LES TENSIONS1 INTERNATIONALES A LA VEILLE DE

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Chap. 9
LES TENSIONS INTERNATIONALES A LA VEILLE DE LA PREMIERE
GUERRE MONDIALE ou L'engrenage menant à la guerre (1870 à
1
2
1914)
Événements ayant conduit à la Première Guerre mondiale
ANNÉE
1871
ÉVÉNEMENT
18 janvier. Le roi de Prusse Guillaume I er est proclamé empereur d'Allemagne dans la galerie des Glaces
du château de Versailles.
10 mai. Le traité de Francfort met fin à la guerre franco-allemande ; la France doit, outre les indemnités
de guerre, céder l'Alsace et la majeure partie de la Lorraine.
1872
9-11 septembre. L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Russie forment la « Ligue des trois empereurs »
visant à isoler la France.
1875
Juillet. La Bosnie-Herzégovine se révolte contre la domination de l'Empire ottoman.
1877
24 avril. Début de la guerre russo-turque ; la Russie protège les chrétiens slaves des Balkans dans
1878
3 mars. La guerre russo-turque s'achève par le traité de San Stefano.
l'Empire ottoman (Question d'Orient) et cherche à accroître son territoire, son influence et son prestige.
13 juin-13 juillet. C ongrès de Berlin au cours duquel le chancelier allemand Otto Von Bismarck joue le rôle
d'un « honnête courtier » ; la Roumanie, la Serbie et le Monténégro sont libérés de l'Empire ottoman, la
Bulgarie est divisée et partiellement indépendante ; l'Autriche-Hongrie obtient l'administration de la
Bosnie-Herzégovine toujours sous suzeraineté turque ; les tensions s'accroissent dans les Balkans.
1879
7 octobre. Formation de la Duplice entre l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.
1882
20 mai. Adhésion de l'Italie à la Duplice, qui devient la Triplice ou Triple -Alliance.
1885
17 septembre. La Bulgarie annexe la Roumélie orientale sous suzeraineté ottomane ; Otto Von Bismarck
1887
Les rivalités entre la Russie et l'Autriche-Hongrie dans les Balkans mettent fin à la « Ligue des trois
empereurs ».
se sert de l'Italie, du Royaume-Uni et de l'Autriche-Hongrie pour empêcher aux Russes d'intervenir.
18 juin. Le traité secret de Réassurance réaffirme l'alliance germano-russe.
1888
15 juin. Guillaume II devient empereur d'Allemagne.
1890
20 mars. Guillaume II renvoie le chancelier Bismarck ; modification de la politique étrangère allemande :
1894
4 janvier. Signature d'une alliance militaire entre la France et la Russie, dirigée contre la Triple-Alliance.
Guillaume II abroge le traité de Réassurance en dépit du souhait de la Russie, la position de l'AutricheHongrie est indirectement affaiblie, l'Allemagne risque d'être encerclée.
Formation de la Ligue pangermanique.
1896
L'archiduc François-Ferdinand devient l'héritier du trône d'Autriche-Hongrie. Ses buts fédéralistes en font
la cible des nationalistes de la Grande Serbie qui cherchent à démanteler les possessions des Habsbourg.
1
Situation tendue pouvant dégénérer en conflit entre personnes, groupes, Etats. Exemple : tension dans les
Balkans. Menace de rupture d'équilibre (dans un groupe ou entre plusieurs personnes)
2
Enchaînement inéluctable de circonstances dont on ne peut sortir Exemple : l'engrenage de la violence
1
1897
La Russie et l'Autriche-Hongrie se mettent d'accord pour maintenir le statu quo dans les Balkans pendant
dix ans.
1898
13 janvier. Début de l'affaire Dreyfus, condamné pour espionnage au profit de l'Allemagne en 1894, avec
la publication par Émile Zola de « J'accuse...! » dans le journal l'Aurore.
10 juillet-4 novembre. Crise de Fachoda entre la France et le Royaume-Uni au sujet de la colonisation du
haut Nil (Soudan) : humiliation française.
L'Allemagne entame un programme de construction navale ; début de la course aux armements
maritimes.
Échec d'une tentative d'alliance germano-britannique.
1899
18 mai-9 juillet. Première conférence sur la paix à La Haye ; codification du droit de la guerre, résolution
sur la limitation des armements et établissement d'une Cour d'arbitrage international.
9 août. Modification secrète de l'accord franco-russe quant aux conditions de mobilisation.
1900
16 septembre. Accord secret franco-italien sur leurs intérêts en Afrique du Nord.
1902
10 juillet. La France et l'Italie signent une alliance défensive ; la Triple-Alliance est sapée.
Le Royaume-Uni forme une alliance avec le Japon.
1904
8 février. Début de la guerre russo-japonaise.
8 avril. La France et le Royaume-Uni concluent l'« Entente cordiale ».
1905
31 mars. Première crise marocaine : Guillaume II à Tanger soutient le Maroc contre la France.
5 septembre. Le traité de Portsmouth (États-Unis) met fin à la guerre russo-japonaise ; le Japon devient
une puissance mondiale ; la Russie, humiliée, revient à la Question d'Orient.
Le quartier général allemand achève de mettre au point le plan Schlieffen pour une guerre contre la
France et la Russie.
1906
16 janvier-7 avril. La conférence internationale d'Algésiras sur le Maroc est un succès pour la France et
démontre l'isolement diplomatique de l'Allemagne.
Le Royaume-Uni lance le cuirassé Dreadnought.
1907
14 juin. La deuxième conférence de la paix à La Haye élargit et clarifie les règles de la guerre ;
l'Allemagne rejette les propositions de désarmement, accentuant la méfiance envers elle.
31 août. Signature de la Triple-Entente entre la France, le Royaume-Uni et la Russie ; le règlement du
contentieux entre ces deux derniers en Asie centrale élimine l'obstacle britannique aux ambitions
balkaniques de la Russie.
1908
24 juillet. La révolution des Jeunes Turcs provoque une crise dans les Balkans.
5 octobre. L'Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine, provoquant la fureur de la Serbie ; la Russie
est irritée mais hésite à appuyer les Serbes qui veulent la guerre.
1909
Mars. Par la dépêche de Petersburg, l'Autriche-Hongrie met en garde la Russie contre une intervention
dans les Balkans, ce qui exaspère cette dernière contre les Empires centraux.
Le traité secret italo-russe de Racconigi vise à maintenir le statu quo dans les Balkans.
1911
Mai. La société terroriste secrète nationaliste serbe la « Main noire » est formée pour promouvoir la
Grande Serbie.
1er juillet. Seconde crise marocaine : le vaisseau allemand Panther est envoyé à Agadir pour y défier les
intérêts français.
28 septembre. Début de la guerre italo-turque. La Triple-Alliance est minée par les tensions créées par les
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liens d'amitié entre l'Allemagne et la Turquie.
4 novembre. À la conférence d'Agadir, le Maroc devient un protectorat français ; l'Allemagne reçoit des
compensations territoriales mais la crise a démontré son isolement.
L'Allemagne accorde une autonomie limitée à l'Alsace-Lorraine.
1912
17 octobre. Début de la première guerre balkanique ; la ligue balkanique (Bulgarie, Serbie, Grèce et
Monténégro) attaque l'Empire ottoman et libère l'Albanie et la Macédoine.
18 octobre. Le traité d'Ouchy-Lausanne met fin à la guerre italo-turque : l'Italie obtient la C yrénaïque, la
Tripolitaine et le Dodécanèse.
Échec des pourparlers anglo-allemands pour la limitation des marines de guerre ; la course aux
armements s'intensifie.
Décembre. Les conseillers de Guillaume II recommandent une guerre rapide pour briser l'encerclement
par la Triple-Entente.
1913
31 mai. Le traité de Londres met fin à la première guerre balkanique ; les Ottomans abandonnent la C rète
à la Grèce ; l'Albanie obtient son indépendance ; partition de la Macédoine ; la Serbie n'est pas satisfaite
et forme une alliance contre la Bulgarie avec la Grèce.
30 juin-10 août. Seconde guerre balkanique ; la Bulgarie est vaincue par la coalition formée par ses
anciens alliés. L'Autriche-Hongrie empêche la Serbie de s'emparer de la côte adriatique. La Serbie double
sa superficie et la Bosnie-Herzégovine autrichienne devient son prochain objectif.
Préparatifs de guerre : l'Allemagne accroît la taille de son armée ; la France allonge le service militaire de
deux à trois ans ; les puissances européennes augmentent leurs budgets militaires.
1914
28 juin. L'étudiant bosniaque pro-serbe Gavrilo Princip assassine François-Ferdinand et son épouse à
Sarajevo.
5 juillet. L'Allemagne assure l'Autriche-Hongrie de son soutien inconditionnel en cas de conflit avec la
Serbie.
21 juillet. Le président français Poincaré visite la Russie, l'assurant de son entière fidélité à l'alliance.
23 juillet. Ultimatum autrichien à la Serbie.
25 juillet. La Serbie accepte les termes de l'ultimatum sauf la clause concernant la participation d'officiers
autrichiens à l'enquête sur l'assassinat de François-Ferdinand et mobilise partiellement. La Russie décide
de soutenir la Serbie.
27 juillet. Les tentatives diplomatiques de conciliation offertes à l'Allemagne et à l'Autriche par les Russes
et les Britanniques sont rejetées.
28 juillet. L'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie (pour se protéger de la menace des Slaves
serbes).
29 juillet. Mobilisation partielle de la Russie. La Belgique refuse la demande allemande de libre passage
pour ses troupes allant attaquer la France sur son territoire.
30 juillet. Mobilisation générale de la Russie. Mise en « état d'alerte » en Allemagne.
31 juillet. Mobilisation générale de l'Autriche-Hongrie et de la Belgique. L'Allemagne envoie un ultimatum
à la Russie exigeant la suspension de sa mobilisation et à la France réclamant sa neutralité en cas de
conflit germano-russe. Jean Jaurès est assassiné à Paris.
1er août. Mobilisation générale de la France. L'Allemagne mobilise et déclare la guerre à la Russie ; le
Royaume-Uni mobilise sa marine.
2 août. Les armées allemandes entrent au Luxembourg. L'Allemagne adresse un ultimatum à la Belgique
concernant le passage de ses troupes. Le Royaume-Uni garantit la sécurité des côtes françaises.
3 août. L'Allemagne déclare la guerre à la France dont elle a déjà violé le territoire la veille à Cirey, près
de Longwy. L'Italie déclare sa neutralité ainsi que la Roumanie et la Suisse.
4 août. Les armées allemandes envahissent la Belgique. Ultimatum britannique à l'Allemagne lui
enjoignant de respecter la neutralité belge (déclaration de guerre effective). La Suède, la Norvège, le
3
Danemark, les Pays-Bas ainsi que les États-Unis affirment leur neutralité.
5 août. Mobilisation générale du Royaume-Uni.
6 août. La Serbie déclare la guerre à l'Allemagne. L'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie.
11 août. La France déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie.
12 août. Le Royaume-Uni déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie.
15 août. L'Espagne se déclare neutre.
23 août. Le Japon déclare la guerre à l'Allemagne.
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Introduction
En 1914, après un siècle de paix relative et de très grands progrès, l'Europe rayonne sur le
monde entier comme aucun autre empire dans les temps passés. Avec environ 450 millions
d'habitants, elle rassemble le quart de la population mondiale et constitue de très loin le
continent le plus moderne et le plus riche. Malgré tous ces motifs de satisfaction, elle apparaît
extrêmement nerveuse... Entre 1871 et 1914, nombreux sont les facteurs qui ont contribué à
déstabiliser un certain équilibre des puissances européennes. L’impérialisme adopté par les
pays européens, surtout en Afrique, la montée en puissance de l’Allemagne, qui favorisera le
développement des alliances, surtout défensives, entre Etats et l’expansion des mouvements
nationalistes, les crises dans les Balkans, les tensions d’ordre territorial en sont les principaux.
I- LA QUESTION DES NATIONALISMES 3
En Europe règne au cours de la seconde moitié du XIXème siècle un climat conflictuel entre
les grandes puissances que sont les empires allemand, d'Autriche-Hongrie, de Russie,
ottoman, la France, et le Royaume-Uni. Ce climat trouve son explication dans les
bouleversements qui ont eu lieu à partir de 1848 et qui ont engendré des tensions en 1914 sur
le vieux continent.
I.1. Les origines des tensions nationalistes
La question des nationalismes trouve ses origines tout d’abord dans la redéfinition de la carte
de l’Europe en 1815 au Congrès de Vienne4 . Si le congrès prend également la décision
3
Doctrine et action politique des individus qui cherchent à réaliser l’indépendance de leur nation en la libérant
de la domination étrangère.
4
Conférence internationale mise en place pour redessiner la carte de l'Europe à la fin de l’expérience
napoléonienne et qui s’est tenue du 1er septembre 1814 au 9 juin 1815.
1. Pourquoi redessiner la carte de l’Europe ?
En 1814, au lendemain de l’abdication de Napoléo n Ier, les puissances européennes, sous l’influence du
chancelier autrichien Klemens Von Metternich, décident de réduire la France à un état ne lui permettant plus de
prétendre à l’hégémonie sur l’Europe. Il s’agit donc de redéfinir les équilibres territoriaux du vieux continent,
secoué par les tourmentes révolutionnaire et napoléonienne.
Tous les émissaires des puissances européennes (excepté l’Empire ottoman) se réunissent en congrès à Vienne,
de septembre 1814 à juin 1815 — avec une interruption en février 1815, consécutive à l'évasion de Napoléon de
4
l'île d'Elbe. Chacun vient y défendre son point de vue, ses intérêts territoriaux, nationalistes, et tenter de satisfaire
un expansionnisme bien partagé.
2. INTÉRÊTS EN JEU
Le tsar Alexandre Ier, favorable à l'unification des États allemands (pour affaiblir l’Autriche), vient surtout
chercher la formation d'un gouvernement constitutionnel en Pologne, sous couvert duquel il escompte une
annexion. Il nourrit secrètement et vainement l’idée d’une Europe fédérée dominée par la Russie.
Le prince et ministre autrichien Metternich joue un rôle clef dans les négociations. Président du congrès, il met
en avant son idéal d’un équilibre européen francophobe. Il espère que la France perdra tout ressort diplomatique
du fait de ses pertes territoriales. De même, il cherche à freiner les prétentions rus ses sur la Pologne et le courant
du pangermanisme qui incite la Prusse à prétendre absorber la Saxe. Enfin et surtout, il veut créer les conditions
préalables, d’une part, à la constitution d’une confédération des États allemands dominée par l’Autriche (afin
d’avorter toute reconstitution éventuelle du Saint Empire romain germanique disparu en 1806), d’autre part, à
l’extension territoriale de l’Autriche, au renforcement de sa cohérence et de son autorité.
Face aux prétentions de Metternich, le prince Von Hardenberg, principal délégué prussien, est présent pour
défendre une politique permettant d’amoindrir l’émiettement territorial allemand, dans l’espoir de constituer une
confédération allemande gagnant en autonomie vis -à-vis de l’Autriche.
Le vicomte de Castlereagh, ministre des Affaires étrangères anglais, et le duc de Wellington attendent, pour leur
part, plusieurs décisions de Vienne : l’affaiblissement de la France, la stabilisation de la zone Hollande -Belgique,
la possibilité, en accord avec l’Autriche, de freiner l’expansionnisme russe (plutôt vers l’Égée et la
Méditerranée), et surtout la confirmation de leur position d’hégémonie coloniale.
Pour Talleyrand, représentant français de Louis XVIII, la tâche n’est donc pas aisée. Il est en piètre position pour
négocier : selon le vœu de l’Angleterre, de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche, la France et l’Espagne (qui
sort également du joug napoléonien) ne sont pas censées prendre part aux décisions importantes. Habile
diplomate, Talleyrand obtient néanmoins pour son pays une part égale dans les délibérations et compte sur les
divergences anglo-russes pour limiter le démantèlement des possessions françaises.
3. NOUVELLE PARTITION CONTINENTA LE
À l'issue des négociations viennoises, l’Espagne et le Portugal recouvrent leur souverain respectif, détrôné par la
famille napoléonienne. En Italie, le Bourbon Ferdinand Ier retrouve son royaume des Deux-Siciles, et le duché
de Parme est attribué à la femme de Napoléon, Marie-Louise d'Autriche.
3.1. Dispositions concernant les frontières françaises
3.1.1 Limitation des frontières
La France est, pour sa part, dépossédée de tous les territoires conquis par Napoléon Ier et ramenée aux frontières
fixées par le traité de Paris du 20 novembre 1815. Elle est également occupée militairement (jusqu’en 1818) et
tenue de verser de lourdes indemnités de guerre.
3.1.2. Formation d’une zone de protection frontalière
De plus, la redéfinition de la carte européenne aboutit à l’érection d’une zone « tampon » autour de la France,
depuis la Belgique jusqu’à l’Italie piémontaise. Cette zone doit théoriquement protéger les grandes puissances de
toute tentative de pénétration. Ainsi, du nord au sud, le long de cette ligne : les ancienn es Provinces-Unies (dont
la Belgique) sont rattachées aux Pays -Bas autrichiens pour former le royaume unique des Pays -Bas
(indépendants et gouvernés par la maison d'Orange) ; la Confédération helvétique réunit ses cantons et devient
indépendante et neutre ; le Piémont, rétrocédé au roi de Sardaigne (avec la Savoie, Nice et Gênes), constitue la
touche méridionale du dispositif anti-français, en tant que royaume de Piémont-Sardaigne.
3.2. Dispositions concernant les « Quatre Puissances »
Les « Quatre Puissances » (Angleterre, Russie, Autriche, Prusse) se taillent la part du lion, dans le respect du
protocole d’ouverture du congrès, à savoir que « la paix sera faite conformément aux principes du droit public. »
3.2.1. L’empire colonial britannique
La Grande-Bretagne conserve ses frontières, mais obtient plusieurs îles et possessions outre -mer — la province
du Cap (Afrique du Sud), Ceylan (actuel Sri Lanka), l'île Maurice, Helgoland et Malte, la Guyane, les Antilles,
etc. — qui renforcent son empire colonial aux dépens de la France et de la Hollande.
3.2.2. La poussée russe vers l’Ouest
La Russie reçoit les deux tiers de l'ancien Grand-Duché de Varsovie, qu'elle organise en un royaume polonais
autonome gouverné directement par le tsar Alexandre Ier. Elle obtient, en outre, la Bessarabie et la Finlande, ce
qui lui donne un accès à la Baltique. En échange de la Finlande, la Suède absorbe pour sa part la Norvège ; les
deux royaumes sont réunis sous le règne de Charles XIV de Suède.
