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4. JUSTIFICATION DE L’AFFIRMATION DE LA LIBERTÉ
La liberté n’est démontrable qu’a priori. Sa preuve ne peut être faite par
l’expérience, assujettie aux choses sensibles et par là même à la nécessité naturelle. En
effet, la liberté n’est pas déterminée par des causes étrangères ou extérieures à elle-
même. Si l’on veut « attribuer, pour quelque raison que ce soit, la liberté à notre
volonté », nous dit KANT, on ne peut que la supposer. « Je dis donc : tout être qui ne
peut agir autrement que sous l’idée de la liberté est par cela même, au point de vue
pratique, réellement libre »1 ; à quoi est ajouté : « je soutiens qu’à tout être raisonnable,
qui a une volonté, nous devons attribuer nécessairement aussi l’idée de la liberté, et
qu’il n’y a que sous cette idée qu’il puisse agir. »2 Nul besoin donc de prouver
l’existence théorique de la liberté puisque admettre seulement l’idée de la liberté conçue
par la raison de tout être raisonnable suffit à démontrer que du point de vue pratique, en
l’appliquant au réel, la liberté existe effectivement. Alors, l’idée de la liberté exprimant
la causalité de la raison, un être raisonnable qui en agissant ne se considérerait pas
comme libre, cesserait par là même d’être un être raisonnable.3
5. INTÉRÊT JOINT À LA MORALITÉ
KANT a expliqué dans les sections précédentes l’importance de distinguer
l’intérêt lié à une action pour son résultat et la satisfaction qu’elle procure aux
inclinations personnelles, de l’intérêt joint à une action pour elle-même, en accord avec
la validité universelle de la maxime dont elle procède. Le premier est un intérêt
empirique, pathologique, le second est pur et spécifiquement pratique4. Ainsi, il y a
bien un intérêt associé à l’exécution ou à la production d’une action, mais celui-ci n’est
pur que parce que la loi morale, avec laquelle il est associé et en accord, est la loi que
nous nous fixons à nous-mêmes. Cet intérêt, nous n’y sommes pas « poussés »5, comme
le précise KANT, sans quoi cela ne serait pas une volonté absolument bonne puisque le
moteur de l’action ne serait pas d’agir en accord avec l’impératif catégorique mais lié à
nos penchants et nos inclinations qui sont extérieurs, et par là ne reviendrait pas à
1 Fondements de la métaphysique des mœurs, p.183 (Ak IV, 448)
2 Ibid.
3 Cf. V. DELBOS, Fondements de la métaphysique des mœurs, note 195
4 Ibid. note 198
5 Fondements de la métaphysique des mœurs, p.185 (Ak IV, 449)