Dernière édition

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Outline
Décembre 2016
ING Private Banking magazine
Expo « Guggenheim – Full Abstraction »
à l’ING Art Center
Interview :
Rencontre avec Thierry van Alphen
Business :
À la rencontre des entrepreneurs
Reportage :
Abattre les murs de l’indifférence
ING Private Banking magazine
Édito
Sommaire
L’été dernier, j’ai été appelé à rejoindre le
Comité de direction d’ING afin de succéder
Interview
à Colette Dierick en tant que Managing
Director Retail & Private Banking.
4/
Le 1er décembre, j’ai cédé officiellement
les commandes du Private Banking. Dans
le cadre de mes nouvelles fonctions, je
6/
continuerai bien entendu à suivre de près
l’activité Private Banking.
C’est avec plaisir que je vous présente mon
4
successeur Thierry van Alphen. Il a débuté
sa carrière chez ING en 1999 et apporte
28
avec lui une large expérience commerciale.
Vous en apprendrez davantage à son sujet dans l’interview qui
compter sur lui et sur l’équipe Private Banking Management
Marchés
8/
12/
d’ING, ainsi que sur votre Private Banker. Notre ambition est de
continuer à mériter votre confiance, aujourd’hui et demain.
Vous avez certainement appris qu’ING a l’intention
16/
faire face à la réalité : les taux bas et leurs effets sur les frais
des dépôts qui nous sont confiés ainsi que la législation de plus
en plus stricte ne constituent que quelques-uns des éléments
28/ Acquérir un bien immobilier en
prenant une avance sur votre
assurance groupe
L’intérêt de mettre son portefeuille
" au vert "
À la rencontre des entrepreneurs :
Dandoy et Studio 100
Reportage
32/
Abattre les murs de l’indifférence
Événement
38/
Expo Guggenheim – Full Abstraction
à l’ING Art Center
24/ Être propriétaire d’une entreprise
qui impactent notre rentabilité. L’arrivée d’une concurrence
inattendue de secteurs opérant en dehors du monde financier
38
motive également notre intention de transformation. La
première raison réside dans le souhait de plus en plus de clients
d’exécuter leurs opérations bancaires quotidiennes n’importe
familiale impliqué est un métier
à part entière
16
où et à n’importe quel moment. Par ailleurs, les clients
attendent que leur banque fournisse conseil et compétences.
Aujourd’hui et demain, nous souhaitons figurer aux avantpostes des services bancaires en Belgique afin de vous offrir
encore plus de simplicité et de conseil. Tel est le défi de notre
stratégie : nous réinventer pour vous proposer les services que
vous attendez de notre part, au moyen de canaux numériques
et de conseils personnalisés. Sachez que nous avons l’intention
de conserver dans le futur 650 agences en Belgique, un réseau
comparable à celui qui existe actuellement chez ING. Nous
restons donc à proximité. Si nos plans devaient s’exécuter, notre
banque s’en trouvera plus forte et nous pourrons encore mieux
vous servir.
Je vous souhaite d’ores et déjà à vous ainsi qu’à votre famille
de magnifiques fêtes de fin d’année.
Outline - D é cembre 2016
Wealth Engineering
Politique monétaire 2.0
Business
d’entreprendre une transformation fondamentale. ING doit
2
Un carré d’as à votre écoute
Investir
lui est consacrée dans cette édition. Vous pourrez évidemment
Philippe Wallez
Managing Director Retail & Private Banking ING Belgique
Thierry van Alphen prêt à
relever de nouveaux défis au sein
du Private Banking
32
Outline – ING Private Banking magazine – Décembre 2016
Comité de rédaction : Aleksandra Barcewicz, Luc Charlier,
Sandra Crokaert, Caroline De Moor, Kris Depaepe, Marie Helsmoortel,
Thierry Masset, Sébastien Rochedy, Mireille Staelens, Philippe Wallez
Edouard Zurstrassen
Ont participé à la réalisation de ce numéro : Business Writers,
Luc Charlier, Björn Crul, Eva De Baerdemaeker,
Caroline De Moor, Patricia De Peuter, Benjamin Francq,
Marie Helsmoortel, Kurt Lamquet, Geoffrey Minne,
Anne Petre, Studio 100, Joris Tiebout, Thierry van Alphen,
Marc Vankeirsbilck, Peter Vanryckeghem
Maquette et mise en pages : Kris Depaepe
Édition : Mireille Staelens
Production : Patrick Bataillie
Photos : Adobe Stock, BelgaImage,
Laetizia Bazzoni, Vincent Everarts, Jessica Hilltout
La couverture : Jean Dubuffet (1901–1985)
L'instant propice, le 2 et 3 janvier 1962 - Huile sur toile, 200 x 165 cm
Solomon R. Guggenheim Museum, New York - 74.2080
Photo Kristopher McKay. © Jean Dubuffet, SABAM Belgique 2016
Éditeur responsable : Inge Ampe, Cours Saint-Michel 60,
B-1040 Bruxelles – Z711972F – 12/2016
Outline - D é cembre 2016
3
Interview
Interview
Thierry van Alphen
prêt à relever de nouveaux défis au sein
du Private Banking
Le 1er décembre dernier, Thierry van Alphen a pris la succession de Philippe Wallez en qualité de General
Manager d’ING Private Banking Belgium. Faisons connaissance avec ce Gantois de 44 ans, qui a réalisé
quasiment toute sa carrière dans la banque.
Ce n’est pas banal : Thierry van Alphen a choisi d’étudier à
l’université les cultures et les langues orientales. Mais malgré
un intérêt pour le bouddhisme à l’adolescence, il n’est pas un
contemplatif. C’est au contraire un homme qui aime l’action,
le changement, les résultats. Le dimanche matin, il bataille sur
un terrain de hockey sur gazon. Et la semaine, il n’aime rien
tant que bousculer (gentiment) ses clients entrepreneurs pour
les aider, dit-il, à « réaliser leurs rêves ». « Ce qui me donne une
incroyable énergie, c’est d’accompagner les entreprises depuis
leur création jusqu’à leur transmission. Un entrepreneur familial tient à son entreprise comme à la prunelle de ses yeux et
veille sur elle, comme il le fait avec ses enfants. Créer avec lui
une relation de confiance afin de pouvoir l’épauler durant tout
le cycle de vie de son entreprise est extrêmement motivant. »
L’importance du relationnel
La passion de l’entreprise découle forcément de son cursus :
un post-graduat en management, puis un MBA à la Solvay
Business School sont venus compléter sa formation en
langues. Ajoutez à l’environnement familial un père fabricant
et distributeur de produits chimiques pour la construction et
le destin de Thierry van Alphen commence à s’écrire avec la
précision d’un trait de calligraphie. Il y a quelques semaines
encore, ce Gantois de 44 ans, amateur de kayak et de lectures historiques, dirigeait le département Midcorporates &
« La manière la plus efficace de faire
avancer les choses est d’avoir des
gens enthousiastes à ses côtés
»
4
Outline - D é cembre 2016
Institutionals pour la Flandre Occidentale et Orientale – soit
quelque 5.000 clients entrepreneurs et institutionnels. Depuis
le 1er décembre, il a pris la direction générale d’ING Private
Banking Belgium, en remplacement de Philippe Wallez. « J’ai
beaucoup travaillé avec les équipes du Private Banking dans
mes fonctions antérieures. Et d’entrée de jeu, ce qui me plaît
dans ma nouvelle fonction, c’est encore une fois l’aspect
relationnel et l’importance de mériter la confiance des clients.
Tant du côté du Business Banking que du Private Banking, nous
voulons construire des relations fortes avec nos clients afin de
leur apporter de la valeur ajoutée. Il faut continuer dans cette
voie », argumente Thierry van Alphen.
Un mode de gestion participatif
Thierry van Alphen rejoint ING Belgique en 1999 et se voit
d’abord confier la relation avec les fonds de pension, ce qui le
plonge d’entrée de jeu dans la gestion de patrimoine. En 2001,
il est chargé d’assurer les relations avec les grandes entreprises
japonaises clientes au niveau du groupe ING – l’occasion pour
lui d’effectuer de nombreux voyages au Japon et de continuer
à s’imprégner de sa culture fascinante. « C’est passionnant
parce qu’en tant qu’étranger, je sais que je ne vais jamais réellement comprendre cette culture… », dit-il en riant.
Toute sa carrière au sein de la banque, Thierry van Alphen l’a
menée en Belgique. Il a également été Risk Manager pour la
Flandre Occidentale durant deux ans et directeur des Business
Centres de Bruges et de Bruxelles Nord sur une période de
quatre ans et demi. Thierry van Alphen a la poignée de main
ferme et l’on sent poindre derrière son sourire jovial une détermination sans faille. Son style de gestion, il aime le définir
comme participatif. « Je crois que la manière la plus efficace de
Outline - D é cembre 2016
5
Interview
Son dernier livre de vacances
« J’aime lire, en particulier les ouvrages qui ont un
lien avec l’histoire. J’ai évidemment beaucoup lu au
sujet de l’histoire du Japon, mais l’une de mes lectures
marquantes cet été fut Het verlies van België de Johan
Op de Beeck, qui relate la lutte entre le roi des Pays-Bas,
Guillaume 1er, et les révolutionnaires belges, une lutte
qui conduira à l’indépendance de la Belgique. On y
apprend beaucoup de choses sur l’histoire de notre
petit pays, ainsi que sur les évolutions économiques à
long terme et le fait que tous les métiers évoluent en
permanence. C’est une chose qu’il faut toujours garder
à l’esprit dans notre métier de banquier aussi. »
Interview
faire avancer les choses est d’avoir des gens enthousiastes à ses côtés. J’accorde une grande importance
au feedback : celui que je donne et celui que je reçois de
mes collaborateurs. J’aime stimuler les idées, notamment dans le but d’améliorer encore nos services pour
les clients. Cela dynamise le travail d’équipe et permet
à chacun de s’améliorer, y compris moi. »
•
« D’entrée de jeu, ce qui me plaît
dans ma nouvelle fonction, c’est
l’importance du relationnel
»
Un carré d’as à votre écoute
Outline a mis autour de la table les quatre responsables d’ING Private Banking pour débattre de vos attentes
et des préoccupations actuelles en matière de gestion de patrimoine. Quatre personnes que l’on sent
passionnées par leur job !
Un environnement financier et fiscal peu favorable
Jusqu’il y a peu, prendre sa retraite avec un capital d’un
million d’euros permettait de vivre confortablement. Ce n’est
plus le cas aujourd’hui.
Marie Helsmoortel : Une personne dotée d’un patrimoine
d’un million d’euros, avec 5 % de rendement annualisé sur ses
placements, pouvait jusqu’il y a peu profiter confortablement
de sa retraite puisqu’elle disposait de 50.000 euros nets par
an en complément de sa pension. La situation est devenue
beaucoup moins simple aujourd’hui en raison de la baisse des
taux d’intérêt sur les actifs peu ou pas risqués, couplée à une
hausse de la fiscalité. Et ce, dans un contexte où l’espérance
de vie augmente. Cet environnement défavorable contraint
un nombre toujours croissant de personnes à entamer leur
capital. On entre là dans un cercle vicieux de déperdition de
richesse et de pouvoir d’achat.
Marc Vankeirsbilck : La situation est devenue plus critique
encore depuis que la Banque centrale européenne (BCE) a fixé
des taux d’intérêt négatifs. Cet environnement impose à nos
clients de s’orienter vers des produits plus risqués et de diversifier davantage encore leur patrimoine. Dans ce contexte, il est
plus que jamais important d’être bien conseillé.
6
Outline - D é cembre 2016
Beaucoup de Belges possèdent un bien immobilier, voire
plusieurs, en sus de leur patrimoine mobilier. Est-ce toujours
le socle du patrimoine familial ?
Benjamin Francq : Grâce à la croissance régulière du marché et aux rendements générés, l’immobilier a longtemps
constitué l’une des pierres angulaires de la diversification de
patrimoine. Il est devenu aujourd’hui une autre source d’inquiétude, tant en ce qui concerne la valeur des biens que leur
rendement. Attirer l’attention de nos clients sur ces évolutions
structurelles est d’une importance capitale. Il faut, en effet,
envisager toutes les voies de diversification possibles, au niveau mobilier mais aussi dans des produits alternatifs comme
les œuvres d’art, les bijoux, les voitures anciennes ou le private
equity. À cet égard, le renforcement de notre équipe Wealth
Engineering est un plus appréciable pour nos clients.
Kurt Lamquet : En Flandre Occidentale, pratiquement tous
les entrepreneurs ont un hobby commun : l’immobilier ! Ils
possèdent deux, trois, quatre et parfois même dix biens. Si, en
tant que Private Banker, vous gérez la totalité du patrimoine
d’un client, vous devez donc prendre en compte ce patrimoine
immobilier et réfléchir à la meilleure transmission possible à la
génération suivante.
La famille au cœur de notre approche
La famille est au centre des conseils patrimoniaux dispensés aux clients Private Banking,
qu’ils soient ou non entrepreneurs. En quoi cette
approche est-elle originale ?
Kurt Lamquet : Notre rôle vis-à-vis des familles
est triple : sensibiliser, coacher et proposer des
solutions techniques appropriées. Il s’agit toujours
de solutions sur mesure. Parallèlement, nos Private
Bankers et fiscalistes jouent le rôle de coaches au
sein de l’Académie des Successeurs et sont ainsi
en contact avec la génération appelée à prendre
les rênes des entreprises familiales. Nous nous
efforçons de leur donner les outils nécessaires pour
une reprise optimale.