3.2.3 L’extension des territoires prussiens
La Prusse obtient la Posnanie, la moitié nord de la Saxe, une grande partie des provinces de Rhénanie et de
Westphalie, enfin une partie de la Poméranie. Si le duché de Hanovre est agrandi et érigé en royaume et que le
duché du Schleswig est incorporé au Danemark, la Prusse renforce son aura sur les États allemands.
3.2.4. Le bloc autrichien
5
importante de condamner la traite des Noirs et qu’il accorde la liberté de navigation sur les
fleuves traversant plusieurs États ou constituant une frontière politique, son principal souci a
donc bien été un vaste rééquilibrage des nations et empires européens. Mais ce redécoupage,
qui assure la paix continentale à la vieille Europe absolutiste pendant près de quarante ans,
nourrit en son sein sa propre dégénérescence. En effet, toutes les tractations se font au
détriment et au mépris du droit des nationalités ou des confessions. Ainsi en va-t-il du
Schleswig intégré de force au Danemark, de la soumission des catholiques belges à un
souverain hollandais protestant ; ainsi en va-t-il également du partage italien et de
l’émiettement allemand. Dès 1823-1824, les intérêts divergents des grandes puissances
montrent le caractère artificiel du découpage de 1815, contre lequel les révolutionnaires et les
nationalistes de toute l’Europe, mais aussi Napoléon III, ne cessent bientôt de lutter, jusqu’à
favoriser un nouvel éclatement de l’Europe et la redistribution des nationalités à la fin du
XIXe siècle, lors de l’autre grande conférence diplomatique du siècle, le congrès de Berlin de
1878.
I.2. Les premières révolutions nationalistes (révolutions grecque et
belge)
Lors de la Révolution française, s’est répandue l’idée démocratique selon laquelle les peuples
partageant les mêmes origines ethniques, la même langue et les mêmes idéaux politiques ont
le droit de former un État indépendant soit en se séparant d’un État dominant, soit en
regroupant des populations soumises à différents dirigeants. Dès lors, se mettent en place des
révolutions et des mouvements nationalistes : guerre de l’indépendance grecque 5 aboutissant à
Enfin, selon les vœux de Metternich, l'Autriche recouvre la plupart de ses territoires perdus et, en compensation
de l’indépendance hollandaise, reçoit quelques enclaves allemandes et terres italiennes (Lombardie, Vénétie),
ainsi que le territoire de la Dalmatie, jusqu’alors propriété de Venise. Elle s’assure ainsi une position dominante
en Italie grâce à ses possessions, alliances et protectorats ; de plus, elle constitue un bloc homogène transalpin
qui, ajouté à la présidence de la nouvelle Confédération germanique, lui permet de dominer l’Europe centrale et
méridionale.
3.3. Création d’une Confédération germanique
Les avantages consentis à la zone allemande entrent dans le dispositif visant le démembrement de l’Empire
napoléonien : sous la présidence de l'empereur d'Autriche, une confédération d’États — la Confédération
germanique — regroupe trente-quatre États souverains et quatre villes libres. C’est un premier pas vers l’id éal de
l’unification allemande.
5
Révolution menée par les Grecs contre la mainmise turque entre 1821 et 1829, et qui a abouti à la création d’un
État grec indépendant de l’Empire ottoman.
ORIGINES DE L’ÉLAN NATIONALISTE GREC
À la fin du XVIIIe siècle, la domination ottomane entraîne au sein de la population grecque une lassitude à la
fois religieuse (les chrétiens orthodoxes sont brimés par un État musulman) et sociale (interdiction faite aux
Grecs d’acquérir des terres agricoles). Tendant progressivement vers la critique ouverte, ce pre mier abattement
donne bientôt lieu à des révoltes, comme dans le Péloponnèse (1770) ou en Épire (1790-1803).
À ces vives contestations s’ajoute, à l’aube du XIXe siècle, l’influence cardinale du mouvement philhellénique
qui s’épanouit en Europe occidentale, relayé par les intellectuels et une riche diaspora grecque. De nombreuses
sociétés secrètes essaiment sur les rives de la Méditerranée. Konstantinos Rhigas (dit Vélestinlis), le premier à
avoir cherché à obtenir l’indépendance du pays, promeut une association de patriotes fondée à Vienne, l’Hétairie
politique. Arrêté et exécuté en 1798 par les Turcs, il donne cependant naissance à un mouvement nationaliste
rallié derrière son Chant de guerre (« Allons, enfants de la Grèce ») calqué sur la Marseillaise rév olutionnaire.
Après sa mort, le combat est repris par Adamantios Coraïs, instigateur d’une nouvelle association patriotique,
l’Hétairie des Philomuses (1812). En 1814 à Odessa est créée une troisième société secrète, l’Hétairie amicale,
présidée par Alexandre Ypsilanti, Phanariote proche du tsar Alexandre Ier. L’Empereur russe soutient en effet
cette action, souhaitant tirer profit de la fragilité de la « Sublime Porte » pour obtenir un accès direct aux Détroits
— en 1774, il a déjà obtenu le droit de protection des Grecs vivant en territoire ottoman.
6
la création d’un État grec en 1829 (La guerre patriotique, puis l’obtention de l’indépendance
du peuple grec, ont concouru à stimuler et renforcer les idéaux nationalistes dans l’Europe de
la première moitié du XIXe siècle) ; Révolution belge6 de 1830 donnant naissance à la
Belgique
Ces sociétés secrètes prônent toutes la résurrection d’une « Grande Grèce », fondée sur le modèle de l’Empire
byzantin. Cet idéal fournit l’alibi mobilisateur qui donne naissance à un pugnace mouvement nationaliste grec.
L’AUDACE ET L’INDÉPENDANCE
En mars 1821, avec ses deux frères Démétrios et Nicolas, Alexandre Ypsilanti profite du désordre créé en
Albanie par la rébellion d’Ali Pacha pour lancer la guerre d’Indépendance, à partir des principautés da nubiennes
et à la tête d’une armée financée par les riches négociants issus de la diaspora. La réticence des catholiques
roumains (qui refusent de se soumettre au joug orthodoxe grec) et le caractère profondément désuni des
différents mouvements nationalis tes grecs ont raison de cette entreprise. Mais l’insurrection fait tache d’huile : le
Péloponnèse dans son entier, puis Athènes et Thèbes se révoltent. Le 12 janvier 1822, un congrès réuni à
Épidaure proclame l’indépendance grecque et élit un président du Conseil exécutif, Alexandros Mavrocordatos.
C’est alors que la répression ottomane se radicalise : la pendaison du patriarche de Constantinople, les massacres
de Chios (avril 1822), puis le long siège de Missolonghi (1824-1826) en sont les plus funestes manifestations. De
ces massacres émerge un martyrologe de la cause grecque qui exacerbe le philhellénisme des républicains
européens et fait de la « question grecque » une affaire européenne. Goethe, Chateaubriand, lord Byron et
d’autres intellectuels appuient la cause hellénique, relayés par la création de nombreuses sociétés philhelléniques
disséminées à travers l’Europe.
Les années suivantes sont émaillées d’affrontements sanglants entre Grecs et Turcs. À partir de 1825, la marine
de guerre dépêchée par le vice-roi d’Égypte, Méhémet Ali, fait tomber une à une les zones de rébellion : Navarin
en 1825, Missolonghi en 1826 et Athènes en 1827. Par le traité de Londres (6 juillet 1827), les grandes
puissances unissent leurs efforts pour empêcher l’anéantissement de la révolte grecque et s’engagent à créer un
État grec autonome, néanmoins intégré à l’Empire ottoman. Puis, le 20 octobre 1827, la flotte de la Triple Alliance détruit à Navarin celle du sultan. L’offensive européenne contraint l’Empire ottoman à signe r le traité
d’Andrinople le 14 septembre 1829. L’indépendance grecque y est reconnue « dans le cadre d’une vassalité
envers l’Empire ottoman », ce qu’officialise le traité de Londres du 3 février 1830. Mais la Grèce, selon le vœu
de toutes les puissances, est faite faible. Ses frontières sont celles d’un « État croupion », amputé de nombreuses
îles égéennes et, vers le nord, de territoires convoités par la Russie. Ses premières capitales, Nauplie, Égire, sont
des bourgs insignifiants.
Cependant, dès 1827, une Assemblée nationale grecque a promulgué une Constitution libérale et a nommé le
comte Capo d’Istria, proche conseiller du tsar, à la tête du gouvernement provisoire grec. Après son assassinat,
en 1831, il est remplacé par Othon Ier, le fils de Louis Ier de Bavière. Grâce à la convention de Londres de 1832
(qui permet à la Grèce d’accéder à une indépendance plénière), le Bavarois est couronné roi de Grèce en 1832 et
inaugure une dynastie largement dominée par le poids des intérêts anglais.
6
Mouvement révolutionnaire qui s’est déclenché en 1830 et a scellé la naissance d'un État belge indépendant.
1. LES ORIGINES DE LA RÉVOLUTION
1.1. Une Belgique sous domination étrangère
Après l'expérience napoléonienne, l'Angleterre est soucieuse de museler un e France toujours menaçante. C'est la
raison pour laquelle elle obtient, lors du congrès de Vienne de 1815, la constitution d'un bloc protecteur, au nord
de la France, sous le nom de royaume des Pays -Bas, dirigé par le roi Guillaume Ier d’Orange-Nassau. Non
dénuée de fondement géostratégique, l'unité de deux entités géographiques, la Hollande et la Belgique, ne peut
satisfaire les populations du Sud, qui aspirent à la fondation d'un État belge indépendant.
1.2. Les causes de l'insurrection
L'insurrection belge naît d'un sentiment national, qui se cristallise contre la personne de Guillaume Ier. Malgré la
volonté de développement économique dont fait preuve le roi, les Belges s’insurgent contre sa politique
discriminatoire : prise en charge par les Belges d’une partie de la dette hollandaise, minoration de la langue
française au profit du néerlandais, réduction de l'influence de l'Église dans l'enseignement (ce qui froisse les
catholiques flamands). De surcroît, une opposition libérale se construit avec l'espoir de faire progresser la liberté
de la presse, le droit de vote et, d'une façon générale, toutes les libertés.
En 1828, les catholiques flamands et les libéraux bourgeois créent une « Union » de l'opposition et réclament un
régime parlementaire. Puis, deux ans plus tard, à l’annonce de la Révolution de juillet 1830 en France, la région
s’enflamme.
2. La conquête de l’indépendance
Le 25 août 1830, lors de la représentation de la Muette de Portici de Daniel Auber — au théâtre de la Monnaie
— éclate une émeute à Bruxelles ; le rapprochement entre la situation belge et le sujet de la pièce (lutte des
7
I.3. Les révolutions nationalistes de 1848
A partir de 1848, une vague de révolutions touche l'Europe de plein fouet. Cette période est
appelée le printemps des peuples. D'aspirations libérales et nationales, les révolutionnaires
cherchent à remettre en cause le gouvernement en place. En Italie, les Autrichiens sont
chassés de Milan et de Venise et à Rome, Mazzini proclame la république. A Vienne, en
Autriche, une insurrection contraint Metternich à s'enfuir et une série de révoltes menace
l'unité de l'Autriche-Hongrie. En Allemagne, les libéraux élisent au suffrage universel un
Parlement basé à Francfort. Mais en 1849, ces révoltes sont réprimées: les troupes
piémontaises en Italie sont écrasées par les Autrichiens et une intervention française anéantit
la république romaine. Le Parlement de Francfort est lui aussi défait. L'ancien ordre est donc
rétabli dans certains pays. Néanmoins, ces répressions laissent de profondes cicatrices et
maintiennent à vif les sentiments nationalistes des peuples dominés.
A- Les causes
D’un point de vue général, ce séisme d’échelle continentale remet en cause l’ordre établi au
cours du congrès de Vienne (1815), qui a redessiné la carte de l’Europe sans tenir compte des
spécificités nationales, en particulier dans les Balkans et en Europe centrale. La secousse du «
Printemps des peuples » traverse l’Europe des Empires (se faisant ressentir jusqu’en GrandeBretagne) et témoigne ainsi d’une de ses principales caractéristiques : le réveil des nationalités
qui exigent leur autonomie (tels les Polonais, Allemands, Italiens, Tchèques, Slovaques,
Hongrois, Croates, Roumains, etc.).
Napolitains contre l’Espagne) est évident et les Bruxellois écourtent la soirée en entonnant le couplet « Amour
sacré de la patrie, rends-nous l'audace et la fierté ». Toute la ville s’enflamme alors.
Une commission de l'hôtel de ville, modérée, tente de limiter l'insurrection bruxelloise en proposant une
séparation administrative d’avec le royaume des Pays -Bas. Alors que le débat traîne en longueur, l’insurrection
se répand dans tout le pays et de nombreuses villes adoptent le drapeau tricolore brabançon (noir-jaune-rouge).
Le 23 septembre 1830, l'arrivée du prince Frédéric, à la tête de troupes marchant sur Bruxelles, attise le conflit.
Bruxellois et Wallons dressent des barricades et, à l'issue de plusieurs jours de combats, parviennent à faire
reculer les 12 000 Hollandais qui se sont implantés dans le parc de Bruxelles (27 septembre). Un gouvernement
provisoire est formé et proclame l'indépendance de la Belgique le 4 octobre 1830.
3. UNE MONARCHIE LIBÉRA LE QUI DOIT COMPTER AVEC LES GRANDS
Le nouvel État belge ne peut cependant se passer de la reconnaissance de ses voisins, lesquels décident
d'intervenir : à partir du 4 novembre 1830, à Londres, une conférence révise les clauses du congrès de Vienne.
Alors que la France est favorable à cette agonie de l'édifice de 1815, la Prusse et la Russie s’opposent à toute
révision. Les Anglais, quant à eux, refusent une tutelle française de la Belgique mais souhaiten t une solution
négociée. Le 20 janvier 1830, les conférenciers reconnaissent l'indépendance belge ; en échange, le nouvel État
doit renoncer à une partie de son territoire (Luxembourg, Flandre zélandaise et Limbourg hollandais) et prendre
en charge une partie de la dette hollandaise.
Le Congrès national belge rejette à une écrasante majorité cette solution et, le 3 février 1831, se choisit un roi
français, le duc de Nemours — fils de Louis-Philippe Ier. Adoptée le 7 février 1831, la nouvelle Constitution du
pays est extrêmement libérale. La monarchie constitutionnelle accorde en effet au Parlement l'essentiel des
pouvoirs (contrôle des ministres, vote des lois et du budget), impose un cens électoral modéré et accorde de
nombreuses libertés, telles les libertés linguistique, de culte, de réunion et de la presse.
Toutefois, menacés dans leur intégrité territoriale, les Belges doivent finalement céder aux injonctions
internationales et accepter un roi qui a l'aval des Anglais : Léopold de Saxe -Cobourg. Élu par le Congrès le 4
juin 1831, Léopold prête serment de fidélité à la Constitution le 21 juillet — cette date est, depuis, devenue le
jour de la fête nationale belge.
La situation entre la Belgique et les Pays -Bas se stabilise après les interventions françaises qui limitent les
offensives hollandaises en 1832. Puis, par le traité de Londres du 19 avril 1839, les Pays -Bas reconnaissent
l’indépendance de la Belgique, laquelle doit céder Anvers et le Luxembourg.
8
B- Le cours de révolutions
La révolution française, déclenchée le 22 février 1848, fut l’un des détonateurs d’une crise
d’envergure continentale.
1. L'Italie et l'aspiration à l'unité nationale
Sous l’horizon d’une Italie morcelée par les petits royaumes, la révolution est provoquée par
une triple aspiration des Italiens à la liberté politique, à l’unité de la péninsule (voir
unification italienne), à l’indépendance vis-à-vis de l’Empire austro-hongrois.
1.1. Réformes et républiques italiennes
À partir de 1846, le pape Pie IX à Rome et le roi Charles-Albert en Piémont-Sardaigne
mettent en œuvre une série de réformes libérales dans leurs États, notamment la liberté de la
presse et le droit de réunion. Ces réformes emportent l’adhésion de patriotes, tel Giuseppe
Mazzini. Mais c’est depuis la Sicile que se déploie le mouvement révolutionnaire.
Le 10 février 1848, le roi Ferdinand II des Deux-Siciles, qui fait face à un mouvement de
rébellion d’inspiration libérale parti de Palerme le 12 janvier, promulgue en hâte une
constitution pour Naples, inspirée de la Charte française de 1830. Première victoire
révolutionnaire, la Constitution napolitaine est immédiatement suivie de celle de Palerme ;
puis, en mars, un Statut constitutionnel (Statuto) est octroyé au Piémont et les États
pontificaux obtiennent du pape l’établissement d’une assemblée.
Au printemps, la nouvelle de la chute du chancelier Metternich embrase toute l’Italie. À
Milan, sous domination autrichienne, des combats mettent aux prises soldats italiens et
autrichiens à partir du 18 mars ; ils aboutissent au départ du gouverneur autrichien le 22 (les «
Cinq Jours »). Le même jour, à Venise — autre possession de l’Empire —, l’avocat libéral
Daniele Manin proclame la « république de Saint-Marc ». À Florence, à Rome, à Turin, les
souverains anticipent l’insurrection en promulguant des constitutions.
1.2. Vers l’unification ?
Parallèlement à cette phase d’établissement de régimes libéraux, le roi du Piémont CharlesAlbert se laisse entraîner par les Milanais dans une guerre d’indépendance contre l’Autriche
(22 mars 1848). Ayant reçu le soutien du grand-duc de Toscane, de Ferdinand II de Naples et
du pape, Charles-Albert se pose en défenseur de l’unification et l’indépendance. Mais le 29
avril, le pape se retire et réprouve cette guerre contre une puissance catholique ; d’autres le
suivent bientôt, effritant la coalition ; trop peu nombreux, les soldats italiens subissent alors
une cuisante défaite à Custozza (25 juillet 1848), ce qui oblige Charles-Albert à signer
l’armistice le 9 août.
Les républicains prennent alors le relais. À Venise, Daniele Manin établit une véritable
dictature républicaine. À Florence, le grand-duc doit fuir et la république de Toscane est
proclamée. À Rome, après la fuite du pape — qui se réfugie à Gaète où Ferdinand II a, entretemps, abrogé la Constitution —, Mazzini dirige la République romaine, proclamée en février
1849 et défendue par les « Chemises rouges » de Giuseppe Garibaldi.
