie comme « un
processus institutionnalisé d’interaction entre l’homme et son environnement qui se traduit par la
fourniture continue de moyens matériels permettant la satisfaction des besoins ». En s’appuyant sur la
définition précédente, cet article précise les rôles respectifs de la nature et des hommes dans la
production et définit ce que pourrait être une production soutenable, après un détour auprès
d’économistes classiques ou post-classiques. La production soutenable prend notamment en compte
les relations entre les fonds de la nature et les flux de ressources qui en sont issus, et fait
systématiquement la différence entre ressources renouvelables et non renouvelables.
La première partie examine la notion de production pour des économistes précurseurs, et les relations
qu’ils établissent entre terre, travail et capital. La deuxième partie analyse les relations entre
reproduction économique et reproduction naturelle, et les approches de la production comme
régénération. La troisième partie définit la production soutenable, et la quatrième partie revient sur
quelques méthodes susceptibles de la développer.
I. Production, terre et travail pour quelques économistes précurseurs
Qu’est-ce que « produire » ? Le cadre de départ est fixé par William Petty (1662, p. 57), pour qui « le
travail est le père et le principe actif de la richesse, de même que la terre en est la mère ». La terre est
un bassin de ressources, elle est la source première de la production, et en la fécondant par le travail,
les hommes lui font produire des richesses. Richard Cantillon (1997, p. 1-2) est proche du cadre de
Petty : « La terre est la source ou la matière d’où l’on tire la richesse ; le travail de l’homme est la
forme qui la produit : et la richesse elle-même n’est autre chose que la nourriture, les commodités et
les agréments de la vie ». Petty (1691, p. 63) aimerait trouver une équivalence entre terre et travail de
façon à pouvoir évaluer la valeur de toute chose : « Ceci m’amène à considérer la question la plus
importante en économie politique, à savoir celle d’établir une équation et une égalité entre la terre et
le travail, de manière à exprimer la valeur de chaque chose par l’un ou l’autre de ces deux termes ».
Cantillon (1997, p. 16-17) suit la même démarche, en se demandant, dans le prix d’un seau d’eau, quel
est le prix de l’eau et celui du travail pour l’amener chez le client. Petty et Cantillon échouent à trouver
une équivalence générale entre terre et travail.
Les Physiocrates
Pour Mirabeau et Quesnay (1763, p. 3), la production vient de la terre : « Dans ce rouage si bien
assemblé, on découvre néanmoins clairement d’où part le mouvement. La terre est la source de la
production ; mais elle ne produit, au gré de nos besoins, que par le moyen du travail et des facultés de
ceux qui la cultivent. C’est à bon droit que nous appelons la classe des cultivateurs classe
productive ». Mirabeau et Quesnay restent à l’intérieur du cadre général défini par Petty, mais donnent
plus d’importance à la terre et moins au travail. L’agriculture et la terre sont seuls productifs.
L’industrie transforme ce qui a été produit par la terre et ne produit rien elle-même.
Smith et Ricardo
Smith fixe le cadre classique d’analyse de la production et avance sur deux points importants par
rapport à Quesnay quant au rôle de la nature. Il introduit explicitement les notions de valeur d’usage et
d’échange. Il renverse la logique de Quesnay : c’est le travail qui produit, à partir des valeurs d’usage
fournies gratuitement par la nature. Les hommes stimulent la nature par le travail et s’approprient ses
valeurs d’usage. Ces dernières peuvent être ensuite vendues en tant que valeur d’échange, puis
transformées. La production humaine présuppose l’existence de la nature et de ses valeurs d’usage
gratuites. Ricardo (1977, p. 25) remarque : « L’eau et l’air, dont l’utilité est si grande, et qui sont
même indispensables à l’existence de l’homme, ne peuvent cependant, dans les cas ordinaires, être
donnés en échange pour d’autres objets. L’or, au contraire, si peu utile en comparaison de l’air ou de
2
l’eau, peut être échangé contre une grande quantité de marchandises. Ce n’est donc pas l’utilité qui
est la mesure de la valeur échangeable, quoi qu’elle lui soit absolument essentielle ». En séparant
valeur d’usage et valeur d’échange, les Classiques affirment qu’une chose utile peut ne pas avoir de
prix. Un ensemble de biens ou d’éléments naturels restent en dehors du monde marchand : la chaleur
du soleil, le climat, l’eau, on ne peut leur donner de valeur d’échange. Smith et Ricardo sont dans une
époque où la capacité de la nature à produire des valeurs d’usage paraît illimitée, ce qui n’est plus le
cas aujourd’hui, et conduit à poser la question de la reproduction des valeurs d’usage de la nature.
Smith continue à penser que l’agriculture est plus productive que l’industrie (Smith (1991, t. 1, p. 453454) :
« Mais aucun capital, à somme égale, ne met en captivité plus de travail productif que celui du
fermier.. Jamais une pareille quantité de travail productif, employé en manufactures, ne peut
occasionner une aussi riche reproduction. Dans celles-ci, la nature ne fait rien ; la main de l’homme
fait tout, et la reproduction doit toujours être nécessairement en raison de la puissance de l’agent.
Ainsi, non seulement le capital employé de la culture met en activité une plus grande quantité de
travail productif que tout autre capital pareil employé en manufactures, mais encore, à proportion de
la quantité de travail productif qu’il emploie, il ajoute une beaucoup plus grande valeur au produit
annuel des terres et du travail du pays, à la richesse et au revenu réel de ses habitants. De toutes les
manières dont un capital peut être employé, c’est sans comparaison la plus avantageuse à la société ».
Dans cette citation (reprise et commentée par Ricardo et Marx), Smith conçoit la production en termes
de reproduction. Ricardo (1977, p. 65), d’accord avec le rôle très important de la nature, réagit
toutefois à l’idée de Smith que la nature ne travaillerait que dans l’agriculture en ajoutant :
« La nature ne fait-elle donc rien pour l’homme dans les manufactures ? N’est-ce rien que la
puissance du vent et de l’eau qui font aller nos machines, et qui aident à la navigation ? La pression
de l’atmosphère et l’élasticité de la vapeur de l’eau, au moyen desquelles nous donnons le mouvement
aux machines les plus étonnantes, ne sont-elles pas des dons de la nature ? Pour ne rien dire des effets
du calorifique qui ramollit à fond les métaux, ni de la décomposition de l’air dans les procédés de la
teinture et de la fermentation, il n’existe pas une seule espèce de manufacture dans laquelle la nature
ne prête son aide à l’homme, et elle le fait toujours avec libéralité et gratuitement ».
