angelo, tyran de padoue

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©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
Mise en scène
Christophe Honoré
Assistanat
à la mise en scène
Florian Richaud
Scénographie
Samuel Deshors
Lumière
Rémy Chevrin
angelo,
tyran de padoue
drame de Victor Hugo
Son
Valérie De Loof
Costumes
Yohji Yamamoto
et Limi Feu
Compositions additionnelles
Alex Beaupain
MAISON DE L’ÉDUCATION
Dossier
pédagogique
MAISON DE L’ÉDUCATION
angelo,
tYRAN DE PADOUE
I. Victor Hugo et le drame romantique
Une biographie de Hugo
Hugo et le théâtre
Le drame romantique
II. Angelo, tyran de Padoue
La genèse
La construction de la pièce
©Christophe Raynaud de Lage
Festival d’Avignon
Les personnages principaux
Le thème majeur
Le décor historique
III. Les transformations du texte
Le désir de modernisation
Le resserrement dramatique
IV. Dramaturgie
Les intentions de Christophe Honoré
La scénographie
L’univers sonore
Le traitement cinématographique
V. Critiques
VI. Ressources
Bibliographie
Iconographie
Ce dossier pédagogique
destiné aux professeurs a été réalisé par
Caroline Jouffre,
professeur de lettres
relais de l’Inspection académique des Yvelines
auprès de la Scène nationale de Saint-Quentin-en-Yvelines
Février 2010
2
MAISON DE L’ÉDUCATION
Toutes les citations du texte Angelo, tyran de Padoue sont extraites du recueil paru chez GarnierFlammarion, n° 324.
Les orthographes des noms propres sont prises dans cette édition ainsi que l’orthographe du nom
commun « podesta » qui renvoie au mot italien employé par Hugo à la place du terme français
« podestat ».
Pour faciliter le repérage des scènes évoquées, on utilisera soit les divisions de Hugo en journées
et parties soit la terminologie classique en actes. Ainsi la première journée correspond à l’acte I,
la seconde à l’acte II, la première partie de la troisième journée à l’acte III et ainsi de suite.
I. Victor Hugo et le
drame romantique
Biographie de Hugo
1. http://www.acstrasbourg.fr/pedago/
lettres/victor%20hugo/
Communs/Biographie.htm
On lira une biographie sur le site1,
biographie qui reprend celle d’Émile
Faguet, dans son ouvrage Dix-neuvième
siècle, Études littéraires.
Victor Hugo est né à Besançon le 26 février
1802. Fils d’un général de Napoléon, il
suivit d’abord son père dans le hasard des
expéditions et des campagnes, en Italie,
en Espagne, où il fut page du roi Joseph et
élève au séminaire des nobles de Madrid.
Vers l’âge de onze ans, il vint s’établir
avec sa mère, séparée à cette époque du
général, à Paris, dans le quartier, presque
désert alors, du Val-de-Grâce. C’est là
qu’il grandit dans une liberté d’esprit et
de lectures absolue, sous les yeux d’une
mère extrêmement indulgente et assez
insoucieuse à l’endroit de l’éducation. Il
s’éleva tout seul, lut beaucoup, au hasard,
s’éprit, dès quinze ans, à la fois de vers et
de mathématiques, se préparant à l’École
polytechnique et concourant aux Jeux
floraux.
Couronné deux fois par cette société
littéraire, nommé par elle maître ès jeux
floraux en 1820, distingué par l’Académie
Française en 1817, à l’âge de quinze ans,
pour une pièce sur les Avantages de l’étude,
s’essayant à une tragédie (Irtamène dont on
trouve quelques fragments dans Littérature
et Philosophie mêlées), il comprit que sa
vocation était toute littéraire, abandonna
les mathématiques, et lança en 1822 les
Odes. Il obtint une pension de 2 000 francs
de Louis XVIII, peut-être pour son livre,
peut-être pour un trait de générosité dont
le Roi fut touché ; il se maria (1822), et ne
songea plus qu’à marcher sur les traces de
Lamartine, qui était l’idole du jour.
Journaux (Le Conservateur littéraire),
romans (Bug-Jargal, Han d’Islande), théâtre
(Amy Robsart avec Ancelot, à l’Odéon,
chute), vers (Ballades et nouveaux recueils
d’Odes) l’occupent jusqu’en 1827. À cette
date, il donne Cromwell, grand drame en
vers (non joué), avec une préface qui est
un manifeste. En 1828, il écrit Marion de
Lorme, drame en vers, qui est interdit par
la censure, en 1829 les Orientales, en 1830
Hernani, joué à la Comédie Française,
acclamé par la jeunesse littéraire du
temps, peu goûté du public.
La Révolution de 1830 donne la liberté à
Marion de Lorme, qui est jouée à la Porte
Saint-Martin avec un assez grand succès.
Dès lors, Victor Hugo se multiplie en
créations. Les recueils de vers et les
drames se succèdent rapidement. En
librairie, c’est Notre-Dame de Paris, roman
(1831), Littérature et philosophie mêlées
(1834), Feuilles d’automne, poésies
(1831), Chants du crépuscule, poésies
(1835), Voix intérieures, poésies (1837),
Rayons et Ombres, poésies (1840), Le Rhin,
impressions de voyage (1842). Au théâtre,
c’est Le Roi s’amuse, en vers (1839),
représenté une fois, puis interdit sous
prétexte d’allusions politiques, Lucrèce
Borgia, en prose (1833), Marie Tudor, en
3
MAISON DE L’ÉDUCATION
prose (1833), Angelo, en prose (1835),
Ruy Blas, en vers (1838), les Burgraves, en
vers (1843).
Il mourut le 22 mai 1885, « dans la saison
des roses », comme il l’avait prédit quinze
années auparavant, à l’âge de 83 ans,
comme Goethe. Son corps fut déposé
au Panthéon, après les funérailles les
plus magnifiques que la France ait vues
depuis Mirabeau. Il a laissé une grande
quantité d’œuvres inédites qui paraîtront
successivement. En 1886, on en a donné
deux, le Théâtre en Liberté, et la Fin de
Satan, qui n’ont rien ôté à sa gloire.
Pistes de travail
Comprendre la place du théâtre dans
l’œuvre hugolienne. À partir de la biographie proposée ci-dessus, le professeur
demandera aux élèves de classer les œuvres citées par genre (roman, théâtre et
poésie), de noter leur date de parution
afin de voir à quelle période de la vie de
l’auteur elles correspondent (œuvre de
jeunesse, de maturité ou de vieillesse).
Hugo et le théâtre
2. On en lira plus sur le
site http://www.herodote.
net/histoire/evenement.
php?jour=18300225.
Comme on le voit plus haut, Hugo a
marqué le théâtre du XIXe siècle tant par
sa productivité que par sa créativité.
Victor Hugo fut fécond : une vingtaine
de pièces si l’on compte celles qui
composent :
• Le théâtre de jeunesse : Irtamène. À
quelque chose hasard est bon. Inez de
Castro. Amy Robsart.
• Les drames en vers : Cromwell. Marion de
Lorme. Hernani. Le Roi s’amuse. Ruy Blas.
Les Burgraves. Torquemada.
• Les drames en prose : Lucrèce Borgia.
Marie Tudor. Angelo, tyran de Padoue.
• Le théâtre lyrique : La Esmeralda.
• Le théâtre en liberté : La Grand-mère.
L’Épée. Mangeront-ils ? Sur la lisière d’un
bois. Les Gueux. Être aimé. La Forêt
mouillée.
• Le théâtre moderne : Mille francs de
récompense. L’Intervention. Fragments.
La plupart de ses pièces sont écrites
entre 1827 et 1838. À vingt-six ans, dans
la célèbre préface de Cromwell, Victor Hugo
jette les bases d’un genre nouveau : le drame
romantique que nous étudierons plus en
détail dans la partie suivante. Revers de la
médaille : Cromwell, pièce aux 6 000 vers
et aux innombrables personnages n’est pas
jouée — « injouable » disent certains…
L’année 1830 sera décisive : le 25 février
1830 se déroule à Paris la plus fameuse
bataille qu’aient jamais livrée des hommes
de lettres. Elle reste connue sous le nom
de « bataille d’Hernani », du nom d’une
pièce de Victor Hugo que l’on jouait ce
soir-là pour la première fois. Victor Hugo
fait partie du Cénacle romantique qu’anime
Sainte-Beuve, théoricien du mouvement2.
Dès la lecture d’Hernani, les hommes de
lettres s’enthousiasment pour cette pièce
d’une facture qui n’a rien à voir avec les
lois édictées par Boileau au XVIIe siècle. Le
soir d’Hernani, le spectacle est autant sur
scène que dans la salle. Les romantiques
parmi lesquels figurent Gérard de Nerval
et Théophile Gauthier, arborent un gilet
rouge et insultent les « perruques » fidèles
aux canons classiques. Ils en viennent
même aux mains.
C’est grâce à Hernani que le dramaturge
accède véritablement, en 1830, à la
célébrité dans le milieu du théâtre et
prend une place déterminante parmi les
Modernes. Les années suivantes, Hugo se
heurtera aux difficultés matérielles (scène
à l’italienne, peu propice aux spectacles
d’envergure) et humaines (réticences des
comédiens français devant les audaces de
ses drames). Il alternera triomphes (Lucrèce
Borgia) et échecs (Le Roi s’amuse), avant
de décider, avec Alexandre Dumas, de créer
une salle dédiée au drame romantique : ce
sera le Théâtre de la Renaissance où il fera
donner, en 1838, Ruy Blas.
En 1843, l’échec des Burgraves l’affecte
4
MAISON DE L’ÉDUCATION
durement. Hugo désespère de parvenir à un
théâtre à la fois exigeant et populaire. Le
dramaturge, frappé en outre par le deuil de
Léopoldine qui meurt cette même année,
délaisse la scène.
Victor Hugo marquera son retour au
théâtre avec l’écriture, à partir de 1866, de
plusieurs pièces, dont la série du Théâtre
en liberté.
Pistes de travail
Approcher la dramaturgie hugolienne.
L’enseignant invitera les élèves à s’interroger
sur les pièces de Hugo : combien d’œuvres
écrites, jouées ; la composition des titres et
le genre des pièces (comédie, tragédie), les
pièces déterminantes et la raison de leur
importance. Les élèves pourront rédiger une
synthèse sur le théâtre de l’auteur qui leur
permettra de mieux lire et comprendre la
place d’Angelo, tyran de Padoue par rapport
à l’ensemble de l’œuvre hugolienne. On peut,
afin d’élargir la réflexion, établir un lien avec
le « théâtre dans un fauteuil » de Musset.
Le drame romantique
Le drame romantique a vécu une vingtaine
d’années dans la première moitié du
XIXe siècle. La jeunesse romantique est une
jeunesse fougueuse, qui ne se sent pas à
l’aise dans l’époque où elle vit. La jeunesse
romantique est donc à la recherche d’actes
héroïques. De même, elle refuse tout ce
qui est cher aux classiques, le théâtre
classique avec toutes ses règles et ses
contraintes.
Les jeunes romantiques redécouvrent
avec un plaisir certain le théâtre de
Shakespeare (1564-1616) qu’ils prennent
comme modèle. Shakespeare leur paraît
moderne pour plusieurs raisons : il a écrit
pour les « grands » (rois et courtisans)
et pour le peuple, et les personnages
appartiennent à ce qu’on appelle aujourd’hui
des milieux sociaux très différents. De plus,
Shakespeare varie les genres, enfreint les
règles classiques liées aux unités spatiotemporelles, et aucun aspect de la nature
humaine ne lui échappe.
On situe généralement la naissance du
genre avec le texte de Stendhal Racine et
Shakespeare (1823) : Stendhal y compare
le théâtre racinien et shakespearien afin
de montrer que le théâtre de Shakespeare
est supérieur. Stendhal demande aussi aux
dramaturges de renoncer à la versification.