9
Néanmoins, pour que le mouvement prenne une consonance réellement unitaire, il faut que le
roi Charles-Albert s’aligne sur l’élan républicain et fasse triompher l’unitarisme en
combattant l’Autriche. Le 20 mars 1849, ce dernier lance une nouvelle offensive contre
l’Empire qui aboutit à la défaite de Novare (23 mars). Le roi abdique le soir même en faveur
de son fils, Victor-Emmanuel II. Celui-ci conclut la paix ce qui permet au Piémont de garder
son indépendance.
Ce dernier échec donne un coup d’arrêt au rêve unitaire ; les Habsbourg rétablissent leur
autorité en Lombardie, en Vénétie et en Toscane ; la République mazzinienne est étranglée
par une intervention militaire française (juin 1849) qui réinstalle le pape dans son autorité
vaticane ; Venise, assiégée par les Autrichiens, tombe en août 1849. De ces deux années
d’agitation, l’Italie ne conserve que la Constitution du Piémont, faisant désormais office de
champion de l’unité italienne.
2. Le réveil de la mosaïque allemande
2.1. Les facteurs : le sentiment national et la confédération d’Etats
En 1806, en mettant un terme au séculaire Saint Empire, Napoléon I er donne naissance à une
confédération d’États allemands, la confédération du Rhin7 . Mais l’instauration du français
comme langue obligatoire et le poids de l’administration française suscitent une francophobie
qui stimule, par un effet mécanique évident, le sentiment national allemand. Théorisé par
Fichte (Discours à la Nation allemande, 1808), ce sentiment se cristallise progressivement
dans les consciences.
Après la chute de Napoléon, les traités de 1815 redessinent et simplifient quelque peu la carte
politique des pays germaniques, au profit des grandes principautés, notamment de l’Autriche
et de la Prusse. Chancelier autrichien et champion de l’ordre européen issu du congrès de
Vienne, le prince de Metternich impose aux États allemands la Confédération germanique8 ,
7
Confédération constituée à Paris, le 12 juillet 1806, par seize princes allemands et placée sous l'égide de
Napoléon Ier après sa conquête d'une grande partie de la Rhénanie. Celui-ci éleva les États allemands de Bavière
et du Wurtemberg au rang de royaumes, créa de nouveaux États ainsi que des grands d uchés et subordonna les
villes aux intérêts français. Napoléon détenait le commandement de l'armée confédérée, et le poste suprême
d'archichancelier de la confédération était aux mains de l'archevêque Dalberg, soumis à Napoléon. La naissance
de la Confédération entraîna de fait la dissolution du Saint Empire romain germanique. François II, autoproclamé
empereur d'Autriche en 1804, avait présagé la fin de l'Empire et renonça à son titre d'empereur du Saint -Empire.
La Confédération connut d'abord un succès certain auprès des peuples allemands, qui voyaient en elle un moyen
de parvenir à l'unité, bien qu'elle fût, en réalité, un instrument d'opposition à l'Autriche et à la Prusse. Elle
s'élargit après l'effondrement de la Prusse, notamment avec l'entrée du roi de Saxe, des princes d'Allemagne
centrale et septentrionale, et du roi Jérôme de Westphalie, rassemblant trente -six États en 1811. Elle devint
moins populaire quand le Blocus continental créa des difficultés économiques. Après la défaite de Napoléon à la
bataille de Leipzig en 1813, la Confédération se désagrégea, et les États membres soutinrent la Quadruple Alliance de la Prusse, de la Russie, de la Grande-Bretagne et de l'Autriche.
La Confédération du Rhin marqua un premier pas vers l'unification allemand e ; elle fut remplacée, après le
congrès de Vienne (1814-1815), par une nouvelle Confédération Germanique, qui fut elle-même dominée par
l'antagonisme entre l'Allemagne et la Prusse.
8
Union établie au congrès de Vienne en 1815, regroupant trente-neuf États allemands (principautés et villes
libres) en une confédération d’États souverains. Cette confédération a remplacé le Saint Empire romain
germanique supprimé en 1806.
Le pacte fédéral conclu au congrès de Vienne, lequel est complété par l’acte final de Vienne en juin 1815, fixe
les droits et les devoirs de la nouvelle assemblée fédérale. La Confédération a pour objectif de maintenir la
sécurité de la multitude de petits États issus de la dissolution du Saint Empire. Elle constitue une association de
souverainetés indépendantes : ainsi, les rois d’Angleterre, de Danemark et des Pays -Bas (respectivement pour le
Hanovre, pour les duchés de Holstein, de Schleswig et de Lauenburg et pour le grand -duché du Luxembourg) en
10
dont son conseil aux pouvoirs restreints, la Diète de Francfort, est sous le joug autrichien. Le
système Metternich de haute surveillance des États de la Confédération laisse alors peu
d’espace à tout sentiment national et pangermaniste.
Pourtant, durant les premières décennies du XIXe siècle, les Burschenschaften (camaraderies)
— associations universitaires d’inspiration libérale — et les écrivains se réclamant du
mouvement « Jeune-Allemagne » revendiquent déjà une Allemagne unifiée et démocratique
avant que les associations ne soient supprimées et leurs membres exilés. Le reste des
populations germaniques subit durement le marasme économique dû, pour partie, à la
complexité de la Confédération.
2.2. Les premiers pas vers l’unité
a. L’union douanière, première étape vers l’unification
Dans une Allemagne morcelée, les frontières sont nombreuses et les péages qui les jalonnent
brident considérablement le commerce, donc tout démarrage industriel. En 1834, la Prusse
initie une union douanière, le Zollverein, qui impose un tarif douanier unique et devient
rapidement une véritable zone économique couvrant la plupart des États allemands, à
l’exception de l’Autriche.
Cette unité économique orchestrée par la Prusse est efficacement complétée par un réseau de
chemin de fer qui est élaboré à partir de 1840. La Prusse brille bientôt par son dynamisme
économique et par sa production industrielle : elle jouit, en effet, de la production du bassin
houiller de la Ruhr et abrite des familles à fort potentiel — la famille Krupp, qui travaille dans
l’acier depuis le début du siècle, prend son essor lors du décollage industriel du milieu du
XIXe siècle.
b. Le parlement de Francfort
Le « Printemps des peuples » qui secoue l’Europe à partir de 1848 avive la question du
nationalisme allemand. Les mouvements révolutionnaires prennent leur élan dans les régions
du sud de l’Allemagne puis, manifestant l’existence de liens réels entre les différents États,
s’étendent de la Bavière à la Prusse. L’insurrection est à la fois libérale et nationale : un
parlement de Francfort est créé pour construire l’unité de la nation allemande. Comme le
souligne l’historien François Roth, l’objectif unique de ce parlement est de « réaliser l’unité
politique des peuples allemands dans un Empire dont les institutions seraient fondées sur la
souveraineté populaire. À cette tâche, l’assemblée doit associer les États pour transformer la
Confédération d’États en 1815 en un État fédéral. »
sont membres ; en revanche, les territoires de l’Autriche et de la Prusse qui n’appartiennent pas au Saint Empire
sont exclus de la Confédération.
La Diète, unique organe central de la Confédération dont le siège se trouve à Francfort, est une assemblée de
représentants des États qui n’ont théoriquement pas les pouvoirs d’imposer une politique commune : toute
révision éventuelle de la Constitution nécessite l’unanimité du vote ; de même, la présidence de l’Assemblée,
assurée par l’empereur d’Autriche, est une fonction plus honorifique qu’exécutive ; enfin, la protection des États
est assumée par une armée fédérale, dont les pouvoirs militaires sont également limités.
11
L’agitation règne depuis plusieurs mois à Berlin (journaux, réunions) lorsque l’annonce des
événements parisiens sert de détonateur à la révolution. Au cours du mois de mars 1848, les
manifestations touchent l’ensemble de la Confédération germanique, entraînant l’abdication
du roi Louis Ier de Bavière (20 mars) et l’obtention des principales libertés politiques en
Hesse-Nassau, Wurtemberg, Bade, etc.
L’onde de choc finit par atteindre la Prusse. Le pays étant déjà dans une situation économique
difficile, Frédéric-Guillaume IV, conseillé par son frère, opte pour la manière forte : le 18
mars, il fait donner la troupe contre les manifestants. Mais les Berlinois répliquent en érigeant,
dans la nuit, de nombreuses barricades. Le souverain — après avoir congédié son frère et
salué les manifestants morts en signe de réconciliation avec le peuple — se rallie à des thèses
plus libérales. Le 21 mars, une fois l’armée démobilisée, il annonce la réunion d’une
assemblée nationale unitaire et constituante élue au suffrage universel.
Ce Parlement, réuni à Francfort le 18 mai 1848, comprend toutes les tendances politiques
allemandes. Il permet aux plus audacieux d’espérer une double victoire : celle de l’égalité et
de la fin des privilèges, et celle du pangermanisme donnant naissance à une « patrie
allemande » unifiée. Les élus adoptent la suppression des redevances féodales et élargissent
les libertés politiques. Surtout, ils déclarent immédiatement leur intention de réaliser l’unité
allemande en créant un État fédéral (Bundestaat). Un gouvernement fédéral provisoire
supprime les douanes entre États et, en juin, crée une représentation diplomatique commune.
Au cours de cette période, des débats animés opposent les partisans d’une « Petite Allemagne
» — strict pangermanisme à dominante prussienne — à ceux d’une « Grande Allemagne »
intégrant l’Autriche — idéal austrophile de Mitteleuropa. En janvier 1849, le Parlement
choisit la solution prussienne et élit peu après le roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV
empereur d’Allemagne. Le refus de cette élection par le souverain prussien est motivé à la
fois par la crainte de devoir sa couronne à une assemblée révolutionnaire (et non à une
légitimité dynastique traditionnelle) et par la crainte de représailles du puissant voisin
autrichien.
2.3. L’échec de la révolution
Mais entre-temps, Frédéric-Guillaume IV de Prusse entend mettre un frein aux mouvements
libéraux. Pour ce faire, il institue une chambre où l’élection, permise par un certain niveau de
revenus, exclut de fait les fractions les plus avancées d’une opposition non fortunée. Ce « tour
de passe-passe » politique (qu’imitent la plupart des autres souverains allemands) limite
aussitôt les effets du libéralisme des intellectuels et des bourgeois siégeant à Francfort. Par
ailleurs, craignant les réactions de l’Autriche, Frédéric-Guillaume IV refuse la couronne
impériale lorsqu’elle lui est proposée par le Parlement (avril 1849).
Très rapidement, l’activisme de Francfort s’essouffle et le rêve d’unité s’évapore. La
répression s’abat sur les radicaux qui luttent toujours pour une plus grande justice sociale et
politique. Berlin est assiégée en novembre 1848 ; le Parlement de Francfort est exilé à
Stuttgart, puis est dissous sans grand remous (juin 1849). L’unité allemande se fait alors par le
biais d’une « union restreinte », lorsque Frédéric-Guillaume IV accepte finalement la
couronne impériale, non du peuple mais des princes, en mai 1849. L’idéal d’un régime
démocratique est, pour l’heure, repoussé sine die.
3. L’Autriche au bord de la dislocation
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En Autriche, la révolution est favorisée par trois éléments principaux : la faiblesse d’un
empire figé dans des structures d’Ancien Régime et obligé d’user de la force pour garantir son
intégrité ; l’aspiration à une réforme libérale parmi la haute bourgeoisie, l’aristocratie, les
milieux intellectuels et étudiants viennois ; le réveil des nationalismes qui revendiquent le
droit des peuples non germanophones à disposer d’eux-mêmes.
L’Autriche est en effet constituée, depuis le congrès de Vienne (1815), d’une mosaïque de
nationalités : Polonais de Galice, Slovaques, Tchèques de Bohême, Roumains de
Transylvanie, Croates, Slovènes, Italiens du Piémont et du Trentin, et surtout Magyars de
Hongrie — ces derniers disposent déjà d’un gouvernement propre et souhaitent ardemment la
fin de l’autorité viennoise.
3.1. Les insurrections viennoises
Le 13 mars 1848, à Vienne, poussée par une foule d’étudiants et d’ouvriers, la diète de BasseAutriche marche sur le palais impérial de Hofburg, contraignant le vieux prince Von
Metternich, symbole vivant de l’absolutisme, à fuir. En concédant quelques libertés (presse,
droit de réunion) et en promettant une constitution, l’empereur Ferdinand Ier tente de calmer
la fougue des manifestants.
Mais le texte promulgué en mai est trop frileux et provoque d’immédiates émeutes : le 15 mai
1848, la ville s’insurge à nouveau ; Ferdinand Ier se réfugie à Innsbruck tandis qu’est
annoncée la convocation d’un parlement constituant, élu au suffrage universel. Ce projet
favorise d’emblée les revendications nationales. L’armée et le chancelier Schwarzenberg
mobilisent alors les forces conservatrices, ce qui leur permet de reprendre Vienne le 27 juin.
À partir du 6 octobre 1848, Vienne, aux mains des démocrates, est en proie à une nouvelle
insurrection contre l’instance impériale. Après un mois de bombardements, la ville se soumet
le 31. Le nouveau chancelier Schwarzenberg rétablit l’autorité impériale en faisant abdiquer le
faible Ferdinand Ier au profit de François Joseph.
3.2. Le panslavisme de Bohême
À Prague, le comité de Saint-Wenceslas permet l’instauration d’une constitution libérale, la
charte de Bohême (8 avril 1848). Elle reconnaît les droits historiques du peuple tchèque, mais
revendique uniquement l’autonomie et non l’indépendance. Néanmoins, cet acquis
révolutionnaire renforce le panslavisme (principe et projet d’unité des peuples slaves) ; or le
tsar a tout intérêt à soutenir ce mouvement pour prendre pieds en Europe centrale et affaiblir
l’Autriche. Les autorités autrichiennes, quant à elles, craignent d’autant plus cette flambée de
panslavisme que dans la capitale, sur fond d’agitation des minorités, se réunit le 2 juin le
Parlement — composé de Slaves — promis par Ferdinand Ier. L’Empire paraît plus que jamais
au bord de la dislocation.
Cependant, après la mort de sa fille lors d’une émeute tchèque à Prague, le prince de
Windischgrätz soumet la ville (17 juin 1848) et établit une dictature militaire en Bohême.
3.3. L’échec d’une indépendance hongroise
Forts, organisés et partiellement autonomes, les Hongrois saisissent l’occasion de rompre le
carcan datant du congrès de Vienne. Le patriote Lajos Kossuth forme un gouvernement
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séparatiste le 22 mars 1849 et déclare l’indépendance de tous les territoires magyars (avril).
Mais son nationalisme exacerbé heurte les minorités et met en péril l’indépendance. En effet,
le tout jeune royaume de Saint-Étienne ne tient pas compte des minorités qu’il inclut ; aussi
Serbes, Croates, Roumains, Polonais de Galicie et Slovaques se dressent bientôt contre lui.
Avec l’avènement au trône impérial de François-Joseph Ier, l’Empire semble se pacifier
même s’il reste à régler ce cas hongrois. Le mouvement nationaliste, très ancré, résiste aux
attaques autrichiennes et François-Joseph se résigne à solliciter l’armée du tsar Nicolas Ier
pour réprimer la révolution ; les Hongrois capitulent le 13 août 1849, après la défaite de
Temesvár, et Lajos Kossuth se réfugie en Turquie.
C- Un retour à l’ordre ancien ?
Là où le printemps 1848 a permis d’imaginer l’ouverture imminente d’un temps nouveau, les
échecs (dus aux divisions internes et rébellions) puis la répression ont en définitive favorisé
un reflux révolutionnaire : dès 1849, on assiste en Europe à un retour à l’ordre ancien.
En France, malgré tout, les événements ont inscrit durablement dans la mémoire collective
l’idéal républicain, qui triomphe bientôt dans l’épreuve de la guerre de 1870-1871. Pour
l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie, le Printemps des peuples a largement défriché le chemin
menant vers l’unité et / ou l’indépendance (acquises respectivement en 1871, 1861, 1867).
Enfin, l’Empire autrichien des Habsbourg paraît dorénavant en sursis.
Ce n’est donc que d’un « apparent retour à l’ordre ancien » qu’il s’agit, les événements de
1848-1849 remettant profondément en cause la carte dessinée au congrès de Vienne. Ceux-ci
préparent le Vieux Continent à quitter le temps de l’Europe de l’Ancien Régime pour entrer
peu à peu dans l’ère des nationalités et des nationalismes.
Soixante-cinq ans plus tard, la Grande Guerre est une conclusion de l’œuvre alors entamée.
Elle refaçonne de façon pérenne les frontières de l’Europe du XXe siècle — sauf dans le cas
de l’éclatement récent de la Yougoslavie.
I.4. L’unité de L’itaLie et de L’aLLemagne : autres manifestations des
tensions nationalistes
Les tensions nationalistes refirent surface en 1870 et 1871 à l’occasion de la réalisation de
l’unité de l’Italie et de l’Allemagne.
A- L’unité itaLienne
L'Italie était jusque-là une mosaïque d'Etats bien distincts: la Toscane, la Parme, l'Etat de
l'Eglise, la Lombardie, la Vénétie, le royaume de Piémont-Sardaigne, le Trentin, l'Istrie et le
royaume de Naples et la Sicile. Néanmoins, et les nationalistes comme Mazzini le disaient,
ces Etats avaient en commun la langue, la religion, l'Histoire et les mœurs. Du fait de la
volonté des nationalistes à unir leur pays, et du désir de Victor Emmanuel II, roi de Piémont
Sardaigne, l'Etat italien le plus dynamique économiquement et industriellement parlant, le
mouvement d'unification italienne, ou Risorgimento, né en 1847, se développe et enchaine
victoires sur victoires, au détriment de l'Etat de l'Eglise et de quelques familles princières. La
reconquête se fait de manière différente au Sud, les troupes du républicain Garibaldi, les
Camise Rose, mène une campagne militaire tandis qu'au Nord, elle se fait de manière
14
diplomatique. Le pape résiste plus longtemps grâce à l'aide de Napoléon III, arrivé au pouvoir
le 10 Décembre 1848. Mais en 1870, les troupes françaises sont rappelées pour combattre la
Prusse, laissant alors l'Etat du pape fragilisé. Cette même année est proclamée l'unité italienne
et reste désormais au pape qu'un petit quartier de Rome considéré comme le plus petit pays du
monde, le Vatican.