En modernisant ce raisonnement, on dirait qu’un ordinateur ou un téléphone portable s’appuient sur
des dons multiples et gratuits de la nature, électricité, capacité des semi-conducteurs de stocker des
informations, transmission par les ondes.
Le capital reste pour Smith un facteur dérivé produit à partir des éléments de la terre et du travail des
hommes ; il n’est pas encore, comme il le deviendra chez les néoclassiques, un facteur premier, sur
l’origine duquel on ne s’interroge plus. Le capital fixe et le capital circulant ont tous deux une origine
matérielle, agricole (matières premières agricoles ou bois) ou industrielle (fer, énergie) (Smith (1991,
t. 1, p. 364)) :
« La terre, les mines et les pêcheries ont toutes besoin, pour être exploitées de capitaux fixe et
circulants, et leurs produits remplace avec profit non seulement ces capitaux mais tous les autres
capitaux de la société … La terre elle-même remplace, au moins en partie, les capitaux qui servent à
exploiter les mines et les pêcheries. C’est le produit de la terre qui sert à tirer le poisson des eaux, et
c’est avec le produit de la surface de la terre qu’on extrait les minéraux de ses entrailles ».
Marx
Marx reste largement dans cadre d’analyse de Smith des rapports hommes - nature, en reprenant la
distinction valeur d’usage - valeur d’échange et en mettant l’accent sur le travail. Il radicalise toutefois
l’approche. Les hommes font partie de la nature. Certaines classes en exploitent d’autres et utilisent
plus les dons gratuits de la nature que d’autres, en établissant des monopoles sur elle.
3
Selon Marx (1968, t. 2, p. 62), « La nature, pour autant qu’elle n’est pas elle-même le corps humain,
est le corps non organique de l’homme. L’homme vit de la nature - ce qui signifie que la nature est
son corps et qu’il doit maintenir des rapports constants avec elle pour ne pas mourir. Dire que la vie
physique et intellectuelle de l’homme est liée à la nature ne signifie rien d’autre que la nature est liée
à elle-même, car l’homme est une partie de la nature ». Les rapports entre les hommes et la nature
sont une affaire interne à la nature. Le travail des hommes est aussi un élément de la nature, l’élément
qui fait qu’une partie de la nature transforme l’autre (Marx (1966), p. 22-23)) :
« Le travail n’est pas la source de toute richesse. La nature est tout autant la source des valeurs
d’usage (qui sont bien, tout de même la richesse réelle !) que le travail, qui n’est en lui même que
l’expression d’une force naturelle, la force naturelle de l’homme... Et ce n’est qu’autant que l’homme,
dès l’abord, agit en propriétaire à l’égard de la nature, cette source première de tous les moyens et
matériaux de travail, ce n’est que s’il la traite comme un objet lui appartenant que son travail devient
la source des valeurs d’usage, partant de la richesse. Les bourgeois ont d’excellentes raisons pour
attribuer au travail cette surnaturelle puissance de création : car du fait que le travail est dans la
dépendance de la nature, il s’ensuit que l’homme qui ne possède rien d’autre que sa force de travail
sera forcément, en tout état de société et de civilisation, l’esclave d’autres hommes qui se seront
érigés en détenteurs des conditions objectives de travail. Il ne peut travailler, et vivre par conséquent,
qu’avec la permission de ces derniers ».
L’accès et le contrôle de la nature permettent à certains groupes sociaux de dominer les forces de
travail. Le travail lui-même n’est pas pour Marx un facteur isolé de la nature et il implique l’homme et
la nature à la fois. Marx (1969, t. 1, p. 180-181) affirme ainsi :
« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue luimême vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras
et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une
forme utile à sa vie. En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie,
il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent ».
Le procès de travail combine le travail à un objet du travail tiré de la nature et à un moyen de travail,
outils, machines, « chose ou ensemble de choses que l’homme interpose entre lui et l’objet de son
travail comme conducteurs de son action » (Marx (1969, t. 1, p. 183)). Du fait que l’homme et son
travail appartiennent à la nature, le procès de travail de l’homme implique la nature dans ses trois
dimensions : le travail est un produit de la nature, les machines résultent de la nature et du travail,
l’objet du travail (agricole ou industriel) appartient à la nature.
Malgré son erreur sur la stérilité de l’industrie, Quesnay met selon Marx l’accent sur un problème que
Smith a oublié : l’agriculture joue un rôle spécifique, car elle fournit de la nourriture et des matières
premières dont l’industrie dépend. L’ouvrier a besoin du produit de l’agriculture, il ne peut manger les
produits de l’industrie. L’agriculture a aussi besoin de l’industrie, engrais ou charrues, mais il s’agit
d’une dépendance seconde. Marx admet ce primat de l’agriculture dans le circuit économique (Marx
(1974, t. 1, p. 36-37)) :
« Deuxièmement. Si l’on fait abstraction du commerce extérieur, ce que les physiocrates ont, à juste
raison, fait, et qu’ils étaient obligés de faire pour procéder à leur analyse abstraite de la société
bourgeoise - il est évident que la masse des ouvriers travaillant en manufacture, etc., complètement
séparés et détachés de l’agriculture - ces « bras libres », comme les appelle Steuart- est déterminé par
la masse de produits agricoles que les cultivateurs produisent en excédent de leur propre
consommation… La possibilité du surtravail et de la plus-value résulte donc d’une force productive
donnée du travail, productivité qui permet à la puissance de travail de reproduire plus que sa propre
valeur, de produire au-delà des besoins qu’impose son processus vital. Or il faut que cette
productivité, le degré de productivité pris comme base de départ, soit présente d’emblée dans le
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travail agricole, comme nous l’avons vu au deuxièmement ; elle apparaît donc comme un don de la
nature, une force productive de celle-ci ».
La contrainte agricole dont parle Marx a évolué depuis l’époque. Il faudrait plutôt parler aujourd’hui
d’une contrainte de reproduction des matières premières, de l’énergie, et des milieux naturels.