La préface de Cromwell (1827) fait
également date.
Le drame romantique peut se définir
ainsi :
• Refus de la règle des trois unités.
Les romantiques veulent se libérer de la
forme et refusent la règle des trois unités
car elle étouffe le génie.
• Refus de la règle de bienséance.
Par souci de réalisme, les romantiques
veulent montrer sur scène ce qui
existe (meurtres, suicides, duels, etc. ;
Cf. Chatterton, Ruy Blas, Hernani et
Lorenzaccio).
• Recherche du mélange des genres, de la
diversité.
Les romantiques prétendent qu’on peut
écrire une pièce de théâtre en mélangeant
les tons, refusant ainsi qu’il n’y ait que
du tragique dans une tragédie, que du
comique dans une comédie, etc.
• Rejet du drame bourgeois.
Dans celui-ci, on est fidèle aux décors,
aux costumes, entre autres. pour imiter
la réalité. Les romantiques refusent
cette illusion de faire vrai au nom de
l’imagination, de l’expression du génie.
• Rejet du moralisme et du théâtre
manichéen conception dualiste du bien et
du mal.
Le drame bourgeois est, pour les
romantiques, un théâtre moralisateur (le
dénouement est toujours moral).
• Remplacement des personnages
stéréotypés des XVIIe et XVIIIe siècles par
des héros singuliers.
Le héros romantique est un individu
5
MAISON DE L’ÉDUCATION
original, qui évolue et dont le destin est
illustré par la pièce. Le héros romantique
est généralement un marginal, il incarne
le « mal du siècle ». La marginalité du
héros romantique peut être sociale (Ruy
Blas est un laquais amoureux d’une reine),
intellectuelle (Chatterton est un poète
incompris). Le héros romantique est porté
par ses désirs, ses défis mais il rencontre
la fatalité. Il est sacrifié par l’histoire et
meurt.
Victor Hugo veut instaurer un genre
qui s’affranchit des règles classiques : la
règle des trois unités, les bienséances et
les vraisemblances et enfin un registre
unique.
Si on examine Angelo, tyran de Padoue,
on constatera d’abord le non-respect
de l’unité de lieu. À chaque journée
correspond un lieu : un jardin illuminé la
nuit, la chambre richement décorée de
Catarina, l’intérieur d’une masure (première
partie), la chambre de Catarina (deuxième
partie), une chambre de nuit (troisième
partie). On dénombre cinq lieux donc mais
qui ont pour point commun de renvoyer au
lieu clos, à l’enfermement, au secret et à
la mort, à l’exception du jardin.
L’unité de temps n’est pas respectée non
plus : l’intrigue commence durant une nuit
et semble se prolonger sur toute la nuit
puisqu’une didascalie indique « Au fond,
au-dessus des arbres, la silhouette noire de
Padoue au XVIe siècle, sur un ciel clair. Vers
la fin de l’acte, le jour paraît ». Homodei
donne rendez-vous scène VI, Première
journée, à la Tisbe « la nuit prochaine ».
La seconde journée se tient donc la nuit
suivante, et la troisième journée commence
au matin p. 343 (III, 1) : « Ce matin, il y
a une heure, le Rodolfo t’a rencontrée près
du pont Altina, pas loin d’ici… ». Angelo
prépare dans l’acte IV, scène I la mort
de Catarina et sa sépulture : « Dans deux
heures, – dans deux heures, – vous y ferez
un service solennel ! ». Enfin, l’acte V se
déroule de nouveau de nuit : « La nuit
est très noire. La ville est déserte à cette
heure.» (V, 1). La pièce couvre donc trois
nuits et deux actes se déroulent le jour.
Parallèlement à ces remarques, on
notera un luxe tout particulier accordé
aux indices temporels. Dans la scène IV
de l’acte I, par exemple, Homodei se
montre très précis quant à la chronologie
de la romance entre Rodolfo et Catarina
(p. 302) : « il y a sept ans… vous aviez
vingt ans… il y a trois mois… Un soir, le
seizième jour de février… trois fois par
semaine… ; le mois passé… ».
L’unité d’action est la plus respectée
car l’histoire d’amour entre Catarina et
Rodolfo qui sert de fil conducteur à la
pièce rencontre la vengeance d’Homodei
et la jalousie mâtinée de reconnaissance
de la Tisbe.
On remarque aussi que la règle des
bienséances est malmenée : si Rodolfo tue
Homodei hors de scène, Catarina se donne
la mort sur scène en prenant un narcotique
qui simule la mort comme dans Roméo
et Juliette de Shakespeare. Cela rappelle
d’ailleurs la distance que Hugo veut établir
entre le drame romantique et le théâtre
classique ou le drame bourgeois.
Par ailleurs, Victor Hugo veut mêler les
genres du tragique et du comique. Rodolfo
pense donc que sa famille est marquée du
sceau d’une malédiction qui entraîne ceux
qui l’aiment à la mort. Ironie tragique :
alors qu’il pense avoir perdu Catarina, c’est
la Tisbe – qui l’aime aussi – qui meurt de
sa main. La dimension comique est plus
discrète dans le texte de la pièce que dans
la mise en scène de Christophe Honoré.
Elle est cependant, de la même manière,
assurée par les personnages d’Orfeo et
de Gaboardo. Ils sont « les dogues »,
véritables cerbères des enfers de Padoue.
Alors que leur seul nom devrait entraîner
l’effroi, ils font naître le rire par leur côté
pataud et leur bêtise.
Enfin, Rodolfo et Catarina sont
immédiatement identifiés comme des
6
MAISON DE L’ÉDUCATION
personnages romantiques. Ils ont cette
soif d’idéal qui les a rapprochés, cet amour
qui est resté pur malgré tout. Catarina
ne dénoncera pas Rodolfo et préfère se
sacrifier. Même Homodei et Angelo dans
une certaine mesure appartiennent, eux
aussi, aux personnages romantiques. Ils
sont à la fois tout puissants et malmenés
par leur pulsion et une entité plus forte
qu’eux : Venise. Ils aspirent à un amour
parfait mais se plongent dans les abîmes
plutôt que de renoncer à ce qu’ils veulent.
La Tisbe est sans doute le plus romantique
de tous ces personnages : animée par une
passion dévorante, liée par sa condition de
comédienne, à la fois jalouse et capable de
sauver sa rivale pour son amant. Elle fait
le don total d’elle-même : elle donne sa
vie, sauve Catarina de la mort et du joug
du podesta pour permettre à son amant
d’être heureux. Elle est l’image de la piéta
sacrifiée, sublime.
Pistes de travail
Comprendre un mouvement littéraire et
artistique. On mettra en regard le drame
romantique avec les autres œuvres étudiées
appartenant au romantisme – on dégagera
en ce cas les caractéristiques de ce mouvement – ou à d’autres œuvres d’autres
mouvements (rationalisme, classicisme…).
Dans le dernier cas, on verra plutôt comment les mouvements littéraires ou artistiques naissent par opposition et/ou
dans la continuité d’autres mouvements.
Repérer les caractéristiques du drame romantique dans l’œuvre de Victor Hugo.
Ce travail peut être considéré comme un
exercice d’application. On peut donner aux
élèves la liste des caractéristiques du drame
romantique présentées p. 5 du présent dossier, et leur demander de trouver dans l’œuvre
hugolienne les éléments qui correspondent
à la définition du drame romantique. Ils
pourront rédiger un paragraphe autour de la
question : « Dans quelle mesure Angelo, tyran
de Padoue, est-il un drame romantique ? ».
II. Angelo,
tyran de Padoue
La genèse
Raymond Pouilliart annote l’édition
Garnier-Flammarion et propose une genèse
à Angelo, tyran de Padoue p. 277 : « une
des feuilles de feuilles paginées, écrite en
1830, porte la mention suivante :  Sabina
Muchental – le même homme aimé par
deux filles, une courtisane et une dévote ».
À ce point de départ assez ténu, Raymond
Pouilliart rappelle la vogue de Venise chez
les romantiques et l’admiration que porte
Victor Hugo à Shakespeare. Othello de
Shakespeare se déroule à Venise, la mort
de Roméo est provoquée par la fausse mort
de Juliette comme la mort de la Tisbe est
provoquée par la fausse mort de Catarina.
Une œuvre de Musset, publiée autour de
1833, a pu influencer Hugo : dans André
del Santo, l’artiste se suicide pour laisser
vivre heureux son rival et la femme qu’il
aime comme la Tisbe se laisse tuer pour
laisser Rodolfo et Catarina.
Victor Hugo trouvera dans L’histoire de la
République de Venise de Daru, publiée en
1819 et rééditée en 1821-1826, le cadre
général de son action et les renseignements
sur les doges.
Si le premier titre – Padoue en 1549 –
plaçait au centre de la pièce le passé de
la ville et une intrigue politique, le titre
définitif Angelo, tyran de Padoue déplace
l’intrigue vers l’homme qui incarne le
pouvoir.
L’écrivain rédige rapidement comme à
son habitude : l’acte I est commencé le
2 février 1834, achevé le 5 ; l’acte II est
abordé le même jour. L’œuvre est achevée
le 19. Soit un peu plus d’une quinzaine de
jours.
7
MAISON DE L’ÉDUCATION
Construction de la pièce
La pièce se subdivise en journées et non
en actes comme dans Marie Tudor, ce
qui reprend la tradition espagnole de la
Renaissance (Lope de Vega, Calderon de
la Barca). Ce choix peut s’expliquer soit
par le désir d’employer une autre division
scénique que celle du théâtre français
classique, soit parce que la troisième
journée se composant de plusieurs parties
aurait été trop importante pour constituer
un seul acte. Cependant, on peut remarquer
que les trois parties de la troisième journée
et les deux premières journées reviennent
aux cinq actes traditionnels. Victor Hugo
lui-même parle d’acte dans ces didascalies :
« Vers la fin de l’acte, le jour paraît » (I, 1).
Comme pour ses autres drames, Hugo
donne un titre à chaque partie mais pour
Angelo, tyran de Padoue ces titres renvoient
à des objets et non des personnages : la
clef pour la première journée, le crucifix
pour la seconde et Le Blanc pour le Noir
pour la troisième journée.
La clef est « un petit bijou en or
artistiquement travaillé » p. 306, « c’est
ciselé par Benvenuto » p. 308. Elle est la
propriété d’Angelo, le Podesta. Elle sera
remise par Angelo à la Tisbe en présent.
Elle la lui réclamera comme un caprice, un
don d’amour alors que c’est Homodei qui
l’a en réalité invitée à la réclamer. Cette
clef ouvrira des portes dans le palais du
Podesta.
Le crucifix est évoqué dès la première
scène de la première journée par la Tisbe.
Il a appartenu à sa mère qui l’a offert à
la jeune fille qui l’a sauvée de l’échafaud.
Désormais, la Tisbe recherche la jeune
fille au crucifix pour lui témoigner sa
reconnaissance. Cette rencontre aura
lieu durant la seconde journée, la jeune
fille, devenue femme, n’étant autre que
Catarina, la rivale de la Tisbe.
Quant au titre de la troisième journée,
Le blanc et le noir, il est, lui aussi,
explicité dès la première scène. Il renvoie
à un présent du primicier de Saint-Marc. Il
s’agit d’« une boîte qui contient simplement
deux flacons ; un blanc, l’autre noir. Dans
le blanc, il y a un narcotique très puissant
qui endort pour douze heures d’un sommeil
pareil à la mort ; dans le noir, il y a du
poison, de ce terrible poison que Malapisna
fit prendre au Pape dans une pilule d’aloès »
p. 294.
8
MAISON DE L’ÉDUCATION
On analysera la construction de la pièce et la distribution des personnages ainsi (les
personnages présents mais muets sont signalés par une croix en caractère gras) :
Première journée : La clef
Personnages
1
Angelo
X
La Tisbe
X
Rodolfo
Homodei
X
Anafesto
Contenu
Personnages
La Tisbe rappelle au
podesta qu’elle ne lui
appartient pas même si
tout le monde le croit.
