LOUIS JUGNET
Professeur de khâgne au Lycée Fermat de Toulouse
Professeur à l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse
DOCTRINES PHILOSOPHIQUES ET
SYSTEMES POLITIQUES
Résumé du cours professé à l’I.E.P. de Toulouse en 1965
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AVIS IMPORTANT CONCERNANT LE SENS ET L'USAGE DU COURS
I. Le texte suivant a été très méthodiquement mis au point. Nous ne demandons pas trop en
priant ceux qui l'utilisent en vue de l'examen de l'ETUDIER véritablement, et non de le parcourir,
ou de le feuilleter en croyant avoir assez fait : chacun est libre de ses options doctrinales, mais il
ne l'est nullement d'ignorer les matériaux de base qu'on se donne la peine de lui fournir. Le cours
apporte des connaissances, il est le résultat de nombreuses lectures et recherches. Il ne faut pas
confondre cours et travaux pratiques.
II. Le cours oral n'est pas identique au texte ci-joint, qui n'en constitue que le RESUME.
Parfois, quelques lignes du texte représentent une heure de cours. Parfois, même, on traite de
questions qui ne sont pas abordées dans le texte ronéotypé. Il est donc fort peu judicieux de croire
que la possession d'un texte dispense de l'assistance habituelle au cours.
III. Une BIBLIOGRAPHIE sommaire sera prochainement distribuée par les soins de
l'Amicale.
Louis JUGNET, Novembre 1965
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I
Résumé du Cours sur "Doctrines philosophiques et systèmes
politiques"
1° La philosophie ne doit pas être négligée par les étudiants de l'Institut.
D'abord, pour leur culture personnelle - motif auquel, Dieu merci, certains ne sont pas
insensibles... Sans réflexion philosophique, on aboutit, soit aux fantaisies rhétoriques, soit à la
barbarie techniciste (v. le « Meilleur des Mondes », d'A. Huxley). Ensuite, utilitairement, ceux qui
veulent préparer l'E.N.A. doivent savoir que souvent les conversations avec le jury prennent un
tour philosophique. (C'est pourquoi on introduit en 4e année un enseignement sur cette matière).
Plus particulièrement, il y a une philosophie politique, d'importance considérable : Platon,
Rousseau, Hégel, Marx, Sartre, Raymond Aron, etc.
Quelques notions fondamentales pour comprendre lse grandes doctrines. Le foisonnement de
celles-ci ne doit pas cacher les constantes, les grandes lignes de force.
a) La distinction entre l'attitude réaliste et l'attitude idéaliste, au sens précis que ces mots prennent
en philosophie (v. un bon manuel de philosophie, ou un vocabulaire comme celui de Lalande).
Ceci concerne la théorie de la connaissance et la métaphysique, mais il y a une application
politique : certains auteurs considérant la société avant tout comme un fait, une donnée, qu'on peut
sans doute améliorer, mais qu'il faut d'abord prendre comme elle est (Aristote, Montesquieu,
Comte, Marx, Maurras) c'est le réalisme politique. D'autres s'occupent peu du fait, et ne s'attachent
qu'à réaliser à tout prix un idéal posé a priori (Rousseau, Brunschwig, Jaurès) c'est l'idéalisme
politique.
b) Rapports entre morale et politique.
En fait, trois attitudes possibles :
- Ou bien on interdit à la morale de s'occuper du politique (soit parce qu'on ne croit pas du tout à la
morale, soit qu'on la cantonne dans la conduite individuelle). C'est le Machiavélisme, idée et
pratique fort répandue.
- Ou bien on incorpore si totalement la politique à la morale qu'elle en devient une branche (sorte
de morale civique). C'est le « moralisme politique », ex : Brunetière, Marc Sangnier et le «
Sillon » et, dans une certaine mesure, l'école de Maritain.
- Ou bien on admet à la fois que la politique a un aspect technique irréductible à la morale, qu'elle
n'est identique à cette dernière ni dans son but ni dans ses moyens (contre le moralisme) ; mais
qu'elle est strictement subordonnée aux exigences morales dans son usage et ses réalisations (un
peu comme la médecine). C'est l'attitude d'un certain nombre de penseurs dont nous reparlerons en
diverses leçons.
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II
La politique de Platon
Il s'agit ici du « binôme » SOCRATE-PLATON, car on ne peut historiquement distinguer avec
précision ce qui vient de l'un et ce qui vient de l'autre.
Intérêt des Grecs pour nous : En Orient (sauf en Chine) guère de philosophie politique proprement
dite, mais religion à effets sociaux. V. Maritain sur les Grecs « peuple élu de la raison », jouant
pour celle-ci le rôle d'Israël sur le plan religieux.
Fermentation dans la Grèce du Ve siècle : dissolution de la religion, des mœurs, de la science, des
institutions. D'où scepticisme et sophistique. Rôle négatif des Sophistes (malgré Hegel et
Nietzsche, qui les défendent) - destruction de l'idée de vérité, de la distinction du bien et du mal,
de toute valeur sociale.
PLATON (429-348) de race princière, enclin à la poésie ; y renonce. Voyage et compare. Essai
d'action politique, assez mal réussi. Philosophie pure, à la fin (« Académie »).
Il y a pour lui un souci politique véritable, guidé par des préoccupations morales, supposant une
réforme des esprits. On tâchera de gagner successivement les Cités en présence.
Gradation d'une politique de type utopiste (celle qui a été la plus remarquée) à une vue plus
réaliste. « La République » - « Le Politique » - « Les Lois ».
La « République » : Division tripartite de l'âme (pensée, cœur, désir) à régler par des vertus
fondamentales. Projection de ce schéma dans la société : Trois échelons sociaux : philosophes,
guerriers, artisans (les esclaves n'étant pas citoyens ne rentrent pas dans la classification). Les
philosophes ne sont pas de ces « purs intellectuels » qu'on oppose si souvent à l'homme d'action.
Les guerriers ne sont pas dès reîtres, ils reçoivent une forte culture. Il ne s'agit pas de castes fer-
mées, comme dans le Brahmanisme. Il y a montée et descente des hommes d'un échelon à l'autre,
selon les qualités. Les femmes sont les égales de l'homme, et peuvent accéder aux fonctions
supérieures. Il n'y a pas de propriété individuelle (Platon est collectiviste) ni de famille (l'Etat règle
ces questions : eugénisme, etc.) car ces deux institutions sont obstacle à la toute-puissance de
l'Etat.
Comparaison de ce communisme moraliste avec celui des anarchistes (Platon est étatiste) avec
celui des marxistes (Platon met l'accent sur le spirituel ; avec l'attitude de Nietzsche (Platon met
les hommes supérieurs au service du bien commun) et non au-dessus de lui.
- Théorie des différents types de régime politique, suivant que c'est le grand nombre, ou un petit
nombre, ou un seul qui gouverne. Chacun de ces types peut s'altérer, être démagogique,
oligarchique, ou tyrannique (fortune de cette classification dans la suite).
- Le « Politique » : le philosophe ne gouverne plus, il est un conseiller du Chef. La souveraineté
reste toutefois fondée sur la supériorité naturelle, attitude plus réaliste que dans « La République ».
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- « Les Lois » œuvres de vieillesse, moraliste comme la République, mais moins utopiste
politiquement : rôle de la persuasion, liberté plus grande du citoyen, une certaine propriété
familiale, etc.
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