Toutes ces statues, celles qui forment les rangées dans le hall ainsi que celle qui est ainsi
encadrée sont toutes des représentations de cette divinité dont Lacan va nous préciser la
nature.
Là encore on peut regretter que J.-A. Miller choisisse systématiquement d'écrire les ter-
mes chinois que prononce Lacan dans une transcription des plus «!aléatoires!» et qui ne
correspond à aucune des translittérations codifiées (Wade, E.F.E.O., pinyin). Or depuis
1979, le pinyin est le système de romanisation internationalement convenu et c'est le plus
répandu dans les ouvrages modernes.
En chinois le nom complet de cette déesse se dit en chinois Guanshiyin Pu tisatuo (觀世
音菩提薩陀) et en japonais Kanzeon Boteisatsuda. La traduction littérale serait!: Bodhi-
sattva Considérant les Bruits du Monde, Essence de Sapience Qui Considère les Bruits du
Monde, être d'Éveil Considérant les Voix du Monde, La Grande Compatissante.
Lacan l'appelle!: «!celui qui entend les pleurs du monde#», ou encore «!celle qui considère,
qui va, qui s'accorde!». Couramment, en chinois on utilise la forme abrégée Guanyin et en
japonais Kannon (vous retrouverez indifféremment ces deux formulations dans ce texte).
Si en Inde elle est de sexe masculin, en Chine elle est toujours de sexe féminin, une rare-
té dans le bouddhisme. Elle représente la tentative du bouddhisme de s'ouvrir aux fem-
mes (jusque-là interdites comme bonzes). En passant au Japon, cette figure reprend sou-
vent, nous dit Lacan, une forme masculine et «!les personnages sont pourvus de petites
moustaches!». Mais le plus souvent elle a une forme androgyne de façon à ne pas pouvoir
identifier son sexe. Et Lacan nous prie de nous arrêter sur cette transformation.
Il s'agit donc d'un boudhisattva, c'est-à-dire qu'elle a obtenu l'Éveil, mais comme elle ne
veut pas tout de suite accéder au rang de Bouddha, elle s'arrête en cours de route afin de
faire bénéficier de son enseignement les hommes. En Chine, on l'appelle la Déesse de la
Miséricorde, parce qu'elle s'arrête un instant sur le chemin de la Voie, pour observer les
hommes et tendre une oreille compatissante à leurs malheurs. C'est l'équivalent de la
Vierge-Marie chrétienne. On la représente le plus souvent drapée dans une longue robe
blanche qui la couvre de la tête aux pieds!; elle tient en main le vase de jade et une bran-
che de saule!; elle est coiffée d'un chignon et sa peau est aussi blanche que du lait, du
moins est-ce là l'image la plus répandue que l'on ait d'elle en Chine. Elle est souvent as-
sise en méditation, les jambes croisées ou debout sur une feuille de lotus et une orbe
(semblable aux saints chrétiens) dorée entoure sa tête.
Dans ce temple de Sanjusangen-do de Kyoto ce sont 1000 statues dorées de Guanyin qui
sont disposées en dix rangées de cent de part et d’autre d’une d’une grande statue de
2,70 m de haut. Toutes sont des représentations de Guanyin sous la forme de Qianbi
Guanyin (千臂觀音) ou en japonais Senju Kannon (Sahasrabhûjâryâvalokiteśvarâ), Gua-
Guy Flecher — Sur les traces des paupières de Bouddha —5
http://www.lacanchine.com