G uide d’achat INST R U M E N T A T I O N É L E C T R O N I Q U E Les testeurs de cartes Les testeurs de cartes font rarement la une de l’actualité. La faute en incombe bien sûr au marché, avec les délocalisations des usines de production hors des pays “dits” industrialisés. Malgré tout, il leur faut sans cesse relever de nouveaux défis pour raccourcir les temps de test et surtout répondre aux nouvelles donnes des cartes électroniques, avec des composants toujours plus rapides et toujours plus complexes, de moins en moins accessibles. L 76 doc SPEA/Antycip es applications de l’électronique se multiplient à une vitesse vertigineuse, les technologies des composants sont en évolution permanente : avec ces deux ingrédients, le test des cartes électroniques devrait être à la fête. Et pourtant, ce n’est pas le cas. En France, et plus généralement dans l’ensemble du monde occidental, les constructeurs et leurs représentants locaux déplorent les délocalisations massives de la production électronique, avec son cortège d’usines qui réduisent leurs effectifs, voire qui ferment. Il reste que le test de cartes doit en permanence relever des nouveaux défis. Les techniques traditionnelles que sont le test in situ (ICT, In-Circuit Test) et le test fonctionnel (FT, test fonctionnel), malgré leurs gros progrès, ne peuvent plus tout faire et elles n’ont pu résister à l’arrivée de nouvelles techniques telles que l’inspection optique automatique (AOI, Automatic Optical Inspection) et l’inspection radiographique automatique (AXI, Automatic X-Ray Inspection). Si chacune de ces techniques a pu s’imposer, c’est évidemment parce qu’elle permet de mettre en évidence des défauts qu’une autre technique ne verra pas. Et si elle n’a pas supplanté les autres techniques, c’est que parce qu’elle a elle-même ses propres limitations. Face à toutes ces techniques, la définition de la stratégie optimale dépend du type de carte à tester et des priorités que l’on s’assigne. Il faut forcément faire un compromis entre les MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com coûts d’exploitation, les coûts d’investissement, le taux de couverture, la cadence de test, la résolution du diagnostic, la rapidité du retour d’informations des processus et la fiabilité à long terme recherchée pour les produits testés. Par exemple, les méthodes optiques et à rayons X (AOI et AXI) permettent de mettre en évidence des micro-défauts et de les localiser très en amont du processus de fabrication, dès le report des premiers composants sur la carte. Les résultats des tests servent à prévenir les dérives des machines et peaufiner les réglages. Lorsqu’elles sont implantées en amont de la chaîne de production, l’AOI et l’AXI sont donc très utiles pour améliorer le processus de production. Mais l’AOI et l’AXI ont un handicap majeur, qui est de ne pas faire de test électrique et donc de ne donner aucune indication quant au fonctionnement effectif de la carte. Pour le test fonctionnel, c’est strictement l’inverse. Il ne fait que du test électrique et il est placé à l’autre bout de la ligne (à la sortie des cartes). C’est le seul à garantir le bon fonctionnement de la carte dans son ensemble. Par contre, s’il y a un problème, la localisation du défaut qui en est responsable est souvent longue et difficile. doc.Aeroflex chances que la carte fonctionne correctement. Un test fonctionnel sommaire et rapide (de type go/no go) placé en bout de ligne permettra de s’assurer que la carte fonctionne. Le test in-situ reste la technique la plus répandue. Avec la réduction de la taille des composants, le rapprochement des interconnexions, la difficulté voire l’impossibilité physique d’accéder à certains points de test (en particulier les composants BGA, dont les contacts sont placés sous la puce) ont bien sûr diminué le taux de couverture des fautes. Du fait de cette réduction du taux de couverture des fautes, qui ne pouvait que s’accentuer, certains ont cru pouvoir annoncer (à tort…) la fin prochaine du test ICT. On rappellera que ce n’est pas la première fois que l’avenir du test in-situ pose question. A ses débuts, il testait les composants à leur vitesse de fonctionnement réelle. La fréquence de travail d’un testeur ICT, tout autant que le nombre de points de test, était un critère de choix important. Puis quand, les fréquences de travail des composants ont augmenté, les testeurs in-situ se sont efforcés de suivre mais on a vite compris que l’on ne pourrait pas continuer indéfiniment comme ça parce que le câblage des lits à clous (grosses quantités de fils entremêlés) ne permettrait plus de transmettre des signaux “propres” (du fait des effets inductifs et capacitifs). Alors, on a renoncé à tester les composants à vitesse réelle : ils sont testés à une fréquence plus faible que leur fréquence de Les testeurs