Master Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle VACELET, Virginie Abstract Dans notre vie quotidienne, nous formons un grand nombre de jugements moraux, dont certains se traduisent dans nos actions. Dans la recherche actuelle, une littérature abondante Dans la recherche actuelle, une littérature abondante en psychologie suggère que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement en psychologie suggère que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement moral... Reference VACELET, Virginie. Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle. Maîtrise : Univ. Genève, 2013 Available at: http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30622 Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE ORIENTATION PSYCHOLOGIE AFFECTIVE PAR Virginie Vacelet DIRECTEUR DU MEMOIRE Prof. David Sander JURY Florian Cova Julien Deonna GENEVE, Septembre 2013 UNIVERSITE DE GENEVE FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION SECTION PSYCHOLOGIE Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle RESUME Dans notre vie quotidienne, nous formons un grand nombre de jugements moraux, dont certains se traduisent dans nos actions. Dans la recherche actuelle, une littérature abondante en psychologie suggère que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement moral. Une première source de donnée en faveur de cette thèse provient de l’étude empirique des dilemmes moraux et un autre argument peut être trouvé dans le fait qu'induire des émotions influence les jugements moraux. A l’aide de vidéos neutres et dégoutantes, nous avons manipulé l’état émotionnel d’un certain nombre de participants puis mesurer leurs réactions morales au sujet de courts scénarios. Dans deux expériences successives, nous avons étudié l’effet de l’émotion induite sur les jugements moraux des participants. Alors que nous n’avons observé aucun effet dans notre première expérience, les résultats de notre seconde expérience suggèrent que le dégoût diminue la sévérité des jugements portant sur l’action, mais pas celle des jugements portant sur l’agent. 2 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Sommaire 1. Introduction ............................................................................................................................ 5 2. Théorie ................................................................................................................................. 12 2.1 Le domaine moral est lié à certaines émotions .............................................................. 12 2.2 Les différents types de jugements moraux..................................................................... 14 2.3 Les jugements moraux sur l’action et sur l’agent .......................................................... 15 3. Hypothèse ............................................................................................................................ 16 4. Expérience 1 : méthode ........................................................................................................ 16 4.1 Participants ..................................................................................................................... 16 4.2 Matériel .......................................................................................................................... 17 4.2.1 Stimuli ..................................................................................................................... 17 4.2.2 Scénarios, questions et questionnaires .................................................................... 17 4.2.3 vidéo........................................................................................................................ 19 4.3 Protocole ........................................................................................................................ 19 5. Résultats expérience 1.......................................................................................................... 20 5.1 Vérification de l’effet de la manipulation ...................................................................... 20 5.2 Effet de l’induction sur les jugements « moraux généraux »......................................... 20 5.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »............................................. 21 6. Discussion expérience 1 ....................................................................................................... 22 7. Expérience 2 : méthode ........................................................................................................ 23 7.1 Participants ..................................................................................................................... 23 7.2 Matériel .......................................................................................................................... 23 7.2.1 Stimuli ..................................................................................................................... 23 7.2.2 Vidéo ....................................................................................................................... 23 7.2.3 Scénario, questions, questionnaires ........................................................................ 24 7.3 Protocole ........................................................................................................................ 25 3 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 8. Résultats expérience 2.......................................................................................................... 26 8.1 Vérification de l’effet de la manipulation ...................................................................... 26 8.2 Vérification de l’ambiguïté et de la difficulté des scénarios.......................................... 26 8.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « généraux »......................................... 27 8.4 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »............................................. 