Marie Helsmoortel : L’ambition d’ING est connue :
nous voulons devenir la banque préférée des
entrepreneurs familiaux à l’horizon 2020. Les
problématiques de transmission concernent
souvent l’ensemble du patrimoine familial dont
l’entreprise familiale n’est qu’un des piliers. Il
n’est pas inconcevable d’échanger un Brueghel
ou un immeuble bien situé contre une partie des
actions de l’entreprise familiale dans le cadre d’un
règlement de transmission de patrimoine. Ces
situations passionnantes mais souvent délicates
font que notre rôle de conseiller financier et
patrimonial doit s’accompagner de compétences
psychologiques importantes. En tant que personne externe à la famille, le Private Banker peut
contribuer à dénouer des situations complexes ou
délicates, par exemple en matière de succession,
de donation ou d’investissement.
Extrêmement digitale et extrêmement
personnelle
Comment la digitalisation de certains services est-elle perçue par les clients Private Banking ? N’est-ce pas difficile
parfois pour des personnes peu ou pas « digitalisées » ?
Kurt Lamquet : La digitalisation est un service complémentaire que nous apportons et qui n’interfère en rien
dans notre disponibilité vis-à-vis du client. Il s’agit de
personnes actives qui désirent suivre l’évolution de leur
patrimoine à tout moment et gérer leurs affaires financières où qu’ils soient avec efficacité.
Qui est qui ?
Vous avez très certainement déjà eu l’occasion de rencontrer l’un(e) ou
l’autre des responsables Private Banking. Marie Helsmoortel dirige la zone
Centre (Bruxelles et sa périphérie) depuis huit ans. Kurt Lamquet pilote
la zone Ouest (Flandre Occidentale et Orientale) depuis douze ans. Leurs
collègues Marc Vankeirsbilck et Benjamin Francq ont pris respectivement
les commandes des zones Est (Anvers-Brabant flamand-Limbourg) et
Sud (Wallonie) il y a quatre ans.
De gauche à droite : Benjamin Francq, Marie Helsmoortel,
Kurt Lamquet, Marc Vankeirsbilck
privées les plus personnalisées du marché belge. Mais
au travers des contacts personnels avec mes clients, je
constate aussi que ceux-ci sont particulièrement séduits
par le côté intuitif de nos applications mobiles. J’aimerais
d’ailleurs rappeler que les paiements digitaux sont plus
sûrs que les paiements par carte de crédit.
Benjamin Francq : Au final, ce qui est privilégié dans
notre approche, c’est de pouvoir passer le plus de temps
possible avec nos clients pour les conseiller de manière
professionnelle au niveau financier et de manière plus
globale.
•
Marc Vankeirsbilck : ING Private Banking est considérée,
selon différentes enquêtes, comme l’une des banques
Outline - D é cembre 2016
7
Marchés
Marchés
Politique monétaire 2.0
Depuis la crise financière de 2008, la politique monétaire semble avoir basculé dans une nouvelle dimension
et les banques centrales des pays développés ont été forcées à réinventer leur rôle. Les programmes d’achats
obligataires massifs sont devenus monnaie courante et même si le terme « assouplissement quantitatif » a
été inventé en 1994, il n’a été appliqué au-delà des frontières japonaises qu’après 2008. C’est la même histoire
pour les taux d’intérêt négatifs, qui, avant 2008, n’avaient été utilisés qu’épisodiquement pour enrayer une
appréciation sur le marché des changes. Plus le temps passe, plus la situation d’avant crise parait inaccessible
et les outils monétaires ne semblent plus capables de ramener l’économie sur les mêmes rails. Alors doit-on
s’adapter à une nouvelle réalité où les taux bas seraient la norme ou bien croire en une convalescence un peu
plus longue que d’habitude ? Explication de Geoffrey Minne, économist chez ING Belgique.
La question n’est pas si simple puisque la raison des taux
d’intérêt extrêmement bas en zone euro est à chercher parmi
des éléments liés à la conjoncture économique actuelle mais
aussi à des facteurs plus structurels.
La situation économique actuelle reste extraordinaire et
certains pays de la zone euro par exemple n’ont pas encore
entièrement recouvré leur niveau de 2007. En Espagne, Italie
et Portugal, par exemple, malgré une reprise timide mais
présente, le PIB agrégé reste 5 % en dessous de son niveau
atteint fin 2007 et plus de trois millions d’emplois nets n’ont
pas encore été récupérés. La crise financière de 2007-2008
reste exceptionnelle tant au niveau de l’ampleur de son
impact initial que par l’incapacité des autorités monétaires à
répondre rapidement à ce choc. À l’heure actuelle, force est
de constater que malgré un taux de facilité de dépôt fixé à
-0,4 %, malgré 80 milliards d’achats mensuels d’obligations
privées et publiques et malgré un engagement sans faille
à rétablir l’inflation proche de 2 %, l’investissement et la
consommation n’ont pas vraiment décollé comme d’aucuns
auraient pu s’y attendre il y a 20 ou 30 ans. Le résultat est
que les taux d’intérêt ont plongé plus bas que terre et si l’on
en croit les banquiers centraux et spécialistes, ils ne sont pas
prêts à remonter de sitôt en zone euro.
La conjoncture économique joue certainement un rôle
important mais d’autres éléments risquent de peser plus
durablement sur les taux d’intérêt et l’action des banques
centrales n’est certainement pas à blâmer pour l’entièreté de
la baisse des taux. Cette tendance baissière n’est pas neuve et
elle ne se limite pas à nos contrées. Depuis les années 1980,
chaque décennie a été caractérisée par des taux courts plus
bas en moyenne, que ce soit aux États-Unis, au Canada, au
Royaume-Uni ou en Allemagne. En moyenne, les taux inter­
bancaires à 3 mois - qui servent de référence pour de nombreuses catégories de taux d’intérêt - ont perdu environ 3 %
par décennie. Au-delà d’un simple passage à vide, il semble
Stanley Fischer – vice-président de la Fed
© BELIMAGES
Bâtiment du Parlement européen à Bruxelles
8
Outline - D é cembre 2016
Outline - D é cembre 2016
9
Marchés
Marchés
donc que le taux d'intérêt qui prévaudrait si l’économie était
à pleine puissance et si la politique monétaire était en mode
neutre (le taux d’intérêt naturel ou neutre) ne soit destiné à
rester à un niveau plus faible que par le passé.
mondial selon le FMI (soit 152 millions de millions de dollar
américains). Il y a moins de 10 ans, ce ratio était inférieur à
200 %. Un niveau élevé de dettes en comparaison au revenu
appelle généralement à un plafonnement ou parfois à un
processus de désendettement qui symbolise généralement la
période suivant une crise économique. Finalement, d’autres
éléments peuvent aussi entrer en jeu et accroitre le côté offre
du marché des crédits, tels que l’absorption plus marquée des
pays émergents d’actifs plus sécurisés ou la surabondance
d’épargne mondiale. En définitive, alors que la demande de
crédit se contracte naturellement, l’offre semble être de plus
en plus poussée dans le dos.
Une partie de l’explication tient sa source dans l’évolution de
la société dans les pays développés et de l’économie internationale. Un premier facteur est la démographie et en particulier le fait que la société actuelle soit plus âgée et repose sur
un taux de fertilité plus faible. En Europe, en l’espace de 50
ans, le nombre d’enfants par femme est passé d’approximativement de 2,5/3 à 1,6 et la croissance de la population sur
10 ans de 10 % à 1 %. Une population moins jeune a tendance à compresser la demande de crédit, ce qui tend à diminuer le taux d’intérêt. Deuxièmement, un ralentissement de
la productivité risque ensuite d’agir sur les anticipations des
agents économiques et selon Stanley Fischer – vice-président
de la Fed - de refroidir certains investisseurs quant aux oppor­
tunités à saisir mais aussi certains ménages quant à leurs
perspectives de salaires. Troisièmement, le niveau d’endettement public et privé n’a jamais été aussi élevé à l’échelle
mondiale et le total atteint désormais environ 225 % du PIB
L'implication principale d'un taux d'intérêt structurellement
inférieur est que la politique monétaire conventionnelle
visant à stimuler l'économie en période de ralentissement
économique est moins efficace. Une explication provient de
son impact négatif sur la solidité du secteur bancaire mais
aussi de la perception négative d’une frange importante
de la population, à savoir les épargnants. Ces éléments ont
d’ailleurs récemment poussé la Banque du Japon à redéfinir
techniquement l’objectif visé dans le cadre de son assouplis-
Taux interbancaires (3 mois)
20
15
10
5
-5
États-Unis
Allemagne
Canada
Royaume-Uni
Moyenne par décennie
Oct-15
Sep-14
Jul-12
Aug-13
Jun-11
Apr-09
May-10
Mar-08
Feb-07
Jan-06
Dec-04
Nov-03
Oct-02
Sep-01
Aug-00
Jul-99
Jun-98
Apr-96
May-97
Feb-94
Mar-95
Jan-93
Dec-91
Oct-89
Nov-90
Sep-88
Jul-86
Aug-87
Jun-85
Apr-83
May-84
Feb-81
Mar-82
Jan-80
0
sement quantitatif et qualitatif. Désormais
la Banque du Japon a pour objectif
l’ensemble de la courbe des taux d’intérêt
et vise à supporter l’économie tout en
maintenant un certain écart entre les taux
à court terme et ceux à plus long terme.
Fort à parier qu’à l’avenir les mesures non
conventionnelles telles que l’assouplissement quantitatif ou les indications prospectives feront partie des outils communément utilisés par les banques centrales.
Cependant il faut se rendre à l’évidence
que la politique monétaire a désormais
un impact limité sur l’économie dans son
ensemble. Les autorités vont certainement devoir réévaluer de façon critique
l'efficacité de leurs approches actuelles et
soigneusement réfléchir à la refonte des
stratégies de politique économique pour
les temps à venir. Cela comprend notamment un examen des politiques économiques pouvant accroitre le taux d’intérêt
naturel via une augmentation des gains
de productivité (éducation, recherche et
développement) ainsi que des mesures
monétaires et budgétaires qui seraient
plus efficaces dans le cadre de taux faibles
(dépenses publiques plus réactives en cas
de récession).
Banque du Japon © BELIMAGES
En conclusion, les taux d’intérêt extrêmement bas sont certainement justifiés par
la situation économique somme toute
exceptionnelle mais même si rebond il devait y avoir dans les années à venir, il est
probable que les niveaux d’antan ne soient
plus accessibles. Cela appelle évidemment
à une refonte du fonctionnement de la
politique monétaire mais aussi de notre
perception quant à ce qui est communément accepté comme niveau d’inflation,
croissance du PIB ou simplement des taux
d’intérêt. Au-delà de la simple constatation, il y a ici une opportunité de mieux se
prémunir face à d’autres chocs et ainsi de
mieux préparer l’avenir.
•
Bâtiment de la Commission européenne à Bruxelles
10
Outline - D é cembre 2016
Outline - D é cembre 2016
11
Investir
Investir
Graphique 1
Le respect de l’environnement est récompensé en bourse
(performance en % en euro, base 100 = fin 2014)
20
L’intérêt de mettre
son portefeuille " au vert "
15.30268
10.69181
10
5
Les titres des entreprises qui ont à cœur d’optimiser leur consommation de matières premières et/ou qui
0
essaient de se prémunir contre les risques associés aux aléas climatiques ont tendance à générer un return
sur fonds propres plus élevé.
12
-5
La plupart des pays signataires de l’Accord de Paris visant à
limiter le réchauffement climatique à moins de 2° C au-dessus
de la température moyenne observée avant la révolution
industrielle, se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz
à effet de serre. Pour ce faire, les Européens et les Américains
mettent l’accent sur davantage d’efficience énergétique, alors
que les pays émergents, comme l’Inde et la Chine, se focalisent sur le développement des sources d’énergies alternatives
moins polluantes (vent, soleil,…). L’objectif commun est d’éviter
de franchir d’ici 2100 le seuil des 1.000 milliards de tonnes de
dioxyde de carbone rejetées dans l’atmosphère. Le hic, c’est
que plus de la moitié de ce « budget » théorique de CO2 a déjà
été consommé entre le début de la révolution industrielle et
2011. Pire, au rythme actuel (40 milliards de tonnes par an),
notre budget carbone sera déjà épuisé dans une vingtaine
d’années. Ce qui veut dire que si l’on souhaite tenir l’engagement pris, il faudra renoncer, selon le World Resources
Institute, à exploiter les trois-quarts des réserves prouvées de
gaz, charbon et pétrole !
Même si le défi paraît immense, il ne faut pas baisser les
bras. Le combat contre le réchauffement climatique et ses
effets pervers n’est pas perdu d’avance. Pour preuve, depuis
le Protocole de Montréal signé il y a 30 ans, la diminution des
émissions de chlorofluorocarbones (CFC) dans l’atmosphère a
permis de réduire le trou qui se forme chaque printemps dans
la couche d’ozone. Depuis l’an 2000, ce trou s’est contracté
d’une superficie équivalente à la taille de l’Inde !
L’enjeu est colossal : les effets induits par le dérèglement du
climat pourraient se chiffrer entre 5 % et 20 % du produit
intérieur brut mondial chaque année jusqu’en 2100. Il s’agit
non seulement des dommages causés par des phénomènes
climatiques violents (ouragans, inondations, sécheresses, …)
de plus en plus fréquents, mais aussi des coûts inhérents à des
régulations climatiques plus strictes ainsi qu’aux nécessaires
adaptations technologiques comme celles qui sont à l’œuvre
dans les domaines des énergies renouvelables ou des batteries.
