Attitudes et déformations observées chez le prématuré en dehors

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Mise au point
Attitudes et déformations
observées chez le prématuré
en dehors des problèmes
orthopédiques classiques
Ann. Kinésithér.,
R.
REMONDIÈRE
1982, 9, 227-233
1
L'auteur
met en évidence dans ce travail, les différences
physiologiques et les perturbations imposées au prématuré, lors de son
séjour en couveuse. La maturation neurologique est responsable d'attitudes
qu'il est important de ne pas confondre avec des anomalies de types
orthopédiques; il en est de même pour les attitudes prolongées dans
lesquelles sont placés très souvent les enfants et pour des raisons variées.
La prévention est incontestablement la meilleure solution thérapeutique à
adopter devant de telles situations.
Une bonne connaissance de la maturation neurologique et des
modalités d'accouchement, ainsi qu'une vigilance rigoureuse, permettront
chez le prématuré de prévenir les déformations provoquées et de pouvoir
mieux considérer à l'approche du terme (41 semaines) les déviations
orthopédiques
vraies justiciables
d'un traitement
kinésithérapique
beaucoup plus spécifique.
1
INTRODUCTION
L'existence de déformations de types orthopédiques aux étiologies
multiples, chez le prématuré, ne doit pas être ignorée. Le prématuré qui se
définit, selon les critères de Lubchenko, comme un enfant né avant 37
semaines ne présente pas les mêmes caractéristiques
physiologiques
(respiratoire, biologique, neurologique ... ) que le nouveau-né à terme.
Le but de ce travail est de montrer les différences qui existent et
d'éviter les pièges tendus lors de l'examen du prématuré, comparativement
à un enfant présentant des déformations vraies, que nous connaissons
tous.
1. Service de médecine néo-natale, Kinésithérapeute, Hôpital de Port Royal, 123, bd de Port-Royal,
F75014 Paris.
227
L
TECHNIQUE
La mise en évidence de toute anomalie repose sur l'examen clinique et
se fait dans l'ordre chronologique par:
- l'observation rigoureuse de l'enfant, soit en décubitus dorsal, soit en
procubitus (la première position étant de loin la meilleure),
- le caractère de la mobilité spontanée et provoquée, dont il faut tenir
compte; celle-ci peut être: symétrique ou assymétrique dans son exécution
globale, complète ou incomplète, compensée ou directe (ces réactions
doivent être reproductibles, mais sont épuisables),
- les réactions au toucher permettent, par un contact approprié
(douceur des mains, température adéquate de celles-ci), de mettre en
évidence ou de provoquer certaines réactions à analyser.
Tout examen du prématuré doit passer par une approche neurologique
de la maturation, dont il convient de connaître les points de repère
essentiels, caractéristiques de l'âge gestationnel. Ainsi la posture d'un
prématuré de 26 semaines ne ressemble en rien à celle d'un nouveau-né à
terme, et cette posture est physiologique. Il semble nécessaire donc de
pouvoir évaluer ces différences.
La confusion avec un déficit quelconque (articulaire, neurologique) ne
doit plus subsister.
L'examen repose sur deux caractères particuliers, qui sont:
- la mobilité d'origine musculaire, elle repose sur la qualité des
automatismes primaires dont le nombre a volontairement été réduit à trois,
sur le tableau 1.
TABLEAU
Terme
ec diffusion
bras
et adduction
1. -
Différences
d'éxécution
de trois réflexes archaïques.
"Moro
Idem
Flexion
et
extension
Parfait:
Extension
Embrassement
Flexion
etAllong.
AB
et
Flexion
ABD
D diffusion
Idem
et
faible
extension
Flexion
Decol!
toute
épaule
avec
aV.-bras
Sans
ABD
des
membres
etCroisé
ABD
large
Sans
Extension
extension
complète
G
doigts
rasping
Défense
anarchique
Flexion
Jusqu'à
doigts
l'épaule
isolée
Ce tableau permet après l'établissement de l'âge gestationnel (calculé
en semaines) de mettre en évidence l'absence de certaines réactions
incomplètes mais normales pour le terme.
228
La mobilité articulaire, elle semble limitée mais doit tenir compte du
bilan du tonus musculaire et essentiellement du tonus de fond, c'est-à':dire
des possibilités d'extensibilité des masses musculaires.
Deux éléments sont indispensables à connaître dans l'évolution qu'ils
vont subir en fonction du terme de l'enfant, ce sont:
- l'extension du genou ou la mesure de l'angle poplité,
- la flexion passive du pied sur la jambe.
Ceci est représenté sur le tableau Il.