27 9. Discussion ............................................................................................................................ 29 10. Conclusion générale ........................................................................................................... 30 11. Bibliographie...................................................................................................................... 32 12. Annexe ............................................................................................................................... 37 Annexe A : Scénarios de l’expérience ................................................................................. 37 Annexe B : Scénarios de l’expérience 2 .............................................................................. 41 4 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 1. Introduction Dans notre vie quotidienne, nous portons régulièrement des jugements moraux. Par exemple, très récemment, la France a été très choquée face aux aveux du ministre Mr Cahuzac qui avait déclaré ne pas avoir de compte en Suisse pour finalement avouer qu’il en avait bien eu un. Ce scandale a provoqué de nombreux jugements négatifs de la part des Français et des membres de la classe politique. Mais quelle est la source de ces jugements moraux ? En philosophie, il est historiquement possible de distinguer deux grandes traditions, avec d'un côté le rationalisme (par exemple : Descartes et Kant) et de l'autre le sentimentalisme (par exemple : Hume et Adam Smith). Les tenants du rationalisme soutiennent que nos jugements moraux sont idéalement des produits de notre raison, bien qu’ils admettent que nos émotions puissent venir influencer nos jugements moraux en les biaisant, tandis que les sentimentalistes soutiennent que nos jugements moraux sont de manière fondamentale le produit de nos émotions. Loin d’être purement philosophique, ce désaccord entre d'un côté les tenants de la raison et de l'autre côté les tenants de l’émotion, se retrouve en psychologie dans le champ de la psychologie morale. Cependant, au cours de ces dernières années, les développements de la psychologie morale ont apporté de puissants arguments en faveur de la thèse sentimentaliste. En effet, dans la recherche actuelle, une littérature abondante en psychologie suggère que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement moral. Une première source de donnée en faveur de cette thèse provient de l’étude empirique des dilemmes moraux. Afin de mieux comprendre, prenons l'exemple du dilemme du trolley inventé à la base par deux philosophes : Philippa Foot et Judith Jarvis Thomson, et repris dans le champ de la psychologie par Hauser, Cushman, Young, Kang-Xing Jin, et Mikhail (2007) dans leur étude interculturelle sur un grand nombre de participants. Soit les deux cas suivants : 5 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Premier cas : Denise dévie le train Denise est passagère d'un train dans lequel le conducteur vient de s'évanouir. Plus bas sur la voie principale se trouve 5 personnes. Sur la voie principale se trouve un levier qui ferait changer la direction du train vers la gauche et Denis à la possibilité de l'actionner. Il y a 1 personne sur la voie de gauche. Denise peut dévier le train en ne tuant qu'une personne ou alors elle peut s'abstenir de dévier le train ce qui tuerait les 5 personnes. Est-il moralement acceptable pour Denise de dévier le train ? Figure 1. Schéma de Hauser et al. (2007) illustrant le premier cas. Deuxième cas : Franck pousse l'homme Franck est sur le pont au-dessus de la voie du train. Il voit un train hors de contrôle s'approcher du pont. Il y a 5 personnes sur la voie. Franck sait que le seul moyen de stopper le train est de pousser un objet assez lourd sur la voie. Le seul objet suffisamment lourd est un homme de forte corpulence qui lui aussi regarde le train depuis le pont. Franck peut pousser l'homme sur la voie du train, ce qui le tuerait, ou il peut ne rien faire, ce qui tuerait les 5 personnes. Est-il moralement acceptable pour Franck de pousser l'homme ? Figure 2. Schéma de Hauser et al. (2007) illustrant le deuxième cas. 6 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Dans le premier cas, Hauser et al. (2007) ont trouvé que 85% des personnes interrogées jugeaient acceptable de pousser le levier pour sauver cinq personnes, tandis que, dans le second cas, ils ont observé que seul 12% des personnes interrogées jugeaient acceptable de pousser l'homme sous le train. Bien que, dans les deux cas, il s'agisse de sauver cinq personnes au prix d’une seule vie, les résultats montrent que les gens réagissent différemment au fait de pousser un levier pour détourner un train sur la victime et à celui de pousser directement la victime sous le train. Mais quelles sont les sources psychologiques expliquant cette différence ? Pour expliquer cette différence, Greene, Sommerville, Nystrom, Darley, et Cohen (2001) commencent par distinguer deux types de scénarios mettant en scène des violations morales : les scénarios « personnels » et les scénarios « impersonnels ». Un scénario est personnel s’il met en scène des violations morales dont « les conséquences corporelles sont graves, pour un autre individu en particulier, et de telle façon que le tort n'est pas le résultat d'une déviation d'une menace existante ». A l’inverse, un scénario est « impersonnel » lorsque les critères cités auparavant ne sont pas remplis. Du point de vue de ces critères, le fait de pousser le levier est plus « impersonnel » que pousser la personne sous le train, car, dans ce cas, le mal n’est pas infligé directement, mais est le résultat de la déviation du train. Forts de cette distinction, Greene et Haidt (2002) expliquent la différence de réactions entre les deux types de scénarios en terme de réactions émotionnelles : les scénarios personnels seraient jugés moins acceptables parce qu’ils évoqueraient des réactions émotionnelles plus fortes, en raison du