Miser sur les énergies et les technologies « vertes »
Outline - D é cembre 2016
Indice MCSI Monde
Indice MCSI Monde des entreprises visant à limiter leurs émissions de carbone
Mar
Jun
Quelle que soit la voie empruntée, notre conviction est
qu’incorporer des considérations environnementales et de
Dec
Sep
2015
Mar
M1WDLCT Index (MCSI ACWI LOW CARBON TARGET Net USD Index) clean engy low carbon
Jun
2016
Sep
Copyright© 2016 Bloomberg Finance L.P.
25-Oct-2016 09:28:53
Graphique 2
Les gagnants et les perdants de l’Accord climatique de Paris
(performance en % en euro, base 100 = fin 2012)
Si les gouvernements, les investisseurs et les consommateurs
ont mis du temps à intégrer et évaluer l’ampleur des défis à
relever, ils sont désormais poussés dans le dos par la multiplication des phénomènes climatiques destructeurs. Cette
évolution comporte, pour les investisseurs soucieux de gérer au
mieux leurs portefeuilles, d’importants risques, mais aussi de
grandes opportunités. Tout l’enjeu est évidemment de s’adapter au mieux (minimiser les risques et maximiser les opportunités) à l’inévitable transition vers une économie faiblement
émettrice de carbone.
Pour ce faire, deux approches sont possibles. La première
consiste à protéger les portefeuilles de l’impact des soubresauts du climat. La seconde vise à déterminer les entreprises susceptibles de bénéficier le plus de la transition d’une
économie faisant la part belle aux énergies fossiles vers une
économie moins énergivore et polluante.
-10
500
401.11224
300
200
111.32499
95.48719
0
Indice Bloomverg des principales entreprises mondiales actives dans l’énergie éolienne
Indice MCSI du secteur des énergies alternatives mondiales
Indice Bloomberg des principales “big caps” du secteur de l’énergie solaire
Indice Stowe relatif au secteur du charbon à l’échelle mondiale
Mar
Jun
2013
Sep
Dec
Mar
Jun
2014
COAI Indec (STOWE GLABAL COAL INDEC) cola versus alternative FR Dily 31DEC2012-16D
-76.26199
-100
Sep
Dec
Mar
Jun
2015
Copyright© 2016 Bloomberg Finance L.P.
Sep
Dec
24-Oct-2016 14:02:05
Outline - D é cembre 2016
13
Investir
Investir
Graphique 3
développement durable dans le
processus d’investissement va de
plus en plus se révéler être une
nécessité. Mais relier la performance financière d’une entreprise
à son impact environnemental
ne signifie pas pour autant qu’il
faille renoncer aux exigences de
rendement. L’indice MSCI monde,
qui reprend les entreprises ayant
comme objectif de réduire leurs
émissions de carbone (indice MSCI
All Countries Low Carbon Target),
se comporte d’ailleurs pas mal
par rapport au reste du marché
(indice MSCI World All Countries)
puisqu’il affiche une surperformance de près de 5 % (en euro)
depuis fin 2014…
La plupart des ETF « verts » ont sous-performé l’indice S&P cette année (%, in USD)
First Trust Global Wind Energy ETF
First Trust NASDAQ Clean Edge Smart Grid Infra Ix Fd
Powershares Cleantech Portfolio
Global X Yieldco Index ETF
Etho Climate Leadership US ETF
S&P 500 Index
SPDR MSCI ACWI Low Carbon Target ETF
SPDR S&P 500 Fossil Fuel Reserves Free ETF
EcoLogical Strategy ETF
iShares Trust iShares MSCI Global Impact ETF
Powershares Global Clean Energy Pflo
Vaneck Vectors Global Alt. Energy ETF
iShares Global Clean Energy EFT
First Trust NASDAQ Clean Edge Energy Ix Fd
Powershares Wilderhill Clean Energy Pflo
Guggenheim Solar ETF
VanEck Vectors Solar Energy ETF
Ce qui tend à démontrer que les
sociétés qui réduisent le plus leur
empreinte carbone se comportent mieux en bourse que celles
qui ne le font pas.
L'accord de Paris va probablement entraîner une accélération des investissements dans les technologies « vertes », les
énergies renouvelables et les véhicules électriques. A fortiori,
si d'autres pays emboitent le pas à l'Union européenne et
instaurent une sorte de taxe carbone.
Les Nations Unies évaluent à plus de 1.000 milliards de dollars
par an les dépenses nécessaires pour « décarboniser » l'économie mondiale et empêcher des hausses de températures
qui, selon les scientifiques, pourraient provoquer des inondations des villes côtières, bouleverser les pratiques agricoles et
détruire de nombreux écosystèmes.
Selon un scénario élaboré par l'Agence internationale de
l’Énergie (AIE), les énergies renouvelables attireront 59 % des
investissements dans le secteur de l'électricité au cours de la
prochaine décennie et cette part devrait grimper à près de 65 %
entre 2026 et 2040.
Les sociétés actives dans les secteurs du futur tels que les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique (panneaux solaires,
isolation high-tech, éclairage basse consommation...) s'apprêtent donc à connaître des opportunités sans précédent. A
contrario, les producteurs d'énergies fossiles, en particulier dans
le secteur du charbon, et les pays qui en dépendent, risquent de
devoir payer un lourd tribut au changement de paradigme.
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Outline - D é cembre 2016
Énergies vertes
Faible émission CO2
iShares MSCI ACWI Low Carbon Taret ETF
-40
-20
0
20
C’est d’ailleurs l’image qui prévaut en bourse puisque
l'indice reprenant les 26 principaux producteurs
de charbon sous-performe de près de 75 % depuis
fin 2012, alors que les actions des principaux acteurs dans l’énergie éolienne ont vu leurs cours être
multipliés, en moyenne, par quatre, contre un gain
de 110 % pour le secteur solaire. Sur la période sous
revue, les actions liées aux énergies renouvelables se
sont appréciées de 95 %.
Si le constat est sans appel, l’intégration en portefeuille des actions « vertes » s’avère plus compliquée.
Le marché des fonds indiciels (ETF) est, à cet égard,
assez évocateur. Même si le nombre d’ETF dits « verts »
a augmenté de 50 % au cours des deux dernières
années, cette classe d’actifs, dont la genèse remonte
à il y a 10 ans, ne pèse qu’à peine 1 milliard de dollars.
Outre leur faible liquidité, ces produits, qui se focalisent
essentiellement sur les énergies alternatives et les sociétés faiblement émettrices de CO2, pèchent aussi par
une forte volatilité comme en témoigne la grande disparité de performance entre les différents véhicules. Il est donc
souhaitable, pour l’investisseur intéressé par cette thématique,
de privilégier la piste des fonds d’investissements spécialisés.
Les obligations « vertes » devraient aussi prendre
du galon
Les investisseurs obligataires peuvent, eux aussi, avoir une
influence sur la problématique des enjeux climatiques par
le biais des obligations vertes (« green bonds ») qui ont pour
vocation de financer les projets visant, essentiellement dans
les secteurs des transports, des énergies renouvelables et de
l’efficacité énergétique, à réduire les effets négatifs induits par
les changements climatiques.
tation, etc.) commencent, elles aussi, à prendre leur part du
gâteau : Bank of America évaluait leur part du marché à 45 %
en 2015.
Même si la performance de ces obligations est en retrait par
rapport aux obligations des pays développés (depuis fin 2015,
elles font état d’un return moyen de 16 % en euro, contre
5,6 % pour les obligations vertes), elles devraient, à l’avenir,
pouvoir prétendre à une prime par rapport à leurs pairs, si l’on
en juge par l’appétit croissant des investisseurs pour ce type de
papiers.
Bien que le marché des obligations vertes ne dispose encore
que d’un encours limité (Bloomberg l’évalue à 130 milliards de
dollars, soit juste 0,15 % de l’ensemble du marché des obligations), il semble avoir le vent en poupe et, selon Blackrock,
il devrait s’ériger peu à peu au rang de classe d’actifs à part
entière (au cours du seul second semestre 2016, 50 milliards
de dollars de nouvelles émissions vertes devraient avoir vu le
jour).
Encore faut-il accroître leur liquidité et la taille des tranches
obligataires afin de pouvoir satisfaire la demande des grands
gestionnaires de fonds. Et c’est là que les autorités publiques
pourraient jouer un rôle appréciable. Sachant qu’une grande
partie des projets, visant à réduire les émissions de gaz à effets
de serre ou atténuer l’impact des catastrophes naturelles, sont
localisés dans les pays émergents, on comprend que certains
investisseurs puissent être refroidis par les risques politiques et
de change qui y sont associés. Mais cette retenue pourrait être
atténuée si, par exemple, lesdits risques étaient contrebalancés par des incitants fiscaux ou des garanties publiques…
Les 600 obligations, qui constituent actuellement l’univers
des green bonds, sont réparties sur 24 pays et libellées dans
23 devises. La majorité d’entre elles sont dotées de la meilleure qualité crédit qui soit, par le biais d’un rating « AAA », qui
s’explique par le fait que leurs émetteurs sont essentiellement
des États ou des entités supranationales. Mais les banques et
les entreprises (dans les secteurs de l’automobile, de l’alimen-
Comme les infrastructures considérées comme nécessaires pour
limiter le dérèglement climatique nécessitent des financements
à hauteur de 13.000 milliards de dollars d’ici 2030, les green
bonds sont indiscutablement appelées à jouer un rôle. A fortiori
lorsque l’on sait que la part allouée aux infrastructures durables
par les fonds de pension dans leur allocation d’actifs n’a, selon
l’OCDE, représenté que 3,5 % sur la période 2011-2015.
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Outline - D é cembre 2016
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Business
Business
À la rencontre des entrepreneurs
Plusieurs fois par an, ING Private Banking invite certains de ses clients entrepreneurs à découvrir d’autres
entreprises familiales. Les événements Family Business Get Together constituent une opportunité unique
de visiter des sociétés performantes dans des secteurs très diversifiés, mais aussi de discuter de sujets
importants pour les entrepreneurs familiaux dans une ambiance conviviale. Plusieurs entreprises familiales
ont collaboré cette année encore aux événements Family Business Get Together d’ING. L’occasion d’en
apprendre plus sur les ressorts de leur développement, les clés d’une transmission réussie et d’autres sujets
passionnants. En septembre dernier, une centaine d’entre vous ont ainsi pu découvrir la Biscuiterie Dandoy à
Bruxelles et la maison de production Studio 100 à Schelle.
Biscuiterie Dandoy : qui va piano va sano
Peu d’entreprises de chez nous peuvent se targuer d’être nées
avant la Belgique. C’est le cas de la Biscuiterie Dandoy, fondée
en 1829, la même année que la Maroquinerie Delvaux. Entrons
ensemble dans le saint des saints : l’atelier où l’on fabrique
spéculoos et pains à la grecque…
Mais comme le rappelle avec justesse Alexandre Helson, en
charge des ventes, du marketing et du développement de l’entreprise familiale, « ce qui est particulièrement incroyable, c’est
que notre société soit restée aussi petite aussi longtemps ».
Qui va piano va sano est l’adage qui correspond sans doute
Ce n’est pas encore l’effervescence des semaines qui précèdent la Saint-Nicolas et les fêtes de fin d’année lorsque nous
poussons la porte de l’atelier de la Biscuiterie Dandoy, avec 120
clients d’ING Private Banking par l’odeur alléchés. Bientôt, Salem,
le chef d’atelier, ne saura plus où donner de la tête : les équipes
vont être dédoublées et la production grimpera en flèche. Mais
ni l’approche du moment le plus stressant de l’année ni la croissance de l’entreprise elle-même ne viennent altérer les gestes
quasiment immuables posés par les employés de Dandoy
depuis près de 190 ans. Tout, ici, continue d’être fabriqué de manière artisanale, de la mise en forme de la pâte avant cuisson au
saupoudrage de sucre sur les pains à la grecque en passant par
le remplissage des moules à spéculoos. La qualité des produits
et la fierté de mettre la main à la pâte : c’est ainsi que « Papy »
Daniel - 43 ans de maison, prépensionné depuis quelques mois
et guide passionné dès qu’il peut reprendre du service – résume
le secret de la réussite de Dandoy, qui fut son unique employeur
depuis l’âge de 15 ans et demi. Comme en écho, Pascal, pâtissierchocolatier et sous-chef de l’atelier, nous glisse à l’oreille : « Ce
n’est pas mon atelier, mais c’est un peu mon chez-moi quand
même. »
Depuis deux ans, Dandoy a déménagé ses ateliers du centreville de Bruxelles vers un bâtiment plus spacieux à WoluweSaint-Lambert, avec à la clé de sérieux gains de productivité et
une capacité à produire beaucoup plus qu’aujourd’hui.
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Bernard Helson - CEO Dandoy
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Business
Business
Une longue histoire familiale
le mieux à la philosophie de la Biscuiterie Dandoy. Du moins
jusqu’il y a peu car ces dernières années, le commerce familial
local s’est mué en une entreprise conquérante. En langage marketing : une marque globale. Comme Marcolini, par exemple, l’a
réussi avant elle dans la chocolaterie.
