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incomparable lui confie une mission universaliste qui autorise sa création d’un mode de vie
où tout se tend à se régler et se qualifier à partir d’une vérité monothéiste qui ne transcende
pas seulement l’individu mais l’humanité entière
».
Le droit musulman se présente, par conséquent, comme une œuvre abstraite sanctionnée
par les préceptes d’un dieu tout-puissant où chaque norme qui ne puise pas sa raison légale au
sein de sa parole révélée n’a aucune valeur et reste dépourvue de toute autorité. Parce que
l’être ne saurait se mettre à la place d’Allah, seul et véritable législateur, et parce que « le Vrai
ne peut pas faire l’objet de connaissance humaine
», l’opinion islamique orthodoxe professe
que le travail du juriste ne peut aboutir qu’à une supposition "incertaine". Le faqih,
jurisconsulte musulman, conscient de l’imperfection de sa raison humaine, reste incapable de
déceler la cause originelle du texte révélé et son élaboration de la norme ne peut être qu’un
apprentissage qui lui permettrait de s’approcher du sens de la parole révélée.
A travers la grille de lecture orthodoxe, assimiler le droit musulman à une œuvre issue de
la raison humaine ne peut être qu’une spéculation sans fondement et une ignorance totale de
sa cause divine ultime. Comparer ou incorporer la norme islamique, même partiellement, au
sein des systèmes législatifs qui l’avaient précédée, et notamment la législation romaine, n’est
qu’une offense que l’intellect islamique "sain" ne peut accepter. Dénoncer de telles
insinuations et démontrer leur inexactitude devient, en conséquence, un exercice
caractéristique et commun aux auteurs musulmans quand ils écrivent l’histoire du droit
musulman.
Comme un premier effet de cette "instruction", les théoriciens de l’historicité matérielle du
droit musulman, de ses attributs non révélé et de ses éventuelles attaches romaines, se voient
décrits comme des auteurs partiaux qui se laissent guider par leurs fantaisies et qui refusent de
croire que le droit musulman et ses institutions miraculeuses sont dus strictement aux
instructions divines. Prétendre que la législation islamique est un droit romain déguisé n’est
qu’une opinion orientaliste et une tentative colonialiste qui cherche à démolir l’impact
salvateur de la révélation islamique
.
Selon l’approche orthodoxe, les auteurs orientalistes – principaux théoriciens de l’origine
romaine du droit musulman – n’ont formulé cette thèse qu’à cause de leur concupiscence des
valeurs humanistes importées par l’Islam.
Jean Paul CHARNAY, "Pluralisme normatif et Ambiguïté dans le fiqh", dans L’Ambivalence dans la Culture Arabe, ibid.,
p. 381-396.
Chafik CHEHATA, "L’Ikhtilaf et la Conception musulmane du Droit", ibid., p. 264-266.
Mahmoud HAMDI ZAKZOUK, Kitab al Istichraq wa al Khalfiya al Fikriya li al Siraâ al Hadari, (Le livre de
l’orientalisme et le fondement intellectuel du conflit des civilisations), Dar al-Maârif, Le Caire, 1997, pp 113-128.