caractère plus « direct » des violations morales qu’ils décrivent. Pour défendre cette théorie, ils s’appuient sur l'étude menée par Greene et al. (2001). Dans cette étude les sujets devaient répondre à des dilemmes moraux personnels, à des dilemmes moraux impersonnels ou à des dilemmes non-moraux servant de contrôle tandis que leur activité était enregistrée par IRMf. Les aires cérébrales associées aux émotions telles que le gyrus frontal moyen, le gyrus cingulaire postérieur et les gyrus angulaires gauche et droit s'activaient plus lors d'un jugement moral impliquant des scénarios « personnels » que dans le cas des scénarios « impersonnels » et non- moraux. Selon Greene et al. (2001), le fait de pousser directement la personne sous le train engendrerait une activité négative tellement importante que les participants décideraient de ne pas pousser la personne. De ce fait, lorsque les aires de l’émotion sont impliquées, les personnes ont tendance à faire des jugements moins « utilitaristes », c’est-à-dire à trouver moins acceptable de sauver 5 personnes en n’en sacrifiant qu’1 (Greene, Nystrom, Engell, Darley, & Cohen, 2004). 7 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Afin de déterminer dans quelle mesure les jugements moraux sont influencés par les réactions émotionnelles, et quelles sont les aires cérébrales impliquées dans l’élaboration affective du jugement moral, Koenig et al. (2007) ont travaillé avec deux différents types de patients. Ils ont comparé des patients souffrant de dommages bilatéraux au cortex préfrontal ventromédian, et par conséquent incapables de réagir à la valence émotionnelle d’un stimulus, avec des patients constituant un groupe contrôle car n’ayant aucun déficit émotionnel en raison de leurs lésions. Ayant soumis à ces patients les dilemmes moraux utilisés par Greene et al. (2001) ils ont observé que les patients ayant des lésions dans le cortex préfrontal ventromédian avaient significativement plus tendance à choisir de sacrifier une personne pour sauver le plus grand nombre. Cela suggère que les émotions jouent un rôle dans la condamnation morale, puisque, chez les participants du groupe contrôle chez qui l’émotion est impliquée dans le jugement moral, les personnes ont moins tendance à choisir de sacrifier 1 personne pour en sauver 5. Néanmoins, les études sur les dilemmes moraux ne sont pas la seule raison de penser que les émotions sont une cause importante de nos jugements moraux : un autre argument en faveur de cette thèse peut être trouvé dans le fait qu'induire des émotions influencerait les jugements moraux. Induire une émotion consiste à déclencher une émotion chez un participant à l'aide de stimuli. Il existe différentes techniques d’induction telles que les vidéos, l'odeur, les scénarios ou encore l'hypnose. Selon l’émotion que l’on souhaite induire, certaines méthodes fonctionnent mieux que d’autres. Par exemple, pour le dégoût, les méthodes privilégiées sont les odeurs et les films. Pour la joie et la tristesse, la méthode la plus utilisée consiste à demander aux participants de raconter un événement récent, joyeux ou triste, de leur vie. Si les émotions jouent un rôle dans la formation des jugements moraux, alors nous pouvons nous attendre à ce qu’induire une émotion perturbe et modifie les jugements moraux des participants. Et c’est ce que nous observons dans un grand nombre d’études. Le cas le plus étudié est celui du dégoût qui, lorsqu’il est induit, tend à rendre plus sévères nos jugements moraux (Schnall, Haidt, Clore, & Hordan, 2008 ; Wheatley & Haidt, 2005). Le tableau 1 récapitule l’ensemble des études testant l’influence de l’induction émotionnelle sur les jugements moraux, en spécifiant pour chaque étude, l’émotion induite, le type de scénario, la technique d’induction, et les résultats obtenus. 8 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Auteurs Émotion Valdesolo & De Hilarité Steno (2006) Types de Méthodes scénarios d’induction Dilemmes vidéo 9 Résultat Induire de l’hilarité entraîne moraux une probabilité plus forte de (personnel/ choisir impersonnel) personne sous le train pour de pousser la sauver 5 personnes. Wheatley & Dégoût Haidt (2005) Scénario hypnose Induire du dégoût entraîne moralement des jugements moraux plus dégoûtants sévères. (Ex : cousins qui ont des relations sexuelles ensemble) Schnall, Haidt, Dégoût Scénario odeur Induire du dégoût entraîne dégoûtant Clore, et des jugements moraux plus Hordan (2008), sévères (dépend du niveau Expérience 1 de sensibilité au dégoût de chaque participant). Schnall, Haidt, Dégoût Clore, et Scénario travailler dégoûtant dans Idem une salle Hordan (2008), dégoûtante Expérience 2 Schnall, Haidt, Dégoût Scénario se rappeler Idem Clore, et Tristesse dégoûtant une expérience Hordan (2008), physique Expérience 3 dégoûtante Schnall, Haidt, Dégoût Scénario Clore, et Tristesse dégoûtant Hordan (2008), vidéo Idem Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 10 Expérience 4 Strohminger, Hilarité Dilemmes clip audio Lewis et Meyer Elévation moraux (2011) 1 Induire de l'hilarité tend à rendre plus tolérant vis-à-vis (personnel, des transgressions morales. impersonnel) Induire de l’élévation rend au contraire les gens moins tolérants. Ugazio, Lamm, Dégoût et Singer (2011), Expérience 1a Dilemmes odeur Induire de la colère rend les moraux participants plus tolérants. (personne/ Induire du dégoût rend les impersonnel) participants moins tolérants. Scénario dégoûtant Scénario « croyance »2 Ugazio, Lamm, Dégoût clip vidéo Idem et Singer (2011), Expérience 1b Ugazio, Lamm, Colère donner un Idem feedback et Singer négatif sur (2011), des Expérience 2 dissertatio ns Seidel et Prinz Colère Violations de son, Induire (2013) Dégoût l’éthique augmente la sévérité des de musique l’autonomie de la colère jugements concernant des 1 Terme forgé par Haidt (2000), l'élévation désigne une émotion positive, un sentiment de beauté suscité par des actions morales, et dirigé vers des personnes vertueuses. 