C’est en 1829 que Jean-Baptiste Dandoy, boulanger
de son état, ouvre son commerce rue Marché aux
Herbes, dans le cœur historique de Bruxelles. En 1858, il
migre vers la rue au Beurre – où l’enseigne est installée
aujourd’hui encore. Il faudra attendre la 4e génération
pour qu’une femme, Fernande Dandoy, prenne les
commandes de l’entreprise, ayant racheté les parts de
ses trois frères pour six millions de francs belges. Elle
est violoniste, son mari Valère Rombouts, professeur
de gymnastique, mais bon sang ne saurait mentir…
Leur fils Jean prendra la relève en 1979. Les ateliers
déménagent vers une autre artère du centre-ville de
Bruxelles, mais des investissements trop élevés et
une conjoncture difficile plombent les résultats de
Dandoy. Jean ne devra son salut qu’à la créativité et
au développement de la gamme de produits. En 1984,
son beau-fils Bernard Helson lui succède comme CEO.
« Médecin de formation, je suis tombé amoureux de
Catherine, la fille de Jean, et j’ai d’abord été autorisé
à travailler dans l’entreprise comme étudiant »,
Spectaculoos speculoos
Avec l’aide de consultants, la stratégie a été redéfinie et l’image
de marque dépoussiérée. Logo repensé autour de la marque
Maison Dandoy, design des emballages mis au goût du jour,
points de vente relookés : l’entreprise a réussi le pari de conjuguer habilement tradition et modernité. Le concept store ouvert
place Stéphanie, à Bruxelles, est l’incarnation de ce vent de
fraîcheur. Bienvenue dans la maison du spectaculoos speculoos ! Dandoy compte aujourd’hui huit magasins à Bruxelles et
en périphérie, ainsi qu’une boutique à Tokyo ; elle développe
des corner shops dans les plus prestigieuses enseignes multimarques de la planète et cible résolument les marchés étrangers… mais aussi la Flandre, où elle est curieusement absente.
Avec, à chaque nouvelle initiative, la volonté de surprendre et
de séduire : un corner a, par exemple, été ouvert récemment
chez Smets à Luxembourg, une enseigne hyper-pointue dans
le prêt-à-porter de luxe et le design. « Nous finançons notre
développement commercial sur fonds propres, en écartant tout
système de la franchise. L’enjeu, pour nous, est de déterminer
jusqu’à quel point l’entreprise peut grandir sans mettre en péril
son savoir-faire et la transmission de celui-ci des aînés aux plus
jeunes », précise Alexandre Helson.
Alexandre est le fils aîné de Bernard Helson, CEO de l’entreprise, et de Catherine Rombouts, héritière en ligne directe du
fondateur de la biscuiterie, Jean-Baptiste Dandoy. Il incarne la
septième génération des actionnaires familiaux. Avec, à ses côtés,
un frère (Antoine, qui a rejoint Dandoy en 2016), une sœur et
trois cousines. « L’actionnariat familial n’a jamais été dispersé.
Il se compose de deux branches seulement : la mienne et celle
de ma belle-sœur Christine Rombouts », commente Bernard
Helson. L’arrivée d’une nouvelle génération a stimulé, dès 2014,
une réflexion commune des actionnaires familiaux autour de la
consolidation et de la pérennité de l’entreprise. Ils se sont faits
accompagner dans ce processus par Deminor. « Notre génération est fortement demandeuse de transparence, de dialogue et
aussi de sens, et les générations futures le seront encore plus »,
estime Alexandre.
Le secret de la longévité
« Nous avons commencé par redéfinir la mission, la vision et les
valeurs de l’entreprise », explique le CEO de Dandoy. Trois valeurs
clés ont émergé de ce brainstorming : la pérennité, l’excellence
et le respect (des anciens et des traditions). « Il est très rare que
les valeurs familiales soient à ce point ancrées dans la vie d’une
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Outline - D é cembre 2016
raconte ce dernier avec un sourire. Il est rejoint par sa
belle-sœur Christine Rombouts en 1990. Depuis peu,
Bernard Helson a fait entrer dans l’entreprise ses deux
fils, Alexandre et Antoine. Dandoy a réalisé un chiffre
d’affaires de 6 millions d’euros en 2015, en croissance
de 50 % sur les quatre dernières années, et emploie
60 personnes.
entreprise. L’enjeu est donc surtout de les faire connaître aussi
en dehors de l’entreprise », relève Alain Englebert, partenaire
du cabinet-conseil Family House, présent en tant qu’expert à la
soirée d’ING. Est-ce là le secret de la longévité de la biscuiterie
bruxelloise, restée ancrée dans son terreau familial malgré les
soubresauts de l’Histoire ? Ce n’est pas à exclure. « Le cercle familial est demeuré assez étroit depuis la création de l’entreprise
et nous avons toujours conservé une vision commune faisant
primer l’avenir de l’entreprise sur les gains financiers à court
terme. L’argent a toujours été placé au second plan », confie
Bernard Helson.
Le 31 août dernier, tous les actionnaires familiaux ont apposé
leur signature sur le Pacte d’actionnaires qui est le fruit de ces
deux années de travail. Parallèlement, le groupe a été restructuré avec la création de deux holdings patrimoniales chapeautant
l’immobilier d’un côté et les activités d’exploitation de l’autre
- une structure rendant possible l’arrivée d’administrateurs
indépendants dans le futur. Une première étape ? « Je ne serais
pas contre l’idée que l’on rédige aussi une charte familiale »,
glisse Alexandre Helson. D’ici là néanmoins, c’est sur une base
déjà bien solide que la Biscuiterie Dandoy compte poursuivre
son développement.
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Outline - D é cembre 2016
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Business
Business
Studio 100, le Disney européen
Ni Mega Mindy ni les filles du groupe musical K3 ne surgiront
au cours de la soirée durant laquelle les invités d’ING Private
Banking visitent avec beaucoup de curiosité les studios télé de
Studio 100 à Schelle, près d’Anvers. Pas de chance pour Outline :
il n’y a aucun tournage ce soir-là. À moins que ce ne soit justement une opportunité car cela va nous permettre de visiter les
différents studios et même de jouer les stars d’un jour ! Nous
découvrirons aussi le studio de danse où des dizaines d’enfants
concentrés répètent pour les futurs shows Samson & Gert (Fred
& Samson pour le public francophone). Dans quelques semaines
tombera le couperet : les enfants sauront qui pourra danser
dans le spectacle de Noël et qui en sera exclu. Parfois, la concurrence se manifeste très tôt dans la vie…
Fondée en 1996 par Gert Verhulst, Hans Bourlon et Danny
Verbiest, Studio 100 a beau être une entreprise de divertissement, elle doit être rentable comme n’importe quelle société.
Ce qui est bien le cas grâce à son approche à 360° du marché
de la jeunesse – un modèle dont elle est très fière : à côté de
séries télévisées très populaires au nord du pays, Studio 100
produit des films, des applications mobiles, des livres, exploite
des parcs à thème (notamment Plopsa Coo en Wallonie),
crée des spectacles et développe le merchandising, ce qui lui
permet d’être présente à chaque instant de la vie des bambins.
Les enfants (et leurs parents) ont accès n’importe où, n’importe
quand et sur n’importe quel support à leurs stars favorites. Ce
qui fait tinter le tiroir-caisse : en vingt ans, le chiffre d’affaires
de Studio 100 a grimpé de 5 à 165 millions d’euros.
Croissance interne et par acquisitions
Le développement de Studio 100 n’a pas toujours été un long
fleuve tranquille. Lors du débat passionnant qui a suivi la visite
des studios, le cofondateur de l’entreprise, Hans Bourlon, et le
CFO, Koen Peeters, ont ouvertement parlé des avancées mais
aussi des revers qui ont ponctué la vie de Studio 100. Hans
Bourlon : « Dès le départ, les choses n’ont pas été évidentes.
Qui démarrerait aujourd’hui une entreprise avec pour seuls
atouts un homme et son chien ? La série Samson & Gert n’intéressait au surplus que la VRT. Mais nous n’avions heureusement
pas de problèmes financiers grâce à la gigantesque avance
payée par Universal Music et au fait que les droits de diffusion
télé étaient versés à l’avance. » Très vite, quelqu’un eut l’idée
Koen Peeters - Studio 100
de créer un personnage de lutin et cela plut immédiatement
à VTM. C’est ainsi que naquit Plop. Il sera suivi par Pat le Pirate,
Mega Mindy et le petit clown Bumba. Au total, Studio 100 est
à l’origine d’une vingtaine de personnages. Avec des histoires
et des chansons, monter sur scène devenait une évidence. Les
premiers spectacles de Noël ont attiré 150.000 personnes, un
public à l’époque plus nombreux que celui de Torhout-Werchter !
« Grâce à ces excellents chiffres, nous avons pu éditer des
livres et lancer le merchandising. L’entreprise s’est petit à petit
professionnalisée. Ce qui devenait une exigence absolue à
partir du moment où nous avons décidé de lancer des parcs
à thème, un nouveau saut dans l’inconnu. Grâce à Bumba,
ciblant les tout-petits, et à la série Anubis destinée aux jeunes
adolescents, notre public-cible s’est par ailleurs élargi, ce qui
nous a permis de stabiliser davantage nos revenus. »
« Nous avons grandi de manière graduelle, mais avec des
paliers importants », détaille Koen Peeters. « Il y eut d’abord,
en 1999, le rachat de Melipark, qui était déficitaire et dont nous
avons fait un parc à thème avec les personnages de Studio 100.
Pour diluer le risque, cette opération a été menée conjointement avec la Vlaamse Mediamaatschappij (la maison-mère de
Gert Verhulst et Hans Bourlon - Studio 100
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Business
VTM notamment, aujourd’hui rebaptisée
Medialaan, ndlr). Nous avions constaté
que l’offre de parcs d’attractions pour
les moins de 12 ans était limitée. Nous
savions aussi que les spectacles estivaux
Samson & Gert attiraient près de 100.000
visiteurs belges supplémentaires à Efteling,
aux Pays-Bas. » La levée de capitaux
externes, après le départ du cofondateur
Danny Verbiest, a constitué une deuxième
étape importante. Cette ouverture du
capital est allée de pair avec une plus
grande discipline sur le plan financier, en
termes de reporting et de gestion des
risques. Enfin, en 2008 (soit en pleine crise
financière !), Studio 100 a fait l’acquisition de la division « divertissement » de
la société allemande EM. Sport Media
AG Group, cotée en Bourse. Ce qui lui
a permis de faire main basse sur un
important portefeuille indépendant
Au commencement, il y eut un chien
Studio 100 a été fondée en 1996 par trois associés : Hans
Bourlon, Gert Verhulst et Danny Verbiest. Leur unique
production, commandée par la VRT, était Samson & Gert
(qui deviendra Fred & Samson lors de sa diffusion dans le
sud du pays). Vingt ans plus tard, l’entreprise s’est muée en
un groupe international spécialisé dans les divertissements
familiaux, une sorte de « Disney européen ». En se basant
sur un modèle immersif, Studio 100 crée à la fois des
chansons, des livres, des films, des spectacles et des pièces
de théâtre gravitant autour de personnages populaires
à la télévision. Par le biais d’acquisitions, Studio 100 s’est
dotée de l’un des plus grands catalogues indépendants
de classiques pour enfants au monde. Ils bénéficient
actuellement d’un lifting dans les studios du groupe à
Paris et Sydney. Studio 100 a par ailleurs développé par
acquisitions plusieurs parcs à thème à succès en Belgique,
aux Pays-Bas et en Allemagne, ainsi que trois chaînes de
télévision populaires. Ses productions sont distribuées dans
plus de 150 pays. Studio 100 a même pensé aux adultes
créatifs : en collaboration avec des chefs belges réputés, elle
a lancé la plate-forme culinaire Njam! Le groupe emploie
actuellement un millier de personnes.
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Business
de séries pour la jeunesse, avec des personnages mondialement connus comme Maya l’Abeille, Vic le Viking, Heidi et Fifi
Brindacier.
« Avec ces personnages, nous jouons la carte de l’économienostalgie », souligne Hans Bourlon. « Imposer de nouveaux
personnages d’animation sur le marché nécessite des budgets
marketing phénoménaux, alors que parents et grands-parents
se font une joie de faire découvrir aux plus
petits les héros de leur enfance. » Studio
100 a conçu des remakes en 3D de ces
séries, qui n’ont absolument rien à envier
aux séries plus récentes, et a décliné les
produits dérivés. « Actuellement, nous
tirons une majorité de notre chiffre
d’affaires des parcs d’attractions et des
spectacles.
La musique était autrefois une vache à
lait, mais le marché des CD a fortement décliné. C’est notre
expérience immersive qui fait notre force : si la musique décline,
quelque chose d’autre peut prendre sa place.
Le fait que l’on ne puisse pas digitaliser l’ensemble du secteur
du divertissement constitue un autre atout important », détaille
Koen Peeters. Qui pointe dans la foulée la dernière étape
importante franchie par l’entreprise : l’émission d’un emprunt
obligataire en 2015, qui a permis de lever 90 millions d’euros
pour financer la poursuite de son développement. « Celle-ci a
été plusieurs fois sursouscrite, ce qui prouve que le public croit
en nous. C’est un gros stimulant ! »
Puissance créatrice
« Je ne m’occupe plus de la gestion quotidienne, ce qui me
permet de réfléchir posément avant de prendre des
décisions stratégiques », indique Hans Bourlon.
« Il y a dans l’entreprise une grande puissance
créatrice car notre ligne de conduite est de
donner sa chance à tout le monde et de
faire confiance, et ce, à tous les niveaux.