Elle évoque le passé de
sa mère, les présents du
primicier de Saint-Marc
(le s poisons, un homme
Homodei). Elle rassure
la jalousie de son amant
en présentant Rodolfo
comme son frère.
5
2
3
4
X
X
X
X
X
X
X à la fin
X
X
La Tisbe révèle son
véritable amour :
l’homme qu’elle
présente comme son
frère est son amant.
6
Angelo
Rodolfo avoue qu’il
n’aime pas La Tisbe. Il
porte en lui un secret.
7
Homodei profite de la
solitude de Rodolfo
pour lui parler. Il sait
tout de lui : la famille
de Rodolfo est bannie
de Padoue depuis 200
ans. Il y a sept ans, à
Venise, Rodolfo est
tombé amoureux d’une
femme noble qu’on a
mariée malgré elle. Ils se
sont retrouvés il y a cinq
semaines. Mais elle est
enfermée par son mari.
Rodolfo ne connaît que
son prénom : Catarina.
8
X
La Tisbe
X
Rodolfo
X
Homodei
X
X
X
X
X
Anafesto
Contenu
La Tisbe rappelle son
amour à Rodolfo.
La Tisbe déclare à
Homodei dit à la Tisbe
qu’il l’aidera à retrouver Angelo qu’elle l’aime et
lui demande la clef.
Rodolfo à un rendezvous galant ; il lui
conseille de demander la
clef du podesta.
Homodei donne rendezvous à la Tisbe la nuit
suivante, à deux heures,
dans le palais.
La première scène met en place les principaux éléments qui vont permettre l’intrigue
et sa résolution : le passé de la Tisbe, sa vie qu’elle est prête à donner à celle qui a aidé
sa mère, les poisons et l’amour jaloux d’Angelo. Homodei est présenté comme un « idiot »
p. 294. Plus tard, on comprend qu’Angelo aime la Tisbe qui aime Rodolfo qui ne l’aime
pas. Il aime une mystérieuse Catarina dont il ignore l’identité. Homodei se révèle un ange
9
MAISON DE L’ÉDUCATION
du mal : il va permettre à Rodolfo de retrouver sa bien-aimée mais il donne aussi rendezvous au palais à la jalouse Tisbe. Le seul personnage inconnu est Catarina. On ignore
aussi le rôle exact d’Homodei. Pourquoi ourdit-il dans l’ombre toutes ces manigances ?
Deuxième journée : le crucifix
Personnages
1
2
3
Angelo
Catarina
X
La Tisbe
Rodolfo
X
Homodei
X à la fin
Reginella
X
Dafne
X
Contenu
Personnages
X
X
Homodei surprend les servantes
et s’enquiert des différentes
portes. Il les renvoie et fait
entrer un homme.
C’est Rodolfo qui entre.
Homodei lui révèle qu’il est
dans la chambre de la femme
du podesta qui est Catarina. En
partant, il pose une lettre.
Rodolfo est caché sur le balcon.
Catarina revient de l’oratoire.
Elle se languit de son amant
qu’elle n’a pas vu depuis cinq
semaines.
4
5
6
Angelo
Catarina
X
X
La Tisbe
Rodolfo
X
X
X
X
X
X
Homodei
Reginella
Dafne
Contenu
Retrouvailles des amants,
étreintes. Catarina trouve
la lettre qui parle d’une
vengeance. Catarina a éconduit
un sbire, espion du conseil
des Dix. Les amants peuvent
tout craindre. Des lumières
s’approchent.. Rodofo se cache
dans l’oratoire.
Tisbe, pour sauver Catarina,
Tisbe entre, accuse Catarina
d’amour adultère. Elle veut aller dit qu’elle vient de déjouer un
dans l’oratoire ce que lui refuse complot contre le podesta.
Catarina. Tisbe appelle Angelo.
Catarina se met à prier devant
le crucifix que Tisbe reconnaît
immédiatement comme celui de
sa mère. Angelo entre.
Alors que tout semble perdu (scène V) avec l’arrivée de la Tisbe et d’Angelo, on assiste
à un renversement de situation puisque la rivale, la Tisbe, sauve Catarina. La rivale
jalouse devient l’alliée fidèle car redevable. La scène IV est une des deux scènes d’amour
entre Catarina et Rodolfo.
10
MAISON DE L’ÉDUCATION
Troisième journée : Le blanc et le noir
Première partie
Personnages
1
2
3
Homodei
X
X
X
Ordelafo
X
X
Orfeo
X à la fin
X
Gaboardo
X à la fin
X
Reginella
X
Contenu
Homodei discute avec son ami
et espion du conseil des Dix de
l’échec de son plan. Il n’a pu se
venger du dédain de Catarina. Il
veut intercepter Reginella avec
l’aide de son complice.
Homodei récupère une lettre de
Rodolfo pour Catarina, remise à
Reginella, mais la lettre est non
signée. Il sort mais est attaqué
par Rodolfo. Homodéi rentre
dans la masure, blessé, porté
par Gaboardo.
Homodei meurt et donne ses
instructions aux deux sbires :
ils doivent donner la lettre
de Rodolfo au podesta en
lui révélant que sa femme
le trompe. Les exécutants
comprennent mal le nom de
l’amant.
L’intrigue est relancée doublement à la fois par la mort de Homodei et par la lettre
d’amour qui peut dénoncer Rodolfo.
Deuxième partie
Personnages
1
Angelo
X
Deux prêtres
X
Le doyen
X
L’archiprêtre
X
La Tisbe
X à la fin
2
X
3
4
X
X
X
Catarina
X
Rodolfo
Orfeo
Gaboardo
Contenu
Angelo demande que
l’on prépare tout pour
un office funèbre : celui
d’une femme.
Tisbe s’inquiète de sa
présence dans le palais.
Angelo confie à Tisbe
que sa femme a un
amant dont il a une
lettre mais il en ignore
le nom. Il veut décapiter
sa femme. Tisbe lui
propose son poison.
Angelo annonce à sa
femme qu’elle va mourir
sauf si elle avoue le nom
de l’homme qui a écrit la
lettre.
11
MAISON DE L’ÉDUCATION
Personnages
5
6
7
8
Angelo
X
Deux prêtres
Le doyen
L’archiprêtre
La Tisbe
Catarina
X
X
X
Rodolfo
X
X
X
Orfeo
Gaboardo
Contenu
Personnages
Catarina est éperdue.
9
Angelo
Rodolfo vient, inquiet de Catarina toujours
inquiète.
l’ambiance de Padoue.
Catarina le rassure : tout
va bien.
Catarina se défend et
refuse de prendre le
poison. Angelo se résout
à la décapiter.
10
11
X
X
X
Deux prêtres
Le doyen
L’archiprêtre
La Tisbe
X
X
Catarina
X
X
Rodolfo
Orfeo
X
Gaboardo
X
Contenu
Catarina boit le poison et part
À demi-mot, Tisbe explique à
dans l’oratoire.
Catarina qu’elle est aimée et
qu’elle doit se résoudre au poison
sans crainte.
Angelo ordonne qu’on enterre sa
femme. Tisbe promet de l’argent
aux exécutants s’ils lui obéissent.
C’est une partie particulièrement dramatique puisque l’on assiste au suicide forcé de
Catarina. C’est aussi une partie dans laquelle la Tisbe joue un double jeu : elle gagne la
confiance d’Angelo et tente de sauver Catarina.
12
MAISON DE L’ÉDUCATION
Troisième partie
Personnages
1
2
3
Angelo
X
La Tisbe
X
Orfeo
X
Gaboardo
X
Catarina
X
Un page noir
Contenu
X
X
X
X
X
La Tisbe a fait croire que le corps La Tisbe évoque le bonheur futur
de Catarina était enseveli puis elle de Catarina.
l’a fait déplacer.
Rodolfo survient, refuse d’écouter
Tisbe, persuadé qu’elle a aidé le
tyran à empoisonner Catarina.
Tisbe, anéantie par sa pitié,
cherche la vengeance de Rodolfo
et se fait tuer par le bras qu’elle
aime. Au même moment,
Catarina se réveille. Tisbe lui avait
donné le poison qui endort. Tisbe
les bénit en expirant.
C’est la partie du dénouement : la Tisbe va jusqu’au bout de son dévouement puisqu’elle
provoque Rodolfo pour qu’il la tue. Elle ne lui dit pas qu’elle a sauvé Catarina. Quand
Rodolfo avoue ne l’avoir jamais aimée, p. 376, elle réplique : « C’est ce mot-là qui me
tue, malheureux ! ». Elle ira même jusqu’au mensonge en disant p. 379 : « Ah ! Tu es sans
pitié ! Tu me brises le cœur ! Eh bien, oui, oui ! Je la hais, cette femme ! Entends-tu, je la
hais ! Oui, on t’a dit vrai, je me suis vengée, je l’ai empoisonnée, je l’ai tuée ! ». Elle signe
par ces paroles son propre arrêt de mort.
Il est à noter que cette division en journées et en parties pour la troisième partie
disparaît lors de la représentation. Le spectateur ne percevra que la division en 5 actes,
assez classique.
Pistes de travail
Se familiariser avec une œuvre dramatique. Afin que les élèves s’approprient
l’œuvre le mieux possible ­– construction
et personnages –, on peut leur demander
de préparer un tableau sur le modèle de
celui qui précède. C’est un moyen de visualiser l’importance des personnages
principaux, leur présence sur scène…
Les personnages principaux
Angelo
C’est le personnage éponyme de la pièce. Le
titre le présente comme un tyran, celui de
Padoue. C’est Angelo Malipieri, le podesta.
la Tisbe présente le personnage ainsi :
« Oui, vous êtes le maître ici, Monseigneur,
vous êtes le magnifique podesta, vous avez
droit de vie et de mort, toute puissance,
toute liberté. ». Cependant dès la première
réplique, l’image se délite : le podesta
prétend être le maître de la Tisbe, seulement
elle se refuse à lui, elle ne lui appartient
pas. Un peu plus loin dans la même scène,
Angelo rappelle ce paradoxe qui l’entoure
p. 294 : « Je suis seigneur, despote et
souverain de cette ville ; je suis le podesta
que Venise met sur Padoue, la griffe du tigre
sur la brebis » mais en même temps « il y
a au-dessus de moi, voyez-vous, une chose
grande et terrible et pleine de ténèbres ; il
13
MAISON DE L’ÉDUCATION
y a Venise. Et savez-vous ce que c’est que
Venise, pauvre Tisbe ? Venise, je vais vous
le dire, c’est l’inquisition d’état, le conseil
des dix : des hommes que pas un de nous ne
connaît et qui nous connaissent tous, des
hommes qui ne sont présents dans aucune
cérémonie et qui sont visibles dans tous les
échafauds (...) Je suis sur Padoue mais ceci
est sur moi (...) J’ai mission de dompter
Padoue, il m’est ordonné d’être terrible. Je
ne suis despote qu’à condition d’être tyran.
Ne me demande jamais la grâce de qui que
ce soit à moi qui ne sais rien te refuser… Tu
me perdrais. Tout m’est permis pour punir,
rien pour pardonner ; c’est ainsi : tyran de
Padoue, esclave de Venise. Oui Tisbe, je
suis l’outil avec lequel un peuple torture un
autre peuple ; ces outils-là s’usent vite et
se cassent souvent ». Angelo avoue à cette
femme qui lui résiste, sa faiblesse et ses
craintes. C’est sans doute cette faille qui
lui confère une certaine grandeur et qui
le rend parfois pathétique. Il en appelle
d’ailleurs à la compassion de la Tisbe :
« C’est une sombre et sévère condition que
la mienne, madame, d’être là, penché sur
cette fournaise ardente que vous nommez
Padoue, le visage toujours couvert d’un
masque, faisant ma besogne de tyran,
entouré de chances, de précautions, de
terreurs, redoutant sans cesse quelque
explosion, et tremblant à chaque instant
d’être tué roide par mon œuvre comme
l’alchimiste par son poison ! – Plaignezmoi, et ne me demandez pas pourquoi je
tremble, madame ! » (p. 296).
