8 mai 2005 "Des corridors biologiques en ville

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ENVIRONNEMENT
Des corridors biologi
pourquoi, comment ?
DR
ICONOS/JOSEPH
La mise en place
de corridors biologiques
permet de lutter contre
l’érosion de la biodiversité,
et au-delà, de créer
un réseau maillé de voies
vertes pour stimuler
les modes doux
de déplacements.
Un alignement d’arbres offre une continuité biologique
L
’accroissement des surfaces urbanisées participe au recul
des milieux naturels et à l’effacement progressif des
paysages ruraux à la périphérie des villes. Non seulement
ce mouvement de périurbanisation s’accompagne d’un morcellement des espaces naturels et ruraux, marqué par un repli
des milieux propices à la diversité biologique, mais la taille
des sites épargnés ne cesse de rétrécir comme une peau de
chagrin. L’enclavement de « petits coins de nature », subsistant çà et là dans le périurbain, perturbe les communautés
Plus la surface d’un espace vert est importante et plus sa richesse spécifique augmente. La relation
aire-espèces suit une droite de la forme : log S = log C + z log A où S est le nombre d’espèces, A la
surface, C est une constante du groupe biologique et z mesure la pente de la droite.
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animales et végétales. La fragmentation et la réduction des
milieux naturels, conjuguées à la banalisation des paysages
ruraux, font partie des causes majeures de l’érosion de la biodiversité. À terme, les espèces qui survivent tant bien que mal
dans ces zones marginales sont vouées à l’extinction.
Les espaces verts en position insulaire
Depuis les travaux de Robert H. MacArthur et Edward O. Wilson portant sur les oiseaux des îles Channel, disséminées le
long de la côte californienne, nous savons que la richesse
spécifique d’une île dépend à la fois de sa taille et de la distance qui la sépare du continent. À surface égale, une île
abrite moins d’espèces qu’un territoire continental. Par
exemple, l’île de Port Cros (700 hectares) ne compte que 17
espèces d’oiseaux nicheurs alors qu’une superficie équivalente dans le massif des Maures, situé à moins de dix kilomètres « à vol d’oiseau », héberge 38 espèces, soit plus du
double.
Le modèle insulaire mis au point par MacArthur et Wilson peut
être étendu aux espaces verts urbains. Un animal sauvage sait
parfaitement accomplir la majeure partie de son cycle vital
dans un espace vert urbain. La surface est donc un paramètre
clé pour expliquer le niveau de richesse spécifique d’un espace vert : un square est toujours plus pauvre qu’un parc urbain.
Mais ce n’est évidemment pas le seul facteur déterminant.
Une faible distance de connexion du square au « continent
rural » via un corridor vert — la berge arborée d’un cours
d’eau, un alignement d’arbres d’ornement, un cordon de
ques en ville :
haies vives d’un lotissement - diminue les risques d’extinction locale des espèces présentes.
Vue du ciel, la structure du « grain de verdure » d’une ville est
comparable à un nuage de points noyés dans une mer de
construction. Sur le terrain, cet « archipel de taches vertes »
est composé d’habitats hétérogènes, jardinets, espaces verts
intérieurs privés, terrains vagues, qui sont plus ou moins
isolés les uns des autres par des obstacles de toutes sortes,
des immeubles et des routes, des clôtures et des murs. L’équilibre démographique d’une
population animale recluse
dans un square est très précaiLes villes ne
re : les effectifs oscillent entre
doivent pas être
des périodes d’expansion et
des phases de déclin, voire de
exclues du réseau
disparitions complètes. Une
écologique qui se
communauté en position insulaire est donc dépendante de
dessine au niveau
l’arrivée de nouveaux immieuropéen
grants pour compenser les
pertes naturelles. Malgré l’encombrement du milieu urbain, la ville reste le théâtre d’échanges et de dispersions d’espèces sauvages utilisant toute
la gamme des continuités vertes disponibles. En premier lieu,
les cours d’eau et leur cortège de plantes rivulaires, et en
second lieu, les dépendances vertes des voies rapides urbaines et les friches des voies ferrées.
Des corridors verts pour renforcer
la biodiversité
Pour mieux accueillir la faune et la flore des champs candidates à l’immigration urbaine, et gommer les effets d’insularité,
il est opportun de maintenir et de renforcer les capacités de
connexion des espaces verts intra-muros avec les ceintures
vertes périurbaines. D’où l’intérêt de développer des corridors
verts en augmentant les continuités biologiques. Il s’agit de
créer des voies vertes, sans interruption et sans obstacle physique au même titre qu’une infrastructure routière roulante,
dotées de fonctionnalités écologiques et paysagères pour
favoriser la libre circulation des animaux et des plantes.
Les villes ne doivent pas être exclues du réseau écologique qui
se dessine au niveau européen (Natura 2000). Contrairement
à une idée reçue, la ville n’est pas un désert biologique, loin
s’en faut ! Certains parcs sont aussi riches que les forêts. La
question des continuités biologiques se conjugue à toutes les
échelles territoriales. Il y a là un champ d’études et de
réflexions pour les urbanistes et les services techniques des
villes. La prise en compte des corridors biologiques dans les
documents d’urbanisme (SCoT, PLU) interpelle les acteurs
urbains. En un mot, il faut défragmenter les espaces verts
urbains.
Cette notion de corridor a le mérite d’être en phase avec le
concept de « ville apaisée » qui trouve une oreille attentive
auprès des citadins. Pouvoir marcher le long d’un itinéraire
vert, « mi-promenade urbaine, mi-jardin public », telle est
la demande des citadins qui soulignent à l’envi que la marche
est bénéfique pour le
corps et l’esprit. Afin de
répondre à cette attente, nous préconisons de
décliner le concept de
corridor biologique, en
développant une offre
alternative d’espaces
verts linéaires. À l’image
du « bocage », il s’agit
de rétablir des connexions vertes : jouer
sur la palette végétale, la densité et la diversité, pour aménager des axes verts multifonctionnels, réhabiliter l’avenuepromenade ou le quai-promenade. Si la largeur et la longueur
d’un corridor biologique sont des paramètres fondamentaux
pour augmenter les capacités d’échanges, une voie verte
fonctionne mieux si elle allie différentes utilités écologiques
et paysagères et si elle encourage les modes doux de déplacements. Une voie verte cumulant ces atouts a toutes les
chances de séduire les citadins !
Emmanuel Boutefeu
Chargé d’études au Certu
> Pour en savoir plus…
• Composer avec la nature en ville, CERTU, 2001.
• Les infrastructures vertes à l’épreuve des plans d’urbanisme.
L’agglomération lyonnaise, la construction d’une
stratégie,
Stéphane Autran, CERTU, 2004.
• La demande sociale de nature en ville. Enquête
auprès des habitants de l’agglomération lyonnaise,
Boutefeu Emmanuel, PUCA, CERTU, 2005.
Techni.Cités T8 05 2005 T 21
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