La complexité du rapport de force politique
entre civils et militaires
Les tensions avec l’Inde restent la principale justication à la domination politique des
militaires et au maintien d’un budget de la Défense qui représentent, ofcieusement,
près de 30% des dépenses publiques (70% à la n des années 40).
Mais cette domination politique des militaires ne relève toutefois pas seulement
d’impératif sécuritaire : elle a des origines historiques profondes.
L'héritage colonial :
Les régions qui formèrent le Pakistan (le nord-ouest de l’Empire des Indes)
ont été celles que le colonisateur britannique administra d’une main de fer
car elles constituaient une « zone tampon » face à la Russie et à l’Afghanistan.
Le Pakistan a donc été, dès l’origine, un « État de la ligne de front
». Les
institutions démocratiques y ont été plus tardivement mises en place que dans
le reste de l’Inde : le maintien de l’ordre était la priorité. En outre, les Britanniques
laissèrent derrière eux une armée surdimensionnée et bien mieux organisée
que les forces civiles. Alors que les dirigeants pakistanais avaient à construire
un appareil d’État presque de toute pièce, le premier parti politique, la Ligue
Musulmane du Pakistan (la PML) était particulièrement mal implantée dans les
provinces devenues pakistanaises.
Du rêve démocratique à l'autocratie et au chaos :
La première décennie, politiquement cruciale, de l’histoire du pays vit le rêve
démocratique de Jinnah, le « père de la patrie » s’écrouler comme un jeu de
cartes. Les dirigeants du nouvel État, refusant la loi du nombre – à savoir :
laisser les Bengalis peser face aux puissantes minorités pendjabie, pashtoune
et mohajir qui dirigeaient le pays – ont progressivement plongé le Pakistan dans
l’autocratie et le chaos. Se sont alors mis en place des lignes de fractures
politiques qui subsistent encore aujourd’hui : bureaucratie, appareil judiciaire
et armée d’un côté, partis politiques nationaux et régionaux de l’autre. De
cette période, les militaires ont gardé une méfiance, voire un mépris et une
haine farouche, à l’égard des « politiciens » perçus comme irresponsables
et corrompus. L’armée n’a jamais accepté que les partis politiques puissent
déterminer les règles du jeu : même lorsque les civils ont été au pouvoir, les
militaires ont toujours gardé le contrôle de leur chasse-gardée (conflit du
Cachemire, enjeu nucléaire, politique d’armement…). Toutefois, le Pakistan
n’est pas une dictature militaire dite « classique ». En dépit d’épisodes tragiques
(la mise à mort du Premier ministre Ali Bhutto en 1979 par le général Zia), les
généraux pakistanais ont toujours cherché à légaliser leur putsch ou à modifier
la Constitution pour établir un régime présidentiel leur permettant de rester au
pouvoir. L’armée est donc obligée de composer avec ses rivaux civils.
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