On remarque un autre paradoxe chez ce
tyran : alors qu’il se montre assez lucide
quant à sa situation vis-à-vis de Venise,
alors qu’il est méfiant de tous et de tout,
il croit la Tisbe sans vérifier ses dires tout
au long de la pièce. Il croit que Rodolfo
est le frère de Tisbe et ce jusqu’à la fin de
la pièce. Il l’appellera ainsi : « C’est votre
frère. Je vous laisse avec lui » (p. 297) ou
« j’ai donné l’ordre que personne ne pût
entrer aujourd’hui librement dans le palais,
hors vous, et votre frère dont vous pourriez
avoir besoin » (p. 353). Peut-être la croitil car elle ne lui a jamais dit qu’elle l’aimait
et qu’il y voit une marque d’honnêteté.
L’autre trait qui le caractérise est
la jalousie : jaloux de Tisbe autant que
de sa femme qu’il n’aime pourtant pas.
Cette jalousie qu’il reconnaît est presque
maladive : il veut être le maître absolu. Il
ne supporte pas que la Tisbe soit vue par
d’autres, il ne supporte pas que sa femme
ne soit pas à sa merci. Aussi l’enferme-t-il
bien avant qu’il n’imagine ses relations
amoureuses avec Rodolfo.
Il est capable d’une grande cruauté et ne
cille pas quand il prépare l’office funèbre
d’« une femme », sa femme, qu’il est prêt
à faire décapiter. Dans l’acte IV, scène III,
il avoue à la Tisbe : « Je la hais, cette
femme ! Une femme à laquelle je me suis
laissé marier pour des raisons de famille,
parce que mes affaires s’étaient dérangées
dans les ambassades, pour complaire à mon
oncle l’évêque de Castello, une femme qui
a toujours eu le visage triste et opprimé
devant moi ! ». Il répond très froidement à
Catarina qui lui demande à quoi elle doit
se préparer : « À mourir ». Une didascalie
parle même d’un billot couvert d’un drap
noir et d’une hache, le tout posé sur le
lit de Catarina alors qu’elle a quelques
minutes pour réfléchir (IV, 5).
la Tisbe
Elle se présente comme « une pauvre
comédienne de théâtre », « une fille du
peuple ». L’évocation de son enfance et
le personnage de sa mère font penser à
Cosette et Fantine mais aussi à Esméralda
et sa mère, la recluse du trou aux rats. Les
personnages des Misérables renvoient à la
même misère sociale que celle de Tisbe
« pauvre enfant, faible, nu, misérable,
affamé ». On reconnaît aussi un même
amour maternel chez Fantine et chez la
mère de Tisbe « un ange qui est là, qui vous
regarde, qui vous apprend à parler, qui vous
apprend à rire, qui vous apprend à aimer ! »
14
MAISON DE L’ÉDUCATION
(p. 291). Les personnages de Notre-Dame
de Paris eux rappellent l’objet qui lie la
mère et l’enfant, un crucifix dans Angelo
et un soulier brodé dans Notre-Dame. Dans
ces deux œuvres, l’objet est un souvenir de
la mère, une marque d’identité. Il assure
la reconnaissance de la mère dans un cas
et la reconnaissance de la « sauveuse »
maternelle dans l’autre cas. Les filles sont
toutes des filles sans père.
Elle est courtisée par les plus grands
mais murmure à Rodolfo qu’il est le seul
qu’elle ait jamais aimé, le premier.
C’est un personnage libre, entier. Elle est
prête à donner sa vie à la femme qui a
sauvé sa mère (p. 293) comme elle est
prête à tuer qui la trompera. À l’acte I,
scène II, elle donne des leçons de jalousie
à Angelo en expliquant : « Quand on est
jaloux, monseigneur, on ne voit pas Venise,
on ne voit pas le conseil des Dix, on ne
voit pas les sbires, les espions, le canal
Orfano ; on n’a plus qu’une chose devant
les yeux, sa jalousie ; […] ne me donne
jamais une rivale ! Je la tuerais. ». Rien
ne l’arrêtera. Elle feint de se moquer des
propos d’Homodei lui révélant l’infidélité
de Rodolfo, mais les paroles empoisonnées
feront leur chemin et elle demandera la
clé au podesta pour savoir. Elle oubliera
sa « rage » en découvrant le crucifix. Elle
décide vite, sans état d’âme : à partir du
moment où Catarina est identifiée, la Tisbe
choisit de la sauver. La décision est prise,
mûrie dans le bref instant qui sépare la
découverte du crucifix et l’arrivée du
podesta.
Désormais, elle sera l’alliée de Catarina et
sa rivale. Elle se sacrifiera pour l’amour
de son amant. Elle est l’image sublime
de la fille du peuple qui devient grande
par sa grandeur d’âme. C’est elle qui porte
les derniers mots de la pièce : « Tu diras :
Eh bien, après tout, c’était une bonne
fille, cette pauvre Tisbe. Oh ! Cela me fera
tressaillir dans mon tombeau ! Adieu !
Madame, permettez-moi de lui dire encore
une fois mon Rodolfo ! Adieu, mon Rodolfo !
Partez vite à présent. Je meurs. Vivez. Je te
bénis ! ».
Catarina
C’est une jeune femme d’origine vénitienne,
noble, de vingt-deux ans. Très jeune, elle
manifeste un penchant naturel à faire le
bien. C’est elle que décrit Tisbe à l’acte I,
scène I : « Une jeune fille […] qui s’émut
de pitié tout d’un coup. Une belle jeune
fille, monseigneur. La pauvre enfant ! Elle
se jeta aux pieds du sénateur, elle pleura
tant, et des larmes si suppliantes et avec
de si beaux yeux, qu’elle obtint la grâce
de ma mère ». Elle est la figure de l’ange
salvateur, celle qui reste pure malgré tout,
contre tout : « Elle est restée fidèle à son
amour et à son honneur, à vous et à son
mari », résumera Homodei (I, 4).
Pourtant elle se montre décidée car c’est
elle qui organise la rencontre avec Rodolfo
à Padoue, bravant son mari : « Une femme
voilée a passé près de vous sur le pont
Molino, vous a pris la main, et vous a mené
dans la rue Sampiero. Dans cette rue sont
les ruines de l’ancien palais Magaruffi,
démoli par votre ancêtre Ezzelin III, dans
ces ruines, il y a une cabane ; dans cette
cabane, vous avez retrouvé la femme
de Venise ». C’est elle encore qui osera
réclamer un baiser (IV, 6).
Elle s’entoure d’un mystère charmeur
en refusant de révéler son nom. Rodolfo
n’a pas su le nom de son père ni de son
époux, il n’a qu’un prénom.
Elle saura tenir tête à son mari en refusant
de lui livrer le nom de l’homme qui lui
a écrit, prête à sacrifier sa vie et en lui
clamant sa pureté jusqu’au bout (IV, 9).
Elle tient tête encore à Rodolfo dans la
mesure où elle le rassure et le renvoie :
« Allons ! Maintenant, vous m’avez parlé,
vous m’avez vue, vous êtes rassuré, vous
voyez que, si la ville est en rumeur, tout est
tranquille ici, partez, mon Rodolfo, au nom
du ciel ! » (IV, 6).
Le seul personnage qu’elle comprend
15
MAISON DE L’ÉDUCATION
mal est la Tisbe, elle implore sa pitié (II,
5), reste perplexe face à sa mansuétude
(II, 6).
Elle incarne la victime du tyran,
l’opprimée mariée malgré elle à un homme
qu’elle n’aime pas et qui ne l’aime pas. Elle
est celle qui reste pure malgré tout.
Rodolfo
Sa véritable identité est Ezzelino da
Romana. Il est d’une « ancienne famille qui
a régné à Padoue et qui est bannie depuis
deux cents ans » comme le révèle Homodéi
à la page 302. Il est donc proscrit de
Padoue et est obligé de se cacher pour y
rester. Il est âgé de 27 ans. C’est la Tisbe
qui a permis son entrée dans Padoue, ville
dans laquelle il a retrouvé Catarina, jeune
fille dont il est tombé amoureux à Venise
sept ans auparavant. L’union avec Catarina
était impensable vu la naissance de la
jeune fille.
Rodolfo est un homme éperdument
amoureux, il a tenté d’oublier Catarina
en se perdant dans les plaisirs, les folies,
les vices et les femmes mais nulle n’a eu
le pouvoir de lui faire oublier cet amour
de jeunesse. Il est tourmenté comme un
personnage romantique, se veut entouré
de malédictions (p. 304) « Prenez garde
Tisbe, ma famille est une famille fatale. Il
y a sur nous une prédiction, une destinée
qui s’accomplit presque inévitablement de
père en fils. Nous tuons qui nous aime ».
Il est un des personnages qui entraîne le
registre tragique un peu malgré lui.
Il est emporté par la Tisbe et son
amour, il n’organise rien des rencontres
avec sa bien aimée. Tantôt c’est Homodei
qui organise le rendez-vous nocturne,
tantôt c’est Catarina elle-même. Rodolfo
subit dans l’ensemble les intrigues comme
il a subi le mariage de sa belle, sept ans
auparavant.
Le seul acte dont il est l’instigateur est
l’assassinat d’Homodei dans la scène II de
la première partie, Troisième journée (III,
1). Même quand il tue la Tisbe dans la
dernière scène, il ne fait qu’accomplir ce
que la comédienne a décidé.
Homodei
Il semble être inoffensif quand la Tisbe le
présente comme « mon pauvre Homodéi »
(p. 293), « c’est un joueur de guitare que
monsieur le primicier de Saint-Marc qui est
un de mes amis m’a adressé dernièrement »
(p. 293), « un idiot ! Un homme qui dort »
(p. 294). Lui-même se caractérise ainsi
devant Rodolfo (p. 304) : « Qui je suis ?
Un idiot ». Il se révèle progressivement
aux différents personnages soit en leur
faisant le récit de tous leurs secrets
comme avec Rodolfo (I, 4) soit par des
devinettes avec Tisbe : « L’idiot est un
esprit, l’homme qui dort est un chat qui
guette. Œil fermé, oreille ouverte. » (I, 6),
soit encore par lettre avec Catarina : « Il y
a des gens qui s’enivrent du vin de Chypre.
Il y en a d’autres qui ne jouissent que d’une
vengeance raffinée. Madame, un sbire qui
aime est bien petit, un sbire qui se venge
est bien grand. » (II, 4). C’est l’homme de
l’ombre, celui qui manigance et organise
les destins des uns et des autres.
En réalité, c’est un « espion du conseil
des Dix » (II, 4). Il devrait être dangereux
pour Angelo mais agit plus en amant
éconduit qu’en homme politique.
Il n’est pourtant pas libre non plus
puisqu’il explique : « Tu sais aussi bien que
moi que l’illustrissime conseil des Dix nous
interdit à tous autant que nous sommes,
aussi bien à moi qu’à toi, d’avoir quelque
rapport que ce soit avec le podesta, jusqu’au
jour où nous sommes chargés de l’arrêter.
Tu sais fort bien que je ne peux ni parler au
podesta, ni lui écrire, sous peine de la vie,
et que je suis surveillé.» (III, 1) Il est donc
comme Angelo un être qui est craint de
tous, qui semble tout puissant et qui en
réalité se sait espionné, en sursis.
Dès la scène IV de la première journée,
il sort de sa torpeur feinte pour devenir un
stratège.
C’est un jaloux comme Angelo et la
16
MAISON DE L’ÉDUCATION
Tisbe. Il est comparable à Angelo dans la
mesure où il est prêt à tout pour se venger
hors désobéir à Venise.