Les auteurs précédents, qui considèrent tous la production comme une reproduction, insistent tantôt
sur la dimension économique et tantôt sur la dimension matérielle de cette reproduction, ce qui amène
à examiner les différences entre les deux conceptions.
II. La production : régénération, reproduction naturelle et reproduction économique
La conception des Physiocrates de la production comme régénération est présentée, puis la
régénération est abordée à partir de la question des ressources renouvelables ; on montre qu’il existe
différentes façons de produire, et que l’approche néoclassique apporte peu.
Les Physiocrates et la production comme régénération
L’approche physiocratique est biologique, la production est production de vie. L’industrie (au moins
celle du 18e siècle1) ne peut reproduire la vie. Le travail peut orienter la fécondité de la nature, mais,
pour être productif, doit porter sur un objet du travail fécondable ou reproductible, le blé mais pas le
fer. Baudeau (1846, t. 2, p. 823) affirme selon cette logique : « Le grain, le vin, sont en même temps
des présents de la nature et des fruits du travail.. Le minerai ne se sème pas, il ne se multiplie pas ».
De son côté, Dupont de Nemours (1846, t. 1, p. 373) définit ainsi la reproduction : « La reproduction :
c’est la renaissance future des produits de la terre, qui doivent recommencer l’année prochaine à
nourrir les hommes » ; la reproduction est matérielle, physique plus qu’économique. Quesnay (2005,
p. 974)) définit la production comme une régénération : « L’idée de production, ou de régénération,
qui forme ici la base de la distinction des classes générales de citoyens, est resserrée dans des bornes
physiques, réduites si rigoureusement à la réalité, qu’elles ne sont plus conformes aux expressions
vagues usitées dans le langage ordinaire ». L’agriculture, mais aussi la pêche sont productives, car ce
sont des secteurs qui se régénèrent. L’industrie ne produit pas le minerai qu’elle utilise, elle n’est pas
productive. Quesnay (2005, p. 647) parle de la « machine économique » comme d’une « machine
régénératrice » et comme d’un organisme vivant. L’agriculture est le secteur premier dont viennent les
ressources naturelles renouvelables.
Reproduction et régénération chez Marx
Marx a été influencé par les Physiocrates (A. Hornborg (2014)) et leur analyse de la reproduction. La
reproduction économique et la reproduction matérielle de la nature s’interpénètrent et Marx (1969, l. 2,
t.. 1, p. 15) fait l’éloge des Physiocrates à ce propos : « Le procès de reproduction économique, quel
que soit son caractère social spécifique, est dans ce domaine (l’agriculture) toujours enchevêtré avec
un procès de reproduction naturel. Les conditions tangibles du second nous éclairent sur celles du
premier et évitent cette confusion d’idées que seuls font naître les aspects trompeurs de la
circulation ». Dans l’agriculture, les conditions naturelles de production nous éclairent sur la
dimension économique : le consommateur qui achète du vin peut penser qu’un cru de 2007 est
meilleur qu’un cru de 2008, parce que le soleil a été plus abondant cette année là. Mais Marx n’évoque
pas les effets inverses de la reproduction économique sur la reproduction naturelle : par exemple
aujourd’hui la poursuite de la pêche menace certaines espèces. Marx semble de plus limiter
l’enchevêtrement des procès économiques et naturels de reproduction à l’agriculture, alors que ces
procès sont également enchevêtrés dans l’industrie ou dans les services.
Marx pose parfois le problème de l’épuisement des terres par le capitalisme, en envisageant la
production comme un métabolisme entre l’homme et la terre (Marx (1969, p 565-566)). Marx critique
le capitalisme et la pollution parce que ceux-ci dégradent les conditions de vie de la population mais
1
Aujourd’hui, l’industrie peut pratiquer des cultures de tissus cellulaires et produire aussi la vie.
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met peu l’accent sur l’épuisement possible de certaines ressources minérales (D. Tanuro (2010)).
Au-delà des Classiques et de Marx
Des économistes post-classiques ont pourtant déjà perçu les problèmes de renouvelabilité des
ressources. J. B. Say (1840, p. 122) note : « Heureusement que la nature a mis en réserve, longtemps
avant la formation de l’homme, d’immenses provisions de combustibles dans les mines de houille,
comme si elle avait prévu que l’homme, une fois en possession de son domaine, détruirait plus de
matière à bruler qu’elle n’en pourrait reproduire. Mais ces dépôts, quoique riches, ont des limites.
Que deviendront les générations futures quand les mines seront épuisées ? ».
Say développe une conception originale de la production et de ses rapports à la nature (F. Vatin
(2003)). Il affirme un principe de conservation selon lequel la production est une reproduction (Say
(2006, p. 76)) : « La masse des matières premières dont se compose le monde n’augmente ni ne
diminue jamais. Il ne se perd pas un seul atome ; il ne s’en crée pas un seul. Les choses ne sont dons
pas produites, mais seulement reproduites sous d’autres formes, et ce que nous appelons production
n’est dans le fait qu’une reproduction ». S’opposant au discours physiocratique, il argumente que
lorsqu’un grain de blé semé en produit vingt, il ne les tire pas du néant, mais de substances répandues
dans la terre, l’eau, l’air. La production n’est pas pour lui création de matière, mais d’utilité. Par
conséquent, l’industrie manufacturière produit, comme la production agricole. Say (2006, p. 106)
admet que la nature contribue à la production et parle des services productifs des agents naturels :
« Ainsi, lorsqu’on laboure et qu’on ensemence un champ, outre les connaissances et le travail qu’on
met dans cette opération.. il y a un travail exécuté par le sol, par l’air, par l’eau, par le soleil, auquel
l’homme n’a aucune part, et qui concourt pourtant à la production d’un nouveau produit qu’on
recueillera au moment de la récolte. C’est ce travail que je nomme le service productif des agents
productifs ». Say anticipe sur l’approche contemporaine des services des écosystèmes (Nations Unies
(2013), Spangenberg, von Haaren, Settele (2014)). Say pense avoir dépassé à la fois les Physiocrates
et Smith, puisqu’il tient compte de la terre et du travail. Cela ne nous semble pas être le cas, et Say est
en réalité revenu à la logique de Petty et Cantillon qui voulaient combiner le travail et les services de
la terre. D’une part la production perd sa dimension de circuit matériel ; d’autre part Say abandonne la
distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange pour privilégier la valeur d’échange et la
production d’utilité.