De nombreux jeunes sont embauchés chez
Studio 100. Lors du choix du nouveau
trio de K3, nous avons bénéficié d’une
grande couverture médiatique, ce qui
s’est aussitôt traduit par un afflux de
candidatures dans ma boîte mails.
Les parcs à thème nécessitent une tout
autre approche : la sécurité et les procédures sont prépondérantes, et il n’est
pas permis d’improviser. Il faut aussi se
montrer très pragmatique : Plopsaland
est situé sur la côte ; s’il fait beau,
les gens préfèrent aller à la plage ; si le
temps s’assombrit, ils viendront chez nous.
Il faut en tenir compte dans la gestion du
personnel. »
Tout cela ne fait pas perdre le sommeil au fondateur de
Studio 100. Quoique… « Comme chacun a pu le lire dans la
presse, nous avons découvert au début 2016, à la faveur d’un
contrôle interne, qu’un de nos collaborateurs trafiquait les
factures et avait détourné des montants considérables à son
profit grâce à d’ingénieuses constructions. J’ai d’abord eu
quelques insomnies, puis j’ai agi rapidement. Une fois l’uppercut encaissé, j’ai recherché une solution. C’est cela aussi
être une entreprise créative et donc émotionnelle. J’ai d’abord
cru à une fraude limitée, mais son ampleur
a progressivement gonflé. Nous avons
commencé à voir des complots là où il n’y
en avait pas. Bien que nous sachions que la
procédure allait être longue, nous avons saisi
les tribunaux pour que justice soit faite.
Cela a été un grand choc dans l’entreprise ;
au réfectoire, les employés se jetaient des
regards suspicieux. Mais dès que l’affaire
a été clarifiée, l’équipe s’est ressoudée, ce
qui est une bonne chose. Nous sommes à
nouveau prêts à attaquer ensemble les vingt
prochaines années ! »
•
Outline - D é cembre 2016
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Business
Business
Être un propriétaire d’une entreprise
familiale impliqué est un métier
à part entière
On ne peut nier que les entreprises familiales ont connu une forte évolution au cours des 20 dernières
années. À l’heure actuelle, la plupart des entreprises familiales sont dans une plus ou moins grande mesure
professionnalisées. Mais cela ne signifie pas qu’il ne reste pas de pain sur la planche. La propriété et la possession
d’entreprises familiales sera un thème important les prochaines années. Le sujet est abordé par l’avocat
Jozef Lievens, spécialisé dans les entreprises familiales et co-administrateur délégué de l’Instituut voor het
Familiebedrijf (l’Institut de l’entreprise familiale en Flandre). Dans son nouveau livre « Betrokken eigenaars, sterke
familiebedrijven », il explique que les propriétaires qui gèrent leur entreprise avec passion, mais aussi sur un mode
professionnel et structuré, apportent un avantage compétitif à l’entreprise.
La propriété de l’entreprise familiale
n’avait pas encore fait l’objet d’une
grande attention jusqu’à ce jour.
Pourtant, la possession dominante
par une ou plusieurs familles est une
caractéristique fondamentale des
entreprises familiales. Dans une entreprise avec un actionnariat fortement
morcelé, le pouvoir du management
est beaucoup plus grand, justement
parce que la propriété est répartie
entre de nombreux propriétaires.
Vision à long terme et intendance
Dans de nombreuses entreprises
familiales, toutes les actions sont la
propriété de la famille. Dans de telles
entreprises familiales, il règne une
dominance totale de la famille, qui
décide selon ses propres vues.
Mais, en soi, une majorité des droits
de vote à l’assemblée générale suffit pour avoir le contrôle de
l’entreprise familiale. Concrètement : 50 % plus une des actions
sont suffisants dans une société anonyme.
Diamétralement opposée à cette réflexion
à court terme, on trouve l’intendance de
la plupart des propriétaires familiaux. Il
s’agit ici de possession responsable avec un
engagement à long terme de la famille à
l’égard de l’entreprise familiale.
Dans les sociétés cotées en Bourse, le seuil est encore plus bas.
Étant donné que de nombreux actionnaires ne participent pas
à l’assemblée générale, le seuil pour obtenir la majorité des droits
de vote se situe parfois sous les 50 % plus un. L’organisation
European Family Businesses qualifie une entreprise cotée en
Bourse d’entreprise familiale dès que la famille possède 25 %
ou plus des actions.
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Outline - D é cembre 2016
Outre la propriété dominante, les entreprises
familiales et non familiales diffèrent encore
par leur philosophie de base. Les actionnaires dans les entreprises non familiales
cotées en Bourse ont généralement peu de
liens avec l’entreprise et se focalisent sur le
rendement qu’ils peuvent tirer de leur investissement. Cela crée un climat d’impatience
avec peu de loyauté vis-à-vis de la société
dans laquelle ils inves­tissent. Aujourd’hui ils
préfèrent l’acier, demain les cacahuètes.
L’intendant chérit l’entreprise familiale et vise à la transmettre
à la génération suivante dans un meilleur état. Lors de la
Journée de l’entreprise familiale organisée par l’Instituut voor
het Familiebedrijf au début octobre 2016, Herman Van de Velde,
administrateur du producteur de lingerie du même nom, a
déclaré : « Je considère presque de mon devoir de transmettre
l’entreprise plus belle et plus grande que lorsque je l’ai reçue
moi-même de mes parents. »
L’approche de l’intendance signifie qu’on ne raisonne pas qu’en
termes de succès financier et de rendement. Les objectifs sociaux
Outline - D é cembre 2016
25
Business
ou les réalisations technologiques sont aussi importants. Diverses
études et analyses ont néanmoins démontré que les entreprises
familiales affichent de meilleures performances financières que
les entreprises non familiales. Des chiffres récents sur le cours
de la Bourse du fabricant de biscuits Lotus Bakeries et de Sioen
Industries (textile technique) au fil des ans le confirment.
L’influence des propriétaires
Dans les entreprises où les actions et donc la possession sont réparties entre de nombreuses parties, l’influence d’un actionnaire
est minimale. Il en va autrement dans les entreprises familiales
avec des propriétaires dominants. Les propriétaires exercent
une forte influence sur la culture d’entreprise, la stratégie et la
gouvernance.
Dans une entreprise familiale à succès, la culture et les valeurs
sont des moteurs importants. Michèle Sioen de Sioen Industries
explique à ce sujet : « La force des entreprises familiales est
leur capacité de changer. Leurs dirigeants sont disposés à aller
loin pour maintenir leur entreprise et la développer. Dans les
bonnes et moins bonnes périodes. C’est la force de la famille qui
surpasse tout. Ce qui est beau, c’est que les chefs d’entreprises
familiales parviennent à transmettre cette force familiale à tous
leurs collaborateurs. Le sentiment d’appartenance y est souvent
très grand. »
Dans les entreprises avec une possession morcelée, la détermination de la stratégie relève du domaine du management. Le
conseil d’administration y approuve la stratégie. Dans les entreprises familiales, par contre, la stratégie doit cadrer avec la vision
des propriétaires, qui est formulée par ces derniers. Elle est donc
définie en partie par les visions des propriétaires.
L’architecture de la gouvernance de l’entreprise familiale est
déterminée dans une large mesure par les propriétaires. Ils définissent la façon dont la gouvernance est organisée, qui fait partie du conseil d’administration, si des administrateurs externes
sont nommés et quelles sont les priorités. Paul Buysse, homme
d’affaires et auteur du code de même nom pour la gouvernance
d’entreprise : « La gouvernance a aussi gagné en importance
dans les entreprises familiales. Nous voyons que la transparence
et le contrôle sont de plus en plus enracinés dans leur administration. Ce qui est essentiel, également pour les entreprises qui
ne sont pas cotées en Bourse. Je suis particulièrement satisfait
de voir que le Code Buysse donne également lieu à de meilleures entreprises familiales. »
La propriété évolue dans le temps
L’actionnariat des entreprises familiales est une matière soumise à nombre d’aspects sensibles : juridiques et financiers,
mais surtout émotionnels et relationnels. De plus, il s’agit d’une
donnée évolutive : à chaque stade ses défis. Au fur et à mesure
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Outline - D é cembre 2016
Business
que l’entreprise familiale est en mesure d’affronter les défis de
façon constructive, la transition au stade suivant se déroule
plus facilement.
Le premier stade est celui du propriétaire/fondateur qui
exerce le contrôle. La propriété et l’administration de l’entreprise familiale sont ici entre les mains d’une seule personne
(ou d’un couple), qui est le patron à tous points de vue. La
délégation n’est pas son point fort et le personnel est censé
accepter inconditionnellement les idées du propriétaire qui
exerce le contrôle. Dans cette phase, il n’est généralement pas
ou à peine question de gouvernance.
Ce stade connaît des défis importants : l’entreprise est extrêmement dépendante d’une seule personne, avec tous les risques
qui s’ensuivent. Celle-ci devra progressivement passer à l’arrièreplan et partager le pouvoir avec une équipe de direction.
Le suivi requiert de l’attention. Et puisque le propriétaire qui
exerce le contrôle est absorbé par l’entreprise familiale, on ne
prête parfois pas assez attention à la famille.
Au stade de l’équipe des frères et sœurs, la propriété est répartie entre frères et/ou sœurs. Ils forment une équipe, parfois
un véritable partenariat où frères et sœurs fonctionnent côte à
côte en égaux. L’équipe des frères et sœurs doit avoir la même
vision sur l’entreprise et doit pouvoir collaborer avec aisance.
À ce stade aussi, il y a de grands défis. L’entreprise familiale et ses
principaux acteurs doivent s’habituer à un nouveau modèle de
leadership. Les nouveaux leaders doivent développer et implémenter leur propre stratégie. Et il arrive parfois que la collaboration pâtisse de conflits personnels historiques. C’est pourquoi
une professionnalisation du management est indiquée.
Au troisième stade, celui du réseau de cousins et cousines,
l’entreprise familiale a déjà bien grandi. La propriété est fortement répartie entre un grand nombre d’actionnaires, qui sont
généralement cousins et cousines.
À ce stade, la distance entre les propriétaires et l’entreprise
familiale s’accroît. Des efforts doivent être fournis pour la surmonter et rationaliser les rapports entre les différents groupes
d’actionnaires. La gouvernance au niveau de l’administration
est un must absolu, tout comme une bonne gouvernance
familiale équilibrée.
Lorsqu’on continue de remonter les générations et que les propriétaires ne sont même pas des cousins ou cousines mais des
membres éloignés de la famille, il est question d’une dynastie
familiale. Des exemples belges concernent entre autres Solvay,
Bekaert et Colruyt.
Qui est Jozef Lievens ?
Les rivalités personnelles passent à l’arrière-plan. Le défi
consiste à présent à maintenir l’unité dans le groupe. « Bekaert
a développé une approche structurée à cet effet », explique
l’administrateur Baudouin Velge : « Nous avons un intranet
où sont regroupées toutes les informations concernant la
famille et l’entreprise. Ainsi, tout le monde a facilement accès
aux informations. Et après la publication des résultats semestriels, nous organisons systématiquement une réunion – qui
ressemble à une réunion d’analystes – spécifique pour les
actionnaires familiaux, où le président et le management
viennent donner des explications. La réunion de la famille et
du management assure une implication forte et durable dans
l’entreprise. »
Jozef Lievens est conseiller pour les entreprises
familiales et avocat. Il est professeur à l’EHSAL
Management School, cofondateur de l’Instituut
voor het Familiebedrijf et auteur de différents
ouvrages sur les entreprises familiales.
Une nouvelle mentalité : des propriétaires
professionnels et impliqués
Au fur et à mesure que de plus en plus d’entreprises familiales
vieillissent et se retrouvent dans une phase plus avancée,
l’importance de la possession augmente. La question est la suivante : quelle mentalité s’avère alors indispensable pour survivre
en tant qu’entreprise familiale et rester fructueuse sur la durée ?
Les propriétaires doivent adopter une autre attitude à deux
niveaux. Ils doivent réaliser que le fait d’être propriétaire requiert
une approche professionnelle : il s’agit d’un métier en soi.
Et il faut gérer délibérément les défis de la possession. En deux­
ième lieu, il est important de devenir un propriétaire impliqué.
Le président d’Alcopa Axel Moorkens l’a formulé comme suit :
« Chacun continue de jouer un rôle. Tous les membres de la
famille sont dans le stade, tels des spectateurs impliqués. Si l’entreprise se porte bien, ils doivent exiger que la barre soit placée
plus haut. Si les affaires vont mal, ils doivent continuer de soutenir l’équipe. Ils doivent être plus que des actionnaires financiers. »
Les propriétaires impliqués s’investissent donc activement en
tant qu’actionnaires et ont confiance dans l’entreprise familiale
et sa direction. Ils sont également fiers de faire partie de l’entreprise familiale. C’est justement pour cela que les propriétaires
impliqués sont aussi qualifiés de propriétaires responsables.
Le livre « Betrokken eigenaars, sterke familiebedrijven » comporte
huit actions, qui font des actionnaires d’une entreprise familiale
des propriétaires impliqués et qui les aident donc aussi à faire de
la propriété un avantage compétitif pour l’entreprise. Il s’agit de
ce qui suit :
• Préciser et communiquer la vision des propriétaires, et en
particulier l’objectif et les valeurs de la famille ;
• Organiser la gouvernance de l’entreprise familiale, entre
autres via un conseil d’administration actif ;
• Organiser la gouvernance familiale, par exemple via une
charte familiale et un forum familial (ndlr : voir l’article
Outline, avril 2016) ;
•
•
•
•
•
Attirer d’excellents managers et administrateurs externes ;
Se comporter comme des propriétaires impliqués ; donner
l’exemple en se basant sur les bonnes intentions ;
Développer des compétences pour communiquer et gérer les
conflits ;
Régler le suivi (en temps utile) ;
Former les futurs propriétaires.