C’est lui qui fait avancer l’intrigue en
organisant le double rendez-vous dans la
chambre de Catarina puis en faisant porter
la lettre de Rodolfo à Angelo.
Il tombe, tué par un homme qu’il a sousestimé. Sa vengeance sera inachevée.
Orféo et Gabaordo
Ils apparaissent à l’acte III et sont les
habitants de la « masure ». Cette demeure
isolée qui donne sur la Brenta est le lieu
idéal pour faire disparaître un gêneur, les
« deux espèces de dogues à face humaine »
sont à l’image du lieu qu’ils occupent.
Ils assurent « les exécutions de nuit, les
disparitions de corps, tout ce courant
d’affaires secrètes qui suit les eaux de la
Brenta ».
Ordelafo, espion des Dix comme
Homodei, les traite comme des chiens (III,
2) : « Va coucher ! ».
Les deux hommes se comportent
comme des voleurs un peu niais et
rustres. Lorsque Homodei revient blessé
mortellement, Orfeo propose de le secouer
un peu ; quand l’espion demande quelque
chose pour écrire, Orféo répond : « Écrire !
Qu’est-ce que cela ? ».
Les deux individus ont un seul propos
équivoque : « c’est un jeune gentilhomme
qui l’a tué, et qui s’en est allé à grands pas
quand je suis arrivé. Un beau jeune homme,
ma foi ». C’est sans doute ce qui a donné
l’idée à Christophe Honoré de la relation
homosexuelle entre ces deux « dogues ».
Leur rôle est assez court dans la pièce
de Hugo, ils réapparaissent à la fin de
l’acte IV pour aider Tisbe à subtiliser le
corps inerte de Catarina.
Reginella et Dafné
Elles sont l’archétype des servantes : fidèles
à Catarina, bavardes voire commères. Elles
commentent les affaires du palais comme
à l’acte II, scène I : « C’est certain. C’est
Troïlo, l’huissier de nuit, qui me l’a conté.
La chose s’est passée tout récemment, au
dernier voyage que Madame a fait à Venise
[…]. Madame l’a fait chasser, et a bien
fait ». Reginella est terrorisée par Homodei,
elle ne peut que répondre sagement aux
questions posées : « Oui, monseigneur
[…] Non, monseigneur ». Quant à Dafné,
elle ne voit pas Homodei dans la pièce
de Hugo, elle reste avec sa maîtresse et
assure le rôle de confidente, traditionnel
au théâtre. Les deux personnages sont peu
importants ici et sans aucune profondeur
psychologique.
Le thème majeur
La condition féminine semble bien être
au cœur de la pièce. C’est un des thèmes
abordés par Victor Hugo dans un de ces
quatre grands discours, prononcé lors
des obsèques de George Sand, le 10 juin
1876. Il écrit : « Dans ce siècle qui a
pour loi d’achever la révolution française
et de commencer la révolution humaine,
l’égalité des sexes faisant partie de l’égalité
des hommes, une grande femme était
nécessaire. Il fallait que la femme prouvât
qu’elle peut avoir tous les dons virils sans
rien perdre de ses dons angéliques ; être
forte sans cesser d’être douce. George Sand
est cette preuve. […] George Sand meurt,
mais elle nous lègue le droit de la femme
puisant son évidence dans le génie de la
femme. »
Angelo, tyran de Padoue étudie donc
deux femmes de milieux différents face
aux hommes. Qu’il s’agisse de la noble
vénitienne ou de la pauvre comédienne, le
destin des femmes semble soumis au bon
vouloir des hommes. Catarina et la Tisbe
restent des objets de désirs. Catarina est
désirée de Homodei tout comme la Tisbe
est désirée par Angelo. Dans un cas, le
désir éconduit entraîne la vengeance, dans
l’autre, il accorde une certaine liberté et
une forme de pouvoir à la Tisbe. Malgré
cela, la Tisbe n’a aucune illusion. Aussi,
quand elle parle de la jeune fille qui a
17
MAISON DE L’ÉDUCATION
sauvé sa mère, s’écrie-t-elle : « Je voudrais
revoir cette enfant, cet ange qui a sauvé ma
mère. Qui sait ? Elle est femme maintenant,
et, par conséquent malheureuse. ».
Les hommes sont tous des tyrans en
puissance. Dans l’acte IV, scène VIII,
Catarina s’adresse à Angelo en ces termes :
« Vous ne m’aimez pas. Vous êtes jaloux
cependant. Vous me tenez en prison. Vous,
vous avez des maîtresses, cela vous est
permis. Tout est permis aux hommes. » Elle
rappelle en quelques mots que la femme ne
choisit pas son époux, que bien souvent
elle est mariée par intérêt, qu’enfin elle
n’a que des devoirs et aucun droit. Tout
est dit.
Sur la photo ci-dessous, Catarina en
blanc tient la Tisbe tout en noir dans ses
bras : les rivalités tombent (V, 3), les deux
femmes se retrouvent unies dans le
dénouement.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
La pièce montre pourtant que les
femmes parviennent à bafouer ces lois
inhumaines puisque c’est l’amour qui
l’emporte : Rodolfo retrouve sa Catarina.
Pistes de travail
Élargir l’étude d’un thème. On peut donner aux élèves à lire des extraits d’Histoire
de ma vie de George Sand, de Mémoires
d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir, de Stupeur et tremblements d’Amélie
Nothomb ou encore de la bande dessinée
Persépolis de Marjane Satrapi. On peut ainsi
évoquer la condition féminine à travers
les époques et les pays. On peut constituer un groupement de textes sur ce thème
et sur l’objet d’étude du biographique.
Le décor historique
Victor Hugo choisit donc Padoue comme
lieu de l’intrigue et derrière Padoue, c’est
la puissance de Venise qu’il représente.
Padoue est « une silhouette noire » au
XVIe siècle. On ne la perçoit que par ses
palais, celui « d’Albert de Baon, rue santoUrbano », celui du « podesta », « le palais
Magaruffi » – lieu des rendez-vous amoureux
de Catarina et Rodolfo, ses galeries, ses
portes dérobées, son fleuve, « La Brenta»,
qui peut faire disparaître des gêneurs,
sa salle secrète et ses caveaux. Tout est
synonyme de mystères et d’intrigues.
Victor
Hugo,
attaqué
sur
l’invraisemblance de ce décor et de ses
secrets, s’en défendait ainsi dans sa
préface de 1837 : « Or voici ce qu’on lit
dans Amelot,  Histoire du gouvernement de
Venise, t. I, p. 245 : Les Inquisiteurs d’État
font des visites nocturnes dans le palais de
Saint Marc, où ils entrent et d’où ils sortent
par des endroits secrets dont ils ont la clef ;
et il est aussi dangereux de les voir que d’en
être vu. Ils iraient, s’ils voulaient, jusqu’au
lit du doge, entreraient dans son cabinet,
ouvriraient ses cassettes, et feraient son
inventaire, sans que lui ni toute sa famille
osât témoigner de s’en apercevoir ».
La puissance de Venise fascine les
romantiques comme elle avait fasciné
Shakespeare en son temps.
18
MAISON DE L’ÉDUCATION
Si l’on se rappelle brièvement les faits :
à partir de 1405 et, excepté une brève
coupure à l’époque de la guerre de la
Ligue de Cambrai, jusqu’en 1797, Padoue
fut sous la domination vénitienne. Venise
y avait deux représentants, l’un civil, le
podesta, l’autre militaire le capitaine.
La ville conservait néanmoins ses lois
datant de 1276 et 1362. Elle avait deux
chambellans et déléguait tous les cinq
ans un représentant noble à Venise pour y
représenter ses intérêts.
Quant au conseil des Dix, représenté par
son espion Homodei, c’est un organe de
la haute police, chargé de protéger l’État.
Les dix chargeaient trois mandataires
d’informer sur la divulgation des secrets
d’État.
III. Les transformations
du texte
Le désir de modernisation
Christophe Honoré, tout en restant très
fidèle au texte de Hugo, a eu le désir de
moderniser la pièce tant par la mise en
scène que par quelques transformations du
texte lui-même.
On peut relever des tutoiements
beaucoup plus nombreux même entre
deux personnages de classe noble comme
Angelo et Catarina ou Catarina et Rodolfo
ou encore la Tisbe et Angelo. On sort des
convenances sociales du XIXe siècle. Dafné
vouvoiera Homodei tandis qu’il la tutoiera
plus traditionnellement.
Certains mots sont remplacés par
d’autres plus modernes : une badine
devient une prostituée ; des bandes
d’archers des bandes armées ; les épées
des armes ; les flambeaux des lampes.
Cela permet un contexte plus atemporel.
Christophe Honoré a aussi supprimé le « Je
te bénis » final de la Tisbe qu’il a peut-être
jugé désuet. Les personnages religieux,
le doyen de Saint-Antoine de Padoue et
l’archiprêtre sont évacués eux aussi. Le
seul élément religieux de la pièce reste le
crucifix, symbole de la reconnaissance de
la mère de Catarina.
À côté de ces termes modernes, on
relèvera l’utilisation des téléphones
portables pour prendre des photos (acte I)
ou encore les vêtements de Catarina qui
reviennent de chez le teinturier (acte IV).
Les amants ont une voiture qui les attend
à la fin de l’acte V et qui les emmènera loin
du podesta.
La chanson dans la deuxième journée,
scène IV, évoquée par Catarina n’est plus
un poème d’amour lyrique qui révèle les
sentiments de Rodolfo mais une chanson
en anglais. Le recours à l’anglais se
généralise par le biais d’autres chansons
qui servent d’intermèdes aux journées.
Les deux sbires, Orfeo et Gaboardo,
s’expriment le plus souvent en un anglais
mêlé d’espagnol ce qui les apparente à
des mafieux. Entre deux tirades livrées
en anglais, ou en espagnol parfois, l’un
d’eux glisse « My loneliness is killing
me » (Britney Spears dans le texte !). À
Rodolfo qui donne son prénom, on répond
« Quoi ? Acapulco ? Grille de loto ? ». Et le
héros de se voir interpeller : « Comment tu
t’appelles ? Ta maman est dans la salle ? »
Dans l’acte I, scène I, Tisbe dit à Angelo
alors qu’il cherche à l’embrasser : « Pas
sur la bouche. » Ce sont des exemples des
ajouts au texte.
La diction des acteurs concourt aussi à
cette modernité : si on écoute en particulier
Rodolfo, certains adverbes de négation,
« ne », ne s’entendent plus, comme dans
une conversation orale de nos jours.
Les rapports entre les personnages sont
assez charnels : on notera les corps à corps
de Catarina et de Rodolfo, les attitudes
lascives de la Tisbe ou encore Homodei face
à Dafné. Dans cette scène II de la seconde
journée, Homodei menace Dafné mais c’est
une menace qui se double d’une agression
presque sexuelle. On développera ce point
dans la partie consacrée aux comédiens en
jeu.
19
MAISON DE L’ÉDUCATION
Le resserrement dramatique
Il tient d’abord dans la réduction des
personnages : de 16 personnages, on
passe à 8 personnages principaux. Bien
sûr, les cinq personnages principaux sont
là : Angelo, Rodolfo, Homodei, Catarina
et la Tisbe. Le personnage secondaire
Dafné, soubrette de Catarina, a été étoffé
car il est la synthèse des deux servantes
Dafné et Reginella. Par ailleurs, les deux
truands Orféo et Garibaldo tiennent lieu
d’archiprêtre, de guetteur et du page
noir… Quelques personnages masculins
gravitent autour d’eux mais tiennent peu
de place.
Outre cette diminution du nombre de
personnages, Christophe Honoré, s’il est
fidèle dans l’ensemble au déroulement
du texte hugolien, reconstruit l’acte
III. Il commence à la scène II avec la
rencontre de Homodei et de Dafné. Il n’est
plus question d’enlever la soubrette qui
semble assez consentante voire disposée
à accepter tout de ce sombre espion.