TABLEAU II. - Evolution des angles articulaires
du membre inférieur en fonction du terme.
cd'
0::::
~
ecro::i>
cC
cc>
Terme
25°
0° 110°
15°
30°
40°
90°
150°
Angle
pied/jambe180°
90°
Angle poplité
La récapitulation de ces éléments est gravée sur le tableau III.
TABLEAU III. - Caractéristiques physiques des prématurés
en fonction de {'fige gestationnel.
pied/jambe
poplité
e1000
n36
ext.
flexion
racine
0°
170°
batracien
fléchisseurs
flexion
àpartie
2500
fœtal
37
41
1500
40
34
1800
3200
42
60
Enfant
terme
8
mois
ressemble
15°
110°
150°
90°
40°
4
90°
memb.
renforcem.
membre
des
àmoi/
N.-né
terme
in.
att.
7
32
45
semaines
30°
20-25°
hypertonie
globale
hypotonie
hypotonie
inf.
jambes
7,5
mois
6 mois
229
ATTITUDES LI~ES A LA POSITION DE L'ENFANT
1) La position la plus fréquemment observée chez le prématuré est la
position ventrale ffig. 1).
FIG. 1. - Position ventrale chez
ii articulaire complet.
un prématuré
de
30 semaines.
A noter
« l'affaissement
Il n'est pas de notre propos d'en
critiquer le bien fondé, mais on peut
en rappeler brièvement ses avantages :
a. amélioration de la ventilation
spontanée par une meilleure répartition de l'air inspiré, phénomène
lié à :
- un diaphragme moins tendu
qu'en décubitus dorsal, donc plus
efficace.
- une compliance plus basse
qu'en position dorsale;
b. protection contre les fausses
routes et régurgitations (l'air contenu dans l'estomac étant en regard
du cardia, donc plus facile à éliminer).
FIG. 2. - Position ventrale chez un prématuré
de 34 semaines. A noter l'adduction des
hanches, le pied droit normal, la désaxation de
l'avant-pied gauche.
230
\
\
2) Les inconvénients sont liés à la grande labilité du tonus musculaire
du prématuré et entraînent une attitude modifi ée - et qui peut se fixer -' par
la position ventrale (fig. 2).
Les principaux défauts sont résumés sur le tableau de K night (tableau
IV).
TABLEAU
IV -
Origine des petits défauts chez le nouveau-né
(d'après Knight,
ORIGINE
DES PETITS DÉFAUTS
HABITUDES
Attitude de la prière mahométane
1954)
DE SOMMEIL
(Prone, knee-chest
position)
- Pieds en dedans:
du pied.
rotation interne des hanches, torsion tibiale, équin, adduction
- Pieds en dehors:
du pied.
rotation externe des genoux, genu valgum, équin de la cheville, valgus
-
Pieds dans l'axe:
équin de la cheville.
Attitude en grenouille: pro cubitus, décubitus
-
et varus
(Frog leg position)
Rotation externe des hanches, des genoux, genu valgum, valgus et abduction des pieds.
Procubitus jambes étendues
(Prone extended)
- Pieds en dedans: rotation
cheville, métatarsus varus.
interne des hanches, torsion du tibia en dedans, équin de la
- Pieds en dehors: rotation externe des hanches, rotation externe des genoux, équin de la
cheville, valgus du pied.
L'expérience montre que, si de telles déformations existent, on peut,
par la simple vigilance d'un kinésithérapeute averti, y remédier aisément
L'attitude pratique consiste tout simplement et de façon préventive,
après examen rigoureux des membres inférieurs et éliminations des causes
pathologiques
(suspicion de luxation, coxa vara congénitale ...) et
élimination des malpositions des pieds, de varier la position de l'enfant, de
décubitus dorsal en procubitus, à l'occasion de chaque tétée ou gavage.
Toute éducation gymnique reste ponctuelle et parfois mal tolérée pour
deux raisons, qui sont:
l'origine neurologique (maturation cérébrale),
- l'extrême fragilité du prématuré.
ATTITUDES LIÉES A LA DURÉE DE LA POSITION
Né à 27 semaines, un prématuré a de fortes chances de rester en
milieu hospitalier, jusqu'à un terme voisin de 41 semaines, soit environ
231
trois mois. Il va sans dire que la conservation des positions précédemment
citées peuvent avoir des répercussions sur la morphologie de l'enfant. Ainsi
nous pourrons observer des particularités très variées.
Tête
La plagiocéphalie est de loin la plus fréquente de ces dysmorphies;
celle-ci peut être plus ou moins marquée surtout si un forceps a été
pratiqué à la naissance (même pour les enfants de petit poids). Le
chevauchement des sutures des os du crâne est le risque de ce modelage
excessif lié à la position (en dehors de toute pathologie cérébrale).
