M.-C. Muñoz, Usages du français et double appartenance: le cas des Portugais en France 
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majoritairement employées; 7% exercent des professions intermédiaires et 
supérieures.  La  tendance  à  une  scolarisation  plus  longue  et  l’orientation 
vers les filières de l’enseignement général et technologique se renforce. On 
peut y lire une évolution des projets familiaux: avec le vieillissement de la 
population,  l’installation  en  France  se  confirme  et  le  projet  de  retour  au 
Portugal est abandonné ou reporté à l’âge de la retraite. Il ne s’agit plus de 
mettre  le  plus  rapidement  possible  les  enfants  au  travail  afin  qu’ils 
collaborent  financièrement  à  l’économie  familiale  et  à  la  réalisation  du 
projet de  retour, mais il convient de leur assurer une meilleure formation 
scolaire pour un meilleur avenir professionnel en France. 
Le rapport à la langue 
Dans  l’étude  du  rapport  à  la  langue  des  immigrés  portugais  et  de  leurs 
descendants (enfants et petits enfants), il convient de prendre en compte les 
deux composantes de la réalité sociale et du vécu: la condition d’immigré 
et  la  relation  au  pays  d’origine.  Pour  les  Portugais,  la  littérature 
sociologique (Charbit et alii., 1997; Oriol, 1983) souligne l’importance du 
va-et-vient entre la France et  le Portugal tant  sur  le plan symbolique que 
matériel.  Les  deux  langues,  le  portugais  et  le  français,  sont  investies 
différemment selon que l’on a affaire à la génération des primo-migrants, 
ou à celle de leurs enfants ou petits enfants; selon que les parents travaillent 
dans un milieu immigré ou français; selon que les familles vivent dans un 
environnement  portugais,  dans  un  environnement  français  ou  dans  un 
milieu ethniquement mélangé, en milieu rural ou urbain où les formes de 
sociabilité varient; selon qu'il s'agit de couples dont les partenaires sont nés 
au Portugal ou en France ou de couples mixtes portugais-français ou d’une 
autre nationalité. La vitalité de la langue portugaise est la plus manifeste là 
où  la  densité  dynamique  de  la  communauté  est  la  plus  forte,  où 
l’environnement lui offre des lieux de reconnaissance et d’expression (les 
associations,  les  fêtes,  les  bals,  les  équipes  de  football,  les  chorales,  les 
groupes  folkloriques,  les  cours  de  catéchisme,  la  messe  en  portugais,  les 
cours  de  langue).  Cet  investissement,  s’il  est  fonction  des  dynamiques 
familiales  et  environnementales,  relève  en  dernier  ressort  de  choix  et  de 
stratégies individuels d’affirmation identitaire. 
La scolarisation précoce, l’environnement et les média mettent rapidement 
la langue portugaise en concurrence avec le français. Les frères et soeurs 
communiquent  entre  eux  en  français,  les  parents  ont  acquis  une  certaine 
maîtrise du français et insensiblement le portugais perd du terrain dans la 
communication intra-familiale. Il est utilisé en alternance avec le français 
selon des règles complexes, en fonction du type d’interactions et des rôles 
des locuteurs (registre de l’affectivité, de la plaisanterie ou de l’exercice de