Puis la pièce reprend la scène I dans le
désordre. C’est Dafné qui explique l’intérêt
de ce lieu désert, à qui il sert, sa situation
géographique. On reprend ensuite la fin
de la scène II avec l’entrée d’Orféo. C’est
au final Dafné qui rencontre la première
Rodolfo à qui elle semble avouer qu’elle
a vu Homodei. Rodolfo la malmène, elle
appelle au secours Homodei et on retrouve
la fin de la scène II avec l’assassinat de
l’espion.
On peut encore noter un changement
dans l’acte V, scène III car la Tisbe ne
s’épanche pas auprès de Rodolfo mais
de Catarina ce qui rapproche les deux
femmes.
IV. Dramaturgie
Les intentions de Christophe
Honoré
« Il n’y a pas si longtemps, éclairés par
Daney et d’autres, nombre de cinéphiles et
de réalisateurs étaient convaincus que le
cinéma était un successeur légitime de la
tragédie antique, un moment cathartique
de la démocratie. Alexandre Adler parlait
alors de « l’art cinématographique, qui
se refusait à être un miroir tendu à une
société, mais une projection fortement
subjective vers un point, nécessairement
imaginaire, du désir de cette société, un
lieu de dénouement des conflits internes
du monde ». Cette définition du cinéma
semble aujourd’hui majoritairement reniée.
Public et critiques réclament toujours plus
de société, toujours moins de monde. Plus
en plus de scénarios sociologiques, moins
en moins de mise en scène. Plus en plus
de vrais gens, moins en moins d’acteurs.
Toujours plus de miroirs tendus, de moins
en moins de projections.
Nous sommes évidemment plusieurs
cinéastes à ressentir cette pression comme
une agression, comme la négation même
de ce qui nous a portés vers le cinéma. À
chacun, à sa manière de résister, au cœur de
nos films, de nos réflexions. Et aujourd’hui,
pour moi, dans mon désir urgent de repasser
par la case théâtre. Comme un sevrage
de naturalisme, un retour aux mots, à la
voix, une échappée vers la mise en scène.
Et c’est un manifeste, car dans le cinéma
d’aujourd’hui, ce qui semble cruellement
suspect, déplacé, grotesque, c’est la mise en
scène, à qui l’on a retiré toute valeur pour
lui substituer une valeur étalon condensée
dans l’expression « un regard juste », et
même, « juste un regard ». Je viens au
théâtre dans l’idée de fuir ce « regard
juste », je viens travailler une vision.
Pour passer la frontière, j’ai choisi de
présenter un drame romantique, j’ai choisi
Victor Hugo, dont l’écriture même se fonde
sur la mise en scène et la vision. En relisant
l’ensemble de son théâtre, je me suis
arrêté sur Angelo, Tyran de Padoue. Il y
a dans ce texte une thématique commune
avec mes deux derniers longs-métrages, La
20
MAISON DE L’ÉDUCATION
Belle Personne et Non ma fille, tu n’iras
pas danser (actuellement en montage), à
savoir l’autorité faite aux femmes. Angelo
règne sur Padoue, mais le peuple de Padoue
est absent dans la pièce, comme réduit à
deux personnages, la femme et la maîtresse
du tyran. C’est dans son rapport aux
femmes, que Hugo nous fait le portrait de
l’oppresseur. La tyrannie est ici domestique
et amoureuse. Le désir plus que le pouvoir
semble en être la cible. Angelo est un mari
avant tout, jaloux, obsédé par l’infidélité,
qui ne supporte pas de ne pas régner en
maître sur qui il désire. Décidant à la
première résistance, au premier soupçon,
de condamner à mort l’objet même de
son désir, comme s’il ne pouvait souffrir
aucune opposition dans son couple comme
dans sa ville. Angelo est un tyran vacillant,
tremblant de peur, menacé constamment
par son besoin d’être aimé.
Mélodrame sentimental et portrait de
la condition féminine, la clarté du texte de
Hugo, ne doit pas nous aveugler ; comme
ses récits, il cache bien des portes secrètes
et des souterrains autrement plus obscurs
et ambigus. Les femmes ici apparaissent
finalement moins asservies qu’elles ne
le désirent. Les cadavres semblent avoir
plus d’attrait que les vivants. Et quand
trois hommes aiment la même femme,
c’est en alliés plus qu’en rivaux qu’ils se
comportent.
Absolutisme et érotisme du pouvoir de
l’homme sur la femme, voilà ce que je veux
représenter sur scène aujourd’hui. À ma
manière, qui sera je l’espère romanesque,
sentimentale et vive. Sans parodie mais
pas sans légèreté. Avec l’élan que me
donne Hugo, c’est avec l’espérance et la
joie d’un prétendant que je me lance dans
l’aventure ».
Christophe Honoré, novembre 2008.
Pistes de travail
Comprendre les motivations d’un metteur en scène dans ses choix. On invitera les élèves à prendre connaissance des
intentions de Christophe Honoré. On leur
demandera de répondre à des questions
dans des paragraphes rédigés : Que reproche Christophe Honoré au cinéma de nos
jours ? Qu’espère-t-il trouver au théâtre ?
Ou quelles sont les raisons qui ont poussé
un réalisateur cinématographique à revenir à la mise en scène théâtrale ? Comment
justifie-t-il son choix de la pièce Angelo
de Victor Hugo ? Répondre à ces questions permettra de mieux saisir les choix
scénographiques de Christophe Honoré.
La scénographie
On lira dans les carnets de création de
Christophe Honoré à la date du 6 février
2009 : «  Réfléchissons sur les arcades et
cette structure frontale et centrale en trois
paliers. Ce qui survient en premier, c’est de
ma part un doute, une crainte plutôt : n’eston pas là très théâtre, l’impression que cette
image vient cogner dans ma mémoire avec
des spectacles vus et vus mollement… L’autre
sensation, c’est l’étouffement. Peu d’espace
de jeu semble libre. Pas de découverte, de
point de fuite. On n’échappera pas à ce
décor. Mais après tout, pourquoi pas. La
tyrannie d’Angelo peut être une autorité
faite aux spectateurs, avec cette manière
d’être là, d’un bloc, entièrement donnée
à voir… Évidemment, les niches sont le
mystère, la fuite, l’imaginaire de ce décor.
Les niches sont la vie. Et j’avoue qu’il y a
là un dispositif un peu comme une horloge
à coucou qui me séduit. Des personnages
qui entrent et sortent non pas, comme
majoritairement, perpendiculaires au regard
du spectateur, mais ici parallèles, dans son
alignement. J’aime bien aussi l’idée que le
hors-champ n’est pas à cour ou jardin, mais
là, sous nos yeux, en plein centre, dans ces
niches que j’imagine obscures et d’où les
21
MAISON DE L’ÉDUCATION
personnages surgissent ou s’effacent.
Les trois niveaux. Est-ce une pyramide
du pouvoir ? En haut Angelo, au premier
étage Catarina, en bas le peuple, à savoir
la Tisbe et les sbires… L’image des égouts
(avec possibilité d’un filet d’eau ?) me
séduit évidemment pour le début de l’acte
III.
Mais ce rez-de-chaussée doit être
utilitaire avant. Comment organiser les
allées et venues de l’acte I ? Comment faire
pour définir un domaine à la Tisbe ? Parce
que dans l’acte I, on n’est pas au palais.
Ou alors, le rez-de-chaussée n’est déjà
plus le palais. N’est-ce pas une vision trop
théorique que viendra contredire l’ensemble
du décor dont la force me semble être
dans son aspect bloc ? Autre difficulté, le
domaine de Catarina, s’il est au premier
étage, comment surgit-il ? Des niches ?… Il
me semble alors qu’il n’y a plus possibilité
d’une percée naturaliste. Et encore plus
difficilement, d’utiliser des outils cinéma.
Ou alors, ces rails circulaires comme des
rails de travelling, emmenant le décor
(quoi, une feuille fond ?) sur scène ? Entre
ces rails et l’étroitesse de la terrasse, il va
rester très peu d’espace de jeu, non ?
Une autre question, comment ça ce type
de décor, comment organiser des directions
de lumières ?
Autres questions, où et de quelle
manière, garde-t-on la trace d’éléments
qui me semblaient acquis : le lit ? La
moquette ?
Les caméras ? La prison dorée ? Et
surtout, le cinéma, dans son côté coulisse,
studio ? ».
Au final, le spectateur sera face à une
structure métallique à trois étages comme
un échafaudage de grillages. Cet entrelacs
de tubulures métalliques est en forme
de U, traversé de coursives et d’escaliers
comme on peut le voir dans la photo cidessous :
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
22
MAISON DE L’ÉDUCATION
La structure métallique apparaît comme
un univers froid et carcéral qui symbolise
la tyrannie qui règne dans la ville de
Padoue.
Le centre du U est l’espace de jeu premier
mais en réalité, les comédiens jouent sur
tous les niveaux en même temps, ce qui
gomme la notion de coulisses et de horschamp.
Au rez-de-chaussée, des rails entraînent
deux décors : le décor de la première
journée qui vient à jardin et le décor de
la chambre de Catarina dans le palais
d’Angelo qui vient à cour. Les décors sont
escamotés sur des rails de travellings. Les
deux décors constituent des sortes de
boîtes rectangulaires que l’on pousse hors
champs à volonté mais qui restent visibles
pour le spectateur.
Ainsi durant toute la première journée,
Catarina-Emmanuelle Devos soit sommeille
dans son lit soit se lève pour éteindre une
petite lampe et se recoucher. Elle n’est pas
un personnage actant dans cette partie
mais Christophe Honoré la rend présente
en permanence.
Le décor de la première journée est le
domaine de la Tisbe, une salle de boîte de
nuit où avoisinent de petites tables rondes
recouvertes de nappes blanches et un sofa.
Le mur est tendu d’un rideau marron clair ;
des ballons couleur champagne, symboles
de fête, traînent au sol. Sur une table,
un seau à champagne et des verres. On
pourra voir cet intérieur dans la photo cidessous.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
23
MAISON DE L’ÉDUCATION
La seconde journée et la troisième
journée se déroulent tantôt dans la riche
chambre de Catarina, décorée un peu dans
le style Art déco comme on peut le voir
ici, ©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
tantôt dans les étages, lieux des sbires
tueurs, ou dans un espace central vide de
décor.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
24
MAISON DE L’ÉDUCATION
Dans la mesure où ce monde semble
avoir perdu son centre et qu’il est menacé
en permanence par les cintres, on peut
associer cette esthétique au baroque.
Toute la troisième journée se déroule dans
cet espace dépouillé où se croisent et se
tuent les protagonistes.
Les décors sont assez intemporels.
Les personnages en jeu
Les comédiens sont les suivants : Clothilde
Hesme (la Tisbe), Emmanuelle Devos
(Catarina), Marcial di Fonzo Bo (Angelo),
Julien Honoré (Homodei orthographié
Omodei dans l’adaptation de Christophe
Honoré), Anaïs Desmoustier (Dafné
orthographiée Daphné), Hervé Lassïnce
(Rodolfo) et Charles Clichet et Sébastien
Pouderoux (Orféo et Garaboldo).
Catarina porte dans l’acte I une robe
longue noire mais elle sera vêtue de blanc
dans les derniers actes pour mettre en
lumière son innocence et sa pureté qu’elle
ne cesse de clamer.
La Tisbe porte une jupe ample noire
tenue par des bretelles et un bustier de
dentelle noir transparent dans le premier
acte, l’ensemble sera remplacé par une
tenue de soirée longue très échancrée. Le
noir la place parmi les oiseaux de nuit. Ses
tenues restent provocantes.
Homodei, homme de l’ombre par
excellence, porte un pantalon noir très
ample, un gilet noir sur une chemise
blanche ample à la façon des cosaques.