2 Scénarios dans lesquels un agent viole une norme morale, mais sur la base de fausses croyances, et donc fait quelque chose de mal sans en avoir l’intention. Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 11 (par crimes exemple : personnes, tuer un contre des comme par exemple un vol. enfant) Induire du dégoût augmente Violations de la sévérité des jugements l’éthique de concernant pureté contre la nature, comme par (par des crimes exemple : exemple un homme qui manger de la mange son chien déjà mort. chair humaine) Inbar, Bloom, Dégoût Aucun odeur Induire du dégoût entraîne une et Pizarro augmentation attitudes (2012) des négatives implicites vis-à-vis d'un groupe social (homosexuel). Lerner, Colère clip vidéo Induire de la colère entraine Goldberg et une augmentation de la Tetlock (1998) tendance à attribuer des fautes à la personne jugée, même pour des fautes qu’elle n’a pas commise. Tableau 1 : Émotion induite, type de scénario, technique d'induction et résultats obtenus Toutes ces études ont ainsi montré que l'induction permettait d’influencer le jugement moral des personnes, et que l’influence sur le jugement moral différait selon l’émotion induite. Ces recherches soulignent l’importance des émotions dans la formation de nos jugements moraux. Cependant, on peut se demander si les émotions ont toutes le même effet sur le jugement moral ou si elles jouent des rôles différents. Les études citées suggèrent que seules certaines émotions influencent notre jugement moral (par exemple Schnall et al. 2008, ont observé qu’induire du dégoût, mais pas de la tristesse, rendait les jugements moraux des participants plus sévères). Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Ugazio, Lamm, et Singer (2011) ont émis l’hypothèse que l’influence des émotions sur les jugements moraux dépendrait de leur dimension motivationnelle. Les auteurs ont testé l’effet de la colère et du dégoût, deux émotions de même valence (négative) mais avec des implications motivationnelles différentes (approche pour la colère contre évitement pour le dégoût). Les participants devaient ensuite répondre à quatre types de scénarios différents (dilemmes moraux personnels ou impersonnels, actes dégoûtant et actes basés sur une croyance fausse). Les résultats ont montré que la colère, associée avec une tendance à l’approche rendait les jugements moraux plus tolérants, tandis que le dégoût, associé à une tendance à l’évitement, les rendait moins tolérants. 2. Théorie 2.1 Le domaine moral est lié à certaines émotions Les différentes émotions jouent-elles des rôles différents et lesquels ? Dans cette partie, nous allons présenter les différentes théories traitant des différents rôles joués par différentes émotions dans nos jugements moraux. Shweder, Much, Mahapatra, et Park (1997), ont proposé une division du domaine moral en trois formes différentes d’éthiques sur lesquels les cultures s’appuient pour résoudre les problèmes liés à la morale. Il s’agit de l’éthique de la communauté, de l’éthique de l’autonomie et de l’éthique de la divinité, qui constituent ce qu’ils ont appelé les « Big Three of morality ». L’éthique de la communauté concerne le respect des principes de base d’une communauté comme la hiérarchie, le respect et le devoir envers les membres de son groupe, et concerne des violations comme le fait de brûler le drapeau national. L’éthique de l’autonomie concerne le respect des droits de chacun et de leur liberté individuelle et concerne des violations comme battre sa femme. Enfin, l’éthique de la divinité porte principalement sur le respect de sa propre pureté et sainteté, et concerne des violations comme l'inceste. S’inspirant de cette théorie, Rozin, Lowery, Imada, et Haidt (1999) ont proposé une théorie devenue depuis lors très influente sous le nom de « CAD (Contempt, Anger, Disgust) triad hypothesis ». Ils reprennent les trois différentes formes d’éthique du domaine moral (autonomie, communauté et pureté) de Schweder et al. (1997) pour les associer à trois émotions (colère, mépris et dégoût), en associant une émotion précise à chaque éthique. Selon 12 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle eux, les violations de l’éthique de l’autonomie provoquent la colère, les violations de l’éthique de la communauté provoquent le mépris et les violations de l’éthique de la pureté entrainent le dégoût. Ils ont testé cette hypothèse au travers de plusieurs expériences, menées à la fois sur des étudiants américains et japonais, pour s’assurer de la validité interculturelle de leurs résultats. Dans la première expérience, il était demandé aux participants de lire des situations décrites en une ou deux phrases et de déterminer à l’aide de photographies quelle expression faciale ferait une personne assistant à la violation morale décrite dans le scénario, tandis que, dans la deuxième expérience, il leur était demandé de dire en un mot quelle émotion était susceptible de ressentir la même personne dans cette situation. Les résultats de ces expériences suggèrent qu’il existe bien un lien entre les différentes formes d’éthique et les différentes émotions induites. Cependant, la délimitation entre chaque catégorie n’est pas toujours claire. De ce fait, quelques objections peuvent être faites vis-à-vis de cette hypothèse. Tout d'abord les différentes formes de violations morales ne sont pas les mêmes en fonction des deux cultures choisies. Imada, Yamada, et Haidt (1993) ont proposé à des participants japonais et américains de décrire trois événements dégoûtants que les chercheurs ont par la suite classés en huit catégories différentes, comme par exemple la nourriture, le sexe ou encore l'hygiène. Qu’importe leur origine culturelle, chaque participant était capable de citer une grande variété d’événement. Néanmoins, dans cette étude, certains participants citaient des actes appartenant à l’éthique de l’autonomie comme dégoutant, comme le racisme dans le cas des participants américains. Or, le racisme ne relève pas de l’éthique de la pureté mais de l’éthique de l’autonomie. (Rozin, Haidt, & McCauley 2008). Dans une étude interrogeant l’existence du dégoût « moral », Chapman, Kim, Susskind et Anderson (2009) se concentrent sur trois types de dégoût : gustatif, basique et moral en comparant leurs expressions faciales respectives. Les trois types de dégoût entraînent une élévation du muscle facial appelé levator labii qui est l'expression typique du dégoût (lèvre supérieur remonté et nez retroussé). Ce qu’il est important de souligner est que Chapman et al. (2009) ont observé cette expression lorsque les participants assistaient à un acte injuste. Ainsi, face à un acte qui appartient à l’éthique de l’autonomie, les participants ressentaient du dégoût. 