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Ferdinand de Saussure, qui la présente comme un élément de la signification du
mot contribuant à la mise en rapport des mots entre eux, nous proposons un
modèle de traduction par conversion de valeur contextuelle qui permettrait de
trouver une équivalence anglaise (ou plus généralement dans la langue cible) tout
en préservant le sens et la valeur initiale de l’item de la langue source. Pour ce
faire, nous procéderons tout d’abord à la « parolisation »3 (terme de J.-R.
Ladmiral, 1998: 21) de l’item à traduire, c’est-à-dire la recherche d’une forme
analogique par sa valeur parmi les formes grammaticales standard utilisées dans
le français oral.
Vu la complexité formelle et contextuelle des temps du récit français et les
difficultés qu’ils présentent lors de la traduction, notre démarche à la fois
théorique et didactique du processus de traduction consiste à élaborer un modèle
qui pourrait servir à systématiser et à faciliter la traduction des formules utilisées
dans le français littéraire écrit. Notre démarche didactique consiste donc à
appliquer ce modèle dans la pratique de la traduction.
Le mécanisme de cette transformation peut être illustré par la traduction des
phrases contenant le verbe « être » à l’imparfait du subjonctif (« fût »), suranné et
donc peu utilisé aujourd’hui, analogue par sa valeur d'action supposée, éventuelle
et réalisable à « serait» (ne fût-ce = ne serait ce que) - la forme de la 3e personne
du singulier du conditionnel présent contemporain, standard et largement utilisé à
l’écrit comme à l’oral mais ayant d’autres moyens linguistiques équivalents en
anglais et souvent autres que le verbe to be (voir les exemples 1, 2, 3). Les
exemples de traduction cités ci-dessous montrent qu’au sein des locutions figées
« fût-ce »/« ne fût-ce », le verbe « être » ayant différentes valeurs contextuelles
peut s’employer comme mot d’appui (mot discursif, connecteur, articulateur4) et
avoir différentes équivalences en anglais : un adverbe (exemple 1) ; un groupe
« conjonction + adverbe » (exemple 2) ; une conjonction (exemple 3) ; un verbe
modal allant de pair avec « être » (to be) (might +to be » dans l’exemple 4).
(1) Nous étions persuadées qu’on pouvait entrer dans les souterrains par mille autres
endroits, fût-ce par les toits. (G.Sand)
Dans l’exemple 1, le verbe « être » de la tournure « fût-ce » a comme valeur
contextuelle (exprime) une action non réalisée mais réalisable et joue plutôt le
3 Terme de J.-R. Ladmiral (1998: 21), appliqué à l’acte de traduction lors duquel le
traducteur procède à la recherche d’une équivalence dans la langue orale en français-
source.
4 «Traces des operations de mise en relation qui, s’appliquant à des phénomènes
variés, fournissent des valeurs multiples», A.Culioli (1989); «ossatures de
l’enchaînement discursif», D.Paillard (1991).