Décevant, le traitement préconisé pour la plagiocéphalie, reste la
modification de la position de la tête, calée en rectitude par des sacs de
sable, par exemple. La chirurgie reste un geste exceptionnel.
Membre
supérieur
Il n'est pas relevé d'anomalie
notable, seulement quelques
particularités. De par la grande laxité capsulo-ligamentaire et l'absence de
panicule adipeux, il est possible de palper la tête humérale dans le creux
axilaire. Quant à l'attitude bras en adduction (observée en situation
normale jusqu'à 34 semaines), elle n'est qu'une situation de transition qui
ne doit pas méconnaître une paralysie obstétricale ou une éventuelle
parésie. On rencontre plus volontiers, après 36 semaines de gestation, les
bras en abduction à 900, rotation externe à 900 et flexion du coude à 900•
Membre
inférieur
En décubitus dorsal, on peut observer chez le prématuré et aussi en
cas
de gemeJlité, une attitude
spontanée
faisant
apparaître
les membres
inférieurs parallèles. En réalité, on constate:
- un membre en abduction et rotation externe de hanche, avec
hypotonie des adducteurs et flexion du genou,
- un membre en adduction et rotation interne de hanche, avec
hypertonie des adducteurs et flexion du genou.
Le moule utérin est le responsable de cette anomalie de fin de
grossesse. Un délai d'environ une semaine est nécessaire pour obtenir une
récupération spontanée.
Au niveau du pied, on voit fréquemment une fossette, à localisation
latérale externe en avant de la malléole. L'absence de relief musculaire et
de panicule adipeux environnant met en saillie l'extrémité inférieure du
péroné. Cette dépression s'efface à l'extension et à la flexion du pied.
232
- En procubitus, le membre inférieur, par l'intermédiaire des hanches,
est en abduction et rotation externe. U ne telle position, prolongée durant
.plusieurs semaines, peut fixer la déformation. Après retournement de
l'enfant en décubitus dorsal, on note une rotation externe de tout l'axe
jambier, avec une rotule « à 9 h 1/4», ce qui peut faire accroire à une
anomalie des pieds. Il convient de positionner les rotules au zénith pour
éliminer toutes malformations périphériques. Les changement de position
fréquents et alternés (décubitus dorsal et procubitus, sans le poids des
couvertures sur les pieds) aideront ces enfants de petit poids. Dans certains
cas, cette attitude peut se fixer, et il convient alors d'avoir recours à un
traitement orthopédique., mais plus tardivement.
- En décubitus latéral, la position n'étant jamais bien tolérée chez,l~
prématuré, nous ne nous y arrêterons pas. Seuls des impératifs
chirurgicaux assez rares peuvent justifi er une telle position. Ses
inconvénients positionnels sont rares.
- En position assise ou suspendue, pour des raisons médicales e1/ou
chirurgicales, le maintien en position verticale n'est pas sans problèmes et
l'attitude scoliotique est une complication redoutée, mais qui récupérera
sans difficultés, grâce à des mobilisations et des stimulations.
Dans cette énumération, toutes les situations n'ont pas été évoquées,
mais celles décrites sont de loin les plus fréquentes. Néanmoins, ses
anomalies peuvent se rapporter à deux facteurs qui sont l'enfant lui-même
et le mode d'accouchement
- A l'accouchement, lors de la naissance, la compression du fœtus est
capable de provoquer une flexion transitoire des membres, c'est le « tonus
transmis» qui va céder en quelques heures.
- Le type de l'accouchement, siège décomplété, va modifier
considérablement le tonus des membres inférieurs de par l'étirement sur
les ischio-jambiers qu'il réalise.
- La souffrance fœtale nous montrera souvent un enfant « mou» au
tonus de fond imprécis.
- Pour l'enfant lui-même, il est nécessaire d'éliminer les brides
cutanées,
les malformations
évidentes et toutes les situations
neurologiques et de fatigabilité pouvant fausser le dépistage (ainsi que les
anomalies chromosomiques liées à des déformations périphériques et
parfois une trop grande laxité ligamentaire).
N'oublions pas non plus que certaines attitudes forcées, provoquées
(rig. 1) par la mise en place des moyens de contention nécessaires pour les
perfusions, doivent être évitées au maximum. 0 n observe assez
fréquemment un coude en hyper-extension, un main en hyper-flexion ou un
pied en varus équin. Là aussi, la vigilance d'un kinésithérapeute averti
permettra une meilleure prévention.
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