13 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Par conséquent, le dégoût en tant qu’émotion morale ne serait pas seulement lié à la violation de la divinité mais aussi à la violation de l'autonomie (Rozin, Lowery, & Ebert, 1994). En effet, Sherman, Haidt, et Coan (2007, cité par Rozin, Haidt, & McCauley, 2008) ont montré que lorsque des participants voyaient une vidéo d’Américain néo-nazi ils ressentaient à la fois du dégout mais aussi de la colère. 2.2 Les différents types de jugements moraux Dans cette recherche nous allons donc proposer une autre hypothèse qui ne va pas différencier les émotions par le type de normes morales violées mais par le type de jugements moraux auxquelles elles sont liées. En effet, il faut noter que, si de nombreuses recherches (cf tableau 1) ont étudié l’effet de l’induction d’émotions sur les jugements moraux, elles ont toute manqué de faire la distinction entre les différents types de jugements moraux qui peuvent exister. La littérature en philosophie morale, quant à elle, distingue de nombreux types de jugements moraux. Tout d'abord ceux portant sur l’action (comme par exemple « c’est bien »), puis ceux portant sur les motivations (comme par exemple « il a de mauvaises intentions »), mais aussi ceux portant sur des traits de caractères (« il est cruel ») et enfin ceux portant sur l'agent pris en entier (« c’est un sale type »). Au départ, les premières études en psychologie se sont intéressées à l’évaluation morale de l’acte, comme c’est le cas de Smart et Williams (1973, cité par Pizarro & Tannebaum, 2011). Cependant, il faut aussi prendre en considération l’évaluation morale de la personne comme le font certaines théories psychologiques du blâme (Pizarro & Tannenbaum, 2011). Il faut donc faire la distinction entre d'un côté les jugements portant sur une personne, que Tannenbaum, Uhlmann et Diermeier (2011) définissent comme une évaluation morale globale, et de l'autre les jugements portant sur une action, qu'ils considèrent comme une estimation de l'acceptabilité ou de la permissibilité d'un comportement donné. Nous pouvons observer une dissociation entre les deux types de jugements. Ainsi, dans l’une de leurs études, lorsque les participants doivent juger l'action, ils trouvent que battre sa femme est plus mauvais que battre son chat. Cependant, lorsqu’ils jugent la personne, ils trouvent que quelqu'un qui bat son chat est plus mauvais que quelqu'un qui bat sa femme. 14 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 2.3 Les jugements moraux sur l’action et sur l’agent Nous allons donc nous intéresser à ces deux types de jugements moraux, à savoir les jugements portant sur une action et les jugements portant sur un agent. Dans la littérature, des données suggèrent que ces deux types de jugements moraux suscitent des émotions différentes. Ainsi, la culpabilité semble être associée aux jugements que nous portons sur nos actions (nous nous sentons coupables pour ce que nous avons fait), tandis que la honte semble associée aux jugements que nous portons sur nous-mêmes (nous avons honte de ce que nous sommes) (Tangney, 1996). Pour le dire autrement : la honte est directement liée au soi alors que la culpabilité semble porter sur des comportements spécifiques (Teroni & Deonna, 2008). Ainsi, la honte porterait sur un agent alors que la culpabilité porterait sur une action. Cependant, honte et culpabilité sont des émotions en première personne, et nous allons ici essayer de transposer cette distinction à la troisième personne, en attribuant à la colère et au dégoût différents rôles dans le jugement moral. La colère semble être une réaction face aux crimes commis contre des personnes tandis que le dégoût semble lié aux crimes contre la nature, comme par exemple le cannibalisme (Seidel & Prinz, 2013). De plus, le dégoût serait lié à la pureté morale et suscité plus pas les crimes qui vont à l’encontre la nature que par ceux qui vont à l’encontre de la justice (Horberg, Oveis, Keltner, & Cohen, 2009). Par conséquent, la colère serait déclenchée par le fait que quelqu'un a fait quelque chose de mal, et donc par l'action commise, alors que le dégoût serait déclenché par la perception que quelqu'un est une mauvaise personne, et donc par la personne elle-même (Nichols, 2010). La théorie pourrait se résumer de cette manière : À la première personne : Culpabilité / Honte Jugements sur l’agent Jugements sur l'action À la troisième personne : Colère / Dégoût 15 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Cette recherche permettra de déterminer le rôle respectif de chaque émotion dans la formation de nos jugements moraux et de mettre à l’épreuve la théorie que nous venons de présenter. 