BONUS 2 : Les limites du PIB Document 1 : Le développement par pays en 2014 à travers trois indicateurs Source : Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), Rapport sur le développement humain 2015. Réalisation : D. Gœury, 2015 avec Philcarto. David GŒURY, Philippe SIERRA, Introduction à l’analyse des territoires © Armand Colin, 2016. BONUS 2 : Les limites du PIB Document 2 : Empreinte écologique et biocapacité par habitant Source : Global Footprint Network 2015. Réalisation : D. Gœury, 2015 avec Philcarto. Commentaires ● Mesurer la richesse d’un territoire est particulièrement difficile, ne serait-ce que par le choix des critères objectifs. Dans le cadre du développement de la comptabilité nationale, les organisations internationales (Fonds monétaire international et Banque mondiale notamment) ont soutenu l’usage d’un agrégat complexe : le produit intérieur brut, censé représenter la valeur totale des richesses produites. ● Il permet avant tout de mesurer la production organisée légale. Ainsi, il occulte toute la production domestique (autoconsommée par les ménages), les activités illégales et non déclarées qui contournent le système mis en place par les pouvoirs publics. Sans entrer dans le cas des activités délictuelles parfois intégrées temporairement, comme le font certaines statistiques européennes en 2014 (Eurostat préconise l’intégration de la prostitution et du trafic de drogue, mais seuls certains États comme la Belgique, l’Espagne ou le Royaume-Uni ont accepté cette nouvelle norme comptable, la France et l’Italie la refusent encore pour des considérations morales), cet agrégat ne prend pas en compte toute l’économie du don, les solidarités familiales et amicales. De même, il fonctionne par ajout et valorise ainsi les dépenses défensives puisque celles-ci comportent une dimension monétaire. Ainsi, les dépenses suite à la dégradation volontaire ou non de biens (catastrophe, David GŒURY, Philippe SIERRA, Introduction à l’analyse des territoires © Armand Colin, 2016. BONUS 2 : Les limites du PIB pollution, accident, émeute) sont prises en compte sans que la valeur détruite par la dégradation soit considérée. Par exemple, un accident de la route ayant détruit une voiture et des vies humaines va être compté positivement dans le PIB du fait de la prise en compte de la valeur ajoutée réalisée par la compagnie d’ambulance, les soins et les réparations. ● Le PIB révèle un type d’économie capitalistique administrée considérant les seuls aspects monétaires. Sa croissance atteste de la performance de ce mode d’organisation économique. Cela explique que les partisans de la décroissance souhaitent sortir de cette évaluation pour intégrer d’autres indicateurs comme la qualité de l’environnement, le bien-être des individus qui peuvent s’épanouir dans d’autres cadres, notamment associatifs et collaboratifs. ● Fortement critiqué depuis plus de quarante ans, de multiples indicateurs alternatifs ont été proposés sans s’imposer, exception faite de l’indice de développement humain (IDH). Celui-ci, construit par Mahbub ul Haq et Amartya Sen, a réussi à s’imposer comme indicateur de richesse alternatif auprès du grand public. Basé sur le principe des capabilités, il propose d’agréger santé, scolarisation et revenu pour essayer de donner à comprendre le potentiel d’une population. Certains indicateurs privilégient la préservation des ressources dites naturelles en proposant un PIB vert, en mesurant l’empreinte écologique (voir chapitre 1), d’autres souhaitent mesurer le bien-être en observant les conditions de vie réelles. Ainsi, le Bhoutan a décidé de construire un indicateur de bonheur brut. Cependant, les agrégats sont difficilement compréhensibles par le grand public. Par conséquent, certains proposent d’utiliser une seule variable comme l’espérance de vie en bonne santé. Cependant, bien peu de gouvernements posent comme objectif l’amélioration de leur IDH et préfèrent mettre en avant leur PIB qui est directement lié à la comptabilité nationale avec le principe de la croissance qui se traduirait immédiatement en augmentation du niveau de vie et réduction du chômage. ● Ainsi (document 1), les pays au plus fort PIB par habitant à PPA (parité de pouvoir d’achat) n’ont pas systématiquement le plus fort IDH et surtout ils n’assurent pas la plus forte espérance de vie en bonne santé à leurs habitants. Le PIB ne permet donc pas de mesurer l’efficacité des économies à assurer le bien-être des individus, notamment du fait de l’inégale répartition des richesses ou du mauvais usage de ces dernières. ● Par ailleurs, le PIB écarte les enjeux écologiques et environnementaux. En effet, certaines sociétés s’avèrent plus à même de produire des richesses sans pour autant détruire leur environnement. Il faut souligner que l’abondance de ressources naturelles peut amener au développement de mode de vie particulièrement énergivore comme en Australie ou au Canada. Alors que des sociétés plus denses et ayant un sentiment plus élevé de la rareté des ressources peuvent développer un usage plus raisonné des ressources. ● Il est intéressant de noter qu’a contrario, à l’échelle locale des grandes villes, le produit urbain brut, déclinaison du PIB, s’impose difficilement et reste un indicateur pour les spécialistes, alors que de nombreux indicateurs alternatifs complexes sont mobilisés tant sur la qualité de vie que l’attractivité ou les performances économiques. Ces derniers amènent à de très nombreux classements nationaux et internationaux comme le Global Power City Index de l’Institut des stratégies urbaines de la Mori Memorial Foundation sise à Tokyo (voir chapitre 8). Dans la compétition mondiale à laquelle se livrent les grandes métropoles, il apparaît que les municipalités souhaitent mobiliser des indices multidimensionnels pour montrer toutes les potentialités de leur agglomération. Aujourd’hui, elles misent ouvertement sur la conciliation entre activités économiques performantes et bien-être des habitants. David GŒURY, Philippe SIERRA, Introduction à l’analyse des territoires © Armand Colin, 2016. BONUS 2 : Les limites du PIB Pour aller plus loin GADREY J., JANY-CATRICE F., 2010, Les nouveaux indicateurs de richesse, Paris, La Découverte. GLOBAL FOOTPRINT NETWORK : www.footprintnetwork.org/en/index.php/GFN/ INSTITUTE FOR URBAN STRATEGIES, 2015, Global Power City Index 2015, Tokyo, The Mori Memorial Foundation. Consultable sur : http://mori-m-foundation.or.jp/wordpress/english/ius2 PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT, Rapport sur le développement humain 2015. Consultable sur : www.undp.org/content/undp/fr/home/librarypage/hdr/2015-humandevelopment-report.html SEN A., 2003, Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, Paris, Odile Jacob. David GŒURY, Philippe SIERRA, Introduction à l’analyse des territoires © Armand Colin, 2016.