S. Jevons (1906, p. 201) perçoit le problème posé par l’épuisement des mines de charbon. Cournot
critique le caractère parfois prédateur des comportements humains et entrevoit le problème de la
biodiversité (Cournot (1981, p. 432)). Cournot comprend que le rôle de l’homme vis-à-vis de la nature
a changé à partir du moment où ses capacités d’action sur la nature se sont accrues, il est devenu le
« concessionnaire de la planète » (Cournot (1973, p. 422)).
L’idée de régénération est liée à celle de circuit. Si on conçoit la production comme un circuit
matériel, on peut s’attacher aux blocages du circuit, notamment parce que certaines matières sont
épuisées, ou ne se régénèrent pas ; il faut se préoccuper des fonds dont sont issues les ressources.
Mirabeau et Quesnay (1763, p. 274) expliquent que le surplus est le « produit net des biens-fonds ».
Ils relient déjà flux et fonds, mais les économistes du 19e siècle raisonnent plus en termes de flux que
de fonds. Il faut se soucier aujourd’hui des conditions dans laquelle la nature délivre des flux gratuits
de valeurs d’usage, de l’état des divers fonds de la nature qui génèrent les flux (terres, mers, rivières).
Le maintien de la production exige une reproduction matérielle de la nature ainsi que le maintien d’un
certain nombre de conditions générales de la production : climat, biodiversité, etc. Cette reproduction
matérielle de la nature ne peut plus être spontanée, elle exige une intervention réfléchie et concertée de
l’homme pour la favoriser. Deux reproductions séparées doivent se réaliser pour une bonne marche de
l’économie. D’une part les circuits de la nature qui produisent les ressources et les fonds de la nature
doivent se reconstituer en permanence. D’autre part, la reproduction économique doit s’opérer, ce qui
pose des problèmes macroéconomiques, comme par exemple l’insuffisance de la demande.
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Se situant dans une démarche qui donne son importance à la renouvelabilité des ressources, K.
Boulding (1966) oppose l’ « économie du cow-boy » à l’« économie du cosmonaute » (P. Le Masne
(2012)). L’économie du cow-boy est une économie ouverte et qui se croit illimitée, qui exploite sans
compter et consomme sans réfléchir. L’économie du cosmonaute, vers laquelle il faudrait maintenant
se diriger, est une économie qui est consciente de ses limites matérielles. Les cosmonautes sont
embarqués pour une longue période dans l’espace. Ils savent qu’ils ne peuvent compter que sur des
flux (issus largement de leurs stocks), qu’il faut entretenir avec précaution ces stocks. N. GeorgescuRoegen (1971) a dans la même perspective proposé une nouvelle façon de traiter de la production. La
production résulte de l’action conjointe, au cours de périodes successives, d’un certain nombre de
fonds (terre, capital, force de travail) et de flux (énergie, matières premières, éléments d’entretien des
équipements). Sa présentation permet de mieux comprendre les relations entre les flux et les fonds, de
mesurer si les flux utilisés pour la production ne sont pas excessifs par rapport à l’état des fonds. La
problématique reste compatible avec l’idée classique d’une nature fournissant gratuitement des valeurs
d’usage, mais permet de s’interroger sur les conditions dans lesquelles ces valeurs d’usage peuvent
être délivrées sans détériorer les fonds naturels. Les fonds renouvelables et non renouvelables de la
nature n’ont pas nécessairement pour cela besoin d’être évalués en prix.
Régénération et transformation productive
La production n’est pas seulement une régénération, comme l’affirme Quesnay, un processus
biologique organisé par l’homme dans l’agriculture, mais aussi une transformation non biologique de
matières par l’industrie ou par les services.
T. Benton (1989) a élaboré à propos de ces transformations productives une intéressante critique de la
notion de procès de production chez Marx. Marx a cru que le processus de production dans l’usine
était général, en a fait le représentant de toute forme de production. Le procès de travail repose pour
Marx sur 3 éléments simples : l’activité personnelle de l’homme au travail, l’objet sur lequel le travail
agit, le moyen par lequel il agit. L’homme, à la manière d’un forgeron qui frappe de l’acier
incandescent, modifie la forme ou l’apparence de la matière et satisfait ainsi les besoins de l’homme.
Pour Benton, toute production repose sur une structure intentionnelle, qui, pour l’industrie, est une
structure intentionnelle de transformation. Mais les structures intentionnelles de l’agriculture, la pêche
ou l’extraction de minerai ne sont pas identiques. Dans l’agriculture, le travail de l’homme consiste à
réguler les forces de la nature, à faire en sorte que le blé soit semé au bon moment, que les bêtes se
développent et évitent les maladies. La pêche n’a pas exactement la même structure intentionnelle que
l’agriculture. Les mines ou la construction diffèrent de l’agriculture et de l’industrie. Marx a
abusivement généralisé les conditions de production de l’industrie à l’ensemble de la production et a
par conséquent négligé certaines questions de la reproduction matérielle de la nature. La portée de son
idée selon laquelle la production implique un métabolisme entre l’homme et la nature en est affaiblie.
Les matières premières utilisées dans la production apparaissent comme dégagées de toute insertion
géographique, économique et sociale, librement manipulables. La question de la renouvelabilité des
matières premières n’est pas posée.
La production ne relève pas d’une structure intentionnelle unique. L’immense domaine des services,
aujourd’hui 80 % du PIB dans les pays développés, a des structures intentionnelles de production
variées, et s’appuie également sur la nature pour produire. Le transport aérien utilise beaucoup
d’énergie et produit beaucoup de gaz à effet de serre ; même les services dits immatériels
(communication électronique) ont une dépense en énergie importante.
Quel apport du courant néoclassique ?