1- La situation après la contre-révolution de 1849
Pour surmonter l’échec de cette première guerre d’indépendance, il importe donc d’accroître
la puissance du seul État qui résiste à l’Autriche : le Piémont-Sardaigne.
2. La préparation piémontaise
Le régime parlementaire du royaume de Piémont-Sardaigne permet l’émergence politique du
comte de Cavour, président du Conseil à partir de 1852. Celui-ci pratique une politique
économique active, modernise l’agriculture, conclut des traités de libre-échange, équipe le
port de Gênes et construit un premier réseau ferroviaire. Il réorganise l’armée et crée un
arsenal maritime à la Spezia. Les républicains eux-mêmes, excepté Giuseppe Mazzini, se
rallient peu à peu à la cause piémontaise et à Cavour.
Le comte de Cavour mène également une politique extérieure active pour s’assurer le soutien
diplomatique et militaire de la France de Napoléon III. Déjà, en participant à la guerre de
Crimée contre la Russie, il offre au Piémont-Sardaigne la possibilité de faire entendre sa voix
au congrès de Paris de 1856. De même, à la recherche de prestige et de grandeur, ému par les
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suppliques du régicide Felice Orsini, Napoléon III prend bientôt en main la cause italienne.
L’entrevue secrète entre Napoléon et Cavour, à Plombières dans les Vosges, le 21 juillet
1858, aboutit à une alliance défensive, pour le cas où le Piémont serait attaqué. Quelques
jours plus tard, le prince Jérôme Bonaparte, cousin germain de l’empereur, scelle cette
alliance en épousant la fille du roi Victor-Emmanuel II, la princesse Clotilde.
3. La seconde guerre d’indépendance italienne (1859-1860)
Assuré de l’appui de Napoléon III, au printemps 1859, Cavour provoque une crise au cours de
laquelle les Autrichiens font l’erreur de lancer un ultimatum à la capitale du Piémont, Turin,
exigeant son désarmement. Cavour rejette cet ultimatum et, dans la guerre qui s’ensuit, les
Français secourent les Piémontais. Vaincus lors des batailles acharnées de Magenta (4 juin) et
de Solférino (24 juin), les Autrichiens doivent abandonner la Lombardie et Milan à Napoléon
III, qui cède cette région à Victor-Emmanuel II.
Pour prix de ses services, la France reçoit le comté de Nice et la Savoie par le traité de Turin
de mars 1860. L’accord signé par Cavour et Napoléon III est immédiatement impopulaire en
Italie et révolte particulièrement le Niçois Giuseppe Garibaldi. Riche de nouveaux territoires
et hostile à un Piémont-Sardaigne trop puissant, l’empereur français propose alors la paix aux
Autrichiens — à l’indignation de Cavour qui attendait de l’empereur un engagement durable
permettant l’aboutissement de l’unification.
4. Les soulèvements patriotiques
Néanmoins, le mouvement indépendantiste est désormais lancé et les patriotes italiens se
soulèvent en Toscane, à Parme et à Modène. Au début de l’année 1860, ils renversent leurs
souverains et réclament leur rattachement au Piémont-Sardaigne. Au mois d’avril, Palerme se
révolte contre François II, roi de Naples.
Giuseppe Garibaldi n’est pas en reste pour lutter contre l’absolutisme : le 6 mai 1860 et à
l’instigation du Sicilien Francesco Crispi, il embarque sur deux navires, dans les environs de
Gênes, une force composée d’à peine plus de 1 000 volontaires. Le 11 mai, il débarque en
Sicile à la tête de ses « chemises rouges » et, après avoir libéré l’île, chasse le roi de Naples le
7 septembre (voir expédition des Mille). Craignant que Garibaldi ne marche sur Rome,
Cavour envoie l’armée piémontaise s’emparer des États pontificaux. Puis l’Ombrie et les
Marches votent, à leur tour, leur rattachement à l’Italie en formation. Le 5 novembre, le
royaume de Naples en fait de même. Désormais, rien ne s’oppose à ce que Victor-Emmanuel
II soit désigné roi d’Italie, alors que l’étau se resserre sur Rome et sur le pape, placé sous la
protection des Français.
5. La proclamation de l’unité
Le 17 mars 1861, le premier Parlement national italien, réuni à Turin, proclame la
transformation du royaume de Piémont-Sardaigne en royaume d’Italie et Victor-Emmanuel II
est couronné « roi d’Italie par la grâce de Dieu et la volonté de la nation ». C’est le
couronnement du mouvement du Risorgimento. La capitale du nouveau royaume est fixée à
Turin, avant d’être transférée à Florence en 1864 ; mais, selon les patriotes italiens, la seule
capitale « naturelle » du royaume demeure la ville éternelle de Rome. Cependant, lorsque
Cavour meurt en juin 1861, la Vénétie et le Latium (Rome) ne sont toujours pas italiens.
16
En 1866, l’Italie s’allie à la Prusse contre l’Autriche dans l’espoir de récupérer ces derniers
territoires. Malgré les défaites de Custozza (24 juin) et de Lissa (20 juillet), la victoire
prussienne de Sadowa (3 juillet) permet au royaume italien d’annexer la Vénétie. Mais il
manque encore Rome, protégée par Napoléon III. Aussi, en octobre 1867, une soixantaine de
volontaires garibaldiens cherche vainement à s'emparer de la ville éternelle.
À nouveau, le 3 novembre 1867, les zouaves pontificaux et l’armée française battent à
Mentana les troupes de Garibaldi. Mais cet obstacle est levé en 1870, les revers de la guerre
franco-allemande ayant obligé Napoléon III à rapatrier ses troupes. Les patriotes italiens du
général Raffaele Cadorna entrent alors à Rome, le 20 septembre 1870, et Pie IX se réfugie au
Vatican. En octobre 1870, un plébiscite confirme l’annexion et Rome devient la capitale d’un
royaume de 26 millions d’habitants.
6. Une unité inachevée
L’unité italienne donne naissance à la Question romaine : Pie IX et ses successeurs se
considèrent désormais comme spoliés de leurs États pontificaux et prisonniers au Vatican.
Pour cette raison, de nombreux catholiques sont hostiles au nouvel État unitaire. Ce n’est
qu’en 1929 que les accords du Latran règlent définitivement cette question.
L’unité semble également inachevée aux yeux des militants nationalistes qui revendiquent
toutes les terres de langue italienne (Trentin, Trieste, Istrie). Ils poussent à l’entrée en guerre
de l’Italie en mai 1915, et estiment la victoire mutilée en 1918 car ils n’ont pas obtenu gain de
cause. Cet irrédentisme pousse D’Annunzio à s’emparer de Fiume par la force en 1919 et
donne bientôt à Benito Mussolini les bases de sa politique impérialiste.
B- La construction de L’unité allemande aux dépens de L’autriche et de
la France
Depuis la dissolution du Saint Empire romain germanique (1806) et la division du territoire en
une multitude d’Etats, deux États germaniques s’affrontent pour la réalisation de l’unité sous
leur direction, l’Autriche et la Prusse. Une première tentative d’unification par la voie
libérale en 1848 et sous la houlette de la Prusse échoue. Le Prussien Otto Von Bismarck, opte
pour une autre voie qui a pour critères l’autoritarisme et le conservatisme.
En 1850, l'Allemagne est fragmentée en 39 Etats, restes du Saint Empire Germanique. Des
désirs d'unification se font connaître mais, bien qu'unis sur le fond, ils sont divisés sur la
forme: l'Allemagne est séparée entre les partisans de la Grande Allemagne, catholiques,
voulant unir tous les peuples allemands et les autrichiens autour de l'Autriche, et les
partisans de la Petite Allemagne, protestants, souhaitant eux unir les peuples allemands
autour de la Prusse. Afin de régler le conflit, la Prusse et l'Autriche rompent leur alliance et
entrent en guerre. Celle-ci se solde par la bataille de Sadowa remportée par la Prusse en
1866. La marche vers la Petite Allemagne est en route. Mais le chancelier prusse Bismarck
doit encore unir des États du Sud, dont la Bavière, au Nord. Il lui faut alors trouver un
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ennemi commun : il choisit la France. A l'origine de ce choix, le traité de Verdun qui avait
partagé l'Europe entre les héritiers de Charlemagne en 843. L’Empire allemand est proclamé
le 18 Janvier 1871 à Versailles. Ces bouleversements sont directement à l'origine des
tensions observables en 1914.
1. Le retour à la confédération germanique
Pour sa part, l’Autriche n’a pas abandonné son ambition de réunir les États allemands sous sa
direction. Aussi, lorsque Frédéric-Guillaume IV de Prusse crée, en 1850, une « Union
restreinte » — fédération associant la Prusse, la Saxe et le Hanovre, mais à laquelle refuse
d’adhérer la Bavière —, François-Joseph Ier le menace d’un conflit ouvert avec l’Autriche et
son alliée la Russie. La reculade d’Olmütz de novembre 1850 renvoie alors l’Allemagne à la
situation de 1815, régie par la Confédération germanique. Victorieuse sur le plan politique,
l’Autriche n’est pas pour autant intégrée au Zollverein et, d’un point de vue économique, la
Prusse demeure l’État le plus puissant de la Confédération.
2. Bataille de Sadowa : victoire de la Prusse sur l’Autriche
En octobre 1864, trois petits duchés germanophones sous domination danoise — le
Schleswig, le Holstein et le Lauenburg — donnent l’occasion à la Prusse et à l’Autriche de
s’allier pour les récupérer (voir guerre des Duchés9 ). Ce qui pourrait apparaître comme un
9
Bien qu’indépendants, les trois duchés de Schleswig, de Holstein et de Lauenburg sont sous la souveraineté
nominale du roi de Danemark. Depuis l’acte final du congrès de Vienne, en 1815, le Holstein et le Lauenburg
sont également membres de la Confédération germanique, ce que réclame pour son territoire la population
allemande du Schleswig ; face à ces derniers, les Danois cherchent à faire intégrer le territoire à leur royaume.
De surcroît, en 1846, le roi Christian VIII étend sur les duchés la loi danoise de succession au trône (possibilité
de la transmission du titre par les femmes), afin d’évincer la maison allemande des Augustenb urg.
PREMIÈRE GUERRE DES DUCHÉS (1848-1850)
En 1848, en réaction à la formation d’un gouvernement créé par les nationalistes danois (mars), les Allemands
des trois duchés s’insurgent et forment un gouvernement provisoire. La diète, qui siège à Francfort, soutient ce
gouvernement et envoie des troupes prussiennes et germaniques contre les Danois.
Les troupes germaniques progressent jusque dans le Jutland, mais doivent consentir, sous la pression des
Britanniques et des Russes, à la trêve de Malmö (26 août 1848) ; comme les troupes danoises, elles se retirent
des duchés et le gouvernement provisoire est suspendu. En février 1849, le Danemark rompt la trêve. Les troupes
de la Confédération avancent à nouveau jusque dans le Jutland. Le 10 juillet 1849, la Pruss e et le Danemark
acceptent, de nouveau sous la pression des Britanniques et des Russes, de faire une trêve et, le 2 juillet 1850, ils
concluent la paix de Berlin, entérinée un mois plus tard par le premier protocole de Londres. Les troupes
prussiennes et autrichiennes occupent alors le Schleswig et le Holstein, et ne se retirent que lorsque le Danemark
s’engage à accorder leur autonomie aux deux duchés.
Le deuxième protocole de Londres, signé le 8 mai 1852 par de nombreuses puissances européennes — mais ni
par les duchés concernés, ni par la Confédération germanique —, offre l’héritage danois et ducal à l’héritier du
Danemark, tout en garantissant aux duchés leur autonomie. Toutefois, dans les duchés, le mouvement
nationaliste allemand réclame le rattachement à la Confédération germanique, ce qui laisse la question en
suspens.
LA SECONDE GUERRE DES DUCHES
En violation du protocole de 1852, Frédéric VII de Danemark édicte en 1863 une nouvelle constitution qui
s’étend aux duchés de Holstein et de Lauenburg ; et, en mars, il entreprend l’annexion du Schleswig, annexion
ratifiée dès son avènement par le nouveau roi danois, Christian IX. La Prusse et l’Autriche, qui détiennent le
pouvoir exécutif au sein de la Confédération germanique, lancent un ultimatum le 16 ja nvier 1864 et, face au
refus du souverain danois, lui déclarent la guerre le 1er février 1864. Après l’occupation du Schleswig, l’assaut
des lignes fortifiées de Düppel (18 avril) et l’invasion du Jutland, ils vainquent le Danemark.
Le 30 octobre 1864, la paix de Vienne est signée : le Danemark perd les duchés de Schleswig, de Holstein et de
Lauenburg, qui sont remis en indivision à la Prusse et à l’Autriche.
18
signe d’apaisement est en fait, pour le chef du gouvernement prussien Otto Von Bismarck,
l’occasion de discréditer l’Autriche. L’administration du Holstein revenant à l’Autriche et
celle du Schleswig et du Lauenburg à la Prusse, Bismarck prétexte la mauvaise gestion
autrichienne pour susciter un conflit et finit par déclarer la guerre à l’Autriche (voir guerre
austro-prussienne10 ). Mais, afin d’éviter la répétition de la mésaventure d’Olmütz, Bismarck a
auparavant pris le soin de s’assurer de la neutralité des principaux États voisins.
Très rapidement, l’Autriche subit une sévère défaite à Sadowa 11 (3 juillet 1866) et doit
s’incliner12 ; par la paix de Prague (23 août 1866), elle doit laisser la Prusse s’emparer des
La question des duchés est à nouveau soulevée par le Prussien Otto von Bismarck. Celui-ci, cherchant à évincer
l’Autriche des affaires allemandes, permet l’entrée de troupes prussiennes dans le Holstein et déclenche ainsi, en
juin 1866, la guerre austro-prussienne.
10
Profitant de l’éloignement viennois du Holstein, Otto von Bismarck soutient le mouvement pangermaniste en
germe et dénonce la mauvaise gestion autrichienne du duché. L’intérêt des deux pays pour ces petits territoires
germaniques est majeur : pour l’Autriche, l’acquisition du Holstein lui offre un accès à la mer du Nord ; pour le
Prussien Bismarck, le Holstein autrichien empêche toute continuité géographique entre les territoires prussiens et
le Schleswig, d’autant que, les trois territoires appartenant à la Confédération, il est primordial de les avoir avec
lui afin d’unifier la « Petite Allemagne » autour de la Prusse.
Après s’être assuré de la neutralité de la Grande-Bretagne (craignant une expansion autrichienne), de la Russie
(rivale de Vienne depuis la guerre de Crimée) et de la France (Napoléon III imagine des compensations
territoriales à sa neutralité, la fameuse « politique de pourboires ») et l’alliance de l’Italie par le traité d’avril
1866, Bismarck provoque de nouveau l’Autriche : à la diète de Francfort, il réclame l’élection d’une Assemblée
constituante allemande, excluant l’empire autrichien, pour réformer la Confédération germanique.
Cette politique offensive de Bismarck entraîne des protestations de l’Autriche devant la diète de la Confédération
germanique, ce qui fournit au chancelier prussien le prétexte attendu : la Prusse mobilise ses troupes et les
envoie, début juin 1866, dans le duché de Holstein. Quant à l’Autriche, elle vient d’obtenir de la France
l’assurance de sa neutralité en échange de l’abandon de la Vénétie au profit de l’Italie, quelle que soit l’issue du
conflit.
11
Sadowa, bataille de, victoire des Prussiens sur les troupes autrichiennes durant la guerre austro -prussienne (3
juillet 1866).
« Coup de tonnerre dans un ciel serein » selon Napoléon III, la victoire prussienne a bouleversé les rapports de
force européens en faveur du chancelier Otto Von Bismarck et au détriment de l’Autriche et de la France.
En 1864, à l’issue de la guerre des Duchés, le Danemark perd ses duchés du nord de l’Allemagne, de langue et
de culture germano-danoises : le Schleswig et le Lauenburg reviennent à la Prusse, tandis que l’Autriche reçoit le
Holstein. Partisan de l’unité allemande sous l’égide de la Prusse, Otto Von Bismarck isole alors l’Autriche en
passant des accords avec la France de Napoléon III et l’Italie (respectivement en octobre 1865 et avril 1866),
puis prétexte une mauvaise gestion autrichienne du Holstein pour susciter le conflit.
La guerre éclate au printemps 1866 sur deux fronts, en Allemagne et en Italie. Malgré l’aide de quelques princes
d’Allemagne du Nord et deux victoires sur les Italiens en guerre pour l’unification, les Autrichiens, mal préparés
à lutter sur deux fronts, sont battus le 3 juillet 1866, à Sadowa (Bohême), par Helmuth Von Moltke. La victoire
prussienne est celle d’une armée moderne et technicienne, qui utilise le rail pour ses déplacements et l’acier
Krupp pour son artillerie. Elle défait une armée autrichienne traditionnelle et composite, dont les défaites face à
la France en Italie avaient déjà révélé les faiblesses.
Le traité de Prague du 23 août 1866 met fin à la guerre austro-prussienne : l’Autriche doit céder le Holstein à la
Prusse, qui annexe par ailleurs plusieurs principautés, dont le Hanovre ; la Confédération germanique
d’inspiration autrichienne est dissoute au profit de la Confédération de l’Allemagne du Nord (Norddeutscher
Bund) autour d’une Prusse hégémonique, embryon du IIe Reich (1871) ; enfin, la Vénétie revient à l’Italie —
étape clef dans le processus d’unification italienne.
À moyen terme, la bataille de Sadowa marque une transformation profonde de l’équilibre européen : la Prusse
domine désormais l’Europe centrale, et l’Autriche n’est plus la grande puissance qui jusqu’alors a fait et défait
l’Europe. Pour la Prusse, l’unification allemande est désormais à portée de main ; il ne lui reste qu’à désarmer la
France (voir guerre franco-allemande).
12
Le 21 juin 1866, la Prusse déclare la guerre à l’Autriche. Plusieurs États de la Confédération (Hanovre, Hesse Kassel, Saxe, Bavière et Wurtemberg) se rangent aux côtés de l’Autriche agressée. Le théâtre des opérations
militaires se tient principalement en Bohême, mais également en Allemagne et en Italie.
19
États situés au nord du Main dans le cadre de la confédération de l’Allemagne du Nord et
accepter la dissolution de la Confédération germanique.