in-situ classiques utilisent des lits à clous pour accéder aux nœuds de la carte à tester. Les architectures internes évoluent. Les testeurs adoptent les architectures “pure pin” (non multiplexées), ce qui accroît les performances et simplifie l’utilisation (le développement de l’interface de test est simplifié). travail effective et on fait la présomption que s’ils fonctionnent correctement à cette fréquence, ils fonctionneront à la fréquence de travail pour laquelle ils sont prévus. Tout le monde s’en est accommodé, et cette approche a largement fait ses preuves, au grand dam des constructeurs de testeurs, qui auraient aimé que les industriels renouvellent plus fréquemment leur parc de testeurs. Le défi des basses tensions Mais il y a des défis qui ne peuvent être relevés sans une remise en cause du testeur. Un de ces défis, et c’est sans doute le plus gros défi actuel, réside dans la diminution de la tension d’alimentation des composants électroniques. Avec la génération des appareils portables en tous genres (PDA, téléphones ➜ Comparatif des techniques de tests IVS SPI AOI AXI FPT MDA ICT FCT Le test in-situ, plus présent que jamais Court-circuit ● ✔ ● ✔ ● ✔ ✔ ● Circuit ouvert ● ● ● ✔ ● ● ● ● Et puis il y a le test in-situ (ICT). Comme le testeur fonctionnel, le testeur in-situ ne fait que du test électrique. Il accède aux différents nœuds de la carte (et aux broches des composants), ce qui permet de tester individuellement chaque composant. Par sa manière de procéder, le testeur ICT localise immédiatement le composant défectueux. Si le test révèle que tous les composants pris un par un fonctionnent normalement, si les interconnexions entre les composants ne présentent pas de défaut, il y a de bonnes Fiabilité de la soudure ● ● ● ✔ ● ● ● ● Composant erroné ● ● ✔ ● ✔ ✔ ✔ ● Composant manquant ● ● ✔ ✔ ✔ ✔ ✔ ● Composant défectueux ● ● ● ● ● ● ✔ ✔ Composant dans le mauvais sens ● ● ✔ ● ✔ ✔ ✔ ● Fiabilité fonctionnelle ● ● ● ● ● ● ● ✔ IVS : Inspection visuelle SPI : Contrôle de dépôt de pâte à braser AOI : Contrôle optique automatique AXI : Contrôle par RX automatique MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com FPT : Test à sondes mobiles MDA : Analyseur de défauts de fabrication ICT : Test in situ FCT : Test fonctionnel ● Couverture proche de 0 ● Couverture moyenne ✔ Bonne couverture 77 Guide d’achat Attention au forçage Idéalement, si le driver avait une impédance nulle, la tension de forçage programmée serait effectivement appliquée aux points de test. En fait, les drivers présentent une impédance de sortie et ils introduisent une chute de tension proportionnelle au courant appliqué. Pour compenser cette chute de tension, la tension de forçage théorique Vprog est augmentée de 1,2 V à 1,7 V. Le but est ici de forcer l’entrée du composant U2 sous test au niveau bas, ce qui nécessite d’appliquer un niveau supérieur à Vih min. • La tension de 1,7 V à l’entrée du driver produit 1,12 V sur la broche du composant testé U2 (DUT). • U2 peut alors être testé car la tension est supérieure à Vih min (0,78 V). • Il n’y a pas besoin de forçage sur l’entrée U1, donc les 1,7 V programmés donnent 1,6 V sur U1. • U1 risque d’être endommagé car il subit une tension (1,6 V) supérieure à Vih max. Pour compenser l’erreur de tension sur le forçage et obtenir le niveau désiré (ici, 1,12 V), les programmeurs augmentent le niveau de tension du driver (ici, 1,7 V). On résout un problème, mais on en crée un autre : en effet, le niveau de tension de forçage appliqué sur le circuit U1 pour porter son entrée au niveau haut atteint un niveau trop élevé (ici, 1,48 V), risquant d’endommager le circuit. Pour éviter ces inconvénients, il faut utiliser des “drivers” à basse impédance de sortie ➜ mobiles, lecteurs MP3, etc.), les fabricants de composants sont invités à réduire la consommation, afin de ménager la batterie. Cela passe par une diminution de la tension d’alimentation. Par ailleurs, la diminution de la consommation des composants permet de réduire les besoins en ventilation des composants et d’augmenter la fréquence de traLes testeurs à rayons X permettent de tout voir, même ce qui est caché et est inaccessibles aux autres techniques de test. Réservés au départ à la mise au point des process de production, ils sont devenus des testeurs de production à part entière. 