Ses moustaches longues et ses cheveux
désordonnés lui donnent un côté mafieux ou
« bandit corse » diront certains critiques.
On peut voir ces deux personnages dans
l’Acte IV, scène VIII.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
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MAISON DE L’ÉDUCATION
Rodolfo fait son entrée sur scène en
débardeur et pantalon noirs. Le manteau
qui le couvrira à l’acte II est ample et
écossais accompagné d’une étole assortie.
Angelo est vêtu d’une chemise blanche
ample au col officier, d’une veste noire et
d’un pantalon sombre, très ample – comme
une jupe-culotte – et qui arrive à mimollets. Sa tenue de nuit de l’acte II sera
noire de la tête aux pieds. L’esprit Yohji
Yamamoto et Limi Feu est présent dans la
plupart des costumes avec une influence
japonisante.
Quant au jeu des comédiens, on peut
le qualifier de physique et charnel. Dès la
première scène, les rapports entre Angelo
et Tisbe sont teintés de soumission,
d’absolutisme et d’érotisme. Angelo déchire
le bas de la Tisbe violemment, semble
l’étreindre et la caresser très érotiquement
mais se voit repoussé. La Tisbe joue avec
les hommes, elle se livre aux étreintes avec
des hommes qu’elle n’aime pas comme si
le plaisir la comblait pour un temps. Elle
cherchera avec désespoir l’homme qui arrive
dans l’ultime scène de l’acte I alors qu’elle
venait de le repousser. On rencontrera
encore cet érotisme violent avec Homodei
et Dafné dans l’acte II, scène I.
Le texte de Hugo se prête aux sousentendus sexuels. Tisbe, originaire de
Brescia, dit que celle-ci ne se serait pas
laissée traiter par Venise comme Padoue :
« Brescia se défendrait. Quand le bras de
Venise frappe, Brescia mord. Padoue lèche
c’est une honte ». On peut évoquer aussi
la violence de certaines scènes comme
lorsque Catarina découvre dans son lit
la tête d’un cheval (IV, 5) alors qu’elle
a d’autres aspirations : « Si je pouvais
avoir un instant de trêve ! Un instant de
repos ! ».
La photo, prise à l’acte IV, scène IX,
montre aussi cette violence : la Tisbe
explique à Catarina, anéantie, couchée
dans son lit, qu’elle est aimée et qu’elle
doit prendre avec confiance le poison.
Au lieu d’installer une atmosphère calme
propice à cette confiance, la musique
couvre les paroles de la Tisbe ; à l’arrièreplan, Angelo remonte ses manches prêt à
tuer son épouse avec une arme, version
moderne de la décapitation.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
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MAISON DE L’ÉDUCATION
Les relations entre Rodolfo et Catarina
sont aussi très charnelles : Rodolfo dénude
son torse, les amants s’enlacent, tournent
autour de ce lit qui occupe une grande
partie de la chambre mais on ne note
pas de violence dans leurs étreintes. On
ressent une passion sans cesse maîtrisée,
retenue.
guise de compte rendu à Angelo.
Angelo
apportera
une
touche
humoristique en apparaissant en bonnet
de nuit à la fin de l’acte II alors qu’il est
réveillé par Tisbe. C’est une entrée qui ne
sied guère à un puissant de ce monde.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
La dimension comique dont on a parlé
dans la partie sur le drame romantique
et le mélange des genres, est assurée
par les deux hommes de main, Orfeo et
Gaboardo, qui sont traités à la manière
des bouffons shakespeariens. Christophe
Honoré les fait parler un anglais globish
tout à fait hilarant où les deux nigauds
ne se souviennent pas du nom de Rodolfo
et miment les relations amoureuses de
Catarina et Rodolfo. Progressivement, une
relation nouvelle naîtra entre les deux
hommes, révélatrice de leur homosexualité.
L’un finira par s’exhiber en soutien-gorge
(photo ci-contre).
Quand Homodei revient auprès d’eux
après avoir été blessé à mort par Rodolfo,
Orféo demande : « Ok, où est le patient »,
comme dans la série Urgences, puis lorsque
Homodei tient une perche à la main et se
tient agenouillé, les deux sbires saisissent
chacun la perche et se prennent le
pouls. Ils se livreront ensuite à un mime
grotesque de l’assassinat de Homodei en
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
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MAISON DE L’ÉDUCATION
L’univers sonore
La musique est très présente dans la mise
en scène de Christophe Honoré. La pièce
commence d’ailleurs sur une sorte de
surprise-partie. L’ambiance est très pop
anglaise : Les Charlatans et Pavement entre
autres. On reconnaîtra également la voix
de Catherine Ringer (Les Rita Mitsouko)
ou encore quelques notes des Parapluies
de Cherbourg, le film de Jacques Demy. La
chanson Comme la pluie, extraite de La
belle personne, est chantée intégralement
entre l’acte II et III quand tous ont été
trompés dans leurs attentes amoureuses.
Si les chansons ou la musique
accompagnent une scène ou un intermède,
elles peuvent aussi envahir le jeu comme
dans la scène VI de l’acte I. Homodei trouble
la Tisbe par ses paroles énigmatiques, la
musique devient tellement forte qu’elle
couvre les réponses de Homodei, obligeant
Tisbe à crier de plus en plus, ce qui
engendre une croissance de la tension.
On verra sur la photo ci-dessous prise
lors de la scène VI de l’acte I, Tisbe criant
tandis que les hommes se livrent à une
chorégraphie en rythme sur un tempo vif.
La musique est assourdissante. Les paroles
des comédiens sont alors à peine audibles.
Quand Tisbe se calme et proclame qu’elle
n’a pas d’inquiétude concernant Rodolfo,
la musique se calme aussi.
La musique est souvent un clin
d’œil
supplémentaire
à
l’univers
cinématographique de Christophe Honoré.
Le traitement cinématographique
Christophe Honoré se veut metteur en
scène mais il n’oublie pas les techniques
du cinéma. Il reprend l’utilisation de micro
tendu sur perche à certains moments intimes
comme celui où Homodei, espion vénitien
qui vient intriguer, apparaît en perchiste
dont le micro amplifie son récit du pur
amour de Rodolfo et de Catarina ou encore
celui où Tisbé raconte la condamnation à
mort de sa mère. Le micro sera repris dans
l’acte III lors des entretiens de Homodei et
de Dafné, chacun parlera au micro tour à
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
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MAISON DE L’ÉDUCATION
tour, détenteur d’un savoir à dévoiler.
Les lampes sont parfois manipulées
à vue. Elles découpent une silhouette,
illuminent juste un visage comme un gros
plan cinématographique. « Le monologue
de Clotilde sera traité comme un gros plan,
avec des lumières à vue, comme sur un
plateau de tournage » explique Christophe
Honoré.
Le fond de la scène se transforme parfois
en jeu d’ombres chinoises en rouge, noir et
blanc.
On verra un exemple du dispositif
lumineux et de l’utilisation du micro sur
perche dans la photo ci-dessous qui renvoie
à la première journée. On remarquera l’ombre
portée sur le rideau, devenu jaune.
Christophe Honoré crée donc des images
et des ambiances et multiplie les références
cinématographiques : au décor de West
Side Story, aux ombres et à l’utilisation
d’une lumière bleue dans le Nosferatu de
Murnau (1922) que l’on voit sur la photo
ci-dessous (les « dogues » dans les étages
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
lors de la troisième journée),
au Parrain quand Catarina n’a
plus qu’une heure à vivre, aux
chansons mélancoliques de
ses propres films : Les chansons
d’amour et La belle personne.
Le décor lui-même dont
on a parlé plus haut est
très cinématographique. Les
éléments sont déplacés à vue
et rappellent le travelling.
Enfin, le spectacle s’achève
sur un petit film qui est
projeté sur le fond supérieur
de la scène comme on peut le
voir ci-contre.
©Christophe Raynaud de Lage/Festival d’Avignon
29
MAISON DE L’ÉDUCATION
C’est ce film qui clôt la pièce tout en
proposant un autre dénouement moins
dramatique. En effet, si le dénouement
de la pièce met en avant le sacrifice et
la grandeur d’âme de la Tisbe au moment
de sa mort, le film propose le devenir des
amants « heureux ».
On y voit Catarina et Rodolfo en plan
moyen puis gros plan dans un café qui
pourrait être à Paris. Pas de paroles, juste
des regards, une succession de champs
contre champs et des amants qui semblent
porter le poids de la mort de la Tisbe. Ils
sont libérés de la tyrannie du Podesta mais
ne semblent pas avoir gagné pour autant
leur liberté.
Certains journalistes ont vu dans cette
vidéo un clin d’œil au cinéma de Jacques
Rivette dans la mesure où l’exil parisien
malheureux des amants, situé place
Denfert-Rochereau, évoque Le pont du
Nord du réalisateur.
Pistes de travail
Analyser la mise en scène. On demandera
aux élèves de relever tous les éléments qui
renvoient au cinéma (son, lumière, travellings…) et de discuter ensemble de ces choix.
S’approprier une manière de faire. On
pourra proposer une scène de Ruy Blas ou
de Hernani et demander aux élèves de proposer une mise en scène en reprenant des
procédés de Christophe Honoré. Ce sera un
moyen de réfléchir sur la mise en scène d’un
extrait théâtral et de réutiliser les notions
cinématographiques vues précédemment.
V. Critiques
Article paru sur le site télérama.fr
Honoré monte un drôle de mélodrame.
Article Télérama
Le fil arts et scènes – Pour Avignon,
le cinéaste des « Chansons d’amour »
s’attaque à un monument oublié de Victor
Hugo, « Angelo, tyran de Padoue ». Où
le grotesque chahute le sublime entre
coursives et escaliers dérobés. Nous avons
assisté aux répétitions.
Où il est question d’une paire de collants,
que l’assistant à la mise en scène s’en est
allé acheter dare-dare. Un accessoire que le
tyran en scène doit plus ou moins arracher
à la courtisane qui l’aguiche et lui résiste
à la fois… S’ensuit entre chaque réplique
une foule d’interrogations ultraconcrètes :
jusqu’où descendre le collant ? quand le
remonter ? etc. Aux prises avec le fin tissu,
Marcial Di Fonzo Bo et Clotilde Hesme
répètent les premières scènes d’Angelo,
tyran de Padoue, drame en prose de Victor
Hugo (1835), dans une salle vide du Cent
Quatre, à Paris. Christophe Honoré les
observe, ajuste un déplacement, tente
de chorégraphier un jeu de désir et de
domination entre les deux personnages. Il
s’agit de montrer la tension érotique entre
les deux, et aussi la vulgarité du despote.
« Ne pas perdre de vue l’idée d’abus de
pouvoir… » précise le metteur en scène.
Minutieux travail à tâtons : l’intensité
varie d’un essai à l’autre, le texte parfois
se dérobe, et le rire s’en mêle quand l’un
ou l’autre achoppe sur l’aspérité d’une
réplique ou l’étrangeté d’une position.