3- La guerre contre la France
L’Autriche définitivement écartée du monde germanique, il ne reste plus à la Prusse qu’à
dépasser les réticences des États du Sud. Louis II de Bavière, en particulier, ne souhaite pas
être chassé du trône, même au nom de l’Unité allemande. Habile tacticien, Bismarck, qui a
laissé espérer à Napoléon III des compensations territoriales pour son attitude pendant la
guerre des Duchés, laisse ce dernier se rendre impopulaire en Allemagne, par ce qu’il est
convenu d’appeler la politique des « pourboires » ; demandant successivement la Sarre, le
Palatinat bavarois, la Hesse rhénane, la Belgique et le Luxembourg, le chef de l’État français
suscite un sentiment francophobe dans l’opinion allemande et se pose en ennemi de l’intégrité
territoriale allemande.
Fin manipulateur, Bismarck utilise la dépêche d’Ems13 pour pousser Napoléon III à
commettre l’acte d’agression souhaité : la France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet
Avantagés par la stratégie du comte Helmuth Von Moltke, les Prussiens s’emparent rapidement de Hanovre et du
Hesse-Kassel ; puis ils envahissent la Saxe et la Bohême et infligent, le 3 juillet, une défaite décisive aux
Autrichiens lors de la bataille de Sadowa, en Bohême. Au soir de la victoire, le comte von Moltke signale à
Guillaume Ier : « Non seulement nous avons remporté le co mbat mais encore nous occupons le champ de
bataille. »
En effet, malgré les victoires autrichiennes de Custozza (25 juin) et de Lissa (20 juillet) en Italie — écrasant les
troupes du jeune royaume d’Italie —, l’armée prussienne est aux portes de Vienne. L’Autriche est contrainte à
l’armistice (22 juillet). En cela, la bataille de Sadowa marque une transformation profonde de l’équilibre
européen : la Prusse domine désormais l’Europe centrale, et l’Autriche n’est plus la grande puissance qui
jusqu’alors a fait et défait l’Europe.
Après les préliminaires de paix, signés le 26 juillet à Nikolsburg, le conflit est définitivement clos par le traité de
Prague (23 août 1866). Il met fin à la Confédération germanique : la Prusse annexe les duchés de Hanovre, de
Hesse-Kassel, de Nassau et de Francfort ; l’Autriche abandonne le duché de Holstein à la Prusse, paie des
indemnités et cède la Vénétie à l’Italie.
Bismarck bénéficiant désormais d’une très forte popularité dans tous les territoires allemands, la Prusse crée la
Confédération de l’Allemagne du Nord dont l’Autriche est exclue. Refoulée d’Italie et d’Allemagne, cette
dernière se retourne vers ses territoires et trouve un compromis avec la Hongrie (1867) pour former l’Empire
austro-hongrois. Pour la Prusse, l’unification allemande est à portée de mains, il lui faut maintenant désarmer
l’hostilité française (voir guerre franco-allemande).
13
Réponse du roi Guillaume Ier de Prusse, jugée injurieuse, à la requête diplomatique française pour le retrait
d’une candidature allemande au trône d’Espagne. La dépêche d’Ems est la cause immédiate de la guerre franco allemande de 1870.
La candidature au trône d’Espagne du prince Léopold de Hohenzollern -Sigmaringen, posée le 2 juillet 1870,
préoccupe le gouvernement français qui juge cette démarche provocatrice. Dans le même temps, conscient du
danger diplomatique de cette nomination éventuelle, le roi Guillaume Ier de Prusse tente de persuader les
Hohenzollern-Sigmaringen de retirer cette candidature ; aussi, le 12 juillet, le prin ce s’exécute-t-il.
Cependant, le 13 juillet au matin, l’ambassadeur de France, Benedetti, cherche à rencontrer Guillaume Ier à Ems
pour s’assurer de la renonciation définitive des Hohenzollern -Sigmaringen ; le roi juge cette démarche inutile
puisque, selon lui, l’affaire est close. Il envoie alors à Bismarck une dépêche dans laquelle il laisse au chancelier
le soin de rendre publique ou non cette dernière requête française.
Bismarck profite de l’occasion pour exciter les Français et publie un texte reprenan t, en des termes bellicistes et
manipulateurs, les propos du roi. L’effet escompté est réussi : la conclusion « insultante » du document — « Sa
Majesté le Roi a refusé de recevoir encore l’ambassadeur, et lui a fait dire par l’aide de camp de service qu’Elle
n’avait plus rien à lui communiquer. » — est connue le lendemain en France et, alors que le peuple parisien
manifeste immédiatement aux cris de « À bas la Prusse », le gouvernement propose au Parlement de déclarer la
guerre à la Prusse, ce qui est voté le 19 juillet.
20
1870 (voir guerre franco-allemande14 ). En trois semaines, les troupes françaises sont
débordées de toutes parts et Napoléon III capitule le 2 septembre à Sedan.
14
1. LES ORIGINES DE LA GUERRE
1. 1. Les ferments de la rivalité franco-prussienne
Vers la fin des années 1860, un fort courant francophobe touche la Prusse. En 1867, le comte Von Moltke
appelle à une guerre préventive pour « exterminer l’ennemi héréditaire ». Pour le chancelier Otto Von Bismarck,
la situation de guerre offre, d’une part, un prétexte pour tenter de convaincre les derniers États allemands
réticents (Wurtemberg, Bavière) de la pertinence de l’unité allemande et, d’autre part, un biais pour amoindrir —
voire étouffer — la puissance française à l’échelle européenne.
La population française quant à elle ne souhaite pas la guerre. Mais l’empereur Napoléon III cherche à regagner,
tant chez lui qu’à l’étranger, le prestige perdu après plusieurs revers diplomatiques, en particulier la victoire
prussienne sur l’Autriche après Sadowa (juillet 1866) qui permet à la Prusse d’étendre dangereusement ses
territoires. Outre qu’il ne voit pas d’un bon œil les progrès du nationalisme unitaire allemand, la puissance
militaire prusse représente une menace pour la France.
La tension préalable à la guerre croît en 1867 avec l’affaire du duché du Luxembourg. Les Allemands refusent le
rattachement du territoire à la France, rattachement souhaité par Napoléon III qui envisage un temps une solution
militaire pour obtenir gain de cause.
1.2. Les causes immédiates du conflit
Mais l’événement qui précipite la guerre est la candidature de Léopold de Hohe nzollern-Sigmaringen, cousin du
roi Guillaume Ier de Prusse, au trône d’Espagne laissé vacant depuis la révolution de 1868. Sous la pression
bismarckienne, Léopold accepte de briguer le trône le 3 juillet 1870. La France voit dans cet avènement la
possibilité menaçante d’une alliance prusso-espagnole ; aussi, le gouvernement menace-t-il d’entrer en guerre si
la candidature Hohenzollern n’est pas retirée. L’ambassadeur français en Prusse, le comte Benedetti, part à Ems
— ville thermale du nord-ouest de l’Allemagne où séjourne Guillaume Ier — et lui demande d’ordonner le
retrait de Léopold. Quoique contrarié, le monarque donne à Benedetti l’autorisation d’entrer en contact avec son
cousin. En son absence, le père de ce dernier, le prince Charles -Antoine, accepte le retrait de la candidature.
Mais Napoléon III ne se satisfait pas de cette reculade. Il veut humilier la Prusse, fût -ce au prix d’une guerre. Le
duc de Gramont, ministre des Affaires étrangères, demande alors à Guillaume Ier de rédiger une lettre d’excuse
personnelle à l’empereur et de garantir que la candidature Hohenzollern sur l’Espagne ne sera jamais renouvelée.
Le 13 juillet 1870, lors d’un entretien avec Benedetti, Guillaume Ier rejette ces prétentions dans une dépêche dite
« d’Ems ». Le chancelier Bismarck publie immédiatement un abrégé de la dépêche dont la formulation,
offensante, exaspère la tension franco-prussienne. Il sait que cette provocation engendrera le conflit espéré : la
Prusse est militairement prête et Bismarck compte sur l’effet psychologique de l’entrée en guerre pour rallier les
États allemands à sa cause.
2. Le déclenchement de la guerre
L’affaire de la dépêche suscite une vive émotion en France. Le 7 juillet 1870, des manifestations patriotiques
agitent Paris, surtout chez les ouvriers, très bellicistes. La Marseillaise est chantée sur les boulevards. Stimulée
par cet élan patriotique, l’Assemblée vote les crédits de guerre le 15 juillet et, le 19, le président du Conseil
Émile Ollivier déclare la guerre à la Prusse d’un « cœur léger ».
Au-delà du Rhin, respectant leurs traités bilatéraux avec la Prusse, les États allemands se joignent aux forces de
Guillaume Ier dans un front commun. C’est pourquoi, alors que les Français réussissent à mobiliser quelques 200
000 hommes (au maximum 235 000 début août), les Allemands réunissent 500 000 soldats brillamment dirigés.
Face aux forces alliées commandées par Guillaume Ier et à l’État-major dirigé par Helmuth Moltke, la France se
trouve d’emblée en situation délicate. Pour elle, la guerre s’engage sur des bases désastreuses ; d’autant que, fait
notoire, l’encadrement supérieur de son armée est médiocre.
3. Les premières batailles
Trois armées allemandes — commandées respectivement par le général Von Steinmetz, les princes FrédéricCharles et Frédéric-Guillaume — pénètrent en France. Le premier engagement, accrochage mineur, est remporté
le 2 août par la France à Sarrebruck, sur la frontière franco-allemande. Mais le reste du mois n’apporte plus
qu’une succession de défaites qui atterrent les Français. Lors des batailles de Wissembourg (4 août), de
Reichshoffen et Frœschwiller (6 août), les Français commandés par le maréchal Mac Mahon sont vaincus. Les
troupes prussiennes tiennent déjà l’Alsace et une grande partie de la Lorraine. Cependant que Mac Mahon reçoit
l’ordre de se replier sur Châlons -sur-Marne, Bazaine, commandant des troupes stationnées à l’est de Metz, reçoit
l’ordre de rester sur ses positions : Metz doit être conservé à tout prix. Mais ce tte stratégie coupe l’armée
française en deux et cette dernière se trouve dès lors incapable de retrouver son unité, sa liberté d’action.
21
La guerre franco-allemande fournit à Bismarck une victoire fondatrice : alors que Paris résiste
toujours, le 18 janvier 1871, le chancelier fait proclamer par les princes l’Empire allemand
(Deutsches Reich), réunissant l’ancienne Confédération de l’Allemagne du Nord, les États du
Le 12 août, Napoléon III confie le commandement suprême à Bazaine. Mais après plusieurs défaites à Borny (14
août), Vionville (15 août), Rezonville et Gravelotte (16 août), puis Saint-Privat (18 août), il se replie sur Metz,
assiégée par deux unités allemandes. Mac Mahon se porte à son secours avec l’armée reconstituée (130 000
soldats). Cependant, le 30 août, les Allemands surprennent les Français à Beaumont et Mac Mahon se replie sur
Sedan.
4. La bataille de Sedan et la chute du second Empire
L’affrontement décisif débute à Sedan au matin du 1er septembre 1870. À 7 heures du matin, Mac Mahon,
sérieusement blessé, laisse le commandement à Félix de Wimpffen. La bataille fait rage jusqu’au milieu de
l’après-midi. Napoléon III arrivé sur place reprend le commandement. Devant la situation désespérée, il fait
hisser le drapeau blanc. Les termes de la reddition sont négociés nu itamment et le 2 septembre au matin,
Napoléon III et ses 83 000 hommes se rendent, marquant l’effondrement de l’Empire.
5. Les défaites françaises et le siège de Paris
Avant la nouvelle de la capitulation, plusieurs villes se sont dotées de comités de Dé fense nationale (Marseille,
Bordeaux, Lyon). Le 3 septembre 1870, Paris se soulève à son tour et l’Assemblée législative proclame la
République. Le 4 septembre, un gouvernement de la Défense nationale est investi avec à sa tête un militaire, le
général Trochu.
Expression d’un sursaut nationaliste, patriotique et jacobin du peuple et de ses élus qui, tous bords confondus,
refusent la capitulation, le gouvernement de la Défense nationale ne peut toutefois endiguer l’hémorragie
militaire. Fin septembre, Strasbourg — qui reste l’un des seuls endroits où les Français peuvent espérer stopper
l’invasion prussienne — capitule. Dans la foulée, Paris est assiégée le 19 septembre. Les Parisiens s’arment
contre l’envahisseur et luttent malgré la famine.
Le 7 octobre, Léon Gambetta, ministre de la guerre du gouvernement de la Défense nationale s’échappe de façon
spectaculaire de la capitale — en ballon — et gagne Tours. Il y établit la capitale provisoire pour préparer une
éventuelle reconquête commençant par la libération de Paris. Dans le même temps, les Français subissent une
occupation violente et humiliante. L’image répulsive du « barbare » prussien gagne en force. C’est pourquoi, à
partir du 2 novembre, au nom du credo de la « nation en arme », Léon Gambetta ré ussit à réquisitionner tous les
hommes valides de 21 à 40 ans et à organiser trente-six divisions militaires. Mais ses efforts restent vains.
Après la défaite de Metz (27 octobre, Bazaine se rend avec 177 000 soldats) puis celle de Beaune -la-Rolande (28
novembre), l’échec des armées de la Loire devant Orléans (3-4 décembre 1870) force à abandonner l’espoir de
libérer Paris. Tour à tour, les autres armées françaises sont vaincues : la deuxième armée de la Loire de Chanzy
dans la Sarthe (11 décembre) ; l’armée de l’Est, après avoir secouru l’héroïque défense de Belfort assiégée, se
replie sur la Suisse (17 décembre) ; enfin, après la victoire de Bapaume (3 janvier), l’armée du Nord de
Faidherbe échoue devant Saint-Quentin le 19 janvier 1871.
6. La capitulation française ou le triomphe du système bismarckien
Dès avant la capitulation de Paris et en dépit de la résistance de quelques places fortes, la guerre est perdue pour
la France. Le 19 janvier 1871, les négociations s’ouvrent. Pour Bismarck, elles marquent une victoire complète.
La veille, jour du 170e anniversaire de la proclamation du royaume de Prusse, il a en effet vu ses incessants
efforts pour l’unité allemande récompensés. Guillaume Ier a accepté d’être couronné empereur du Deutche Reich
(Empire allemand) dans la galerie des Glaces du château de Versailles — choix symbolique qui humilie la
France. Sedan et ses conséquences parachèvent donc sur le territoire français l’entreprise unitaire posée sur les
fonts baptismaux de Sadowa.
Bismarck a également réussi à isoler la France. Épuisée, celle-ci perd pour un temps son rang de nation
d’influence. De plus, Bismarck impose les élections du 8 février 1871 qui envoient à la chambre une majorité
monarchiste et pacifiste qui l’agrée plutôt qu’une chambre répub licaine.
7. LES CONSÉQUENCES DE LA DÉFAITE FRANÇAISE
Le 28 janvier 1871, la capitulation officielle de Paris est prononcée. Un armistice de trois semaines entre en
vigueur. La nouvelle Assemblée française, majoritairement pacifiste, désire signer au plus vite un accord de paix.
Réunie à Bordeaux à partir du 12 février, elle se donne Adolphe Thiers comme chef de gouvernement. Chargé de
négocier avec les Allemands les conditions de la défaite (voir pacte de Bordeaux), Thiers doit aussi faire face,
dès mars, à la révolte de la Commune de Paris.
Une des principales conséquences de l’effondrement français est en effet la rébellion du peuple parisien. Le 18
mars, dans un élan sacrificiel et belliciste exacerbé par le siège des derniers mois, il se révolte contre
l’Assemblée. Un gouvernement révolutionnaire est formé — la Commune de Paris — opposé à l’armistice et
décidé à lutter avec acharnement contre les soldats envoyés par Thiers pour réprimer l’insurrection. La guerre
civile prend fin avec la semaine sanglante (21-28 mai 1871).
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Sud ainsi que l’Alsace et la Lorraine du Nord nouvellement annexées. Entre-temps, le 10 mai,
le traité de Francfort a été signé et a mis fin à la guerre avec le IIe Reich. L’Alsace et une
partie de la Lorraine (dont Metz) sont cédées à l’Empire allemand qui s’offre ainsi un glacis
protecteur au-delà du Rhin. La France doit verser une indemnité de guerre de 5 milliards de
francs et subir l’occupation allemande jusqu’à son complet versement. Cette lourde
indemnité, intégralement payée en septembre 1873, permet le départ des contingents
allemands et la libération du territoire français (convention du 15 mars 1873).
La galerie des glaces de Versailles, lieu symbolique de la proclamation du IIe Reich, incarne
clairement la façon dont s’est élaborée l’unité. S’appuyant sur une réalité culturelle et
économique, la Prusse a concrétisé politiquement sa domination sur les États allemands « par
le fer et par le sang », selon les termes de Bismarck. Mais si l’unification politique de
l’Allemagne est l’œuvre d’un État (la Prusse) et notamment d’un homme (Bismarck), l’union
des peuples germanistes aux forts particularismes est encore longue.
II. TENSIONS ET AMBITIONS TERRITORIALES et accentuation du problème des
minorités
Des tensions d’ordre territorial persistent en 1914. Des territoires sont dominés par des pays
étrangers : l’Alsace et la Lorraine appartiennent à l’Allemagne depuis 1871. Dans les
Balkans, la situation est plus explosive. En effet, nous pouvons remarquer que la naissance
des deux nouveaux États accentue le problème des minorités dans les Balkans. A ces
premières sources de conflits internes s'ajoutent les ambitions territoriales de certains États
Les Serbes n’acceptent pas que la Bosnie-Herzégovine, à majorité serbe, soit annexée à
l’Autriche-Hongrie. Soutenue par la Russie, ils revendiquent que les slaves du Sud soient
intégrés à la Serbie.
II. 1. L’antagonisme territoriaL entre La france et L’Allemagne : le
contentieux à propos des territoires perdus.
23
La France souhaite toujours reprendre les territoires perdus en 1870. Il s’agit donc là d’un
élément de tension avec l’Allemagne et c’est le contentieux à propos des territoires perdus.
L’antagonisme franco-allemand puise d’abord sa force dans l’idée de revanche et le retour à
la mère patrie des provinces perdues d'Alsace-Lorraine où la résistance à l'Allemagne est
forte.
