Le Journal de Montréal, le 15 janvier 2016 En 5 questions: l’Indonésie devant l’islamisme (Loïc Tassé) Les attentats de Jakarta étaient en quelque sorte attendus. C’est que l’Indonésie a été plusieurs fois la cible d’attentats islamistes. Malheureusement, le pays est soumis aux diktats et pressions de groupes musulmans fondamentalistes. L’Indonésie a longtemps été présentée comme un exemple heureux de société musulmane. Elle est de plus en plus gagnée par des courants politiques islamistes. 1 D’où vient l’islam en Indonésie? L’islam s’est implanté en Indonésie au XIIIe siècle. Petit à petit, il a chassé les autres religions qui se sont retrouvées confinées à quelques endroits, comme à Bali. Il existe deux grands courants islamiques en Indonésie. Le premier, un islam indonésien, qui est plutôt ouvert et pluraliste. Il regroupe environ 88 % des musulmans indonésiens. Le second, fondamentaliste, radical et très influencé par l’Arabie saoudite, compte près de 12 % des musulmans du pays. 2 Quelle place occupe l’islam en Indonésie? La place de l’islam s’est consolidée par étapes dans la société indonésienne. Dans les années 50, les associations islamiques ont obtenu des écoles, des tribunaux, du financement pour la promotion de la culture arabe, la nomination de musulmans à des postes clés des gouvernements locaux, des lois pour restreindre la place du bouddhisme et du christianisme, etc. Dans les années 80, le gouvernement indonésien a permis l’augmentation du contenu islamique dans les médias publics, la promotion de l’habillement islamique et, finalement, il a donné de l’argent aux mosquées. 3 Que fait le gouvernement pour contenir l’islamisme? Le gouvernement a de la difficulté à contenir l’islamisme. Dans les années 90, le président Suharto a cherché à renforcer son pouvoir en s’appuyant sur l’islam fondamentaliste. Il a incorporé les lois islamiques au Code civil, autorisé le port du voile dans les écoles, permis la création d’association de promotion de l’islam radical et favorisé le développement de médias islamiques. Le visage de l’Indonésie a alors commencé à changer. Les organisations islamiques sont devenues de plus en plus présentes partout dans la société civile. Récemment, le gouvernement a passé une loi contre le blasphème. Jusqu’à présent, seule la province de l’Aceh a instauré la charia. Cette province est également la seule à posséder des tribunaux islamiques. 4 Quelles sont les minorités religieuses en Indonésie? Les minorités religieuses subissent de nombreuses attaques dans plusieurs régions du pays. Les protestants (7 % de la population), les hindous (3 %), les catholiques (2,7 %) et les bouddhistes (1,8 %) subissent régulièrement diverses persécutions. Ces minorités religieuses se font détruire des temples et il arrive fréquemment que des gens soient volés ou battus en raison de leur appartenance religieuse. 5 Comment la situation va-t-elle évoluer? Depuis quelques années, des leaders musulmans fondamentalistes, appuyés par l’Arabie saoudite, appellent à la guerre sainte contre les musulmans indonésiens chiites (environ un million de personnes). Par ailleurs, les terroristes qui ont perpétré les attentats d’hier se réclament de l’État islamique dont le fondamentalisme religieux est encore pire que celui des radicaux indonésiens. Malgré un certain durcissement de l’islam indonésien, la majorité de la population indonésienne ne semble pas suivre les fondamentalistes. Par exemple, depuis 2014, le gouverneur de la ville Jakarta est un chrétien d’origine chinoise. Cependant, entre 500 et 700 islamistes indonésiens seraient retournés dans leur pays après avoir combattu en Syrie et en Irak pour l’État islamique. Ceci laisse présager de nombreux attentats. Il faut espérer que les horreurs commises par les fondamentalistes religieux pousseront l’opinion publique indonésienne dans le sens de la modération.