4.
souhaite, alors que sa vie a
perdu tout : dignité
, beauté, signification, perspective
d’avenir. La souffrance inutile est un mal qui devrait être évité dans les sociétés
civilisées. »9
La dignité saurait-elle donc se perdre ? Peut-on être dépossédé de « tout », y
compris de sa dignité ? L’idée, en tout cas, était lancée. Et elle se répand très vite.
Le 17 nov. 1979, Michel Landa publie dans Le Monde (p.2) une « libre opinion » qui
s’en prend avec véhémence à l’acharnement thérapeutique conduisant à « un destin
de grabataire », au « dernier délabrement », à « l’abrutissement des drogues », « la
déchéance »… et qui constitue une « insulte à (la) dignité ». Il prône « la liberté – et
donc le droit – de mourir dignement, à son heure, selon son style »10. Ce texte joue
un rôle de révélateur contribuant directement à la création, par son auteur, d’une
association au titre caractéristique et ambigu, l’ADMD, Association pour le Droit de
Mourir dans la Dignité11, militant pour un changement législatif en faveur de
l’euthanasie au nom même des droits de l’homme et de la protection de la dignité
humaine !12
Des soins palliatifs au nom de la dignité
Durant le même temps, bien avant le succès de l’idée de « perte de dignité »,
au nom d’une dignité donnée comme « inaliénable », naissait dans l’ombre et le
silence, cette prise de conscience active qui allait engendrer progressivement le
mouvement des soins palliatifs. En 1973, Patrick Verspieren accompagne des
étudiants en médecine (du Centre Laennec) au Saint-Christopher’s Hospice à
Londres13. Ils y rencontrent les Dr Cicely Saunders et Thérèse Vanier et découvrent
une manière de prendre soin des personnes en fin de vie14 qu’ils contribuent à
diffuser en France. Le mouvement était définitivement lancée. Notons cependant,
9 J. Monod, L. Pauling et G. Thomson (et une quarantaine de savants de renommée mondiale), « Manifeste en
faveur de l’euthanasie », The Humanist, juillet-août 1974 ; Trad. Le Figaro, 1er juillet 1974. On pourra également
trouver ce texte dans Le Supplément. Revue d’éthique et de théologie morale, N°191, déc. 1994, p.175-178. Je
souligne.
10 Voir l’analyse de Marie-Louise Lamau, « Le recours à la notion de dignité dans les questions soulevées par la
fin de vie », Le Supplément, ibid., p.145-174.
11 Dans une brochure, Les droits des vivants sur la fin de leur vie. Pourquoi la loi doit les protéger, publiée en
1992, l’ADMD se présente elle-même à ses adhérents potentiels.
12 Id. p.57 : Ce changement contribue, dit la brochure, à « promouvoir les droits de l’homme et les garantir par la
loi. »
13 Voir son propre compte-rendu dans la Revue de la fédération JALMALV, N°69, juin 2002. On y lira en outre
une intéressante rétrospective sur l’histoire des soins palliatifs dont les auteurs font remonter l’origine aux
hôtels-dieu au XVIIIe s., à la création par Jeanne Garnier de l’Association des Dames du Calvaire en 1842, etc.