3. Hypothèse Les émotions retenues pour nos études ont été le dégoût et la colère, car ce sont des émotions proches l’une de l’autre puisqu’elles ont toutes les deux une valence négative. Cependant, la colère est liée à un comportement d’approche tandis que le dégoût est lié à un comportement d’évitement. La colère et le dégoût ont été choisis car ce sont des émotions faciles à induire. En effet, de nombreuses recherches ont utilisé le dégoût et la colère car il était plus facile de faire ressentir ces deux émotions aux participants. Comme indiqué dans la section précédente, nous pensons que le dégoût est lié à l’évaluation de l’agent. De ce fait, nous pensons qu'induire du dégoût aura plus d'effet sur l'évaluation morale de l'agent que sur l'évaluation morale de l'action. Pour la colère, à l’inverse, nous avons fait l’hypothèse qu’elle est liée à ce que fait une personne, aux actes qu’elle a commis. De ce fait, nous pensons qu’induire de la colère aura plus d'effet sur l'évaluation morale de l'action que sur l'évaluation de l'agent. Les expériences présentées dans ce mémoire portent sur la première prédiction. Nous avons testé l'effet de l'induction du dégoût sur les différents types de jugements moraux, en prédisant une interaction entre le type d'émotion induit et le type de jugements moraux. 4. Expérience 1 : méthode 4.1 Participants Soixante participants (51 femmes, 9 hommes, Mage = 21,4 ans, ETage = 3,01) ont été recrutés pour cette expérience. Tous étaient étudiants à l'Université de Genève en deuxième année de psychologie. Tous les participants ont donné leur consentement. Il n’y avait aucun critère d’exclusion. Les participants participaient en échange de crédits universitaires. 16 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 4.2 Matériel 4.2.1 Stimuli Pour cette expérience, nous avions besoin de vidéos neutre et dégoûtante ainsi que de questions portant de façon distincte sur l’évaluation de l’agent et l’évaluation de l’acte. De ce fait, nous avons créé différents types de scénarios et de questions, puis les avons prétesté sur internet. 240 participants recrutés sur Amazon mechanical turk ont pris part au prétest. 4.2.2 Scénarios, questions et questionnaires Chaque scénario utilisé dans cette étude existe en trois versions. Dans une première version, le personnage agit pour de mauvaises intentions et son action a de mauvaises conséquences. Dans ce cas, nous nous attendions à ce que les participants condamnent l’agent et l’action. Dans une deuxième version, l’agent agit pour des intentions neutres, mais son action a toujours de mauvaises conséquences. Dans ce cas, nous nous attendions à ce que les participants ne condamnent que l’action. Enfin, dans une dernière version, l’agent agit pour de mauvaises intentions mais les conséquences de son action sont neutres. Dans ce cas, nous nous attendions à ce que les participants ne condamnent que l’agent. En plus de ces scénarios, deux scénarios neutres servant de baseline et ayant déjà été validés dans d’autres études ont été ajoutées. Un exemple de scénario Version Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac et décide de lui voler avant de partir en courant. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe. Version Intention Neutre + Mauvaises Conséquences Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met donc à courir pour ne pas le rater. Dans sa hâte, il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe. Version mauvaises intentions + conséquences neutres Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac 17 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle et décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et trébuche puis tombe au sol. La vieille dame monte dans le bus, saine et sauve. Un exemple de scénario neutre Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine des réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de divers sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s'efforce de proposer des sujets de discussion qui conviennent et qui plaisent à la fois aux enseignants et aux étudiants. Tableau 2 Exemples de scénarios Chaque participant recevait une seule version de chaque scénario (déterminé aléatoirement) ainsi que les deux scénarios neutres. Après chaque scénario, le participant devait répondre à une série de questions. Les questions se divisaient en trois catégories. Des questions d’ordre général : - A quel point [prénom de l’agent] mérite-t-il d’être blâmé ? - A quel point [prénom de l’agent] mérite-t-il d’être puni ? Des questions portant sur le caractère de l’agent : - Est-ce que [prénom de l’agent] est quelqu’un de bien ? - Est-ce que [prénom de l’agent] est quelqu’un de gentil ? - A quel point les intentions de [prénom de l’agent] étaient-elles bonnes ? Des questions portant sur les conséquences de l’action et sur la responsabilité de l’agent : - Est-ce que [prénom de l’agent] a fait du tort à quelqu’un d'autre que lui? - Est-ce que [prénom de l’agent] a nui à quelqu'un d'autre que lui ? - A quel point [prénom de l’agent] est-il responsable d’avoir fait du mal à quelqu’un d’autre que lui ? Pour chaque question, les participants répondaient sur une échelle allant de 1 (pas du tout) à 9 18 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle (énormément). 4.2.3 vidéo Pour réaliser l’induction d’émotion, une vidéo neutre et une vidéo dégoûtante ont été sélectionnées. Pour la vidéo dégoûtante, il était important que les personnes ressentent seulement du dégoût et non de la souffrance. La vidéo de dégoût que nous avons retenue était un extrait du film « trainspotting » (1996) déjà utilisé dans d’autres expériences et proposé par Schaefer, Nils, Sanchez et Philippot (2010) sur internet. Quant à la vidéo neutre choisie, il s’agit d’un homme en train de tondre la pelouse. Afin d'avoir le même temps de présentation pour chaque vidéo, elles ont été coupées à une minute et six secondes. 