Le courant néoclassique « traditionnel » a développé des outils pour rendre compte des questions
d’environnement. A. Pigou (1920) a élaboré le concept d’externalité, qui permet de rendre compte des
conséquences inintentionnelles d’actions intentionnelles sur des marchés, notamment en matière
d’environnement. Mais le raisonnement n’est pas conçu en termes de circuit, en termes d’effet de flux
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de production sur des fonds de la nature. H. Hotelling (1931) a commencé à construire ce qu’il appelle
une « économie des ressources épuisables », en définissant un taux optimal d’utilisation de ressources
épuisables pour des biens comme le pétrole. Mais, comme le montre G. A. Smith (1982), si beaucoup
d’économistes ont été attirés par la rigueur mathématique de Hotelling, ce dernier ne répond pas aux
problèmes posés antérieurement et dans un cadre d’analyse différent par L. Gray (1914) et J. Ise
(1925)2.
Sous la pression de l’écologie, après une période de grand oubli de la terre, les néoclassiques, et
notamment R. Solow (1974 a, 1974 b), ont introduit un nouveau facteur dans la fonction de
production, le « capital naturel ». L’idée sous-jacente est que la terre, ou d’autres facteurs naturels,
offrent des services, qui, comme les autres services, méritent une rémunération. Le capital naturel est
différent du capital traditionnel (ou artificiel), et substituable à lui. La substitution des facteurs et le
progrès technique conduisent à ce qu’il n’y ait pas de véritable problème de ressources naturelles (R.
Solow (1974 a, p. 11)).
Les économistes énergéticiens introduisent la transformation et la régénération à partir de l’énergie
solaire. Les énergéticiens affirment avec raison qu’il y a une limite à la dépense d‘énergie possible.
Mais ils vont ensuite beaucoup plus loin, et expliquent la valeur des objets à partir de l’énergie qu’ils
contiennent Ainsi, pour Farber, Costanza et Wilson (2002, p. 382) :
« Une théorie de l’énergie affirme que, au moins à l’échelle globale, l’énergie libre ou disponible du
soleil (plus l’énergie passée du soleil stockée dans les énergies fossiles et la chaleur résiduelle au
coeur de la terre) sont les uniques intrants « primaires » du système. Le travail, le capital
manufacturier, et le capital naturel sont des « intrants intermédiaires ». Ainsi, on pourrait fonder une
théorie de la valeur sur l’utilisation dans la production de l’énergie disponible».
Les énergéticiens commettent une erreur comparable à celle de Quesnay qui croyait que seule
l’agriculture est productive en pensant que le processus économique est analogue à un processus de
production d’énergie et que l’énergie est la cause de la valeur.
III. Une production soutenable
P. Mulder et C. J. Van den Bergh (2001) ont donné une description intéressante de ce que pourrait être
une production soutenable : une utilisation raisonnable des ressources naturelles, une protection des
caractéristiques et fonctions de l’écosystème, une préservation de la diversité biologique, un niveau
d’émissions dangereuses inférieur aux seuils critiques, un refus des dommages irréversibles à
l’environnement et à la nature. Ce programme est délicat à mettre en œuvre. Toutefois il est possible
de passer à long terme d’une logique d’énergie fossile à une logique d’énergie renouvelable (M.
Jacobson et M. Delucchi (2011), Association Negawatt (2011)). Des accords internationaux sur la
limitation des émissions de CO2 sont délicats à obtenir, mais pas impossibles, il en est de même pour
la biodiversité. On mesure l’importance du recyclage et de la régénération des matières déjà utilisées.
La question de la dématérialisation de la production, du découplage entre augmentation du volume de
matières utilisées et croissance économique devient très importante (PNUE (2011)). L’économie se
préoccupe du maintien de ses divers fonds de ressources naturelles. Un programme de recherche
s’ouvre auquel il est contribué ici en montrant comment la notion de production soutenable peut être
définie et sur quels moyens d’action elle peut s’appuyer.
Comment définir une production soutenable ?
Gray se demande s’il faut toujours admettre que les choix et demandes des consommateurs pour des produits
de la nature sont justifiés, ce que fait Hotelling. J. Ise avait émis l’idée que les ressources épuisables devraient
être vendues à un prix équivalent à leurs substituts renouvelables lorsqu’ils existent, par exemple le baril de
pétrole au prix d’une quantité de sucre de canne fournissant une énergie équivalente ; Hotelling n’envisage pas
de telles hypothèses.
2
8
Pour comprendre le rôle de la nature dans la production, une philosophie de la nature et des rapports
des hommes à la nature (C. Larrère, R. Larrère (1997)) est utile. Le développement soutenable exige
une co-évolution entre les hommes et la nature. Cette co-évolution se manifeste depuis longtemps,
puisque les hommes sont eux-mêmes le produit de la nature. Avec le pouvoir d’influence de plus en
plus grand que la science et la technique donnent aux hommes sur le reste de la nature, cette coévolution peut devenir plus conflictuelle. Le métabolisme entre l’homme et la nature doit être respecté
et amélioré et les hommes doivent agir de façon mesurée vis-à-vis de la nature.
La production a acquis dans les sociétés modernes une certaine indépendance vis-à-vis des autres
systèmes sociaux, famille, culture, science. La production repose largement sur des entreprises et
d’autres institutions spécialisées. Cependant, l’indépendance de la production vis-à-vis des autres
systèmes sociaux n’est pas totale (K. Polanyi (1975)), comme le montre l’influence de la culture sur
les modes de consommation et de production (J. Baudrillard (1972)). Certaines façons de produire et
de consommer pèsent moins sur la nature.
La distinction entre valeur d’usage et valeur d’échange reste importante. La nature produit des valeurs
d’usage en abondance, sans être pour autant un « capital naturel ». La nature, considérée dans son
usage productif, est constituée de fonds, et de flux provenant de ces fonds. Certains fonds sont hors de
notre portée. Nous n’avons aucune action sur la quantité de lumière délivrée par le soleil. Au contraire,
d’autres flux, comme le bois, viennent de fonds sur lesquels nous avons une influence. Il faut prendre
garde de ne pas prélever dans les divers fonds de la nature des flux de valeurs d’usage plus importants
que ce qu’ils peuvent fournir, et se préoccuper des restitutions (polluants, déchets) à la nature.
Le schéma 1 revient sur les composantes de la nature, en y opérant certaines distinctions. Une
première distinction au sein de la nature est faite entre les hommes et la nature extérieure à l’homme.
