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l'île d'Elbe. Chacun vient y défendre son point de vue, ses intérêts territoriaux, nationalistes, et tenter de satisfaire
un expansionnisme bien partagé.
2. INTÉRÊTS EN JEU
Le tsar Alexandre Ier, favorable à l'unification des États allemands (pour affaiblir l’Autriche), vient surtout
chercher la formation d'un gouvernement constitutionnel en Pologne, sous couvert duquel il escompte une
annexion. Il nourrit secrètement et vainement l’idée d’une Europe fédérée dominée par la Russie.
Le prince et ministre autrichien Metternich joue un rôle clef dans les négociations. Président du congrès, il met
en avant son idéal d’un équilibre européen francophobe. Il espère que la France perdra tout ressort diplomatique
du fait de ses pertes territoriales. De même, il cherche à freiner les prétentions russes sur la Pologne et le courant
du pangermanisme qui incite la Prusse à prétendre absorber la Saxe. Enfin et surtout, il veut créer les conditions
préalables, d’une part, à la constitution d’une confédération des États allemands dominée par l’Autriche (afin
d’avorter toute reconstitution éventuelle du Saint Empire romain germanique disparu en 1806), d’autre part, à
l’extension territoriale de l’Autriche, au renforcement de sa cohérence et de son autorité.
Face aux prétentions de Metternich, le prince Von Hardenberg, principal délégué prussien, est présent pour
défendre une politique permettant d’amoindrir l’émiettement territorial allemand, dans l’espoir de constituer une
confédération allemande gagnant en autonomie vis-à-vis de l’Autriche.
Le vicomte de Castlereagh, ministre des Affaires étrangères anglais, et le duc de Wellington attendent, pour leur
part, plusieurs décisions de Vienne : l’affaiblissement de la France, la stabilisation de la zone Hollande-Belgique,
la possibilité, en accord avec l’Autriche, de freiner l’expansionnisme russe (plutôt vers l’Égée et la
Méditerranée), et surtout la confirmation de leur position d’hégémonie coloniale.
Pour Talleyrand, représentant français de Louis XVIII, la tâche n’est donc pas aisée. Il est en piètre position pour
négocier : selon le vœu de l’Angleterre, de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche, la France et l’Espagne (qui
sort également du joug napoléonien) ne sont pas censées prendre part aux décisions importantes. Habile
diplomate, Talleyrand obtient néanmoins pour son pays une part égale dans les délibérations et compte sur les
divergences anglo-russes pour limiter le démantèlement des possessions françaises.
3. NOUVELLE PARTITION CONTINENTALE
À l'issue des négociations viennoises, l’Espagne et le Portugal recouvrent leur souverain respectif, détrôné par la
famille napoléonienne. En Italie, le Bourbon Ferdinand Ier retrouve son royaume des Deux-Siciles, et le duché
de Parme est attribué à la femme de Napoléon, Marie-Louise d'Autriche.
3.1. Dispositions concernant les frontières françaises
3.1.1 Limitation des frontières
La France est, pour sa part, dépossédée de tous les territoires conquis par Napoléon Ier et ramenée aux frontières
fixées par le traité de Paris du 20 novembre 1815. Elle est également occupée militairement (jusqu’en 1818) et
tenue de verser de lourdes indemnités de guerre.
3.1.2. Formation d’une zone de protection frontalière
De plus, la redéfinition de la carte européenne aboutit à l’érection d’une zone « tampon » autour de la France,
depuis la Belgique jusqu’à l’Italie piémontaise. Cette zone doit théoriquement protéger les grandes puissances de
toute tentative de pénétration. Ainsi, du nord au sud, le long de cette ligne : les anciennes Provinces-Unies (dont
la Belgique) sont rattachées aux Pays-Bas autrichiens pour former le royaume unique des Pays-Bas
(indépendants et gouvernés par la maison d'Orange) ; la Confédération helvétique réunit ses cantons et devient
indépendante et neutre ; le Piémont, rétrocédé au roi de Sardaigne (avec la Savoie, Nice et Gênes), constitue la
touche méridionale du dispositif anti-français, en tant que royaume de Piémont-Sardaigne.
3.2. Dispositions concernant les « Quatre Puissances »
Les « Quatre Puissances » (Angleterre, Russie, Autriche, Prusse) se taillent la part du lion, dans le respect du
protocole d’ouverture du congrès, à savoir que « la paix sera faite conformément aux principes du droit public. »
3.2.1. L’empire colonial britannique
La Grande-Bretagne conserve ses frontières, mais obtient plusieurs îles et possessions outre-mer — la province
du Cap (Afrique du Sud), Ceylan (actuel Sri Lanka), l'île Maurice, Helgoland et Malte, la Guyane, les Antilles,
etc. — qui renforcent son empire colonial aux dépens de la France et de la Hollande.
3.2.2. La poussée russe vers l’Ouest
La Russie reçoit les deux tiers de l'ancien Grand-Duché de Varsovie, qu'elle organise en un royaume polonais
autonome gouverné directement par le tsar Alexandre Ier. Elle obtient, en outre, la Bessarabie et la Finlande, ce
qui lui donne un accès à la Baltique. En échange de la Finlande, la Suède absorbe pour sa part la Norvège ; les
deux royaumes sont réunis sous le règne de Charles XIV de Suède.
3.2.3 L’extension des territoires prussiens
La Prusse obtient la Posnanie, la moitié nord de la Saxe, une grande partie des provinces de Rhénanie et de
Westphalie, enfin une partie de la Poméranie. Si le duché de Hanovre est agrandi et érigé en royaume et que le
duché du Schleswig est incorporé au Danemark, la Prusse renforce son aura sur les États allemands.
3.2.4. Le bloc autrichien