Chers amis, nous avons commencé l’Année de la Foi, dans la-
quelle le Pape Benoît XVI nous a invités à entrer ensemble avec
toute l’Église, en passant par la “porte de la foi”. Ceci ne signifie
pas seulement un acte intellectuel d’approfondissement de ce que
nous croyons, pour acquérir une conviction plus forte, mais aussi
de parcourir à nouveau le chemin de la foi que tant de millions de
chrétiens ont déjà parcouru au cours de l’histoire en rendant leur
vie féconde, en donnant un témoignage clair que cela produit une
nouvelle mentalité et une vie selon un modèle divin : Jésus Christ.
Notre réflexion christologique nous offre une bonne occasion
pour le faire, évidemment pas par l’éloquence de notre parole,
mais par la grâce de Dieu
qui, rencontrant quelqu’un
de bien disposé, entre et ré-
pand en cette âme cette vie
abondante que le Seigneur
Jésus Christ a acquise par
son incarnation, sa vie, sa
passion, sa mort et sa résur-
rection.
Après avoir vu de façon
schématique l’arrière-plan
vétéro-testamentaire du
titre de “Fils de l’homme”,
seul titre qu’utilise Jésus
pour parler de lui-même,
nous allons maintenant
nous consacrer à analyser la
manière dont il s’en sert
pour découvrir ce qu’il ré-
vèle de sa personne , et cela
pour pouvoir adhérer plei-
nement à lui avec notre intelligence et notre volonté. Comme nous
l’avons déjà fait en d’autres occasions, nous verrons comment
Jésus reprend certains aspects du titre de Fils de l’homme déjà
présents dans l’Ancien Testament, mais y ajoute quelque chose
de nouveau et jette une lumière nouvelle sur le mystère de sa per-
sonne.
1. Le titre de Fils de l’homme peut être utilisé de façon poé-
tique pour parler d’un simple mortel, d’un homme quelconque.
Nous le voyons clairement au livre du prophète Ezéchiel (cf. Ez
2, 1, 3, 6, 8 ; 3, 1, 3, 4, 10, 16, 25, etc…) : de fait Dieu appelle le
prophète avec la dénomination “fils d’homme” au moins 90 fois.
Dans certains cas, on le trouve appliqué à Jésus : « Vient le Fils
de l’homme, qui mange et qui boit, et l’on dit : “Voilà un glouton
et un ivrogne” » (Mt 11, 19 , cf. Lc 7, 34) ; « Les renards ont des
tanières et les oiseaux du ciel ont des nids ; le Fils de l’homme,
lui, n’a pas où reposer sa tête » (Mt 8, 20, cf. Lc 9, 58). Un autre
aspect important de cette dimension humaine du Fils de l’homme
est celui de la souffrance : « Et il commença à leur enseigner que
le Fils de l’homme devait beaucoup souffrir » (Mc 8, 31).
2. Nous rencontrons une autre dimension qui nous intéresse
dans le titre de Fils de l’homme, et c’est à ce niveau-là que se
trouverait sa nouveauté. Il s’agit du fait que le Fils de l’homme
est un sujet ayant pouvoir divin ou surnaturel, comme par exem-
ple, celui de pouvoir remettre les péchés : « Eh bien, pour que
vous sachiez que le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de
remettre les péchés : “Lève-toi, - dit-il alors au paralytique -
prends ton lit et va-t’en chez toi” » (Mt 9, 6-7). Et aussi le pouvoir
de suspendre les exigences du sabbat : « Ainsi le Fils de l’homme
est maître du sabbat »(Mt 12, 8, cf. Mc 2, 28 ; Lc 6, 5).
3. Ce titre inclut encore une dimension messianique et trans-
cendante. Le sens messianique du titre se place dans la ligne du
Messie-Roi, qui vient pour gouverner son peuple ; et c’est sous
cet aspect que l’on évoque la signification du titre que nous avons
médité la fois dernière en analysant Dn 7, 13. Le sens transcen-
dant est donné par l’allusion
au fait qu’il viendra “avec les
nuées du ciel”. Jésus emploie
le titre de Fils de l’homme
pour dire qu’il sera intronisé
au ciel : «Quand le Fils de
l’homme viendra dans sa
gloire, escorté de tous ses
anges, alors il prendra place
sur son trône de gloire » (Mt
25, 31).
4. La nouveauté et le ca-
ractère unique de ce titre est
marqué non pas tant par le
fait que son emploi évoque
l’aspect messianique et mon-
dain de Jésus que par le fait
qu’il relie le Fils de l’homme
à sa mission rédemptrice,
qui comprend la souffrance.
En effet, quand il prédit sa
Passion, Jésus le fait en se référant à ce qui arrivera au Fils de
l’homme : « Le Fils de l’homme doit être livré aux mains des
hommes ; et ils le tueront, et, le troisième jour, il ressuscitera »
(Mt 17, 22).
A l’aide de ces données, nous pouvons tirer quelques conclu-
sions :
A. Le titre de Fils de l’homme rassemble en lui-même divers
aspects qui convergent dans la personne de Jésus : vrai homme,
même comme simple mortel, dans la ligne d’Ezéchiel, mais aussi
et en même temps élevé à un tel point qu’il vient “avec les nuées
du ciel”, montrant ainsi qu’il est un personnage transcendant et
qui agit avec un pouvoir divin. Ce titre pourrait exprimer parfai-
tement la nature divine et la nature humaine véritables de Jésus
Christ.
B. Enfin ce titre incorpore la dimension de la souffrance,
chose que ne fait aucun autre titre messianique. L’emploi que
Jésus en fait nous porte à interpréter dans un sens messianique
d’autres passages de l’Ecriture Sainte (comme, par exemple, ceux
concernant le Serviteur de Yahvé en Is 42 – 53 passim), passages
qui n’étaient pas interprétés en ce sens dans l’Ancien Testament,
justement parce que l’on ne pensait pas que le Messie finirait par
montrer sa gloire et sa puissance sur une Croix, dans la souf-
france.