Cette nature extérieure à l’homme peut être décomposée en 3 parties. La nature hors de portée de
l’homme (étoiles, soleil) - on peut parler de nature 3 -, est celle sur laquelle l’homme ne peut exercer
aucune action, bien qu’il en dépende pour sa vie de tous les jours (lumière du soleil). La nature relative
aux équilibres profonds de la terre (nature 2) est constituée de structures physiques ou biologiques
propres à notre planète, teneur en gaz de l’atmosphère, climat, couche d’ozone, biodiversité. Ces
équilibres, mis à mal de façon longtemps inconsciente par l’homme, doivent désormais être préservés
de façon consciente. La nature immédiatement à la portée de l’homme est celle qu’il peut transformer
pour satisfaire ses besoins (nature 1). Pour diverses raisons (culture, techniques), une partie seulement
de cette nature 1 est exploitée économiquement par les hommes. Certaines sociétés mangent des
chenilles, des escargots et de grenouilles, tandis que d’autres le refusent. Le pétrole ne devient une
valeur d’usage exploitable que lorsqu’une société l’incorpore dans son système de besoins. La
constitution des valeurs d’usage de la nature utilisées par l’homme n’a donc rien de spontané, comme
avaient tendance à le croire les Classiques et Marx (voir sur ce point les critiques que Baudrillard
(1972) adresse à Marx à propos de son naturalisme de la valeur d’usage). Elle est un processus social.
La production concerne les relations des hommes avec la nature économiquement transformable
(nature 1), et aussi avec les équilibres profonds de la terre (nature 2).
Le schéma 2 décrit de façon simplifiée les relations des hommes à la nature utilisable
économiquement, en distinguant deux grandes catégories de fonds (naturels et humains), ainsi que
deux catégories de flux de ressources.
La première catégorie de fonds est constituée des fonds naturels de la Terre, dont les hommes tirent
des ressources (terres, mers, rivières, vents, plantes, animaux..), ainsi que des équilibres qui existent
entre ces fonds (climat, biodiversité). La seconde catégorie de fonds est centrée sur l’homme 3, avec la
population et ses capacités à travailler dont émane un flux de travail, mais aussi avec des fonds
culturels, des fonds techniques et scientifiques, des fonds d’équipements productifs et d’infrastructures
(stock de capital productif) ; certains fonds humains, comme la population, sont renouvelables ou
3
La présentation de la population comme fonds et du travail comme flux est reprise de N. Georgescu-Roegen
(1971).
9
reproductibles dans certaines conditions ; des fonds comme la science et les techniques sont
améliorables.
Le schéma 3 détaille les flux de ressources renouvelables et non renouvelables, avec une classification
des ressources légèrement différente de celle de B. Fernow4 (1895).
Nature
Nature extérieure à l’homme
Hommes
Nature hors de portée des hommes (nature 3) : étoiles, soleil..
Equilibres profonds de la nature (nature 2) : climat, biodiversité..
Nature utilisable économiquement par les hommes (nature 1) : terres, mers, plantes..
Hommes
Schéma 1 : La nature et ses composantes
4
Fernow distingue 4 catégories de ressources naturelles : a) les ressources inépuisables ; b) les ressources
épuisables et non renouvelables ; c) les ressources renouvelables mais sujettes à dégradation sous condition
d’activité accrue ; d) les ressources renouvelables dont la production pourrait être augmentée si gérées
scientifiquement.
10
Fonds de la nature
100
Nature803
Soleil
Nature602
Climat40
Biodiversité
20
Ecosystèmes
0
Nature 1
Sols
Sous-sols
Eaux
Plantes
Animaux
Pl
Flux de ressources non
renouvelables et de
valeurs d’usage
Flux
Est
de ressources
renouvelables et de
Ouest
valeurs d’usage
Nord
1er 2e trim.3e trim.4e trim.
trim.
Fonds humains
sur lesquels intervient l’homme
Population, capacités de travail
Culture, organisation
Sciences, techniques
Equipements, infrastructures
Flux associés
_____________________
Travail
Innovation culturelle
Innovation scientifique
Investissement
Schéma 2 : Fonds de la nature, fonds humains et flux de ressources associés
La production résulte d’abord d’une action de l’homme (avec ses équipements) sur les fonds et flux
de la nature pour obtenir des valeurs d’usage de la nature, ensuite d’une transformation de ces produits
(dans l’industrie et les services). Les valeurs d’usage obtenues de la nature sont en général
transformées en valeurs d’échange sur des marchés : le blé est produit en général pour être vendu. La
production nécessite une reproduction d’un circuit économique et une reproduction matérielle de la
nature. L’entretien des fonds de la nature constitue une des dimensions de la production. Les hommes
ont appris au cours des siècles à orienter la fertilité de la nature. Ils doivent aujourd’hui apprendre à la
préserver, le maintien de la biodiversité étant à cet égard fondamental. Au-delà des équilibres
matériels des divers secteurs de la production et des divers fonds, le maintien des équilibres du climat
et de la biodiversité constitue une contrainte globale pour la production. La production pose enfin la
question de la répartition des dons gratuits de la nature.
11
Flux de
ressources
non
renouvelables
Rareté faible ou moyenne : roches, calcaire
pour ciment, sable, autres matériaux..
Rareté forte : minerais, pétrole, gaz, charbon,
autres énergies fossiles..
Avec dégradation possible :
eau..
Inépuisables
Flux de
ressources
renouvelables
Sans dégradation : lumière,
vagues, vent, géothermie..
Avec
épuisement
possible des
fonds associés
Produits de l’agriculture, de la
pêche, biomasse..
Schéma 3 : Les divers flux de ressources naturelles
Sur la base des remarques précédents, la production, au sens de production soutenable, peut être
définie comme « un sous-système d’interactions institutionnalisées entre la nature et les hommes
organisés en sociétés, s’appuyant sur le travail des hommes, leurs connaissances techniques et
scientifiques et leurs équipements productifs. La production, organisée en large partie au sein
d’entreprises, délivre, en recourant aux valeurs d’usage d’une nature stimulée à cet effet, un ensemble
de commodités et d’agréments. Ces commodités prennent en général la forme de valeurs d’échange,
destinées, à divers stades de la production, à satisfaire des besoins personnels et sociaux. Ces besoins
sont eux-mêmes liés à la culture et aux possibilités techniques et scientifiques. La production respecte
les divers fonds (terres, eaux) et équilibres de la nature (climat, biodiversité) et les hommes corrigent
au mieux les déséquilibres provoqués au sein de la nature par la production. L’économie traite des
problèmes d’équité dans l’utilisation des fonds et des flux de la nature ».
