BONUS 2 : Les limites du PIB
pollution, accident, émeute) sont prises en compte sans que la valeur détruite par la dégradation soit
considérée. Par exemple, un accident de la route ayant détruit une voiture et des vies humaines va
être compté positivement dans le PIB du fait de la prise en compte de la valeur ajoutée réalisée par la
compagnie d’ambulance, les soins et les réparations.
● Le PIB révèle un type d’économie capitalistique administrée considérant les seuls aspects
monétaires. Sa croissance atteste de la performance de ce mode d’organisation économique. Cela
explique que les partisans de la décroissance souhaitent sortir de cette évaluation pour intégrer
d’autres indicateurs comme la qualité de l’environnement, le bien-être des individus qui peuvent
s’épanouir dans d’autres cadres, notamment associatifs et collaboratifs.
● Fortement critiqué depuis plus de quarante ans, de multiples indicateurs alternatifs ont été
proposés sans s’imposer, exception faite de l’indice de développement humain (IDH). Celui-ci,
construit par Mahbub ul Haq et Amartya Sen, a réussi à s’imposer comme indicateur de richesse
alternatif auprès du grand public. Basé sur le principe des capabilités, il propose d’agréger santé,
scolarisation et revenu pour essayer de donner à comprendre le potentiel d’une population. Certains
indicateurs privilégient la préservation des ressources dites naturelles en proposant un PIB vert, en
mesurant l’empreinte écologique (voir chapitre 1), d’autres souhaitent mesurer le bien-être en
observant les conditions de vie réelles. Ainsi, le Bhoutan a décidé de construire un indicateur de
bonheur brut. Cependant, les agrégats sont difficilement compréhensibles par le grand public. Par
conséquent, certains proposent d’utiliser une seule variable comme l’espérance de vie en bonne
santé. Cependant, bien peu de gouvernements posent comme objectif l’amélioration de leur IDH et
préfèrent mettre en avant leur PIB qui est directement lié à la comptabilité nationale avec le principe
de la croissance qui se traduirait immédiatement en augmentation du niveau de vie et réduction du
chômage.
● Ainsi (document 1), les pays au plus fort PIB par habitant à PPA (parité de pouvoir d’achat) n’ont
pas systématiquement le plus fort IDH et surtout ils n’assurent pas la plus forte espérance de vie en
bonne santé à leurs habitants. Le PIB ne permet donc pas de mesurer l’efficacité des économies à
assurer le bien-être des individus, notamment du fait de l’inégale répartition des richesses ou du
mauvais usage de ces dernières.
● Par ailleurs, le PIB écarte les enjeux écologiques et environnementaux. En effet, certaines sociétés
s’avèrent plus à même de produire des richesses sans pour autant détruire leur environnement. Il
faut souligner que l’abondance de ressources naturelles peut amener au développement de mode de
vie particulièrement énergivore comme en Australie ou au Canada. Alors que des sociétés plus
denses et ayant un sentiment plus élevé de la rareté des ressources peuvent développer un usage
plus raisonné des ressources.
● Il est intéressant de noter qu’a contrario, à l’échelle locale des grandes villes, le produit urbain
brut, déclinaison du PIB, s’impose difficilement et reste un indicateur pour les spécialistes, alors que
de nombreux indicateurs alternatifs complexes sont mobilisés tant sur la qualité de vie que
l’attractivité ou les performances économiques. Ces derniers amènent à de très nombreux
classements nationaux et internationaux comme le Global Power City Index de l’Institut des
stratégies urbaines de la Mori Memorial Foundation sise à Tokyo (voir chapitre 8). Dans la
compétition mondiale à laquelle se livrent les grandes métropoles, il apparaît que les municipalités
souhaitent mobiliser des indices multidimensionnels pour montrer toutes les potentialités de leur
agglomération. Aujourd’hui, elles misent ouvertement sur la conciliation entre activités économiques
performantes et bien-être des habitants.
David GŒURY, Philippe SIERRA, Introduction à l’analyse des territoires © Armand Colin, 2016.