Grande brune à la fois enfantine et
charnelle, Clotilde Hesme, révélée au
cinéma par Les Amants réguliers, de Philippe
Garrel (et par Les Chansons d’amour, de
Christophe Honoré), a déjà montré son
talent énergique sur les planches, qu’elle
arpente quasiment non-stop : un Brecht
de jeunesse en début d’année au Théâtre
de la Bastille ; plus récemment encore –
elle jouait le soir même des répétitions
–, Laissez-moi seule, de Bruno Bayen, à la
Colline, où elle incarnait avec flamboyance
Lady Di. Le Franco-Argentin Marcial Di
Fonzo Bo, ancien assistant d’Alfredo Arias,
s’est fait connaître, lui, par son travail
de metteur en scène et d’acteur autour
des textes de Copi. On est face à deux
grands comédiens qui construisent peu à
30
MAISON DE L’ÉDUCATION
peu leur interprétation. « Il faut accepter
l’idée d’imperfection, explique en aparté
Christophe Honoré. Il ne sert à rien que
ça soit bien pendant les répétitions, c’est
au moment des représentations que ça
compte… » Mais quand arrivent les deux
imposants monologues d’exposition, où
s’entend déjà le lyrisme enthousiasmant du
jeune Hugo, les acteurs parviennent à une
réelle intensité de jeu. N’était-ce l’absence
de décor, on pourrait presque se croire un
soir de générale…
Christophe Honoré, 39 ans, a écrit
pour le théâtre avant d’être l’écrivain
et cinéaste que l’on connaît, réalisateur
notamment, en 2008, de La Belle Personne
et, cette année, de Non, ma fille, tu n’iras
pas danser, qui sortira à l’automne. Il a
surpris, en répondant à l’invitation du
festival d’Avignon, par son désir de monter
ce drame romantique rarement joué. Mais
c’est justement en réaction à une certaine
tendance du cinéma français qui « exige des
scénarios de plus en plus sociologiques, des
films-miroirs de la société. Il y a désormais
un vrai problème si, dans un film, on ne
parle pas comme dans la vraie vie. Il y a
pourtant quelque chose qui est de l’ordre
du théâtral chez Guitry, Pagnol ou même
une bonne partie de la Nouvelle Vague.
Aujourd’hui, ça a disparu. »
Envie de texte écrit, de mise en scène
plus expressionniste, envie aussi d’avoir
un rapport différent, sur le long terme,
avec les acteurs : Honoré relit la célèbre
Préface de Cromwell de Hugo, y trouve « un
manifeste du romantisme étonnamment
d’actualité : une défense de l’incomplétude,
de l’impureté, qui parcourent aussi mon
travail de cinéaste. L’art peut naître du
mélange du laid et du beau, du grotesque et
du sublime. » Il hésite entre deux pièces,
choisit Angelo, tyran de Padoue, mélodrame
savoureux qui mêle histoire politique
– la tyrannie de la république de Venise
sur Padoue, au XVIe siècle – et intrigue
amoureuse – à travers deux personnages
de femme, l’une pure et l’autre rouée…
Trahisons, escaliers dérobés, pièges qui
se retournent contre leurs instigateurs,
« la pièce utilise les ficelles du mélodrame,
elle n’est jamais élitiste, avec des effets
d’humour très forts ».
La première tentation, purement
intellectuelle, est d’en donner une lecture
politique : des despotes, l’actualité en
présente à foison – y compris des despotes
amoureux… « Mais cela nous ramenait à
faire de la sociologie historique, poursuit
Honoré, et c’est le territoire de l’intime qui
m’intéresse : dans la pièce, la tyrannie est
d’abord conjugale, on ne voit jamais le peuple
de Padoue, mais deux femmes soumises ou
révoltées… » Autre idée : jouer une certaine
intemporalité des décors et des costumes,
et utiliser des outils de cinéma. « Le
monologue de Clotilde sera traité comme un
gros plan, avec des lumières à vue, comme
sur un plateau de tournage. »
De fait, quelques jours plus tard, on
retrouve les mêmes à la Maison des arts
de Créteil (où le spectacle sera repris en
janvier 2010). Les répétitions ont lieu
dans le décor : un entrelacs de tubulures
métalliques, haut de plusieurs étages,
comme un échafaudage de grillages, traversé
de coursives et d’escaliers, « une structure
carcérale et froide » qui figure la ville sous
le joug du tyran. Au sol, coulissant comme
sur des rails de travelling, des intérieurs –
une chambre, un salon – traités de façon
naturaliste peuvent s’installer au centre
de la scène… La troupe est presque au
complet : Emmanuelle Devos, en pure
épouse du podestat, Julien Honoré, le
frère du cinéaste, dans le rôle de l’espion
vénitien, ou encore Hervé Lassïnce, un
ancien de chez les Deschamps-Makeïeff, et
Anaïs Desmoustiers, jeune première que le
cinéma s’arrache (Les Grandes Personnes,
Sois sage…).
Pour l’instant, tous regardent deux
jeunes comédiens sortis de l’école du
TNS, Sébastien Pouderoux et Jean-Charles
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MAISON DE L’ÉDUCATION
Clichet, faire le show : ils font partie des
sbires du redouté Conseil des Dix de Venise,
qu’Honoré a choisi de traiter comme des
mafieux de cinéma, version Scorsese ou
Gomorra. Le tandem improvise, invente
une gestuelle, mélange les langues,
l’ensemble étant à la fois anachronique et
irrésistiblement drôle. « C’est le principe
de la scénographie, explique Christophe
Honoré : la pièce se joue plutôt dans la
partie basse du décor, mais les sbires sont
présents en permanence dans les hauteurs.
Ils vont apporter la trivialité qui est dans
le texte de Hugo. J’assume le mélodrame :
la fin est assez déchirante, ce qui me
permet avant d’être un peu plus léger… »
Christophe Honoré approuve ou corrige
les propositions des deux gangsters
polyglottes. Il accepte l’idée qu’à la
différence du cinéma, où le metteur en
scène est le maître absolu, « toute idée
passe par le tamis des comédiens ». C’est
cette confrontation du cinéma et du
théâtre qui l’intéresse, et le doute qui
l’accompagne : « Jusqu’au bout, on n’est
jamais sûr que ça marche ! »
Aurélien Ferenczi
La revue de presse
[Libération – René Solis] le 14 juillet
2009
Honoré a assez de finesse pour ne pas
prendre cela tout à fait au sérieux. Mais
semble en même temps convaincu d’être
entré dans une œuvre majeure. Il souligne
avec fougue le féminisme de la pièce,
s’intéresse de près à toutes les variations
des sentiments.
[Télérama – Fabienne Pascaud] le 25 juillet
2009
Le trio Marcial Di Fonzo Bo, Emmanuelle
Devos et Clotilde Hesme est d’une grâce
virevoltante.
3. http://www.liberation.
fr/culture/0101579611angelo-ou-les-cauchemarsde-l-amour
[L’Express – Laurence Liban] le 19 juillet
2009
Juste en deux mots : de la jeunesse, de la
musique, de l’humour, des libertés… La
rencontre entre Victor Hugo et Christophe
fait des étincelles et quelques pétards
mouillés, ce qui n’est pas grave dans le
mouvement général qui est celui du désir,
du plaisir et du jeu.
[Le Point – Brigitte Hernandez] le 23
juillet 2009
Personne n’y croit. (...) Parce que c’est
signé Hugo, c’est génial ? Parce qu’Honoré,
le très honoré par le buzz, veut y ajouter
des touches d’humour, c’est drôle ? Heu…
Article paru sur le site de
Libération3
Romantisme. Le cinéaste Christophe
Honoré s’essaye à Hugo.
Nulle raison de douter de la sincérité
de ce que Christophe Honoré projette sur
Angelo, tyran de Padoue, pièce oubliée
au sein d’une œuvre théâtrale elle-même
pas le plus mémorable de ce que Victor
Hugo a laissé à la postérité. « Le monde
décrit, estime le cinéaste dans des notes
de répétitions, est […] de l’ordre du
cauchemar, abstraction de l’angoisse qui
a déjà tout détruit, s’est installée et s’est
mise à régner. Et dans cet univers non pas
violent, mais angoissant, se débattent des
êtres chauds.»
Cerbères. Son décor et ses partis pris
de mise en scène reflètent tout cela.
Les palais de Padoue deviennent une
métaphore de l’enfer ; à l’étage inférieur,
boudoirs et chambres à coucher, qui
conservent les signes du confort, sont
surplombés de plateformes métalliques
hantées par des cerbères, mauvais garçons
torse nu à l’accent étranger. À cet univers
sous surveillance, où toute intimité semble
vaine, le cinéma prête, non ses caméras,
mais ses accessoires et ses techniciens : le
preneur de son est un espion qui tend la
perche à ses interlocuteurs pour mieux les
enfoncer. Restent les «êtres chauds» : les
acteurs, et plus encore les actrices. Ce que
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MAISON DE L’ÉDUCATION
l’on voit n’est pas le film, mais le tournage ;
l’intensité se concentre sur un petit point
du plateau. On peut tenter de s’imaginer,
l’œil derrière la caméra, plan moyen sur
Clotilde Hesme, un flacon de poison à la
main, gros plan sur le visage d’Emmanuelle
Devos qui fait semblant de dormir. Mission
impossible : le hors-champ envahit tout,
rien n’est cadrable ; comme si le théâtre
était le cauchemar du cinéma.
D’intentions et d’images, le spectacle
d’Honoré ne manque pas. Mais pourquoi
soulever cette poussière ? Angelo, tyran
de Padoue, aime la Tisbe, comédienne et
courtisane, qui aime Rodolfo, gentilhomme
banni qui aime Catarina, femme d’Angelo.
D’où il ressort que personne n’aime Angelo.
Trois actes, un meurtre et un suicide plus
tard, Rodolfo et Catarina pourront fuir
Padoue pour aller s’aimer ailleurs.
La pièce, représentée pour la première
fois le 28 avril 1835 sur la scène du
Théâtre-Français, reste d’abord comme
archétype du théâtre romantique, avec
ses sbires, guet-apens, portes dérobées,
duels, complots et serments. Trompé, le
tyran condamne à mort son épouse, qu’il
n’a jamais aimée. La jeune femme résiste
et répond « toute la vie ! » quand il lui
demande combien de temps elle veut pour
se préparer à mourir. Victor Hugo a pompé
dans Roméo et Juliette le coup du faux
empoisonnement : Catarina finit par avaler
le flacon censé l’expédier dans l’au-delà, et
qui ne contient en fait qu’un narcotique.
C’est la Tisbe, la prostituée au grand
cœur qui lui sauve la mise. Amoureuse de
Rodolfo, et prête à détester sa rivale, elle
a reconnu en elle celle qui jadis a sauvé
la vie à sa mère. La Tisbe pousse même
l’abnégation jusqu’à se faire égorger en
silence par Rodolfo, persuadé que Tisbe a
pour de bon empoisonné Catarina.
Fougue. Avec le Roi s’amuse, un peu
de la même eau, Verdi avait fait Rigoletto.
De Angelo… Ponchielli a tiré la Gioconda,
moins célèbre mais qui s’écoute encore
bien. L’opéra seul, probablement, est
capable de rendre encore audibles ces feux
d’artifice de grands sentiments. Honoré a
assez de finesse pour ne pas prendre cela
tout à fait au sérieux. Mais semble en même
temps convaincu d’être entré dans une
œuvre majeure. Il souligne avec fougue le
féminisme de la pièce, s’intéresse de prêt
à toutes les variations des sentiments.
Il réussit à entraîner les comédiens dans
l’illusion, tire le maximum de l’élégance
de Clotilde Hesme (la Tisbe), de la force
éthérée de Martial Di Fonzo Bo (Angelo),
de la vivacité d’Emmanuelle Devos
(Catarina). Il trouve aussi de saisissantes
images, transforme les tubulures de
ses échafaudages en ombres chinoises
maléfiques. Est-ce bien raisonnable ?
Le CRDP de l’académie de Versailles et le Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines/
Scène nationale remercient le Festival d’Avignon.
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V. Ressources
Sitographie
• Sur Victor Hugo
Site général et grand public sur Hugo :
– http://victorhugo.bnf.fr/
Disponible en ligne sur :
– http://www.hugo-online.org/
• Sur le drame romantique
– http://www.etudes-litteraires.com/drame-romantique.php
– http://www.clioetcalliope.com/cont/romantisme/theatre.htm
• Sur la mise en scène de Christophe Honoré
– http://www.theatre-contemporain.tv/videos/artiste/Christophe-Honore
– http://avignon.blogs.arte.tv/?p=452
Site qui présente une excellente analyse, de nombreuses photos et surtout des photogrammes :
– http://www.cineclubdecaen.com/realisat/honore/angelotyrandepadoue.htm
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