78 vail. Ceci a permis en quelques années d’obtenir des augmentations phénoménales de la puissance de traitement des cartes électroniques (et des PC en particulier). L’augmentation de la densité des composants n’aurait pas pu se faire sans une diminution de leur tension d’alimentation. Par exemple, pour les technologies CMOS, plus les structures des transistors sont fines, plus les couches de semi-conducteurs et d’oxydes sont fines. Et plus elles sont fines, plus elles sont sensibles aux champs électrostatiques, donc aux tensions d’alimentation (l’intensité du champ étant proportionnelle à la tension d’alimentation). Par exemple, lorsque l’on a pu maîtriser la technologie de fabrication à 0,25 µm, il a fallu descendre la tension d’alimentation à 2,5 Vcc de façon à être sûr que le composant fonctionne correctement. Le mouvement de baisse de la tension d’alimentation est inexorable : en une dizaine d’années, elle est passée progressivement de 5 V à 0,8 V et elle pourrait continuer de diminuer encore un peu dans les années qui viennent. Cette diminution des tensions a des consé- quences très importantes pour le test ICT. Pour tester un par un les composants de la carte, le test ICT fait appel à des techniques de désactivation et d’inhibition afin d’isoler le composant sous test des effets électriques indésirables produits par les composants qui l’entourent. Pour réaliser le test des composants numériques, le testeur utilise des drivers/sensors, capables de forcer les états logiques requis en entrée et de lire les états logiques résultants en sortie. Les drivers numériques sont des sources de courant basse impédance destinées à forcer temporairement les nœuds de la carte aux niveaux logiques exigés par le test. Cette technique consistant à suralimenter momentanément les sorties d’un composant afin de forcer un nœud à son état logique opposé est connue sous le nom de “forçage”. Avec l’arrivée des technologies basse tension, les “drivers/sensors” utilisés sur les testeurs classiques trouvent leurs limites. Ils sont trop imprécis pour fournir les tensions logiques haute et basse (nécessaires au forage) attendues sur broches d’entrée du composant. Le problème vient de l’impédance de sortie du “driver” : plus celle-ci est élevée, plus la chute de tension qui en résulte est élevée et plus faible est la tension effectivement appliquée sur la broche du circuit intégré. Pour compenser les erreurs de tension, les programmeurs augmentent les tensions de test mais les risques de surtension sont alors plus élevés, avec le risque de détruire les composants… Au niveau des “sensors”, c’est un peu la même chose : s’ils sont trop imprécis, ils ne peuvent pas être utilisés pour le tests des composants alimentés en basse tension car ils présentent une marge d’erreur trop importante pour faire le distinguo entre le niveau haut et le niveau bas. Il y a donc un risque de voir un composant basse tension indûment signalé comme étant défectueux : c’est ce qu’on appelle un faux défaut. Pour tester les électroniques à basse tension, si l’on veut éviter les forçages imprécis qui conduisent à la destruction de composants ou les mesures imprécises qui conduisent à des faux défauts, il est donc préférable d’utiliser des testeurs présentant des “drivers/ MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com Guide d’achat Les à-côtés de l’in situ Les difficultés pour accéder aux contacts sur les cartes à haute densité a conduit les constructeurs à imaginer des adaptations. C’est le cas du test structurel, appelé aussi “test sans vecteur”. Il consiste à utiliser une sonde inductive ou capacitive pour détecter sans contact le passage d’un courant électrique dans un conducteur placé juste à côté. Cette technique, qui sert surtout à mettre en évidence les courts-circuits et les circuits ouverts, n’est pas nouvelle mais elle ne cesse de s’améliorer en termes de précision, bruit, répétabi- Les testeurs à sondes mobiles sont une variante des testeurs in-situ : grâce à leurs pointes de test en mouvement rapide, ils accèdent en effet aux différents nœuds de la carte et testent les composants, l’un après l’autre. Leur principal intérêt est de pouvoir être mis en œuvre très rapidement. Conçus au départ pour le test des prototypes, ils sont aujourd’hui couramment utilisés pour le contrôle en production de petites séries. lité. Avec sa nouvelle génération de sonde VTEP, AgilentTechnologies annonce un gain d’un rapport 7 sur le niveau de bruit, par rapport à la technique TestJet proposée jusqu’ici. Il est désormais possible de mesurer des capacités de 5 femtofarads à peine, et donc de tester des contacts de très petites dimensions (tels que ceux que l’on trouve sur les microBGA par exemple). La société indique que par rapport à la génération TestJet,VTEP permet de tester 80 % de contacts en plus. Un autre forme de test in-situ est apparue dans un passé relativement récent : c’est le test à sondes mobiles. A l’origine, ce type de test a été conçu pour permettre une mise en œuvre rapide, et éviter d’avoir à développer des lits à clous et leurs interfaces, ce qui prend du temps. La programmation est également relativement rapide mais le test luimême prend plus de temps qu’un test avec lit à clous. Dans un premier temps, le testeur à sondes mobiles était réservé au test des