A ce propos, si Léon Gambetta a une approche modérée : « Pensez-y, n’en parlez pas »,
Charles Maurras, a par contre un idéal belliqueux, vengeur qui, dès 1871-1872, stimule une
droite nationaliste et xénophobe sans cesse renforcée jusqu’à la fin du XIXe siècle : «
Revanche, reine de la France ». Toutefois, la majorité des Français n’abonde pas dans ce
sens, du moins jusqu’à l’évidence de la revanche à prendre, en 1914. Alors, la marque durable
que la défaite de 1870-1871 a imprimée dans la mémoire d’au moins deux générations rejaillit
au premier plan.
II.2. LES BALKANS15 : UNE POUDRIERE16
Pour justifier l'existence de l'Empire allemand aux yeux des minorités d'Europe de l'Est,
Bismarck impose un nationalisme de puissance: les peuples considérés comme allemands
doivent intégrer l'empire, qu'ils le souhaitent ou non. Pour les repérer, Bismarck s'appuie sur
15
Péninsule des Balkans ou Péninsule Balkanique : la plus orientale des péninsules de l’Europe méridionale,
limitée approximativement au Nord par la Save et le Danube. Géographiquement, elle englobe l’Albanie, la
Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Grèce, le Kosovo, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la
Turquie d’Europe. C’est une région essentiellement montagneuse (chaînes dinariques, mont Balkan, Rhodope,
Pinde), au climat continental à l’intérieur, méditerranéen sur le littoral,
16
Région ou lieu sous tension où un conflit violent peut éclater à tout moment Exemple : nous vivons dans une
poudrière.
24
des stéréotypes physiques, la langue et la culture. Cette politique est néanmoins très critiquée
par des Européens de l'Ouest tel que l'historien français Fustel de Coulanges considérant que
si l'Allemagne pouvait se justifier ainsi alors l'Espagne pourrait revendiquer le Portugal et la
France, la Belgique. Cette idéologie s'avère donc dangereuse selon lui. Mais l'Allemagne n'est
pas seule à avoir englobé bon nombre de minorités dans son empire: l'Autriche-Hongrie et
l'Empire ottoman sont aussi concernés. Ces empires ont littéralement aspiré les populations
balkaniques telles que les Serbes, les Croates, les Albanais ou les Grecs, ce qui est à l'origine
d'un fort nationalisme. Les Balkans représentent effectivement un sérieux avantage étant
donné qu'ils offrent une ouverture sur la Mer Noire et la Méditerranée. La Pologne est, quant
à elle, partagée entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et la Russie.
Mais nous pouvons aussi noter le nationalisme et les ambitions territoriales de certains États:
la Russie, par exemple, souhaitait, en aidant les Serbes, étendre l'influence du peuple slave et
s'offrir un accès à la mer. En Italie, l'unité n'est pas complète. Une partie est encore sous le
contrôle de l'empire d'Autriche-Hongrie.
A- historique de L’étabLissement et du décLin ottoman17 en Europe
centrale et méridionale
17
Érigé sur les ruines de l’État seldjoukide d’Anatolie puis sur celles de l’Empire byzantin, l’Empire osmanli (ou
ottoman) — se présentant de fait comme l’héritier du califat arabe et de la puissance byzantine — a couvert à
son apogée trois continents, s’étendant en Europe jusqu’aux frontières austro -hongroises et en Asie jusqu’à la
Perse, s’étirant sur les côtes occidentales et orientales de la mer Rouge et sur les côtes méditerranéennes de
l’Afrique du Nord.
Selon la légende, vers 1230, Ertoğrul, le chef d’un de ces clans de Turcs oghouz, reçoit du sultan Kaykobad Ier
la région frontalière de Söğüt (sur le fleuve Sakarya, en Turquie actuelle), avec pour mission de protéger les
Seldjoukides contre l’Empire byzantin. Vers 1280 environ, Osman hérite de la charge de son père Ertoğrul. En
juillet 1302, il défait les Byzantins et se trouve par cette victoire à la tête d’un émirat couvrant le nord -ouest de
l’Anatolie. Pour avoir créé ce petit émirat, Osman est reconnu comme le premier membre de la dynastie des
Osmanlis (ou Ottomans).
Lorsqu’Osman meurt vers 1326, son fils Ohrhan Gazi reprend le commandement de l’armée et étend le territoire
des Ottomans au-delà de la vallée de Sakarya : prises de Brousse (aujourd’hui Bursa, 1326), qui devient la
première capitale ottomane, de Nicée (Iznik, 1331) et de Nicomédie (Izmit, 1337). En 1354, appelées par Jean
VI Cantacuzène (usurpateur du trône byzantin), les troupes ottomanes prennent pied sur la rive européenne du
détroit des Dardanelles, s’établissant à Gallipolli (aujourd’hui Gelibolu).
Avec le règne de Murat Ier, qui poursuit la politique de conquête d’Ohrhan, les Ottomans deviennent maîtres de
presque toute l’Asie Mineure. Un an après la prise d’Andrinople (Edirne, 1361), la ville devient la nouvelle
capitale des Ottomans, qui affirment par ce choix leur intention de demeurer en Europe. Murat Ier — le premier
à inscrire dans sa titulature le titre de sultan — dote l’empire d’une efficace administration et d’une redoutable
armée. Dans les Balkans, qui entrent en grande partie sous domination ottomane, les troupes de Murat Ier
remportent également de grandes victoires sur les Serbes et les Bulgares : en 1363, il met en déroute, sur la
Maritsa, la croisade menée par Louis Ier de Hongrie et prend ainsi le contrôle de la Bulgarie. Il se retourne
ensuite contre les Serbes qu’il défait le 15 juin 1389, lors de la bataille de Kosovo où il trouve la mort. À la fin
de son règne, l’Empire ottoman couvre l’ensemble de la Thrace, la Macédoine, ainsi qu’une grande partie de la
Bulgarie et de la Serbie.
Le territoire serbe passe entièrement sous domination ottomane avec le quatrième souverain Bayazid Ier, qui
achève également la conquête de la Thessalie et poursuit l’extension en Anatolie. Il pousse jusque sous les murs
de Constantinople (aujourd’hui Istanbul), assiégée durant deux a ns (1395-1397). Les souverains chrétiens
s’unissent contre la poussée des Ottomans musulmans et lancent une croisade qui s’achève par l’écrasement des
croisés à Nicopolis, le 25 septembre 1396. L’expansion ottomane est cependant freinée en Orient par les t roupes
mongoles de Tamerlan. En juillet 1402, Bayazid est vaincu près d’Ankara.
25
1- Rappel de l’établissement de la domination ottomane en Europe centrale
En 1683, alors qu'ils échouent devant Vienne — la capitale des Habsbourg —, les Ottomans
disposent d'un puissant territoire et dominent une grande partie de l'Occident. L'Empire
ottoman s'étend alors de la mer Caspienne et du golfe Persique, à l'est, jusqu' à l'Afrique du
Nord à l'ouest, englobant par ailleurs une partie de l'Europe centrale.
L’Empire ottoman — avec pour langue officielle le turc et pour religion de l’État l’islam —
est une mosaïque de peuples, de cultures et de religions. Turcs, Arabes, Tziganes, Berbères,
Coptes, Grecs et Slaves notamment composent le peuplement du vaste territoire. Et si l’islam
est la religion dominante (avec principalement des sunnites, mais également des chiites),
nombre de sujets du sultan sont de confession chrétienne (catholiques ou orthodoxes) ou juive
(séfarades, ashkénazes, etc.). Dans ce cadre, l’État respecte, durant la plus grande partie de
son existence, les particularismes des populations soumises, les populations vivant sous
domination ottomane continuant à parler leur langue et à pratiquer librement leur religion.
Conformément à la tradition musulmane, les juifs et les chrétiens orthodoxes se voient
accorder le statut de protégés (dhimmis), leur permettant d’avoir leurs propres tribunaux pour
les affaires intérieures à leurs communautés (millets). De fait, les chrétiens orthodoxes
acceptent, au moins jusqu’au XVIIe siècle, l’autorité ottomane, car ils jouissent d’une plus
grande liberté que sous l’Empire byzantin. S’ils payent un impôt de capitation supérieur à la
dîme versée par les musulmans, ils ne subissent pas, comme sous Byzance, le joug d’une
aristocratie (inexistante dans l’Empire ottoman). L’islamisation des populations européennes
sous domination ottomane n’est importante qu’en Albanie et en Bosnie. Chrétiens, mais aussi
juifs, participent à l’administration et à la vie intellectuelle et artistique.
2- Rappel du déclin de l’empire ottoman
Le sultan Bayazid étant prisonnier de Tamerlan, l’Empire ottoman plonge, dix ans durant, dans la guerre civile,
les fils du sultan se déchirant pour le pouvoir. En 1413, Mehmet Ier (1413-1421) parvient à évincer ses frères et
se lance alors dans la consolidation de l’empire qui recouvre ses frontières d’avant 1402.
Son fils et successeur Murat II (1421-1444 ; 1446-1451) parvient, en 1424, à réduire au tribut l’empereur
byzantin, et prend Thessalonique (Salonique, 1430), après avoir massacré une grande partie de la population
grecque.
L’apogée de l’Empire ottoman s’étend, de fait, de l’avènement de Mehmet II en 1451 à la mort de Soliman le
Magnifique, en 1566. L’événement qui ancre la puissance ottomane est la prise de Constantinople, symbole de la
chute du dernier empire issu de la splendeur romaine.
Le 29 mai 1453, après sept semaines de siège, le sultan Mehmet II (1444-1446 ; 1451-1481) prend la ville de
Constantinople (voir prise de Constantinople). L’ancienne capitale chrétienne de l’Empire byzantin devient, en
1458, la capitale musulmane de l’Empire ottoman sous le nom d’Istanbul — l’usage, cependant, conserve le nom
de Constantinople jusqu’en 1923. En 1461, le dernier réduit byzantin, Trébizonde (aujourd’hui Trabzon), tombe
; puis ce sont la Bosnie (1463), la Crimée (1475) et l’Albanie (1476-1478) qui passent sous domination
ottomane. L’empire s’assure ensuite la maîtrise des mers. En 1499, sous Bayazid II (1481-1512), la flotte
ottomane remporte à Lépante sa première victoire, triomphant des Vénitiens.
L’empire atteint son apogée sous le règne de son fils, Soliman le Magnifique — surnommé le Législateur par les
Turcs. Belgrade est prise en 1521 et, cinq ans plus tard, après la victoire ottomane à la bataille de Mohács (29
août 1526), un protectorat est établi en Hongrie. En 1529, les troupes ottomanes avancent même au-delà des
frontières de l’empire des Habsbourg, menaçant la ville de Vienne en l’assiégeant (voir sièges de Vienne). L’Irak
vient encore s’ajouter à l’empire en 1534, tandis que les navires ottomans dominent la Méditerranée et les États
barbaresques d’Afrique du Nord.
26
À la mort de Soliman le Magnifique, en 1566, son fils Selim II (1566-1574) lui succède. Sous
son règne, l’Empire ottoman subit une première défaite le 7 octobre 1571, à Lépante, où la
flotte est détruite par une ligue européenne (papauté, Espagnols, Autrichiens, Vénitiens et
chevaliers de Malte) qui réagit à la prise de Chypre un an auparavant. Cette défaite, qui n’a
pas de conséquences immédiates, marque cependant un tournant dans l’histoire de l’empire.
Le déclin de l’empire est entamé, tenant autant aux désordres intérieurs qu’à l’essor de la
puissance occidentale, militaire mais surtout économique. Le courant des échanges s’inverse,
l’Occident exportant désormais ses produits manufacturés vers l’empire, qui a par ailleurs
perdu le monopole du commerce avec les Indes, avec l’utilisation de la route maritime du cap
de Bonne-Espérance.
Empire ottoman Encyclopédie Encarta
En 1683, les Turcs ottomans mettent le siège devant Vienne. Après ce dernier éclat, l'Empire
ottoman ne cesse de reculer sous la pression russe et autrichienne, pour se disloquer
complètement après la Première Guerre mondiale.
2.1. Les guerres austro-turques
Après l’échec du second siège de Vienne (juillet-septembre 1683), la lutte entre les
Habsbourg et les Ottomans tourne à l’avantage de l’Autriche. Les Autrichiens entrent en
Serbie et en Bosnie, après leur victoire à Mohács, en 1687. Le sultan Mustafa II (1695-1703),
ayant été vaincu en 1696, est contraint de signer le traité de Karlowitz (26 janvier 1699),
premier traité défavorable aux Ottomans qui perdent la Hongrie et la Transylvanie, cédées à
l’Autriche, la Podolie prise par les Polonais, la Morée et la Dalmatie abandonnées à Venise.
Les territoires balkaniques sont cependant récupérés par les Ottomans et la paix de Sistova
(Svitchov, 4 août 1791), consacrant le statu quo, met fin aux guerres austro-turques.
2.2. Les premières guerres russo-turques
27
L’ennemi principal est désormais la Russie. Depuis 1676, les deux États s’affrontent pour la
Crimée. Une nouvelle guerre, de 1736 à 1739 (la cinquième guerre russo-turque), se solde en
faveur de l’Empire ottoman, la France — qui bénéficie depuis l’alliance entre François Ier et
Soliman le Magnifique d’un régime commercial spécial dans l’empire (régime des
capitulations) — étant intervenue auprès des Russes. Mais un nouveau conflit, déclenché par
les Ottomans en 1768, favorise la progression de la Russie. Celle-ci, étant intervenue pour
soutenir le soulèvement des Grecs en Morée, détruit la flotte ottomane près de Smyrne. La
puissance maritime ottomane s’effondre définitivement. Surtout, le 21 juillet 1774, le sultan
Abdülhamid Ier est contraint de signer le traité de Kutchuk-Kaïnardji, par lequel la Russie
obtient la Crimée, la libre navigation en mer Noire et en Méditerranée, et devient la
protectrice officielle des chrétiens orthodoxes. Ce traité permet donc aux Russes d’intervenir
dans les affaires ottomanes, marquant le début de la question d’Orient. Désormais, les grandes
puissances européennes vont s’affronter autour de l’empire déclinant.
B- la question d’orient : affrontement des puissances européennes pour
L’obtention des territoires de L’empire ottoman
Terme utilisé à partir de 1821 pour décrire les crises de la diplomatie internationale liées à la
désagrégation de l’Empire ottoman.
1- Les tenants et les aboutissants18 de la question d’Orient
La question d’Orient est née de la volonté de trois puissances européennes — l’AutricheHongrie, la Russie et le Royaume-Uni — de satisfaire leurs ambitions politiques et
territoriales au détriment de l’Empire ottoman.
La dynastie des Habsbourg, tout d’abord, souhaite s’assurer une mainmise sur le Danube,
mais également assujettir les Slaves d’Istanbul à son autorité afin de prévenir un soulèvement
de leurs frères établis sur les territoires autrichiens. Ces désirs s’opposent à ceux des Russes,
lesquels, à l’étroit en mer Noire, envisagent de s’assurer un débouché en Méditerranée en
contrôlant les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Le Royaume-Uni, enfin, exige de
rester seul maître de la Méditerranée, et emploie tous les moyens à sa disposition pour
empêcher les Russes d’y pénétrer.
Dans ce contexte, la question d’Orient remonte véritablement au traité de Kutchuk-Kaïnardji
entre la Russie et l’Empire ottoman (21 juillet 1774), en vertu duquel le tsar obtient la liberté
de navigation sur la mer Noire, le droit de passage par les détroits pour ses navires
commerciaux et le droit de représentation de l’Église orthodoxe (religion de la majorité des
sujets ottomans chrétiens) : ce traité, qui révèle la faiblesse de l’Empire ottoman, consacre la
Russie comme la grande puissance la mieux à même de succéder aux Turcs ottomans en
Europe.
2- Les crises internationales : la guerre de Crimée notamment (1853-1856)
Au cours du XIXe siècle19 , inauguré par le soulèvement serbe de 1804, la question d’Orient
devient considérablement plus complexe en raison de la montée du nationalisme parmi les
18
Toutes les circonstances et les implications (d'une affaire)
28
sujets ottomans chrétiens et leurs aspirations à l’autonomie (voire à l’indépendance), et son
évolution est marquée par une succession de crises internationales. Les guerres russo-turques,
conclues par le traité de Bucarest (28 mai 1812), assurent à la Russie des gains territoriaux qui
inquiètent le Royaume-Uni.
Cependant, la guerre de l’Indépendance grecque, commencée en 1821, a de graves
conséquences. Elle suscite une intervention concertée des puissances européennes contre les
Ottomans, encourageant Méhémet Ali, appelé à la rescousse par le sultan, à se libérer de la
suzeraineté ottomane. Signé en 1829, le traité d’Andrinople consacre l’indépendance grecque
et l’autonomie serbe, accorde à la Russie la libre navigation à l’embouchure du Danube et
dans la mer Noire. En 1832, l’armée égyptienne menée par Ibrahim Pacha prend la Palestine
et la Syrie, et assiège Constantinople. Il faut l’aide des Russes pour sauver la ville. Désormais,
les puissances européennes, qui cherchent à satisfaire leurs ambitions territoriales au
détriment de l’Empire ottoman, vont se faire plus pressantes dans les affaires impériales.
Ces inquiétudes s’accentuent lorsqu’en 1833 la Russie semble complètement dominer
l’Empire ottoman (traité d’Unkiar-Skelessi du 26 juin). En effet, depuis la fin du XVIIIe
siècle, la Russie cherchait à profiter du déclin de l’empire ottoman pour accroître son
influence dans les Balkans et pour arracher aux Turcs le contrôle des détroits entre la mer
Noire et la mer Méditerranée. Après leur victoire dans la guerre russo-turque (1828-1829) et
surtout après le traité d’Hünkär-Iskelessi (1833), les Russes essayèrent d’établir à leur seul
profit un protectorat sur l’Empire ottoman.
Pour le Royaume-Uni et la France, une mainmise russe sur les détroits menaçait directement
leurs intérêts au Moyen-Orient. En outre, une grande partie de l’élite politique et
intellectuelle, en France comme au Royaume-Uni, méprisait la Russie et la considérait comme
un État despotique, ennemi du libéralisme. L’Autriche, en dépit de la longue tradition de
coopération diplomatique qu’elle entretenait avec la Russie, commença à s’inquiéter, elleaussi, de son influence grandissante dans les Balkans. En 1841, les puissances européennes et
l’Empire ottoman réussirent à remplacer le traité d’Hünkär-Iskelessi par un protectorat
européen
La guerre de Crimée
De 1853 à 1856, un conflit armé oppose la Russie à une coalition comprenant le RoyaumeUni, la France, le royaume de Sardaigne et l’Empire ottoman. Cette guerre fut un tournant
décisif de l’histoire politique européenne durant la période postnapoléonienne.