Pour accéder à la nature et la transformer, les hommes sont amenés d’une part à pratiquer des formes
variées de division du travail, d’autre part à mettre en place des droits de propriété ou des droits
d’accès à la nature (contrats de fermage par exemple). Les droits de propriété sont divers, propriété
individuelle ou collective, propriété communautaire ou étatique ; ils prennent dans certains cas la
forme de non-propriété ou de propriété de l’humanité (haute mer ou Antarctique, voir P. Le Masne
(2009)). Des systèmes économiques se construisent sur la base de la division du travail et du système
de propriété, en relation avec le niveau des techniques.
Le rôle de la nature pour la production et pour la compétitivité reste très important :
- Le prix du travail (ou de la force de travail) est par exemple nettement plus faible en Europe de
l’Ouest que dans certains pays asiatiques ou africains, amenant des firmes européennes à délocaliser
leur production là-bas pour la rapatrier ensuite. Dans les pays à faible prix de la main d’œuvre, les
hommes vivent dans des systèmes économiques moins marchandisés, moins urbanisées, où le contact
avec l’agriculture vivrière et la nature est étroit, ce qui permet une reproduction des forces de travail
de la population à un prix réduit ; la faiblesse des dépenses d‘éducation et de santé joue aussi son rôle.
L’insertion d’un pays dans la division internationale du travail dépend donc des relations que sa
population établit avec la nature. Avec le développement et l’urbanisation, les rapports de l’homme à
12
la nature se modifient et le prix du travail augmente, comme le montre l’exemple de la Chine
aujourd’hui.
- Les spécialisations nationales sont souvent, au moins au départ, construites sur des interactions entre
les hommes et la nature, qui sont propres à chaque pays : exportation de bois au Canada, ressources
agricoles ou minières ailleurs. Ceci reste vrai dans des pays à haut niveau de revenu, comme le montre
aujourd’hui l’importance de l’extraction du gaz de schiste pour les Ėtats-Unis.
IV. Comment promouvoir une production soutenable ?
Divers outils peuvent promouvoir une production soutenable. On donne une classification des secteurs
centrée sur la renouvelabilité des ressources, puis d’autres moyens sont examinés.
La classification décrite dans le schéma 4 comporte 3 secteurs principaux :
1)
le secteur des renouvelables (secteur primaire) produit des matières premières et des énergies
renouvelables pour l’agriculture, l’industrie et les services ; ces matières et cette énergie sont issues de
l’agriculture, mais aussi de l’industrie (énergie renouvelable) ;
2)
le secteur de la transformation, de la régénération5 et du recyclage transforme les matières
premières et l’énergie renouvelables pour produire des biens et services ; il régénère aussi des
éléments matériels déjà consommés (eau, par retraitement), ou déjà utilisés (fer, cuivre, béton, par
recyclage) pour les transformer en matières premières à nouveau utilisables. Ce secteur, qu’on peut
qualifier de secondaire, regroupe des secteurs industriels et de services. Selon le schéma 4, l’industrie
et les services ne sont pas si différents, ils transforment ou utilisent tous deux des matières premières.
Pour l’industrie, il s’agit le plus souvent d’une transformation, tandis que l’objectif des services n’est
pas de transformer des matières pour les revendre sous une forme modifiée même si l’utilisation de
matières premières reste importante pour ces services. Certains services utilisent peu de ressources
matérielles et d’énergie (éducation, administration). D’autres recourent fortement à l’énergie, comme
le transport. Les services de type touristique nécessitent souvent beaucoup d’énergie (pour le
transport) et exigent également un recours important à la nature ou à la culture (présence nécessaire de
belles plages, de beaux paysages ou monuments) ;
3)
le secteur de l’extraction des matières premières et énergies non renouvelables (pétrole, mines,
roches). Il s’agit d’un secteur dont l’importance doit décroître, aux dépens du secteur des
renouvelables ; des substituts renouvelables sont à rechercher et à favoriser6.
Les 3 secteurs produisent. Toutefois le secteur de la production de matières renouvelables joue un rôle
particulier et conditionne le fonctionnement des deux autres. Le troisième secteur pose problème du
fait de sa non-renouvelabilité, et doit être géré avec des règles spécifiques, dans une perspective de très
long terme. Certains flux non renouvelables (extraction de cailloux) restent abondants tandis que
l’étain ou le pétrole sont sujets à épuisement.
5
Le terme de régénération est utilisé ici à un sens différent de celui de Quesnay. La régénération ne concerne pas
comme chez Quesnay la production de la vie (dans l’agriculture) mais le retraitement appliqué à des matières
renouvelables déjà utilisées pour les rendre à nouveau utilisables par l’homme (eau, papier).
6
Une réflexion sur ces substitutions est toutefois nécessaire, à la fois sur le plan écologique et économique. On
ne peut pas par exemple dire que la substitution de biocarburants au pétrole doit être systématiquement favorisée.
Cette substitution est favorable sur le plan écologique, mais ne l’est pas nécessairement sur le plan économique
si les terres utilisées sont substituées à des cultures vivrières.
13
Agriculture, pêche (1.1) : blé, viande, bois, poisson..
Production de
matières
et énergies
renouvelables (1)
Matières premières industrielles (1.2) : lin, coton, soie..
Energies (1.3) : solaire, éolien, hydroélec., biocarburants..
Agroalimentaire (2.1) : boulangerie, fromagerie..
Activités de
transformation,
régénération
et recyclage (2)
Industrie basées sur des matières renouvelables (2.2) :
textile, habillement, cuirs, chimie végétale..
cuirs, chimie végétale
Industries basées sur des matières non renouvela. (2.3) :
métallurgie, électronique, chimie minérale..
Construction et travaux publics (2.4)
Services utilisant fortement matières et énergies (2.5.1) :
transports, télécommunications, tourisme..
Tourisme..
