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événements divers, distants parfois de plusieurs décennies ». Et de citer, pêle-mêle, l'incident de Risquons-
Tout en 1848, la crise ferroviaire franco-belge de 1869, les franchissements de frontière lors des combats de
1870, les plans de mobilisation allemands et français en vue d'une nouvelle guerre « fraîche et joyeuse »,
les destructions ferroviaires belges en août 1914… Une réflexion sur la longue durée qui permet d'éclairer
certains enjeux capitaux de l'histoire européenne et belge en particulier.
Le XIXe siècle et la première décade du XXe constituent à bien des égards l'époque par excellence où la voie
de chemin de fer est conçue comme « outil de projection de la puissance » économique et militaire des Etats.
Mobiliser en un temps record des masses de troupes significatives tout en exploitant de manière beaucoup
plus rationnelle les ressources de leur territoire doit permettre aux empires émergents de se doter d'avantages
nouveaux. « La politique ferroviaire menée par Bismarck contribuera pour beaucoup à consolider le Zollverein
et l'unité politique de la nation », rappelle Christophe Bechet. « De même, les plans de guerre allemands
destinés à contrer l'alliance franco-russe de 1893 n'auraient jamais été concevables sans un développement
massif des chemins de fer permettant de transporter des divisions entières d'un front à l'autre ».
L'incident de Risquons-Tout
A la fin du XIXe siècle, un banquier belge peut déjà prendre le train à Bruxelles au petit matin pour rencontrer un
client à Paris, déjeuner avec lui, traiter ses affaires et reprendre ensuite le train du soir pour rentrer à domicile.
On n'arrête pas le progrès… Depuis sa création en 1846, la ligne Paris-Bruxelles n'a cessé de rapprocher les
deux capitales. Léopold Ier, très soucieux du développement économique de son royaume, s'en était réjoui à
l'époque. La Belgique n'avait-elle pas construit le premier réseau ferroviaire du continent ?
Mais le roi était conscient que cet indéniable progrès présentait aussi des menaces pour l'indépendance et
la neutralité du jeune Etat belge. « Notre capitale verra-t-elle un jour déferler les soldats français par la ligne
Paris-Bruxelles ? », avait-il écrit dans une lettre à son beau-frère Emmanuel Comte de Mensdorff-Pouilly, le
18 février 1852. Le roi avait sans nul doute en mémoire l'incident de Risquons-Tout…
Le 29 mars 1848, en plein « Printemps des peuples », un corps-franc d'apprentis-révolutionnaires franchit la
frontière franco-belge du côté de Menin. Ces hommes -1.500 environ, sont belges et français. Ils sont venus
par le train de Paris et du nord de la France. Le chemin de fer vers Bruxelles existe depuis deux ans à peine !
Ils sont fermement décidés à fomenter des troubles en ralliant les ouvriers du sillon Sambre et Meuse à leur
cause. Leur objectif : abattre le régime monarchique de Léopold Ier et instaurer la république dans le jeune Etat
belge. Mais l'équipée tourne court. A peine débarqués, ils sont mis en déroute par un détachement de l'armée
belge au hameau de Risquons-Tout. Chez nous, la révolution de 1848 se termine avant d'avoir commencé…