Les propriétaires qui s’attellent à cette tâche ont évidemment
droit à des revenus financiers provenant de leur entreprise.
Le propre capital est sujet au risque et il est par conséquent
logique que les propriétaires reçoivent une compensation à cet
effet, par exemple sous la forme de dividendes. Mais un aspect
encore plus important concerne l’identification avec l’entreprise
et ses valeurs, la fierté et le respect dont ils jouiront. Colruyt ou
Bekaert en sont des exemples : deux entreprises familiales où
de nombreux efforts sont fournis pour être des propriétaires
impliqués, même dans une phase particulièrement complexe et
avec plusieurs propriétaires.
•
Le livre « Betrokken eigenaars, sterke familiebedrijven » est paru
chez LannooCampus :
http://www.lannoo.be/betrokken-eigenaars-sterke-familiebedrijven
L’ouvrage existe uniquement en néerlandais.
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Wealth Engineering
Wealth Engineering
Acquérir un bien immobilier en prenant
une avance sur votre assurance groupe
Vu le niveau bas actuel des taux d'intérêt, beaucoup de personnes veulent aujourd'hui investir dans l'immobilier,
en faisant par exemple l'acquisition d'un appartement à la mer ou d'un immeuble de rapport.
Vous pouvez le faire en investissant une partie de vos économies, en souscrivant un prêt hypothécaire, ou en
combinant les deux. Mais il existe aussi une autre possibilité... Avant de partir à la pension, vous pouvez en
effet investir une partie de votre assurance groupe, dont le rendement ne cesse de diminuer, dans l'immobilier.
Comment procéder ? Dans quel type de biens immobiliers pouvez-vous investir ? Quelles sont les conséquences
fiscales d'un tel investissement pour votre assurance groupe ? À quoi faut-il être attentif ?
Assurance groupe
Comme vous le savez, vous pouvez, en tant qu'entrepreneur,
vous constituer une pension extralégale fiscalement intéressante par l'entremise de votre société, au moyen de votre
assurance groupe ou de votre EIP (l'équivalent d'une « assurance
groupe pour personne unique »). Votre société paie alors les
primes qui sont versées dans le contrat d'assurance groupe.
Les primes sont déductibles fiscalement dans son chef, sous
certaines conditions.
Ainsi, elles doivent entre autres satisfaire à la règle dite des 80 %.
Cela signifie que votre pension de retraite (légale et extralégale),
exprimée en rentes annuelles, ne peut pas dépasser plus de
80 % de votre dernière rémunération annuelle brute normale.
Plus votre rémunération est élevée, plus votre société peut
déduire des primes. De nombreux entrepreneurs se constituent
ainsi une épargne pension plus que convenable tout au long
de leur carrière. Le versement à terme du capital vous est en
principe imposé à maximum 20 % (voir ci-dessous).
Les employés peuvent eux aussi se constituer un capital pension
extralégal, au moyen d'une assurance groupe financée (en
partie) par l'employeur. Pour les cadres supérieurs en particulier,
son montant peut vite devenir substantiel.
Quel rendement ?
Généralement, il n'est pas très élevé. Alors que les primes
versées offraient encore un rendement de plus de 4 % il y a
quelques années, les employés ne bénéficient maintenant plus
que d'un rendement variable allant de 1,75 % à 3,75 %, tandis
que les indépendants doivent se contenter de moins de 1,75 %.
Et cela ne s'améliorera probablement pas dans les années à
venir... Il serait dès lors utile de pouvoir prélever anticipativement
ce capital, bloqué en principe jusqu'à votre pension, pour tenter
d'obtenir par vous-même un rendement plus élevé.
À partir de quand pouvez-vous prélever le capital ?
Depuis le 1er janvier 2016, une pension complémentaire telle
qu'une assurance groupe ou une PLCI (pension libre complémentaire pour indépendants) ne peut plus être versée qu'à
la date de la pension légale (ou à la date où les conditions
pour prendre sa pension légale sont réunies, si vous souhaitez
continuer à travailler plus longtemps). Cela signifie que vous ne
pourrez prélever votre capital pension extralégal que lorsque
vous prendrez effectivement votre pension, ou répondrez aux
exigences en matière de pension légale, à 65 ans (bientôt
même à 67 ans) et pas plus tôt.
Dans beaucoup de contrats, il est néanmoins stipulé que vous
pouvez déjà réclamer votre pension complémentaire à vos 60
ans, même si vous continuez à travailler. En règle générale, ce
ne sera toutefois plus possible étant donné que la nouvelle loi
s'applique également aux contrats en cours (à l'exception d'un
certain nombre de mesures transitoires pour les personnes qui
auront au minimum 55 ans en 2016).
Fiscalement plus avantageux de ne demander votre
capital pension qu'à partir de 65 ans
Si vous prélevez le capital de votre assurance groupe avant votre
65e anniversaire, vous serez pénalisés sur le plan fiscal.
Si vous continuez à travailler jusqu'à 65 ans, vous ne payerez
qu'un impôt de 10 % sur votre capital pension constitué (augmenté de la taxe communale).
Si vous pouvez prendre votre pension à 60 ans et que vous demandez votre capital à ce moment-là, vous paierez en principe
20 % d'impôts. Ce taux chute à 18 % lorsque vous avez 61 ans,
et à 16,5 % lorsque vous en avez 62. Si vous ne prélevez votre
capital qu'à vos 65 ans et que vous continuez à travailler jusquelà, vous n'êtes imposés qu'à 10 %. Toutefois, si vous ne prélevez
Mercator Marina Ostende - © BELPRESSNEWS
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Wealth Engineering
votre capital qu'à vos 65 ans, mais que vous avez arrêté de
travailler plus tôt, vous paierez là aussi 16,5 %.
Le montant sur lequel l'impôt est prélevé se calcule en déduisant du capital constitué une cotisation INAMI de 3,55 %, et,
dans la plupart des cas, une cotisation de solidarité supplémentaire de 2 %. Vous ne payez pas d'impôts sur la participation
bénéficiaire, mais payez bel et bien sur les cotisations INAMI et
de solidarité.
Une avance sur votre contrat
Il existe cependant une manière fiscalement intéressante de
prélever avant vos 60 ans une partie conséquente de votre
capital pension extralégal déjà constitué (votre « réserve »), à
condition que vous investissiez dans de l'immobilier. Vous devez
en effet utiliser cette avance pour acheter, construire, transformer ou rénover un bien immobilier.
En outre, le bien dans lequel vous investissez l'avance doit
pouvoir « générer des revenus imposables ». Cela ne signifie
toutefois pas que vous devez nécessairement mettre le bien
en location. Cette condition peut être remplie dans le cas d'un
bien non loué pour lequel vous ne devez déclarer que le revenu
cadastral, ainsi que dans le cas de votre habitation « propre ».
Le fait que le bien doit générer des revenus signifie donc aussi
que le bien que vous voulez vendre, construire, transformer ou
rénover, doit vous appartenir en pleine propriété, en usufruit, en
emphytéose ou en superficie. Si vous n'êtes que nu-propriétaire,
c'est impossible, car vous ne pouvez en principe pas percevoir les
revenus du bien immobilier.
Vous ne pouvez pas non plus utiliser l'avance pour acheter un
bien pour vos enfants, par exemple.
Enfin, le bien doit être situé en Belgique ou dans un autre pays
de l'Espace économique européen (EEE). Par exemple, vous
pouvez aussi utiliser cette avance pour acheter une résidence
secondaire en France.
Il n'est pas obligatoire que vous habitiez dans le bien, ni même
qu'il s'agisse d'une habitation. Autrement dit, cela peut tout
aussi bien être un box de garage, un terrain à bâtir, un magasin,
etc. Une nouvelle terrasse, l'aménagement d'un jardin ou d'une
piscine, des travaux de peinture, etc. entrent aussi en ligne de
compte.
Vous pouvez même retirer une avance de votre assurance
groupe pour rembourser anticipativement un prêt hypothécaire,
ce qui peut parfois s'avérer plus avantageux que de continuer à
rembourser ce prêt.
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Wealth Engineering
Fiscalité
Vous n'êtes pas imposés au moment du retrait de l'avance !
Vous n'êtes en effet imposés sur l'entièreté du capital qu'au
moment où ce capital, évidemment diminué de l'avance pré­
levée, vous est versé définitivement.
Quelle provision pouvez-vous prélever ?
Jusqu'au 1er janvier 2015, vous pouviez prélever une avance
d'environ 60 % de votre réserve. Pour le calcul de la provision,
votre assureur tient compte des frais de rachat dus (qui peuvent
s'élever à environ 5 %), des cotisations sociales (3,55 % de
cotisation INAMI et 2 % de cotisation de solidarité) et des impôts
(avant le 1er janvier 2015, maximum 33,31 %, taxe commune
comprise).
Si vous aviez par exemple déjà constitué une réserve de 150.000
euros et vouliez prélever une avance maximale, le calcul était le
suivant : 150.000 euros - 5 % - 5,55 % - 33,31 % = 89.759 euros.
En bref, vous pouviez retirer de votre réserve de 150.000 euros
une avance de 89.759 euros, soit environ 60 %.
Depuis le 1er janvier 2015, vous ne pouvez plus prélever votre
capital pension avant 60 ans. Même si vous mettez un terme à
votre mandat de gérant ou de dirigeant de votre société avant
votre 60e anniversaire, vous ne pouvez plus faire verser (racheter)
votre assurance groupe de manière anticipative. Cela implique
aussi que vous payez maximum 20 % d'impôts sur votre capital
pension. Il s'agit en fait du tarif applicable pour le versement de
votre assurance groupe à 60 ans.
Grâce à ces règles modifiées, vous pouvez aussi en principe
retirer une provision plus élevée de votre assurance groupe. Votre
assureur peut en effet tenir compte d'un impôt plus bas lors
du calcul de la provision maximale : 20,19 % au lieu de 33,31 %
(taxe communale comprise).
Revenons à notre exemple. Nous partons à nouveau d'une
réserve déjà constituée de 150.000 euros. Vous désirez retirer
une avance maximale. Compte tenu des frais de rachat de 5 %,
des cotisations sociales de 5,55 % (3,55 % + 2 %) et d'un impôt
de 20,19 %, votre avance maximale est calculée comme suit :
150.000 euros - 5 % - 5,55 % - 20,19 % = 107.417 euros. De votre
réserve de 150.000 euros, vous pouvez donc dorénavant prélever
une avance de 107.417 euros, soit environ 71 %. Autrement dit,
vous pouvez désormais prélever 17.658 euros d'avance en plus.
Attention : certains assureurs ne veulent pas suivre la nouvelle
méthode, et beaucoup s'en tiennent jusqu'à nouvel ordre à
« l'ancien » calcul. En d'autres termes, ils ne voudront pas verser
70 % du capital déjà constitué comme avance, mais (toujours)
uniquement 60 %.
Une avance plus importante via un back service ?
Si vous avez encore de la place pour un back service, vous
pourrez faire accroître en une fois le capital constitué que vous
pouvez prélever, et donc l'avance elle aussi, en effectuant un
versement unique à votre assurance groupe.
Un back service est une sorte de « prime de rattrapage » pour
les premières années durant lesquelles votre société n'a pas versé la prime déductible maximale à votre assurance groupe. Ce
sera par exemple le cas si vous n'aviez pas d'assurance groupe
directement au lancement de votre société, ou si votre société n'a pas versé les primes maximales dès le départ. Si votre
rémunération est plus élevée maintenant, on estime également,
pour votre assurance groupe, que votre rémunération a toujours
été aussi élevée, et que votre société a donc toujours pu verser
une prime déductible aussi élevée que maintenant. Grâce à cela,
votre société peut maintenant verser de manière rétro­active
une prime supplémentaire, afin de compenser la part de la
prime qu'elle aurait jadis dû payer en plus (fictivement).
Ce back service (autrement dit, cette prime de rattrapage), est
fiscalement déductible pour votre société - au même titre que
les primes normales qu'elle verse à votre assurance groupe -,
à condition bien sûr que la limite des 80 % soit respectée (voir
ci-dessus). Vous pouvez aussi en principe verser une prime de
back service pour les années (maximum dix) durant lesquelles
vous avez été actif hors de votre société, comme indépendant
en nom personnel ou comme employé.
À quoi faut-il être attentif ?
Vous ne pouvez retirer une telle avance que si cette possibilité est prévue dans votre contrat de pension, ce qui n'est pas
toujours le cas. Vous devez donc d'abord vérifier auprès de votre
assureur. Si votre contrat ne vous permet pas de prélever une
avance, vous pouvez demander à votre assureur d'adapter votre
contrat, via un avenant par exemple.