prototypes. Par la suite, il a fortement augmenté ses performances en vitesse et il est désormais couramment utilisé pour le test des petites séries. Autre technique destinée à repousser les li- mites du test in situ classique : le test “boundary scan” ou, comme on l’appelle encore, JTAG. Cette technique, imaginée à l’origine par les concepteurs de circuits électroniques, permet, à partir du connecteur de la carte, d’accéder individuellement (via un bus interne) aux composants présents sur la carte. Pour cela, il faut que les composants en question soient dotés de la fonctionnalité “boundary scan”. Certaines industries (les doc Agilent sensors” adaptés. Les “drivers” doivent avoir une impédance de sortie très faible (inférieure à 1 Ω) afin de pouvoir appliquer des tensions contrôlées aussi bien en l’absence de charge que lors d’un forçage. Il est aussi souhaitable qu’ils puissent mesurer en temps réel l’intensité et la durée des courants de forçage, afin de ne pas risquer d’endommager les composants. Autre caractéristique souhaitable, la possibilité de programmer indépendamment chaque “driver/sensor”, en non par groupes : cela permet au programmeur comme au logiciel de génération de programmes de test d’affecter des niveaux logiques adaptés à chaque broche du composant et d’éviter les compromis résultant de l’affectation de niveaux logiques communs par le testeur in-situ. L’isolation numérique est également un atout : au niveau du programme de test, il s’agit de désactiver ou inhiber automatiquement toutes les sorties sur la carte qui sont connectées aux nœuds pilotés par le test. Cette capacité est cruciale pour empêcher des points de tension potentiellement dangereuses de se produire lorsqu’une sortie en cours de forçage change soudainement d’état logique. Quelques offreurs In situ avec lit à clous Les testeurs optiques (AOI) ne font pas de test électrique mais ils mettent en évidence pas mal de défauts. Les informations obtenues permettent de prévenir les éventuelles dérives des machines de fabrication et d’éventuellement les recaler. Accelonix (Teradyne, Takaya,…) ● Aeroflex ● Agilent Technologies ● Antycip (SPEA, X-Tek) ● MB Electronique (Cimtek, Electronix,…) ● Rohde & Schwarz ● Seica ● Teradyne ● MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com In situ avec sondes mobiles AOI (Inspection optique) ● ● ● ● ● ● ● ● AXI (Inspection par rayons X) ● ● ● 79 Guide d’achat télécoms et le militaire) sont des inconditionnels du “boundary scan”. Pour que ce type de test puisse être pratiqué, il faut que la carte ait été prévue à cet effet et qu’il y ait eu une réelle coopération entre les services de conception et les services de fabrication et de test. La chasse aux défauts cachés Toutes les cartes ne peuvent pas être testées en in-situ. Mais la poussée de la miniaturisation a entraîné des problèmes d’accessibilité aux points à tester, de sorte que deux nouvelles techniques sont apparues : le test par inspection optique (AOI, pour Automated Optical Inspection) et le test par rayons X (AXI, pour Automated X-ray Inspection). Dans les deux cas, il s’agit surtout de mettre en évidence les défauts de soudure. L’AOI est apparu le premier sur le marché. Il est bien adapté pour détecter les courts-circuits et les circuits ouverts, lire les marques et inscriptions sur les composants, contrôler l’orientation d’un composant, détecter l’absence d’un composant ou un composant monté à l’envers, identifier les fils de connexion mal posés. Les AOI, 80 Certains testeurs font appel aux standards de l’instrumentation, tels que le PXI, ce qui permet d’accéder aux nombreux modules disponibles sur le marché. C’est le cas de ce testeur combiné (in-situ / combiné). Le constructeur a également développé des cartes spécifiques afin d’aller au-delà des possibilités du PXI. après des débuts difficiles (si on voulait un taux de couverture élevé, on avait aussi beaucoup de faux défauts), ont fini par s’imposer. Et ce d’autant qu’ils sont relativement faciles à mettre en œuvre (ils peuvent se programmer en un jour seulement). Mais ils ont aussi des limitations : s’agissant de systèmes optiques, ils ne peuvent donner des indications que sur ce qu’ils peuvent voir. Tout ce qui est masqué leur échappe. Ceci explique le succès du test par rayons X (AXI), qui a lui aussi connu des débuts difficiles. Il est sensiblement plus onéreux que l’AOI, plus complexe à mettre en œuvre (la programmation demande typiquement deux ou trois jours) mais il est inégalable pour observer et dimensionner (en volume) un joint de soudure, que celui-ci soit visible ou masqué (pour les composants dont les contacts sont placés en dessous). L’AXI présente également l’intérêt de pouvoir contrôler simultanément les deux côtés de la carte. Jean-François Peyrucat MESURES 798 - OCTOBRE 2007 - www.mesures.com