Divers Radiofréquence dans le traitement des troubles du sommeil et de l’obstruction nasale Radiofrequency therapy for sleep-disordered breathing and nasal obstruction ● I. Mosnier* CE QU’IL FAUT RETENIR Laradiofrquencevlaireestunetechniquepeuinvasiveavecdeseffetsindsirablesadversestrsrares.Les tudesontretrouvuneamliorationsubjectiveduronflementchez7085 %desronfleursetuneefficaciten casdesyndromedÕapnesdusommeillgermodrdansenviron65 %descas.Laradiofrquenceestindique encasdÕobstaclevlo-pharyng(sanshypertrophieamygdalienneimportante)chezdespatientsneprsentant pasdÕobsitmorbide.UneamliorationsubjectivedelÕobstructionnasaleestrapportechez90 %despatients aprsradiofrquenceturbinale. Niveaudepreuve 3 Mots-clés : Radiofréquence - Ronflement - Syndrome d’apnées obstructives du sommeil - Rhinite - Hypertrophie turbinale. Keywords: Radiofrequency - Snoring - Obstructive sleep apnea syndrome - Rhinitis - Turbinate hypertrophy. > a radiofréquence est utilisée depuis de nombreuses années en cardiologie, cancérologie et urologie. Il s’agit d’une forme d’électrochirurgie, utilisant un générateur électrique délivrant un courant alternatif de haute fréquence (1 à 4 MHz), dont la puissance est moindre que celle du bistouri électrique et la température de chauffe progressive (40 à 100 °C, alors que le bistouri électrique monte d’emblée à 800 °C). L’augmentation thermique se fait par agitation ionique et friction des molécules d’eau autour de l’électrode, qui, elle, reste à température constante. L’énergie ainsi produite entraîne une coagulation tissulaire très localisée autour de l’électrode, en limitant la diffusion thermique vers les tissus avoisinants. L’étendue de la lésion dépend de la durée d’application du courant, de son intensité et de la longueur de l’électrode. Histologiquement, on observe une lésion de nécrose hémorragique qui entraîne une réduction du volume tissulaire et l’apparition secondaire d’un processus cicatriciel rétractile. La radiofréquence est donc utilisée en ORL dans le traitement du ronflement (fibrose sous-muqueuse à l’origine d’une rigidification du voile du palais) * Service ORL, hôpital Beaujon, Clichy, et hôpital Louis-Mourier, Colombes. et dans celui de l’hypertrophie turbinale (fibrose sous-muqueuse et destruction des glandes et des plexus vasculaires). RADIOFRÉQUENCE VÉLAIRE Le ronflement simple touche 50 % de la population masculine et 30 % de la population féminine. Avant la radiofréquence, les traitements du ronflement simple étaient l’uvulopharyngopalatoplastie (UPPP) et la pharyngotomie au laser, avec comme effet indésirable majeur constant la douleur en postopératoire ainsi qu’un risque de rhinolalie. La radiofréquence dans le traitement du ronflement a été introduite en 1996 par l’équipe de Stanford, avec la commercialisation de l’appareil Somnus (Somnus Inc., Sunnyvale, CA, États-Unis). Le traitement est réalisé en consultation, sous anesthésie locale, après avoir éliminé les contre-indications (tableau I). L’électrode doit être introduite en intramusculaire (risque d’ulcération muqueuse en cas d’introduction en sous-muqueux) au niveau du tiers supérieur du voile mou (tableau II, figure 1). Le nombre de points d’application, l’énergie délivrée par point d’application et par séance et le nombre de séances varient en fonction des études publiées. La réalisation de plusieurs points d’application (entre 3 et 5) en 2 à 3 séances en moyenne, avec une énergie délivrée par séance de 1 500 à 2 500 J, donnerait de meilleurs résultats, avec un risque faible d’ulcération muqueuse. Les séances doivent être espacées de 6 à 8 semaines. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004 Evidence-basedmedicine Résultats La majorité des études publiées dans la littérature ont été réalisées avec l’appareil Somnus. Les résultats de ces études sont difficiles à comparer entre eux en raison des protocoles très variables et d’un recul faible pour la plupart d’entre elles. En cas de ronflement simple, toutes les études retrouvent une amélioration significative du ronflement (évaluation subjective du conjoint sur échelle visuelle Tableau I. Contre-indications de la radiofréquence vélaire. Contre-indications absolues ● Pacemaker, électrode de neurostimulation ● Troubles de l’hémostase, traitement anticoagulant ou antiagrégant ● Allergie aux anesthésiques locaux ● Insuffisance vélaire, fente palatine Contre-indications relatives (risque d’échec) ● Obstacle associé : hypertrophie amygdalienne, macroglossie ● Espace rétrovélaire étroit ● Malformations maxillo-faciales ● Indice de masse corporelle > 30 ● Réflexe nauséeux important Tableau II. Technique de la radiofréquence vélaire. ● Patient assis, en consultation ● Anesthésie locale – Xylocaïne spray 5 % (5 minutes) – Xylocaïne non adrénalinée 1 % (5 à 8 ml) en 3 points ● Radiofréquence – 3 à 5 points d’application en intramusculaire (voir figure) – Tiers supérieur sous la jonction voile mou-voile dur – Ne pas introduire l’électrode en sous-muqueux ou dans la luette ● Prescriptions postopératoires – Antalgiques niveau 1 à base de paracétamol – Pas d’antibiothérapie (sauf valvulopathie) – Dormir tête surélevée les premiers jours – Alimentation tiède les premiers jours analogique), avec une satisfaction de l’entourage dans 70 à 85 % des cas à 1 an (1, 2). En cas de syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) modéré (index d’apnée-hypopnée [IAH] < 30) avec un obstacle purement vélaire à l’examen clinique, les auteurs retrouvent une guérison du SAOS chez 65 % des patients, avec cependant persistance d’une somnolence chez 20 % d’entre eux, faisant suspecter un syndrome de haute résistance résiduel (3). À notre connaissance, l’efficacité de la radiofréquence dans les syndromes de haute résistance n’a jamais été étudiée. Peu d’études rapportent des résultats à long terme, ce qui ne permet pas de conclure quant au pourcentage de récidives. Du fait du vieillissement et du remaniement incessant des tissus sous l’action de la respiration, une dégradation des résultats chez certains patients est inéluctable, comme cela a été rapporté après UPPP. Un nouveau traitement par radiofréquence peut alors être proposé, du fait de la faible morbidité de ce traitement (1). Effets indésirables Une sensation d’œdème pharyngé et une aggravation du ronflement peuvent survenir pendant les quelques jours qui suivent le geste (prévenir le patient, lui conseiller de dormir avec un ou deux oreillers). La douleur en peropératoire est très faible ou nulle. L’intensité de la douleur en postopératoire est faible et de courte durée, nettement inférieure à celle rapportée après l’UPPP ou la pharyngotomie au laser (4). Saignement, rhinolalie, sténose vélopharyngée et modification de la voix sont des complications exceptionnelles. La radiofréquence n’entraîne pas de réduction volumétrique du voile (pas de modification de sa taille ni de son épaisseur), mais seulement un effet de rigidification, ce qui explique l’absence de retentissement sur la fonction vélaire. L’incidence des ulcérations muqueuses est variable en fonction des protocoles, mais elle reste faible si l’on respecte certaines règles : énergie < 750 J par puncture, puncture strictement intramusculaire, bonne infiltration du voile, ne pas faire de puncture dans la luette. Figure. Technique de la radiofréquence vélaire : 1 impact médian et 2 impacts latéraux au même niveau orienté à 90° – Générateur Surgitron Ellman (Collin ORL-CMF®). Photos prêtées par le Dr E. Schmitt. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004 Divers Que faire en cas d’hypertrophie amygdalienne, de luette longue ou de macroglossie associée ? L’existence d’une hypertrophie amygdalienne peut faire opter pour une UPPP. Certaines électrodes permettent le traitement de l’hypertrophie amygdalienne sous anesthésie locale (fulguration de surface ou puncture dans l’amygdale). Nelson rapporte une réduction de 70 % du volume de l’amygdale, avec un résultat durable sur 1 an (“Tonsil Somnoplasty”) (5). Une luette supérieure à 2,5 cm est, pour certains opérateurs, une indication à la section de celle-ci. La section peut être réalisée dans le même temps opératoire