Services utilisant faiblement matières et énergies (2.5.2):
enseignement, administration..
Régénération des matières renouvelables (2.6) : eau,
papier, chiffons..
Production de
matières premières
et énergies
non renouvelables
(3)
Retraitement des matières non renouvelables et
recyclage (2.7) : métaux, plastiques, bétons..
Production de matières non renouvelables (3) : roche,
sable, nitrate, métaux, charbon, pétrole, gaz..
Schéma 4 : Les secteurs d’activité selon une logique de renouvelabilité des ressources
Au-delà de la classification précédente, si on veut développer les raisonnements en termes de flux et
de fonds, une compréhension beaucoup plus détaillée des rapports entre les circuits de la nature et
ceux de l’économie est nécessaire. Des indicateurs du type de l’empreinte écologique, basée sur la
notion de « biocapacité », nous renseignent sur les prélèvements dans la nature. La comptabilité
nationale a son mot à dire sur les fonds de la nature et les flux qui en sont issus. Divers travaux
décrivant flux et fonds de ressources naturelles ont vu le jour (A. Vanoli (2002, p. 433)).
Les Nations-Unies (2014) ont récemment publié le Système de comptabilité environnementale et
économique (SCEE 2012). La philosophie de ce travail reste inspirée par une pensée néoclassique
« rénovée », qui considère l’environnement comme un capital naturel. Conformément à cette logique
néoclassique, la distinction valeur d’usage-valeur d’échange n’est pas reprise ; les éco-systèmes
14
produisent des services naturels7. Toutefois le SCEE 2012 fournit un cadre général de comptabilité de
l’environnement intéressant, et permet d’examiner un certain nombre de relations entre des fonds de la
nature et des flux de ressources. Les tableaux de Ressources et Emplois physiques (TREP) donnent
pour l’eau, l’énergie (et éventuellement d’autres matières naturelle comme le carbone et le phosphate)
une description complète des ressources et emplois de ces éléments, et des relations fonds-flux. Les
TREP constituent l’embryon d’une description des circuits essentiels de la nature et des conditions de
leur reproduction. On peut mesurer des phénomènes d’épuisement de la nature. Si des TREP en unités
physiques sont essentiels, la tenue de comptes de la nature en prix peut dans certains cas être utile,
comme le montrent Kallis, Gomez-Baggethun et Zografos (2013). En complément au SCEE 2012, une
comptabilité des écosystèmes est en train d’apparaître (J. L. Weber (2009), Nations-Unies (2013),
Spangenberg, von Haaren, Settele (2014)).
Smith, McDonald, Patterson (2014) ont tenté de comparer les emprunts que les hommes font à la
nature pour produire, sous forme de carbone, d’azote, de phosphate, et les restitutions dans la nature.
Ils décrivent les circuits de ces éléments essentiels, du prélèvement dans la nature au retour à la nature.
Il apparaît sans surprise que les restitutions de carbone à la nature sont 20 fois plus élevées que les
capacités d’absorption normales de la nature. Ce type d’études constitue l’embryon d’une analyse de la
reproduction matérielle de la nature et complète de façon intéressante les approches de la production
en tant que reproduction économique.
La démarche de l’écologie industrielle pose la question de la régénération des matières premières (E.
Surkman (2004)). Elle propose une vision intégrée des composants du système industriel et s’attache
à la totalité des flux et des stocks de matières et d’énergies au sein d’une économie circulaire (J.-C.
Lévy (2009)). De nouvelles méthodes, basées sur l’écologie industrielle, pourraient se développer pour
comparer divers types de productions. On pourrait par exemple comparer l’agroécologie (O. De
Schutter (2014)) à l’agriculture industrielle. On mesurerait pour une culture donnée le coût direct de la
production mais aussi l’impact des intrants utilisés sur les flux de la production et sur les fonds de la
nature. D’une part un certain nombre de pesticides ou d’antibiotiques se retrouvent dans les flux de
production, exerçant un effet négatif sur cette production, d’autre part ces pesticides et antibiotiques
détériorent la qualité des eux souterraines et des sols. Les « effets externes » chers à Pigou seraient
envisagés sous forme de rétroactions de la production sur elle-même (action négative sur les flux et sur
les fonds de la nature).
Conclusion
Le cadre d’analyse des Classiques reste un bon point de départ pour débattre du développement
soutenable, avec la distinction entre les valeurs d’usage fournies gratuitement par la nature, et les
valeurs d’échange élaborées par les hommes à partir des valeurs d’usage de la nature. La démarche
doit être approfondie pour traiter de la reproduction des flux naturels, dans une logique flux-fonds.
La production pose simultanément des questions de reproduction économique et de reproduction
naturelle. Ces deux reproductions sont différentes mais liées. La production soutenable s’effectue sous
contrainte d’une reproduction de la nature et de ses propres circuits. La question se pose désormais
d’une organisation concertée des prélèvements des hommes dans les fonds de la nature, et de leurs
restitutions à la nature. Pour un certain nombre de fonds, une gestion programmée des prélèvements et
restitutions est nécessaire, en se fixant un horizon de gestion très long. La perspective d’une
production soutenable est celle d’une renouvelabilité de plus en plus forte des ressources et d’une
régénération et d’un retraitement de plus en plus large des ressources utilisées.
7
Les instituts statistiques se contredisent sur ce point. En effet, si on admet que les écosystèmes produisent des
services et des revenus, la nature produit désormais seule. C’est contradictoire avec l’affirmation habituelle (voir
la définition de la production de l’INSEE en introduction de ce papier) selon laquelle seuls les processus naturels
organisés par l’homme sont productifs.
15
Mirabeau et Quesnay (1763, p. 410) disaient voici deux siècles et demi que : « La terre est le bien
universel de l’humanité… C’est la source commune. Toute la terre est le partage du genre humain ».
Compte tenu du rôle fondamental de la terre et de la nature dans la production, la question des biens
communs de la nature et de leur gestion est importante. Ces biens communs, à l’échelle communale,
régionale, nationale et mondiale, jouent un rôle immense dans la vie de tous les jours de la population,
et dans la production. Il importe que les prélèvements (et restitutions) de chaque catégorie d’acteurs
dans la nature soient clairement définis et analysés, que les hommes se dotent des institutions
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