LE CONCEPT DE SOLIDARITE
EN ISI-AM I5I
Conférence islamique (O. C. I., fondée à Rabat en1969, dont le siège est à
Jeddah, où sa charte fut adoptée en1972).
Le pèlerinage annuel est donc le moment où s'exprime cette tendance unifi-
catrice et solidâriste de la religion puisqu'il est l'occasion de nombreuses ren-
contres entre dirigeants du monde musulman au sein de nombreuses
institutions qui se donnent pour objectif, sans y paryenir d'ailleurs, de pro-
mouvoir la solidarité des peuples qui constituentla Umma. C'est aussi 'olc linu
d.'un intense brassage d,'id,ées entre penseurs, théologiens et gens simples
oenus d,e tous bs horizons du mond.e ish.mique. Grâ,ce (ù lui), enfin, lns repré-
sentants d.es minorités musuhnanes les plus isolés (Moros d.es
Philippines,
Patanis de Thaïlande, Bilaliens des Etats-Unis, etc.) prennent conscience
d.'appartenir ù une granrle cornmunauté qui se aeut fraternell.e et solid'aire"6.
Il faudrait ajouter que la Mecque fut à plusieurs reprises ces dernières années,
lors du pèlerinage annuel, le théâtre de sanglantes manifestations, qui expri-
ment la violence des déchirements et des clivages, entre sunnisme et shî'isme,
entre orthodoxies officielles et islamisme radical, etc. Même à l'occasion de ces
troubles, certains groupes, qui ont opté pour un discours et une pratique de
délégitimation des autorités religieuses, choisissent ce haut lieu symbolique
pour exprimer une revendication alternative, mais qui rêactive à son tour le
rêve de l'unité et de la solidarité, trahie, à leurs yeux, par les dirigeants
musulmans actuels.
Parmi les devoirs fondamentaux du croyant (sorte de oosixième
pilier de
l'Islam"), il y a enfin le lihâ.d (traduit, abusivement, par l'expression 'oguerre
sainte"). Etymologiquement, le concept dérive de la racine J. H. D., dont la
signification est l'effort personnel que le musulman doit accomplir constam-
ment pour respecter l'éthique et la morale religieuses, être solidaire de ses
proches, et participer à la rénovation intellectuelle et morale (Ijtihâ.d.) qai
incombe à la Communauté solidaire. Il est aussi affirmation d'une apparte-
nance communautaire et défense (y compris par les armes, d'où l'expression
o'guerre sainteo', mais il ne s'agit là que d'une composânte da Jihâd,) de l'unité
dt Dâr al-Islâm (monde musulman) : il y a là incontestablement, comme pour
les autres obligations, l'idée du devoir universel de solidarité organique de
l'Umma1.
Au plan des vertus individuelles, le Coran - qui constitue, aux yeux des
croyants, un véritable code d'éthique - fait de la justice, de la charité et de la
solidarité les bases de la sociabilité qui devraient faire de la communauté des
croyants une immense fraternité8. Dans cette perspective, le devoir de solida-
6. AliMérad, L'Islamcontemporain,P. U. F. 1984,
p.L2I-122.
7. Sur Ia notion de Jihâd., cf, notamment : Jean-Paul Charnay, L'Islam et la guerre,
Fayard, 1986 ; Bernard Lewis, Iæ Langage politEæ de I'Ishrm, Gallimard, 1989 (chap. IV : La
Guerre et la paix, p. 1f0-I3B) ; Edgar Weber et Georges Reynaud, Croisad.e d'hicr - Djihad'
d.'aujourd.'hui, Cerf, l9B9 et Pierre Viaux (dir. ) Les Religions et Ia guerre, ouvrage collectif,
éd. du Cerf, 1991.
8. Cf. Salâh al-Dîn al-Munadjdjid, Le Concept de justbe socinle en Ishrn, le éd. Dâr aI-
Kitâb, Beyrouth,1969, rééd. OPU, Alger / Publisud, Paris, 1982.