Si le bien que vous avez acheté grâce à l'avance sur votre assurance groupe « disparaît de votre patrimoine » plus tard (par
exemple parce que vous le revendez, le donnez à vos enfants...),
vous devez rembourser l'avance prélevée ou investir à nouveau
dans de l'immobilier. Il n'est pas possible de donner uniquement
la nue-propriété. En effet, dans le cadre d'une planification
successorale, il arrive régulièrement que seule la nue-propriété
du bien soit léguée, et que les donateurs (généralement les
parents) conservent l'usufruit à vie. Le don ou la vente de la
nue-propriété sont considérés comme une « disparition d'une
partie de votre patrimoine ». Vous devez donc aussi rembourser
l'avance dans ce cas-ci.
Pour plus d'informations, n'hésitez pas à contacter votre Private
Banker.
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Outline - D e cember 2016
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Reportage
Reportage
Abattre les murs de l’indifférence
Abattoir, la société qui exploite le site des anciens abattoirs d’Anderlecht, en Région bruxelloise, a l’ambition
d’y créer un énorme pôle alimentaire durable qui soit en interconnexion avec le tissu urbain. De nombreuses
initiatives sont déjà prises pour développer les liens avec les habitants du quartier et les Bruxellois en général.
Comme chaque mercredi midi, d’agréables
parfums se répandent sous l’immense
halle métallique qui est le cœur historique
des abattoirs de Cureghem, à Anderlecht.
Un site de 10,5 hectares en plein cœur de
Bruxelles, le « ventre » de la capitale : bien
que le marché aux bestiaux ait disparu en 2009, quelque 230.000 animaux
sont toujours abattus et découpés ici en
l’espace d’une année et chaque week-end,
plus de 100.000 personnes arpentent les
allées du gigantesque marché alimentaire
qui se tient sous la halle et alentours. Ce
mercredi, c’est le fumet d’une soupe aux
tomates et une bonne odeur de cannelle
qui titillent les papilles de la vingtaine de
personnes attablées devant le fourneau
de Cyrille. Cuisine mobile, tables et bancs
repliables, toiles cirées aux couleurs vives :
on s’attable pour manger ou simplement
pour papoter. D’avril à octobre, le Barattoir
est ouvert à tous : la soupe et le dessert
coûtent 1 euro, le plat (une assiette de
légumes délicieusement épicés) 3 euros.
Foodmet © Filip Dujardin
Ce pop-up restaurant végétarien est l’une
des nombreuses initiatives de l’ASBL Cultureghem, dont la
vocation première est de créer du lien avec les habitants
du quartier, une zone métissée et socio-économiquement
défavorisée de la Région bruxelloise. Le poumon économique
de Cureghem, c’est la SA Abattoir qui exploite l’ensemble du
site et garantit ainsi le gagne-pain de 700 équivalents temps
plein, pour la plupart faiblement scolarisés. « Nous ne vendons
rien nous-mêmes, nous louons des espaces à une trentaine
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Outline - D é cembre 2016
de sociétés actives dans la filière viande, à deux grossistes
en poissons et à 650 maraîchers qui viennent ici écouler leur
production », explique Joris Tiebout, administrateur délégué
d’Abattoir. « Notre société a été créée en 1983 lorsque la
commune d’Anderlecht a pris la décision de fermer l’abattoir,
largement déficitaire. Cent soixante petits actionnaires - des
commerçants, des professionnels de la filière viande, des restaurateurs du quartier, des propriétaires de biens avoisinants,
Outline - D é cembre 2016
33
Reportage
Reportage
etc. – ont constitué le tour de table d’Abattoir, dotée
d’un capital de départ de 2,5 millions d’euros. » Le
beau-père de Joris Tiebout exploitait un commerce
de salaisons dans le quartier et comme tous les
membres de la famille, cet ingénieur qui s’était spécialisé dans les énergies renouvelables a été invité
à souscrire des parts du capital… avant d’intégrer
l’entreprise et de ne plus la quitter.
une tonne et demie de fruits et légumes est collectée et distribuée chaque semaine à plus de 200 personnes. Très récemment, le collectif de volontaires de Collectmet s’est lui-même
structuré en ASBL (Alimentab). « Et ce qui est fabuleux, pointe
Eva, c’est que les deux tiers d’entre eux étaient, au départ, des
bénéficiaires de ces dons alimentaires ! »
Cuisiner, partager et dialoguer
Dès la constitution d’Abattoir, le conseil d’administration a insisté sur le développement inclusif de
l’entreprise. Celle-ci soutient donc de nombreuses
initiatives économiques et socioculturelles dans le
quartier. Elle est aussi à l’origine de la création de
l’association Cultureghem, dirigée par une jeune
femme volontaire, Eva De Baerdemaeker. « Mon
Joris Tiebout, administrateur délégué d’Abattoir
plan, dit celle-ci avec humour, est de ne pas faire de
plans. Ce sont les attentes des habitants du quartier
qui nous guident. » C’est ainsi qu’a été lancé, en
tive de cohésion sociale et, pour nous, une sorte de laboratoire
2013, le projet Kookmet : cuisiner avec les personnes intéresà idées. Mais de nombreuses écoles, entreprises et adminissées un repas sain à prix réduit et échanger tout en le prétrations publiques ont progressivement demandé à pouvoir
parant. Chaque vendredi, du printemps à la fin de l’automne,
participer. Nous avons alors fait le choix de mêler ces différents
ce repas est partagé par une centaine de personnes dans le
publics : les élèves des écoles du quartier ont donc fait les
couloir n° 5 du marché couvert. Au fil des mois, certains bénécourses et cuisiné avec des fonctionnaires de la Communauté
ficiaires sont venus gonfler les rangs des bénévoles et Kookmet
flamande ou des employés de grandes entreprises. »
a pris une tout autre dimension. « C’était au départ une initiaDans la foulée de Kookmet est née l’initiative Barattoir ainsi
qu’un autre projet visant à lutter contre le gaspillage alimentaire : Collectmet. « À la fin de chaque journée de marché, des
personnes dans le besoin cherchaient à récupérer les fruits et
légumes invendus, parfois au prix de quelques bousculades.
Un collectif de bénévoles soutenu par Cultureghem et Abattoir
a donc décidé d’organiser chaque dimanche le tri des invendus
et leur répartition. Ce qui n’est pas emporté le jour même est
conservé au froid et des associations en prennent livraison le
lendemain », détaille Eva De Baerdemaeker. Une tonne, voire
« Le projet Collectmet permet de
distribuer chaque semaine au
moins une tonne de fruits et
légumes à des personnes dans le
besoin
»
Eva De Baerdemaeker de l'association Cultureghem
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Outline - D é cembre 2016
Eva De Baerdemaeker
Ce sont également certains surplus du marché de Cureghem
qui sont utilisés pour préparer des cookies le mercredi
après-midi avec des enfants du quartier. Pendant que certains
cuisinent, d’autres s’essayent à la boxe, dansent ou réalisent
des constructions en bois. Transformée en immense plaine
de jeux urbaine, la halle d’Abattoir résonne aussi des rires des
mamans, que ce moment de partage familial sort d’un relatif
isolement social. Ce projet-là s’appelle Ketmet, comme un clin
d’œil à la population bruxelloise.
Un pôle alimentaire durable
Bien des choses restent à faire pour sortir Cureghem d’une
« ghettoïsation » galopante. Mais il faut se projeter dix à vingt
ans en avant pour comprendre que ce
lieu est peut-être celui de tous les possibles. Le masterplan élaboré par la société Abattoir prévoit le développement
sur le site d’un pôle alimentaire durable
reposant sur l’économie circulaire et le
circuit court, avec, en complément, une
nouvelle mixité de fonctions pour tresser
des liens plus solides encore avec le tissu
urbain environnant. Ce projet inclut notamment la construction de logements.
Le Foodmet, la nouvelle halle alimentaire
d’Abattoir inaugurée en 2015, est la première étape du masterplan. Joli symbole :
ce bâtiment a été choisi par le curateur
de la dernière Biennale d’architecture
de Venise pour illustrer sa thématique
« Monument pour une société ouverte ».
Sur le toit du Foodmet se construit
actuellement une ferme urbaine de
4.000 m2 – la plus grande d’Europe. De
longues rangées de légumes verdurisent
déjà un côté de la toiture. En vis-à-vis
vont se dresser bientôt un ensemble de
serres qui seront chauffées grâce à la
récupération de chaleur sur les groupes
frigorifiques de l’abattoir. La start-up BIG
– pour Building Integrated Greenhouses –,
qui loue l’espace de toiture à Abattoir, compte y développer
un projet d’aquaponie, c’est-à-dire un élevage de poissons
(aquaculture) combiné avec la culture de légumes, de pousses
et d’herbes aromatiques hors sol (hydroponie). Le toit du
Foodmet abritera aussi la terrasse d’un restaurant – avec vue
panoramique sur Bruxelles - qui s’approvisionnera en partie sur
le site même. Abattoir est actuellement à la recherche d’un
exploitant pour celui-ci : avis aux chefs qui nous liraient ! Dans
les caves voûtées du site vient, par ailleurs, de s’implanter une
champignonnière.
La prochaine étape du masterplan est plus ambitieuse encore :
elle englobe la restauration de la halle construite en 1885, le
réaménagement des espaces extérieurs réservés au marché
hebdomadaire et la construction d’un tout nouvel abattoir.
Un investissement de 16 millions d’euros, financé en partie
par la Région de Bruxelles-Capitale et l’Union européenne via
les fonds FEDER (Fonds européens de développement économique et régional). « En regroupant dans un seul bâtiment
les lignes d’abattage, les salles de découpe et l’ensemble de
Kookmet : cuisiner avec des volontaires un repas sain à prix réduit
Outline - D é cembre 2016
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Reportage
Reportage
la filière viande, nous libérerons une énorme
superficie que nous pourrons affecter à
d’autres fonctions : bureaux, petits commerces, logements et pourquoi pas écoles »,
détaille Joris Tiebout. Depuis sa création en
1983, Abattoir a investi sur le site 58 millions
d’euros, avec l’appui d’ING Belgique qui est
le banquier principal de l’entreprise. Pour
la réalisation de la deuxième phase de son
masterplan, Abattoir compte procéder à une
importante augmentation de capital. « C’est
l’étape-clé pour que l’on devienne un grand
pôle alimentaire urbain diversifié et durable.
Le projet Manufakture d’Abattoir incarnera,
pour les autres villes européennes, le mariage
réussi entre des activités productives et la vie
urbaine. »
•
Vue panoramique du site Abattoir
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Outline - D é cembre 2016
Les collaborateurs d’ING Belgique soutiennent des initiatives durables
Dans le cadre de sa politique de durabilité,
ING Belgique propose depuis 2014 à ses
collaborateurs de convertir un jour de travail par an
en journée de volontariat. Environ 800 collaborateurs
de la banque ont fait cette démarche en 2016.
En octobre dernier, une vingtaine d’entre eux ont
rejoint les bénévoles de l’ASBL Cultureghem. Ceuxci sont au nombre de 150 à 200 selon les périodes
de l’année et leur engagement sans faille rend
possible de multiples activités socioculturelles sur le
site de Cureghem. Nos collaborateurs les ont aidés
à désencombrer un des bâtiments de l’abattoir et
à trier des montagnes d’objets et de vêtements
destinés à être distribués aux personnes du quartier
dans le besoin. ING Belgique est, par ailleurs, l’une
des sociétés partenaires du Boeremet, un afterwork
qui se déroule une fois par semaine sous le marché
couvert de l’abattoir. Jusqu’à 4.000 personnes s’y
pressent certains jeudis soir, à la belle saison, et les
employés de la banque sont nombreux à profiter de
l’espace qui leur y est réservé.
Intéressé(e) par l’une des initiatives de l’ASBL
Cultureghem, par exemple l’organisation d’un
team building « cuisine » ? N’hésitez pas à prendre
contact avec l’association ! www.boeremet.be et
www.kookmet.be
Les collaborateurs d’ING Belgique ne sont jamais à
court d’idées « vertes ». Le saviez-vous ? Une équipe du
département Finance and Risk Services est à l’origine
d’un potager bio sur les toits du bâtiment de la banque
au Cours Saint-Michel à Bruxelles. Beaucoup plus petit,
certes, que celui qui se développe sur le site d’Abattoir,
mais quand même ! Les initiateurs du projet souhaitent
développer par ce biais des liens avec les riverains et
des clients de la banque vivant dans le quartier. Le fruit
de leur récolte est confié à un CPAS bruxellois. Suivant
la même philosophie, les collaborateurs d’ING Belgique
peuvent désormais commander des paniers bios.
Envie d’en savoir plus sur la politique de durabilité
d’ING Belgique ?
https://www.ing.com/ING-in-Society/Sustainability.htm
Quelques bénévoles de l’ASBL Cultureghem
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Événement
Événement
Expo Guggenheim – Full Abstraction
à l’ING Art Center
D’une rive à l’autre de l’Atlantique
Certaines expositions attirent le visiteur grâce à des œuvres nouvelles ou singulières. D’autres ont plus de
profondeur encore car elles possèdent une histoire sous-jacente. C’est incontestablement le cas de l’expo
« Guggenheim – Full Abstraction » qui a lieu actuellement à l’ING Art Center. Philip Rylands, directeur de la
Collection Peggy Guggenheim à Venise, nous fait remonter le temps à la rencontre de cette femme hors du
commun.