Au début des années 1850, le tsar Nicolas Ier pensait avoir une nouvelle opportunité d’étendre
l’influence de la Russie en intervenant dans les affaires turques. Il se croyait assuré du soutien
autrichien en contrepartie de l’aide que son pays avait apportée à la dynastie des Habsbourg
pendant les révolutions de 1848-1849. Il croyait aussi, à tort, que le gouvernement britannique
de George Hamilton-Gordon s’associerait à un partage des territoires des Balkans contrôlés
par les Turcs.
L’intervention russe fut provoquée par un conflit entre catholiques et orthodoxes concernant
la protection des Lieux saints en Palestine, qui appartenaient alors à l’Empire ottoman. En
décembre 1852, le sultan ottoman, sous la pression de Napoléon III, se prononça en faveur
des catholiques. Nicolas Ier, le protecteur de l’Église orthodoxe, envoya aussitôt une mission à
19
Durant le règne de Selim III (1789-1807), l’Égypte, après l’expédition de Bonaparte (1799-1801), passe sous
le contrôle de Méhémet Ali, vassal turbulent. La Syrie proclame son indépendance ; les wahhabites se révoltent
au Hedjaz, de même que les Serbes dans les Balkans .
29
Constantinople (actuelle Istanbul) pour négocier un nouvel accord en faveur des orthodoxes et
un traité garantissant leurs droits dans l’Empire ottoman. Parallèlement, au cours de
négociations officieuses avec l’ambassadeur britannique en Russie, le tsar évoqua la
possibilité d’un partage des Balkans et d’une occupation russe « temporaire » de
Constantinople et des détroits ; ce qui correspondait à proposer un démembrement de
l’Empire ottoman au Royaume-Uni, favorable à l’unité turque face à l’expansionnisme russe.
L’ambassadeur britannique à Constantinople, le vicomte Stratford de Redcliffe, fut à l’origine
d’un arrangement à l’amiable concernant les Lieux saints, mais il persuada les Turcs de
s’opposer aux exigences de reconnaissance d’une forme de protectorat russe sur les chrétiens
orthodoxes de la Porte, car elles représentaient une menace pour leur souveraineté. Le 1er
juillet 1853, les Russes ripostèrent en occupant les principautés turques de Moldavie et de
Valachie (maintenant en Roumanie). Les puissances européennes essayèrent d’arriver à un
compromis, mais sans succès. Le 4 octobre, assuré des soutiens français et britannique,
l’Empire ottoman déclara la guerre à la Russie.
Le 30 novembre 1853, les Russes détruisirent la flotte turque dans le port de Sinope sur la mer
Noire, ce qui souleva un tollé général au Royaume-Uni et en France. En mars 1854, comme la
Russie voulait ignorer les demandes britanniques et françaises d’évacuation de la Moldavie et
de la Valachie, le Royaume-Uni et la France déclarèrent la guerre à la Russie, croyant que
leur suprématie navale leur permettrait de remporter rapidement la victoire. Le 3 juin,
l’Autriche, restée neutre sous la pression des États allemands, menace de déclarer la guerre à
son tour, à moins que la Russie n’évacue la Moldavie et la Valachie. La Russie s’exécute le 5
août et les troupes autrichiennes occupèrent les principautés. Le royaume italien de Sardaigne
rejoignit le camp des alliés en janvier 1855 ; il espérait ainsi obtenir les faveurs du RoyaumeUni et de la France, ainsi que leur aide pour expulser l’Autriche de ses possessions italiennes.
Les alliés décidèrent alors de mener une campagne contre la forteresse de Sébastopol en
Crimée, quartier général de la flotte russe en mer Noire. Les armées françaises, commandées
par Saint-Arnaud, et britanniques, sous les ordres de lord Raglan, débarquèrent à Eupatoria le
14 septembre 1854. En dépit de victoires coûteuses sur les Russes (batailles de l’Alma, 20
septembre, de Balaklava, 25 octobre, et d’Inkerman, 5 novembre), la guerre de tranchées
s’éternisa, les Russes refusant d’accepter les conditions de paix des alliés. Sébastopol,
brillamment défendue par Todleben, tomba finalement le 8 septembre 1855, après la prise de
la tour Malakoff par Mac-Mahon. Mais la Russie, qui avait vu l’avènement du tsar Alexandre
II au cours du siège de Sébastopol, n’accepta de faire la paix que lorsque l’Autriche menaça
d’entrer en guerre.
Le traité de Paris, signé le 30 mars 1856, fut un échec cuisant pour la politique russe au
Moyen-Orient. La Russie dut rendre la Bessarabie du Sud et l’embouchure du Danube à
l’Empire ottoman dont l’indépendance et l’intégrité territoriale furent réaffirmées ; la
Moldavie, la Valachie et la Serbie furent placées sous garantie internationale et non plus sous
protectorat russe. Le sultan se limita à de vagues promesses concernant le respect des droits
de tous ses sujets chrétiens et il fut défendu aux Russes de garder leur flotte dans la mer
Noire, désormais interdite à tout navire de guerre.
La guerre de Crimée représente un tournant dans l’évolution de l’équilibre européen. Elle
marqua la fin de la « Sainte-Alliance » par laquelle les vainqueurs des guerres
napoléoniennes, notamment le Royaume-Uni, la Russie, l’Autriche et la Prusse, avaient réussi
à maintenir la paix en Europe depuis quarante ans. Le mythe de la puissance russe s’effondra.
La désintégration de la vieille coalition permit à l’Allemagne et à l’Italie de se libérer de
l’influence autrichienne et devenir des nations indépendantes au cours des années qui
30
suivirent. Enfin, le choc de la défaite de Crimée fut le catalyseur de très importantes réformes
sociales lancées par Alexandre II en Russie. L’Empire français, quant à lui, tira un prestige
considérable de cette guerre sur la scène européenne.
C- L’émergence des NATIONALISMES
Le traité de Paris de 1856 est ébranlé par les aspirations nationalistes des chrétiens des
Balkans : la Grèce est indépendante (1832), la Serbie, le Monténégro et les principautés de
Moldavie et Valachie (lesquelles formeront la future Roumanie) sont plus ou moins
autonomes, mais de nombreux Serbes, Grecs et Bulgares restés dans l’Empire ottoman ne
tardent pas à montrer leur mécontentement : tous les éléments sont réunis pour une crise
orientale majeure.
1- La crise bulgare et la montée de l'instabilité dans les Balkans
Le soulèvement de paysans chrétiens en Bosnie-Herzégovine (1876) se propage en Bulgarie.
Ce soulèvement est supporté par la Serbie, le Monténégro et la Russie. Les bachi-bouzouks
(cavaliers mercenaires de l’armée ottomane) ayant répondu par un massacre des chrétiens, la
Russie intervient en 1877 ainsi que la Serbie et le Monténégro.
LA guerre se solda par la défaite de l'empire ottoman. Ce dernier fut contraint à signer le traité
de San Stefano, le 3 mars 1878 : la Serbie, le Monténégro et la Roumanie accèdent à
l’indépendance ; la Bosnie et l’Herzégovine deviennent autonomes. D’autre part, la Russie
elle-même s’agrandit en intégrant les territoires de Kars, de Batoum et de Dobroudja
(échangée avec la Roumanie contre la Bessarabie).
Mais la principale décision du traité de San Stefano est la création d’une « grande Bulgarie »
(Bulgarie, Roumélie et Macédoine), autonome au sein de l’Empire ottoman et, de fait, sous
autorité russe — Moscou désigne le souverain bulgare. Allant du Danube jusqu’à la mer
Égée, elle ouvre aux Russes les portes de la Méditerranée. L’Empire austro-hongrois et
l’Angleterre s’alarment de cette atomisation balkanique sous contrôle russe.
Menaçant l’équilibre diplomatique européen, les termes du traité de San Stefano mécontentent
donc le Foreign Office et les affaires étrangères viennoises ; les deux pays menacent aussitôt
la Russie d’une guerre si elle n’accepte pas une révision du traité. Mal préparée sur le plan
militaire, la Russie accepte de rejoindre la table des négociations au congrès de Berlin de juinjuillet 1878, qui corrige en profondeur les décisions de San Stefano. En particulier, la grande
principauté bulgare nouvellement créée étant contestée, la question d’Orient est bientôt
relancée.
Le congrès de Berlin sauve de la disparition l’Empire ottoman vaincu : la taille du nouvel État
bulgare est considérablement réduite et certains territoires sont rendus aux Turcs. Mais la
Serbie, le Monténégro et la Roumanie obtiennent l’indépendance, la Bosnie-Herzégovine est
placée sous administration autrichienne et le Royaume-Uni s’octroie Chypre. La Bulgarie est
désormais une principauté autonome de l'empire ottoman. Mais, dans le but de préserver une
certaine puissance ottomane, la Bulgarie du sud et l'est de la Roumélie restèrent sous le
contrôle de l'empire Ottoman, ce qui souleva, in fine, une révolte de la part des nationalistes
de l'est de la Roumélie, qui demandèrent le droit de rejoindre le reste de la Bulgarie. La
Russie utilisa alors cette révolte comme prétexte pour agrandir ses territoires, ce qui déplu à
31
l'Autriche-Hongrie qui, avec l'aide de Bismarck, réussirent à faire retirer les troupes du tsar
Nicolas II de la Bulgarie.
Cette crise bulgare eût trois principales conséquences, à savoir la fin de la Ligue des trois
empereurs, l'affaiblissement de l'Allemagne sur le plan de la médiation qui prit parti contre la
Russie, ainsi que la fin du traité de contre-assurance (entre l'Allemagne et la Russie). La
diplomatie menée par Bismarck connu là son premier véritable échec. Otto Von Bismarck fut
démis de ses fonctions en 1890. Cet événement est considéré comme clé dans la marche vers
la première guerre mondiale.
2- Les guerres des Balkans
P é ninsule des Balkans en 1914
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Il s’agit de deux guerres consécutives qui ont eu lieu, de 1912 à 1913, dans la péninsule des
Balkans, au sud-est de l'Europe. Les belligérants furent la Serbie, le Monténégro, la Grèce, la
Roumanie, la Turquie et la Bulgarie. Ces deux guerres eurent pour enjeu la possession des
territoires européens de l'Empire ottoman. Elles ont sérieusement ébranlé les alliances
européennes et ont contribué au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
2.1. Climat politique
Au lendemain de la guerre russo-turque de 1877-1878, le traité de Berlin, signé le 13 juillet
1878, assura l'indépendance complète de la Serbie, du Monténégro et de la Roumanie, mais
n'accorda son autonomie qu'à une partie de la Bulgarie. Les provinces bulgares restantes,
placées sous le contrôle des Turcs ottomans (Roumélie orientale), furent toutefois rattachées à
32
la Bulgarie en 1885, à la suite d'une insurrection populaire. La Bulgarie, néanmoins, ne devint
un État pleinement indépendant qu'en 1908 20 .
2.2. La première guerre des Balkans (octobre 1912-mai 1913)
En 1903, le roi de Serbie Alexandre Ier, dernier roi de la dynastie des Obrénovitch fut
assassiné ; Pierre Ier, hostile aux Habsbourg et à "l'homme malade de l'Europe" (l'Empire
Ottoman) monta sur le trône. En 1903, il signa une alliance militaire avec la Russie. La
révolution des Jeunes-Turcs (1908-1909) et la guerre italo-turque (1911-1912) fournirent aux
États balkaniques une occasion de se venger des Turcs, leurs anciens oppresseurs. Après
1908, date correspondant à la date d'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'AutricheHongrie21 , la Serbie créa en 1912, dans le principal but de s'opposer à la présence turque, la
Ligue des Balkans. En effet, en mars 1912, la Serbie conclut avec la Bulgarie un traité
d'alliance qui fut élargi, peu de temps après, à la Grèce et au Monténégro.
La tension monta rapidement dans la péninsule des Balkans durant l'été 1912, notamment
après le 14 août, date à laquelle la Bulgarie mit en demeure les Turcs d'accorder son
autonomie à la Macédoine, alors sous domination turque. Les États de l'Entente balkanique
commencèrent à mobiliser le 30 septembre. Huit jours plus tard, le Monténégro déclara la
guerre à l'Empire ottoman. Le 18 octobre, les alliés balkaniques entrèrent en guerre à ses
côtés, déclenchant ainsi la première guerre des Balkans. Pendant les deux mois qui suivirent,
l'alliance balkanique remporta une série de victoires décisives sur les Turcs, forçant ceux-ci à
abandonner l'Albanie, la Macédoine et la presque totalité de ses territoires d'Europe sudorientale. À la fin du mois de novembre, les Turcs demandèrent un armistice.
Un accord fut signé le 3 décembre avec les alliés balkaniques à l'exception de la Grèce qui
décida de poursuivre son offensive contre les Turcs. Quelques jours plus tard, une conférence
de paix réunit, à Londres, les représentants des États belligérants et des grandes puissances
européennes pour tenter de résoudre la question des Balkans. Les Turcs rejetèrent les
revendications des États balkaniques si bien que la conférence se termina par un échec le 6
janvier 1913. Le 23 janvier, un coup d'État plaça un groupe d'extrémistes nationalistes à la
tête de l'Empire ottoman. Moins d'une semaine après, les combats reprirent.
La Grèce s'étant emparée d’Ioánnina (nord-ouest de la Grèce) et la Bulgarie d’ Andrinople
(aujourd'hui Edirne, Turquie), les Turcs obtinrent un armistice avec la Bulgarie, la Grèce et la
Serbie le 19 avril 1913, puis avec le Monténégro. Une nouvelle conférence de paix, arbitrée à
nouveau par les grandes puissances européennes, se tint à Londres le 20 mai. Le traité signé à
Londres le 30 mai acheva le démembrement de l'Empire ottoman d'Europe. Les Turcs durent
céder toutes leurs possessions européennes situées à l'ouest d'une ligne allant du port de
20
La veille de l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche, à l'instigation de Vienne, Ferdinand de
Bulgarie avait proclamé l'indépendance pleine et entière de sa principauté, que la même conférence avait laissée
à la Turquie.
Ces violations unilatérales du traité de Berlin provoquent un regain d'agitation dans les Balkans. La Russie
soutient la Serbie dans ses revendications et ne consent à s'apaiser que face à la ferme intervention d u chancelier
allemand, le prince Bernhard Von Bülow.
21
L'Autriche-Hongrie craint que l'expansionnisme russe n'entraîne un soulèvement de ses minorités slaves, qui
lui serait fatal.
Profitant de l'affaiblissement de la Russie, le baron d'Aerenthal, ministre-président d'Autriche-Hongrie, convainc
l'empereur François-Joseph 1er d'annexer le 5 octobre 1908 la Bosnie-Herzégovine, une province turque qui lui
avait été confiée 30 ans plus tôt, lors de la conférence de Berlin.
33
Midye (Turquie), sur la mer Noire, à la ville turque d’Enez, sur la mer Égée. La question des
frontières et du statut de l'Albanie et de certaines îles de la mer Égée fut soumise à une
commission internationale.
2.3. Seconde guerre des Balkans (juin-juillet 1913)
La seconde guerre balkanique fut provoquée par l'incapacité des vainqueurs à s'entendre sur le
partage des territoires conquis. Le traité de Londres suscita en effet de vives tensions entre les
États balkaniques, particulièrement entre la Serbie et la Bulgarie. La Bulgarie, qui avait
apporté la plus grande contribution à la première guerre balkanique, refusa de satisfaire les
revendications territoriales serbes sur certaines parties de la Macédoine, occupée par les
Bulgares. De leur côté, les Serbes étaient mécontents de n'avoir obtenu aucun territoire sur
l'Adriatique.
Le 1er juin 1913, la Grèce et la Serbie conclurent une alliance contre la Bulgarie, précipitant
ainsi le déclenchement de la seconde guerre des Balkans. La Bulgarie, soupçonnant la Serbie
et la Grèce de préparer une division de la Macédoine à son détriment, engagea les hostilités le
29 juin. Ce jour-là, un général bulgare attaqua, sans en avoir reçu l'ordre, les positions
défensives serbes. Bien que le gouvernement bulgare niât toute responsabilité, la Serbie et la
Grèce déclarèrent la guerre à la Bulgarie le 8 juillet. Moins de deux semaines après, le
Monténégro, la Roumanie et l'Empire ottoman les imitèrent. Le 30 juillet, incapable de faire
face à une coalition aussi importante, la Bulgarie obtint un armistice. Un traité de paix fut
signé à Bucarest (Roumanie), le 10 août. La Bulgarie perdit une part importante de son
territoire. La Dobroudja septentrionale fut cédée à la Roumanie. La Bulgarie dut en outre
renoncer à la Macédoine, qui fut partagée entre la Serbie et la Grèce, et céder Andrinople et
une partie de la Thrace à la Turquie.
2.4. Les impacts des guerres des Balkans
Les guerres des Balkans influencèrent profondément le déroulement ultérieur de l'histoire
européenne. Elles ne firent qu'accentuer les rivalités balkaniques et aviver le nationalisme
serbe. Le démantèlement de l'Empire ottoman d'Europe et celui de la Bulgarie créèrent ainsi
de vives tensions dans tout le sud-est de l'Europe. La Bulgarie et la Turquie n'acceptèrent pas
leur défaite. La Russie fut déçue de n'avoir pas obtenu, au cours des négociations, le contrôle
des détroits. Les accords de paix créèrent une Serbie forte et ambitieuse, qui, contrainte
d'accepter, en 1909, l'annexion de la Bosnie-Herzégovine par l'Autriche, rêvait de regrouper
tous les Slaves du Sud. Cela eut pour conséquence de faire naître un sentiment de peur
antiserbe dans l'Autriche et la Hongrie voisines qui, dès lors, n'attendaient que le
déclenchement d'une nouvelle crise pour pouvoir écraser la Serbie. L'assassinat de l'archiduc
d'Autriche, François-Ferdinand, à Sarajevo, le 28 juin 1914, fournit à l'Autriche-Hongrie un
prétexte pour envahir la Serbie, déclenchant ainsi, par le jeu complexe des alliances
européennes, la Première Guerre mondiale.