avec la même électrode pour certains générateurs. Les douleurs sont majorées par rapport à une séance de radiofréquence seule, obligeant à recourir le plus souvent aux antalgiques de niveau 2. La radiofréquence au niveau de la base de langue a été proposée par certains auteurs en association à la radiofréquence vélaire en cas de SAOS modéré avec obstacle rétrolingual associé à l’obstacle vélaire. Le geste est réalisé le plus souvent sous anesthésie générale. Les auteurs rapportent 60 % de guérison ou de nette amélioration de l’IAH (6). La morbidité est supérieure à celle de la radiofréquence vélaire, avec un risque d’œdème et d’abcès de la base de langue (un cas rapporté de trachéotomie). Cinq générateurs de radiofréquence sont commercialisés en France, avec et sans rétrocontrôle de la température. Il n’existe aucune étude publiée comparant l’efficacité des différents générateurs. Les électrodes pour le voile sont, pour la majorité, des appareils à usage unique. Le traitement par radiofréquence vélaire ou turbinale n’est pas codifié par la Sécurité sociale (électrodes et geste non remboursés). CONCLUSION La radiofréquence est un traitement efficace et rapide du ronflement et de l’obstruction nasale dès lors que les patients sont bien sélectionnés sur des critères fonctionnels (ronflement simple et SAOS léger) et anatomiques (obstacle vélaire isolé, avec un espace rétrovélaire large, chez un patient non obèse). Par rapport aux autres thérapeutiques existantes, il s’agit d’une technique peu invasive, reproductible, à la morbidité très faible. Son inconvénient est son coût, le traitement étant hors nomenclature et donc à la charge du patient. W R TRAITEMENT DE L’HYPERTROPHIE TURBINALE Le traitement est réalisé en ambulatoire, sous contrôle visuel ou optique. L’anesthésie est réalisée par pulvérisation ou méchage, puis infiltration à la xylocaïne seule, le but étant d’augmenter le volume du cornet. L’électrode est insérée dans le cornet en sousmuqueux, en restant à distance de l’os turbinal. Une seule séance est le plus souvent suffisante. Les risques de saignement et de synéchie sont exceptionnels. L’avantage par rapport au laser est la préservation de l’épithélium de surface et du transport mucociliaire. Toutes les études rapportent une amélioration significative de l’obstruction nasale, mais avec un recul de quelques mois et un faible nombre de patients pour la majorité d’entre elles. À un an, Lin et al. rapportent une amélioration des symptômes de rhinite allergique chez 90 % des patients (n = 108) : amélioration significative de l’obstruction nasale, de la rhinorrhée, des éternuements et du prurit (7). É F É R E N C E S 1. Blumen MB, Dahan S, de Dieuleveult T, Wagner I, Chabolle F. Le traitement du ronflement par radiofréquence avec contrôle thermique (Somnoplasty). Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2000;117:349-58. 2. Sher AE, Flexon PB, Hillman D et al. Temperature-controlled radiofrequency tissue volume reduction in the human soft palate. Otolaryngol Head Neck Surg 2001;125:312-8. 3. Blumen MB, Dahan S, Fleury B, Hausser-Hauw C, Chabolle F. Radiofrequency ablation for the treatment of mild to moderate obstructive sleep apnea. Laryngoscope 2002;112:2086-92. 4. Rombeaux P, Hamoir M, Bertrand B, Aubert G, Liistro G, Rodenstein D. Postoperative pain and side effects after uvulopharyngopalatoplasty, laser-assisted uvulopalatoplasty and radiofrequency tissue volume reduction in primary snoring. Laryngoscope 2003;113:2169-73. 5. Nelson LM. Radiofrequency treatment for obstructive tonsilar hypertrophy. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2000;126:736-40. 6. Fischer Y, Khan M, Mann WJ. Multilevel temperature-controlled radiofrequency therapy of soft palate, base of tongue and tonsils in adults with obstructive sleep apnea. Laryngoscope 2003;113:1786-91. 7. Lin HC, Lin PW, Su CY, Chang HW. Radiofrequency for the treatment of allergic rhinitis refractory to medical therapy. Laryngoscope 2003;113:673-8. La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no 295 - novembre-décembre 2004