Les débuts de la collection Peggy Guggenheim
« L’histoire commence en réalité avec Solomon R. Guggenheim,
qui s’est enrichi grâce à l’exploitation des mines et est devenu
un fervent collectionneur d’œuvres d’art. D’abord composée de
tableaux anciens, sa collection va se focaliser progressivement
sur l’art abstrait », raconte Philip Rylands. Sa nièce Peggy, née
à New York en 1898, évolue très jeune dans la bonne société
new-yorkaise et parisienne. Lors de son vingt-et-unième
anniversaire, celle-ci fait un héritage important. Elle travaille à
ce moment bénévolement dans une librairie où se développe
son intérêt pour la littérature et l’art. En 1921, elle se rend à
Paris et y fait la connaissance de l’écrivain français Laurence
Vail. « Peggy avait un faible pour les hommes intelligents et
cultivés », glisse Philip Rylands. « C’est Vail, devenu l’époux
de Peggy et le père de ses deux enfants, qui l’introduit dans
le cercle des artistes parisiens où elle apprend notamment à
connaître Marcel Duchamp et Constantin Brancusi. » En 1928,
elle quittera Laurence Vail pour le critique littéraire anglais
John Holms, qui décédera six ans plus tard. Installée à Londres,
Peggy Guggenheim y fonde, en janvier 1939, la galerie d’art
Guggenheim Jeune. Elle est conseillée par Marcel Duchamp
et aussi par Samuel Becket, avec qui elle entretient une brève
mais torride liaison. C’est ce dernier qui l’enjoint de se consacrer exclusivement à l’art moderne. Peggy a une grande capacité d’écoute et elle prête une oreille particulièrement attentive
aux bonnes personnes, ce qui lui donne assez rapidement la
capacité de distinguer les œuvres exceptionnelles des productions moyennes. Bien que sa collection soit encore relativement limitée, elle rêve déjà d’un musée, mais nous sommes
en 1939 et les menaces de guerre se précisent, l’obligeant à
renoncer provisoirement à ses projets.
À cette époque, Peggy Guggenheim choisit de revenir à Paris
et c’est à un rythme frénétique qu’elle se met à acquérir des
œuvres. Auprès des artistes directement, mais aussi dans les
ventes publiques où sont écoulées les œuvres d’art considérées
Inauguration du Solomon R. Guggenheim Museum,
New York, 21 octobre 1959
© Solomon R. Guggenheim Foundation, New York
par les nazis comme « dégénérées ». Les artistes eux aussi
perçoivent le bruit de bottes et ils sont prêts à vendre à bas
prix ou à se défaire d’œuvres qu’ils auraient préféré conserver.
Peggy, qui n’a jusque-là jamais été inquiétée par les nazis
malgré ses origines juives, décide de cacher sa collection. Entre
1939 et 1942, elle a amassé pas moins de 170 œuvres surréalistes et abstraites. Elle dissimule cette imposante collection à
Paris, puis dans le sud de la France, avant de réussir à l’expédier
aux États-Unis grâce à une société de déménagement qui accepte de l’aider en faisant passer sa précieuse cargaison pour
des « articles mobiliers ».
Peggy Guggenheim, appartement de l’Île-Saint-Louis, Paris, printemps 1940. Photo Rogi André, Bibliothèque nationale de France, Paris,
Département des Estampes et de la Photographie
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Outline - D é cembre 2016
Outline - D é cembre 2016
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Événement
Événement
« Nous voulions créer une atmosphère
New York pendant la Seconde Guerre mondiale
radicalement différente de celle de
nos précédentes expositions et c’est
ainsi que nous en sommes venus à
l’abstraction. Il s’agit aussi pour la
banque d’un retour à ses racines car
Léon Lambert a débuté sa propre
collection avec des œuvres de cette
période
En octobre 1942, Peggy Guggenheim inaugure à New York sa
galerie-musée Art of This Century (L’Art de ce Siècle). Elle y
expose sa collection d’art abstrait et surréaliste d’avant-guerre,
et y vend par ailleurs les tableaux de la jeune génération d’artistes américains. Elle a confié la création de sa galerie-musée
à l’architecte Frederick Kiesler, qui a imaginé une ambiance
particulière pour chaque courant artistique.
« À partir des années 1930, les États-Unis ont accueilli des
artistes fuyant l’Allemagne nazie. Marc Chagall, Max Ernst,
Fernand Léger, Piet Mondrian, Yves Tanguy, Roberto Matta et
André Breton font partie de ceux qui ont émigré entre 1939 et
1942 », rapporte Philip Rylands. En 1941, Peggy épouse Max
Ernst, qui a fui la France avec elle. Pour lui non plus, l’Europe
n’était plus sûre : suite à l’Occupation allemande, il était considéré comme un ennemi de la nation et pour les nazis, il était
l’un des promoteurs de l’Entartete Kunst1. Deux de ses œuvres
ont sillonné l’Allemagne avec la fameuse exposition de 1937
consacrée à l’Art dégénéré.
»
Patricia De Peuter, Senior Art Advisor
Head of Art Management ING
Arshile Gorky (1904–1948) - Sans titre, été 1944
Huile sur toile , 167 x 178, 2 cm
Peggy Guggenheim Collection, Venise - 76.2553
Photo David Heald © SABAM Belgique 2016
Bon nombre d’artistes sont invités à organiser dans la galerie
de Peggy leur première exposition individuelle. Pour pallier le
manque de ventes, elle achète elle-même une toile de chaque
artiste afin de l’encourager. Elle en donnera plus tard un grand
nombre, notamment à d’importants musées. Peggy est aussi
la première galeriste à monter une grande exposition avec
des femmes artistes. Elle en paiera d’ailleurs le prix sur le plan
personnel. C’est en envoyant Max Ernst dans les ateliers de ces
artistes afin de sélectionner au mieux leurs œuvres que celui-ci
fait la connaissance de Dorothea Tanning. Cette rencontre
scellera la fin de sa relation avec Peggy.
En route pour Venise
Après l’échec de son mariage avec Max Ernst, Peggy
Guggenheim s’est, en effet, installée à Venise en 1947. C’est
là qu’elle crée un musée permanent, la Collection Peggy
Guggenheim. Elle continue à acquérir des œuvres, mais avec
plus de parcimonie. Et de la même manière qu’elle avait aidé
les artistes européens pendant la Seconde Guerre mondiale à
se faire connaître aux États-Unis, elle décide de faire de même
avec les artistes américains une fois rentrée en Europe. Les
années 1940-1960 constituent une période complexe. L’aprèsguerre est non seulement une période de reconstruction et de
croissance économique, mais aussi l’époque de la Guerre froide.
Durant cette période, l’art occidental est largement dominé par
l’abstraction et par les interrelations artistiques entre l’Europe
et les États-Unis.
Pollock, le petit protégé
L’un des grands mérites de Peggy Guggenheim est sans
conteste d’avoir lancé la carrière de Jackson Pollock. À l’occasion de son « Salon de printemps des jeunes artistes », elle
met sur pied un jury dont font notamment partie Duchamp et
Mondrian. Peu convaincue, elle attire l’attention de ce dernier
sur une peinture « brute » expédiée par un certain Pollock.
Mondrian y voit la chose la plus excitante qu’il ait pu découvrir à cette époque. Peggy montrera plus tard l’œuvre à un
autre membre du jury en lui disant : « Je veux vous montrer
un tableau très, très intéressant. » Elle achète les toiles de
Pollock, monte des expositions et lui offre même un contrat
(1943-1947) qui permet à l’artiste de se consacrer exclusive1
Art dégénéré (ou Entartete Kunst en allemand) était l’expres-
sion utilisée par le régime nazi (1933-1945) pour désigner
toute forme d’art ne répondant pas aux exigences du nationalsocialisme.
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Outline - D é cembre 2016
ment à la peinture. En 1948, Jackson Pollock fait partie de la
sélection de la collection de Peggy pour la XXIVe Biennale de
Venise – la ville où elle organisera, deux ans plus tard, la première exposition individuelle de Jackson Pollock.
Adolph Gottlieb (1903–1974) - En suspens (Floating), 1945
Huile gouache et caséine sur toile, 81 x 63,5 cm
Solomon R. Guggenheim Foundation, New York
Don anonyme - 2011.1 - Photo Sergio Martucci © Adolph
and Esther Gottlieb Foundation, SABAM Belgique 2016
« Peggy a continué à soutenir l’avant-garde, même si cela
nécessitait de puiser dans le budget destiné à l’entretien de la
maison et à sa propre garde-robe », souligne Philip Rylands.
Elle noue des relations étroites avec les peintres italiens Emilio
Vedova et Giuseppe Santomaso. « Collectionneuse excentrique,
Peggy s’entourait des plus grands peintres et artistes. Elle était
également intime avec Nelly van Doesburg, veuve de Theo van
Doesburg, l’un des plus grands représentants et défenseurs
de l’art abstrait du XXe siècle. » Dix ans avant sa mort en 1979,
Peggy Guggenheim fait don de la totalité de sa collection à la
fondation qui avait été créée par son oncle Solomon.
•
Le coup de cœur d’Outline :
la Boîte-en-valise de Marcel Duchamp (1941)
La Boîte-en-valise est la quintessence même de
l’exposition organisée à l’ING Art Center car elle
symbolise cet échange artistique fructueux entre les
deux rives de l’Atlantique avant, pendant et après
la Seconde Guerre mondiale. Peggy Guggenheim a
permis à New York de découvrir l’art surréaliste grâce à
sa galerie.
La valise de Marcel Duchamp évoque celle d’un
voyageur de commerce. Il y résume l’ensemble de
son parcours artistique sous la forme de modèles
réduits de ses œuvres les plus importantes, joliment
compartimentés dans une seule et même valise.
En 1941, Marcel Duchamp est l’ami et le principal
conseiller de Peggy. Il a décidé de s’installer
définitivement aux États-Unis et c’est d’ailleurs l’une
des raisons pour lesquelles il transporte un petit
« musée portatif » dans ses bagages. Grâce au soutien
financier de Peggy, la Boîte-en-valise a été éditée
en 300 exemplaires, plus 20 éditions de luxe. C’est le
premier exemplaire de l’édition de luxe, en cuir Louis
Vuitton, dédié à Peggy Guggenheim, qui est présenté à
l’exposition.
Marcel Duchamp (1887–1968) - Boîte-en-valise, 1941
Valise en cuir, contenant des répliques en miniature et des
reproductions en couleur des oeuvres de Duchamp, ainsi
qu’une photographie avec rehauts au crayon, gouache et
encre, 40,7 x 37,2 x 10,1 cm
Peggy Guggenheim Collection, Venise - 76.2553
Photo Sergio Martucci
© Succession Marcel Duchamp, SABAM Belgique 2016
Outline - D é cembre 2016
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Événement
Événement
Philip Rylands, directeur de la Collection Peggy Guggenheim à Venise
de doubler la superficie du musée et des bureaux. Un
agrandissement nécessaire pour pouvoir accueillir,
en 2012, les 200 œuvres de la collection Schulhof.
Pour aiguiser l’intérêt du public, le musée organise
trois à quatre expositions par an. La vente des tickets
constitue sa principale source de revenus, la location
des lieux pour des événements et les recettes de la
boutique du musée complétant le budget. Quarante
personnes y travaillent.
La Peggy Guggenheim Collection de Venise, branche
italienne de la Fondation Solomon R. Guggenheim de
New York, est le plus visité des musées d’art moderne
en Italie, avec quelque 400.000 visiteurs par an. Sous la
direction de Philip Rylands, le Palazzo Venier dei Leoni
– qui fut la demeure de Peggy Guggenheim et abrite
sa collection – a été transformé et rénové, permettant
Philip Rylands est responsable de la collection
Peggy Guggenheim depuis 1979, il est ensuite
devenu directeur adjoint, puis directeur du musée.
Ce Londonien a décroché en 1981 un doctorat à
l’université de Cambridge, alors qu’il vivait depuis
huit ans déjà à Venise. Il donne régulièrement des
conférences, publie des articles et contribue à la
rédaction de catalogues, il est occasionnellement
aussi le curateur d’expositions. Il a coécrit avec Susan
Davidson l’ouvrage Peggy Guggenheim & Frederick
Kiesler. The Story of Art of This Century (2004). Il a
personnellement connu Peggy Guggenheim.
Sam Francis (1923–1994) - Réflectant, 1958
Huile sur toile, 202,6 x 135,4 cm
Solomon R. Guggenheim Museum, New York - 59.1560
Photo Kristopher McKay © 2016 Sam Francis Foundation,
California, SABAM Belgique 2016
«
Photo Vincent Everarts
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Outline - D é cembre 2016
Il a fallu deux ans de travail pour
monter cette exposition. La Fondation
Solomon R. Guggenheim a accepté de
nous prêter certaines de ses œuvres
parce que nous nous sommes forgés
une solide réputation au cours des
trente dernières années et parce que
nos salles d’exposition répondent aux
normes les plus strictes
Anne Petre, Art Advisor ING
»
Adolph Gottlieb (1903–1974) - Brouillard (Mist) 1961
Huile sur toile, 182,9 x 121,9 cm
Solomon R. Guggenheim Museum , New York. Don de Susan
Morse Hilles, 1978 - 78.2401
Photo David Heald © Adolph and Esther Gottlieb
Foundation, SABAM Belgique 2016
Infos pratiques
Ne manquez pas l’exposition Guggenheim Full Abstraction !
Quand : jusqu’au 12 février 2017
Où : ING Art Center – Place Royale 6 à 1000 Bruxelles
Ouvert du mardi au dimanche de 10h00 à 18h00
Plus d’info sur : https://about.ing.be/A-propos-dING/Art/
Guggenheim.-full-Abstraction.htm
Outline - D é cembre 2016
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Vos interlocuteurs privilégiés au sein
d’ING Private Banking Belgique
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