D- Les autres prétentions territoriales
L’Italie, unifiée depuis 1860, a donné à la France, à la suite de la victoire de la France sur
l’Autriche, la Savoie et le comté de Nice. Malgré un fort courant pacifiste, l’Italie veut
prendre au voisin autrichien, avec lequel elle a un vieux contentieux, des territoires qu’elle
considère comme italiens, les Terres irrédentes, car majoritairement italophones. Elle désire
s’étendre en Dalmatie, liée historiquement à l'Italie et où l’on parle aussi italien, et contrôler
la mer Adriatique, à l’instar de ce qu'a fait la République de Venise, et ce d’autant plus que
34
ses tentatives de conquête d’un empire colonial africain ont échoué après la débâcle d’Adoua
en Abyssinie en 1896. Seule une partie du Tigré a été rattachée à l’Érythrée déjà italienne,
ainsi que la Somalie. La Libye est devenue colonie italienne en 1911 à la suite de la guerre
italo-turque.
III- LES RIVALITES22 ECONOMIQUES militaires ET COLONIALES
A- le dynamisme économique et militaire de L’aLLemagne au cœur des
rivalités entre puissances européennes
La montée en puissance de l’Allemagne est l’un des principaux facteurs dans l’augmentation
des tensions entre Etats européens. En effet, la victoire de la Prusse sur la France, en 1871,
permit l’unification de l’Allemagne et la création d’une nouvelle puissance dans le cœur de
l’Europe. La volonté, de la part de l’Allemagne, de se comporter comme une puissance
militaire et économique développa la crainte des autres Etats européens vis-à-vis de ce pays,
et influença donc les relations diplomatiques.
En effet, grâce à son unification, le développement économique de l’Allemagne fut à nul autre
pareil. L’Allemagne finit par acquérir une suprématie industrielle et commerciale en Europe.
Ainsi, l’Allemagne exportait plus d’acier que la France, la Russie et la Grande-Bretagne
réunies et était le deuxième pays producteur de charbon, derrière la Grande-Bretagne. La
chimie allemande est la première du monde et les constructions mécaniques ou électriques
n’ont de rivales à leur taille qu’aux Etats-Unis. Sur les marchés européens – belge, hollandais,
italien ou russe – mais aussi sur les marchés lointains d’Amérique et d’Asie, le « made in
Germany » évince le « made in England ». De plus, le voyageur de commerce allemand prend
la peine de s’informer des besoins de ses clients pour s’y adapter parfaitement.
Cette suprématie commerciale a de profondes répercussions psychologiques en Angleterre :
elle attise la méfiance croissante de l’opinion anglaise à l’égard de l’Allemagne. Par ailleurs,
les branches industrielles allemandes sont à la base même de sa puissance militaire. La force
de l’industrie allemande permit d’accroître les capacités militaires du pays qui possédait, en
outre, une armée bien entrainée et équipée. L’Allemagne avait, juste avant le déclenchement
de la guerre, la deuxième flotte mondiale, derrière la Grande-Bretagne. Quant aux Allemands,
ils s’inquiètent de la croissance économique et démographique de la puissance russe qui les
amène à penser qu’ils seraient incapables de lui résister dans quelques années ; de telle sorte
qu’ils ont peut-être intérêt à provoquer un conflit avant qu’il ne soit trop tard
La politique étrangère de l’Allemagne fut menée par Otto Von Bismarck, premier chancelier
de l’Allemagne, de 1871 à 1890. Sa politique permit à l’Allemagne la signature de nombreux
traités et alliances avec, souvent, des clauses secrètes. Néanmoins, il s’efforça de préserver
l’équilibre européen. En 1872, fut formée la Ligue des trois empereurs (Allemagne, Russie,
Autriche-Hongrie), suivit, en 1879, par la double alliance (ou duplice) entre l’Allemagne et
22
1. vive opposition (d'idées ou d'intérêts) [Remarque d'usage: le plus souvent au pluriel] Synonyme: dissension
Synonyme: conflit
2. fait de disputer un avantage (à une ou plusieurs autres personnes) Synonyme: concurrence Exemple :
l’équipe adverse est grande
35
l’Autriche-Hongrie qui se devaient assistance mutuelle en cas d’attaque de la part de la
Russie. Bismarck croyait, en effet, que ces alliances avec l’Autriche-Hongrie allaient réduire
les vues de celle-ci sur les Balkans. En réalité, ce fut tout à fait le contraire : l’AutricheHongrie mena une politique audacieuse contre les mouvements nationalistes dans les Balkans.
Suite à sa demande, l’Italie entre dans l’association germano-autrichienne en 1882 : cette
alliance entre les trois pays formera la Triple Alliance (ou Triplice). En 1887, l’Allemagne
signa le traité secret de contre-assurance avec la Russie qui stipule la neutralité russe en cas de
déclaration de guerre de l’Allemagne contre la France et la neutralité allemande en cas
d’attaque de la Russie sur l’Autriche-Hongrie (ce qui est contradictoire avec les clauses de la
duplice), ainsi que le soutien de la politique russe dans les Balkans de la part de l’Allemagne.
Selon la volonté de Bismarck, ces nombreux traités permettraient à l’Allemagne, en cas de
crise internationale, d’avoir un maximum de flexibilité.
Entre 1890 et 1914, la population allemande passa de 49 à 66 millions d’habitants. En 1897,
le Kaiser Wilhelm II annonça son intention de mener une "politique mondiale", la Weltpolitik,
justifiée par la dépendance de l'industrie allemande, de plus en plus puissante, vis-à-vis des
importations de matières premières. Cette politique, agressive (contrairement à la politique de
Bismarck) et soutenue par la presse allemande et les nationalistes, consista donc à avoir "une
place au soleil", à prendre possession de territoires, le plus souvent situés dans les eaux
territoriales mondiales, dotés de matières premières. La Weltpolitik, menée par Bernhard Von
Bülow et l'amiral Alfred Von Tirpitz, nécessita a fortiori une puissance navale conséquente,
dont le développement sera assuré avec une extraordinaire réussite par Von Tirpitz. Les
ambitions de l'Allemagne et l'accroissement de son empire colonial, créèrent des craintes chez
les Français et les Britanniques (le Royaume-Uni voulait se débarrasser de la puissance
maritime allemande afin de rester maître des mers) notamment et donc des tensions qui,
additionnées aux autres, allaient mener le monde vers une guerre sans précédent.
B- La question coloniale, source de tensions
Comme l’avait pressenti Bismarck vers 1880 quand il poussait la France à se tourner vers la
Tunisie et l’outre-mer, la conquête coloniale pouvait préserver la paix en Europe : les énergies
se trouvaient détournées vers les territoires lointains. D’où aussi l’idée de la conférence de
Berlin de 1884. La conférence de Berlin de 1885, avait permis le partage de l'Afrique entre les
puissances européennes, une notable partie de l'Afrique, le Congo octroyé au roi des Belges
Léopold II qui sut habilement jouer des rivalités entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne
pour neutraliser ainsi le centre de l'Afrique.
Mais, la raréfaction des terres libres de toute occupation européenne à la fin du XIXe siècle
exaspère de nouveau les tensions entre Etats : Fachoda le montre dès 1898. Tensions d'abord
entre Français et Anglais en Égypte et, surtout, au Soudan avec la crise de Fachoda en 1898
puis tensions entre la France et l'Italie sur la Tunisie en 1881, qui vont entraîner l'adhésion de
l'Italie à la Triplice.
Mais les tensions les plus graves au début du XXe siècle concernent le Maroc, où
l’Allemagne cherche à contrecarrer l’expansion française. En effet, depuis 1871, l'Allemagne
unifiée a rattrapé, en quelques décennies, son retard économique sur le reste de l'Europe
occidentale en se dotant par exemple d’une industrie très concentrée. L'Allemagne regarde
donc outre-mer et vers l’Afrique où elle espère trouver des matières premières à bon marché
36
ou même fonder des comptoirs pour écouler ses produits manufacturés. Cependant, la France,
l'Angleterre et la Belgique se sont partagé l'Afrique. L'Asie aussi est sous la coupe
européenne. L'Allemagne, sauf en de rares endroits comme au Cameroun, Namibie, Tanzanie
et Togo ne peut obtenir de zones d’influence dans les colonies. Aussi ressent-elle comme une
injustice que son industrie de plus en plus compétitive se heurte à la crainte ou à l’égoïsme
des autres puissances européennes. Ne disposant pas de colonies de peuplement, Guillaume II
souhaite prendre pied au Maroc au nom de la Weltpolitik.
Les deux crises, en 1905 avec le Coup de Tanger23 et en 1911 avec le Coup d'Agadir, qui
l’opposent à la France conduisent à une multiplication des incidents diplomatiques. Pour
l'historien allemand Fritz Fischer, cette situation est l’une des principales causes du
déclenchement du conflit. Dès 1905, le conflit semble inévitable entre la France et
l'Allemagne.
Depuis 1890, date de la chute du chancelier du IIe Reich, le prince Otto Von Bismarck, la
rivalité franco-allemande s’était étendue sur le plan colonial (voir Colonisation). Les
Allemands avaient ainsi tenté en vain, en 1905-1906, de stopper la « pénétration pacifique »
de la France au Maroc. La position stratégique du Maroc en faisait un enjeu crucial dans la
lutte coloniale ; les Français avaient pu à l’occasion vérifier la fiabilité de leur jeune alliance
(1904, Entente cordiale) avec le Royaume-Uni lors de la conférence d’Algésiras. La question
du Maroc était néanmoins demeurée en suspens et les ambitions allemandes sur cette partie de
l’Empire ottoman étaient régulièrement réaffirmées.
Au début de l’année 1911, les Français envoyèrent des troupes à Fès, pour secourir le sultan
Moulay Hafiz, assiégé dans son palais à la suite d’une révolte berbère. L’Allemagne assimila
ce geste à un début d’occupation du pays : elle demanda d’abord à la France des
23
Après de nombreux affrontements, notamment franco-marocains, visant à contrôler ce point stratégique,
l’empereur allemand Guillaume II y fait, en 1905, une déclaration en faveur de l’indépendance du Maroc («
discours de Tanger »), qui conduit à la réunion de la conférence d’Algés iras (1906), aux termes de laquelle le
Maroc est placé sous tutelle européenne, la France conservant toutefois des droits spéciaux.
37
compensations coloniales, en échange de son accord pour un protectorat français sur le Maroc
; puis, pour accroître la pression, l’Allemagne envoya la canonnière Panther dans le port
d’Agadir, au sud du Maroc, le 1er juillet 1911.
Le Royaume-Uni se rangea aux côtés de la France. Le 21 juillet, le chancelier de l’Échiquier
David Lloyd George, dans un discours prononcé à Londres, lança un avertissement à
l’Allemagne en lui demandant de limiter ses exigences. Dans le même temps, la France durcit
sa position et la tension monta. Le Royaume-Uni et la France se préparèrent à une guerre
contre l’Allemagne au cours de l’été.
À l’automne, une grave crise financière frappa Berlin24 . L’Allemagne renonça à entamer un
conflit au Maroc et arriva à un compromis avec la France, le 4 novembre 1911 : les
Allemands laissaient les mains libres aux Français, en échange d’une portion du Congo
rattachée au Cameroun. En mars 1912, le sultan signa la convention de Fès, qui établit le
protectorat de la France sur le Maroc.
L’incident d’Agadir, d’une part, confirma la solidité du bloc franco-britannique sur les
questions coloniales face aux prétentions allemandes ; d’autre part, il permit aux Français
d’affirmer leur hégémonie sur le Maghreb ; enfin, il traduisit l’accroissement des tensions
entre les deux systèmes d’alliances (Triple-Entente et Triple-Alliance) qui s’étaient constitués
depuis la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle en Europe.
IV- L’aboutissement des tensions : Les sYstemes d’aLLiance et course aux
armements
A- Les sYstèmes d’aLLiance
Ces multiples tensions aboutissent à la constitution de deux blocs antagonistes.
De vastes systèmes d’alliances se sont créés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Deux
grands systèmes d'alliances se dessinent. La Triplice, plus ancienne, est l’œuvre du chancelier
prussien Otto Von Bismarck. Conscient de l’hostilité française depuis l’annexion de l’AlsaceLorraine, Bismarck cherche, sur le plan diplomatique, à isoler la France de la IIIe République
pour l’empêcher de nouer une alliance contre le Reich. En 1879, sous son impulsion, un
premier rapprochement a lieu entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. En 1881, l’Italie
demande son intégration dans l’association germano-autrichienne par opposition à la France
qui a pris pied en Tunisie, territoire que l’Italie revendiquait. Le 20 mai, un accord tripartite
voit donc le jour : la Triplice ou Triple-Alliance. Toutefois, l’Italie revendique également le
Trentin et l’Istrie, les « terres irrédentes » sous domination autrichienne. Le traité est
renouvelé à plusieurs reprises, même si l’attitude de l’Italie devient de plus en plus froide, en
particulier avec la signature d’un accord secret de neutralité avec la France en 1902. La
démarche diplomatique française vis-à-vis du royaume italien a l’avantage d’éviter à la
France de devoir combattre sur deux fronts, mais inquiète l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie.
Or, en 1908, il y eut un tremblement de terre à Messine : l'état-major de l'Autriche-Hongrie
voulut profiter de la désorganisation qui s'ensuivit en Italie et proposa à l'Allemagne une
guerre contre l'Italie. Mais l'Empereur Guillaume II refusa, ce qui révèle la fragilité de la
triplice.
24
C’est par le retrait brusque des sommes déposées dans les banques allemandes que la France a amené
l’Allemagne à composer.
38
En 1914, l’Allemagne peut aussi compter sur la sympathie de l'Empire ottoman, qui ne digère
pas d'avoir été privé par Winston Churchill de deux cuirassés construits par la GrandeBretagne. La menace russe pour prendre le contrôle des détroits se précise. En effet,
l’Angleterre qui, jadis, protégeait l’Empire ottoman, est maintenant alliée à la Russie. Pour la
Turquie, seul un rapprochement avec l’Allemagne de Guillaume II peut la sortir de son
isolement. Elle a ainsi pu trouver des sympathies auprès des peuples colonisés dans tout le
bassin de la Méditerranée, du Caucase à Marrakech.
La France finit cependant par sortir de son isolement. Le 27 août 1891, une convention
militaire secrète est signée entre la France et la Russie après le lancement du premier emprunt
russe sur la place de Paris. Ce choix diplomatique est dicté par les impératifs de la politique
internationale. Cet accord est officialisé le 27 décembre 1893. L’alliance franco-russe est
renforcée en 1912 et prévoit une alliance défensive entre les deux pays. La France bénéficie
ainsi d’un allié de poids, notamment sur le plan démographique et stratégique, avec la
possibilité d’un deuxième front à l’est de l’Allemagne, ou d’un front en Inde en cas de guerre
avec l’Angleterre, tandis que l’empire tsariste peut moderniser l’économie et l’armée du pays
grâce aux capitaux français. Après la crise de Fachoda en 1898 entre Français et Anglais, les
deux États ont réglé leurs différends coloniaux. En 1904, inquiet des progrès économiques et
commerciaux de l’Empire allemand et de la puissance acquise sur mer par la flotte allemande,
le Royaume-Uni accepte enfin de sortir de son isolement. Théophile Delcassé, alors ministre
des Affaires étrangères français, réussit le rapprochement franco-anglais avec la signature de
l’Entente cordiale en 1904. Celle-ci n’est pas un traité d’alliance liant les deux pays, mais leur
destin est de plus en plus imbriqué. Enfin, en 1907, à l’instigation de la France, le RoyaumeUni et la Russie règlent leurs contentieux en Asie en délimitant leurs zones d’influences
respectives en Perse, en Afghanistan et en Chine. Ainsi naît la Triple-Entente.
B- La course aux armements
Dans les deux camps, la course aux armements s’accélère et il y a surenchère dans la
préparation de la guerre. Les dépenses consacrées aux armées s’envolent. Les fortifications
frontalières (du moins à la fin du XIXe siècle), l’artillerie (le fameux canon de 75 de l’armée
française) et les flottes de guerre (le Dreadnought britannique et les cuirassés allemands)
absorbent une bonne partie des budgets des États. Le matériel est modernisé et la durée du
service militaire allongée dans plusieurs pays : en France, la durée du service militaire passe à
3 ans en août 191332 pour pallier (dans une certaine mesure) l’infériorité numérique de la
France face à l’Allemagne. En effet, si, en 1870, les deux pays avaient une population quasiidentique, en 1914 l’Allemagne comprenait une population de 67 millions33 , tandis que la
France, ayant à peine comblé la perte de l’Alsace-Lorraine, était peuplée d'environ 40
millions d’habitants34 . En Belgique, une loi instaure le service militaire obligatoire et
l'armement des forts de l'est est accéléré, mesures destinées à rendre crédible la volonté belge
de défendre la neutralité du pays contre toute attaque comme le traité de 1831 garantissant
l'indépendance en fait obligation au royaume. C'est la seule façon d'espérer que la France et la
Grande-Bretagne rempliront leur devoir de garants en venant au secours de la Belgique si
celle-ci est envahie par l'Allemagne, ce qui paraît la perspective la plus probable.
CONCLUSION
39
L’Europe du XIXe siècle est un continent miné par des dissensions25 , des menaces de rupture
d’équilibre profondes. Le congrès de Vienne de 1815 avait posé les jalons des revendications
nationalistes qui ont pour la plupart éclos à partir de 1848. L’unification de l’Italie et de
l’Allemagne avait exacerbé celles-ci. Surtout, cette unification avait créé des compétitions
économiques et coloniales entre puissances européennes, conduit à la réalisation d’alliances
militaires et incité à la course aux armements. Toutes choses qui ont fait dégénérer la crise
serbo austro-hongroise en confit mondial, le premier du genre.
BIBLIOGRAPHIE
Groupe de recherche pour l’enseignement de l’histoire et de la géographie, Histoire : d’une
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http://compodispo.free.fr/voir- histoire.php?id=2
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1914-1918. Les origines de la Grande Guerre, http://www.herodote.net/1914_1918-synthese61.php
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http://www.sport-
Les causes de la Première Guerre mondiale, http://icp.ge.ch/po/cliotexte/la-premiere-guerremondiale/causes.1.guerre.mondiale.html
Réalisé par SANGO MATHIAS. [email protected]
Sur : http://georepere.e-monsite.com
georepere
25
Profonde divergence de jugement, de sentiments ou d'intérêts génératrice de conflits [Remarque d'usage:
souvent au pluriel] Synonyme: désaccord Synonyme: discorde
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