4.3 Protocole On commençait par expliquer aux participants qu’ils allaient devoir évaluer des stimuli émotionnels et moraux qui seraient utilisés pour une autre expérience. L'expérience se passait dans un laboratoire car nous avions besoin d'un ordinateur pour montrer les vidéos. Le reste de l'expérience se faisait sur questionnaire papier. Le participant arrivait dans le laboratoire et s’installait devant un ordinateur. Nous lui demandions ensuite de lire et de remplir le formulaire de consentement. Le participant devait ensuite remplir un questionnaire comportant les questions démographique d’usage (leur âge et leur sexe) ainsi qu’un rapide test de personnalité en 10 questions (une version courte du « Big Five »)3. Juste avant de regarder la vidéo, les participants remplissaient un questionnaire sur leur état émotionnel actuel. Ils le remplissaient une seconde fois juste après afin de vérifier que le visionnage de la vidéo avait bien induit l’émotion désirée. Le questionnaire demandait aux participants d’évaluer sur une échelle de 0 (pas du tout) à 9 (énormément) à quel point il ressentait chacune des émotions suivantes : la colère, le dégoût, la joie, et enfin la tristesse. Finalement, après avoir vu la vidéo et répondu à la seconde version du questionnaire, 3 Certains traits de personnalité (par exemple, l’extraversion) sont liés à la capacité des personnes à gérer leurs émotions. Nous pensions donc qu’il était intéressant d’avoir une mesure de ces traits, afin de voir si l’effet de l’induction était plus important chez les participants moins capables de gérer leurs émotions. Cependant, étant donné l’absence d’effet, nous n’avons pas utilisé ces mesures par la suite. 19 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 20 le participant était mené dans une autre salle pour y lire les 8 scénarios et répondre aux questions correspondantes. Chaque participant était testé individuellement et était assigné de manière aléatoire à une des deux conditions (vidéo neutre ou dégoûtante). 5. Résultats expérience 1 5.1 Vérification de l’effet de la manipulation Nous avons commencé par vérifier si nos vidéos avaient eu l’effet escompté et induit l’émotion désirée. Pour chaque vidéo (neutre et dégoutante), nous avons comparé les réponses des participants aux questions sur leurs états émotionnels avant et après visionnage de la vidéo. Vidéo Neutre Colère Vidéo Dégoutante N = 30, t = -1.58, df = 29, p > .05 N = 30, t = 0.50, df = 29, p > .05 Dégoût Mavant : 0,63 / Maprès : 6,67 N = 30, t = -1.49, df = 29, p > .05 Joie N = 30, t = 11.66, df = 29, p < .05 Mavant : 5,53 / Maprès : 4,33 N = 30, t = -2.92, df = 29, p < .05 Tristesse N = 30, t = -2.47, df = 29, p < .05 Mavant : 5,07 / Maprès : 3,33 N = 30, t = -4.56, df = 29, p < .05 N = 30, t = 0.13, df = 29, p > .05 Tableau 3 Indique pour chaque vidéo et chaque émotion le résultat d’un test de Student apparié ainsi que les moyennes du dégoût pour la vidéo dégoûtante et de la joie. Avec le tableau 3, nous avons remarqué que, pour les deux vidéos (neutre et dégoutante), les participants ont une moyenne de joie assez élevé tant avant qu’après l’induction. Toutefois, les sujets sont moins joyeux après qu’avant l’induction. 5.2 Effet de l’induction sur les jugements « moraux généraux » Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 21 Nous avons effectué une première Analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées sur les jugements moraux généraux, c’est-à-dire sur les questions d’ordre général portant sur le blâme et la punition. Par rapport au blâme : Source DDl Blâme 1 Résidus 475 Somme des carrées Carré moyen 1.09 1.8708 4810.5 Test-F 0.1847 p-valeur 0.6675 10.1274 Tableau 4. Il n’y a aucun effet significatif pour la question sur le blâme (p >.05) Par rapport à la punition : Source DDl Blâme 1 Résidus 476 Somme des carrées Carré moyen 1.04 1.3918 4958.9 10.4179 Test-F 0.1336 p-valeur 0.7149 Tableau 5. Pour la punition il n’y a aucun effet significatif (p > .05) 5.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux » Pour les trois questions portant sur le caractère de l’agent, nous les avons agrégé afin de les rassembler en une seule variable appelée « a » et nous avons réalisé la même opération pour les trois questions portant sur les conséquences de l’action et sur la responsabilité de l’agent que nous avons agrégé en une seule variable « c ». Puis, nous avons dû modifier l’échelle de la variable « a » en la soustrayant à 10 car elle était inversée par rapport à la variable « c ». Finalement, « a » et « c » sont devenues une seule et même variable « v », chaque participant ayant pour chaque scénario deux points de données en « v » : un pour les questions portant sur l’agent et un pour les questions portant sur l’action. Le type de questions a été traité comme un facteur à deux niveaux. Toutes nos données ont été traitées avec un seul modèle d’analyse, il s’agit de l’Analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées. Nous avons utilisé cette analyse car Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 22 nous pouvions tester nos hypothèses d’interactions entre nos variables, le seuil a été fixé à 0.05. Une première analyse de variance à mesures répétées selon le plan 2 x 2 (vidéo [neutre, dégoût] x (question [agent, action]) a été effectuée en prenant « v » comme variable dépendante a été effectuée. Source DDl vidéo 1 question 1 vidéo x question 1 Résidus 954 Somme des carrées 0 .0 Carré moyen 0.030 Test-F 0.0034 p-valeur 0.95370 35.0 34.959 3.9523 0.04709* 3.2 3.156 0.3568 0.55041 8438.3 8.845 Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’ Tableau 6. Nous pouvons voir qu’il y a un effet du type de question F(1,954) = 3.95, p < .01 En revanche, nous pouvons remarquer qu’il n’y a pas d’effet de la vidéo ni d’interaction entre la vidéo et le type de question (p > .05). 6. Discussion expérience 1 Notre objectif était de déterminer le rôle du dégoût dans la formation de nos jugements moraux. Nous avions émis l’hypothèse que le dégoût influencerait de manière spécifique les jugements portant sur l’agent et nous avons fait cette expérience dans le but d’observer une interaction entre le type de vidéo utilisé et le type de questions posées. Nous n’avons pas obtenu de résultats significatifs et nous avons donc décidé de faire une seconde expérience. Pour cette deuxième expérience, nous nous sommes interrogés sur les raisons du manque de résultats dans notre première expérience. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les différents scénarios utilisés n’étaient peut-être pas assez ambigus. Un scénario est « ambigu » quand il requiert une réflexion de la part du participant, qui est incapable de décider immédiatement si ce que le personnage a fait est bien ou mal. Dans l’étude d’Ugazio, Lamm, et Singer (2011), qui testent différents scénarios tels que les dilemmes moraux, les scénarios dégoutants et les scénarios « croyances », les résultats suggèrent qu’il n’y a un effet Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle de l’induction que pour les scénarios dégoutants et les dilemmes moraux, c’est-à-dire des scénarios provoquant des conflits entre diverses considérations. Nous avons donc décidé de rajouter des dilemmes moraux ayant déjà été validé ainsi que d’autres scénarios moralement dégoutants. De plus, étant donné que pour des raisons techniques, nous avons dû dans un premier temps faire regarder les participants la vidéo dans une salle puis les changer de salle afin qu’ils répondent aux questionnaires, nous nous sommes demandés si l’effet de l’induction n’avait pas été estompé par cette coupure entre les deux tâches. Nous avons donc décidé de faire passer la deuxième expérience dans la même salle et afin d’amplifier et de consolider l’effet de l’induction, nous avons rajouté des questions portant sur la vidéo qui forceraient les participants à se remémorer ce qu’ils venaient de voir. En ce qui concerne les vidéos, nous avons gardé les mêmes car le but n’était pas de tout changer mais d’apporter des modifications à partir de la première expérience. De plus, à la fin de chaque scénario des questions sur la complexité du scénario ont été posées afin de vérifier que les scénarios n’étaient pas trop simples d’un point de vue moral. 7. Expérience 2 : méthode 7.1 Participants 36 participants ont été recrutés à l’université de Genève. L’expérience était rémunérée 10CHF. 7.2 Matériel 7.2.1 Stimuli 7.2.2 Vidéo Les vidéos de la première expérience ont été conservées (extrait de Trainspotting pour la vidéo dégoutante et vidéo d’un homme qui tond la pelouse pour la vidéo neutre). 23 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 7.2.3 Scénario, questions, questionnaires La procédure était semblable à celle de notre première expérience, à quelques différences près. Ainsi, après avoir vu la vidéo, les participants devaient résumer en quelques lignes le contenu de la vidéo qu’ils venaient de voir et aussi décrire l’événement qui les avait le plus marqué dans cette vidéo, tout cela dans le but que les participants regardent bien la vidéo et qu’ils se la remémorent, améliorant ainsi l’effet de l’induction. Se basant sur l’étude d’Ugazio, Lamm, et Singer (2011), nous avons aussi rajouté des scénarios moralement dégoutants ainsi que des dilemmes moraux, puisqu’ils avaient trouvé un effet de l’induction pour ces scénarios. Voici un exemple de dilemme moral rajouté : « Dans un pays en Guerre, Claire vit avec ses deux enfants, âgés de 5 et 8 ans, dans un territoire occupé par l’ennemi. Au quartier général ennemi se trouve un docteur qui réalise sur les prisonniers de guerre des expériences extrêmement douloureuse qui se soldent inévitablement par la mort du sujet. Un jour, il annonce à Claire qu’il a l’intention de réaliser une de ces expériences sur l’un de ses enfants. Elle a 24 heures pour choisir lequel des deux subira l’expérience, sans quoi il prendrait les deux et leur fera passer à tous les deux son expérience. Après une nuit de doute et pour sauver au moins un de ses enfants, Claire livre son enfant le plus jeune au docteur ». Nous avons aussi repris des scénarios moralement dégoutant proposé par Haidt (2001) à des étudiants comme cet exemple qui suit : « Julie et Marc sont frère et sœur et tous deux sont à l’université. Pendant, leurs vacances d’été, ils décident d’aller visiter ensemble les plus belles régions d’Italie. Une nuit, alors qu’ils sont ensemble dans une cabane près de la plage, ils se disent que ce serait drôle et intéressant de faire l’amour ensemble. Au pire, ça sera une expérience inédite. Julie prend déjà la pilule, mais juste pour être certain, Marc décide d’utiliser aussi un préservatif. Ils prennent tous les deux beaucoup de plaisir à faire l’amour, mais décident de ne jamais recommencer. Ils font de cette nuit leur grand secret, un secret qui les fait se sentir encore plus proches l’un de l’autre qu’auparavant ». 24 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Et enfin deux scénarios servant de baseline mis au tout début afin d’ancrer les réponses des participants ont été ajoutés, comme par exemple : « Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine des réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de divers sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s’efforce de proposer des sujets de discussion qui conviennent et plaisent à la fois aux enseignants et aux étudiants ». Les questions d’ordre général, les questions sur l’agent ainsi que les questions sur l’action ont été gardées, seul deux questions ont été rajoutées afin de tester l’ambiguïté des scénarios ainsi que la certitude des participants quant à leurs réponses. Il s’agit de : -A quel point êtes-vous certains de vos réponses aux questions précédentes ? -Avez-vous rencontré des difficultés à répondre aux questions précédentes ? Nous avons aussi conservé le questionnaire sur l’état émotionnel des participants, mais le donnions cette fois-ci toute à la fin de l’expérience, dans le but de vérifier l’influence de nos scénarios. 7.3 Protocole Le participant s'installe devant l'ordinateur, nous lui apportons la feuille de consentement afin d’avoir son accord pour la recherche. Nous lui expliquons à l’oral qu’il va voir une vidéo assez courte et qu’il aura par la suite à répondre à des questions sur la vidéo ainsi qu'à évaluer des stimuli émotionnels et moraux. Le questionnaire avec les scénarios est posé face cachée sur le bureau afin qu'une fois la vidéo terminée le participant commence immédiatement à répondre aux deux questions sur la vidéo. Ensuite, il lit les scénarios (8 au total) et répond aux questions. A la fin le participant répond au questionnaire sur les émotions. 25 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 8. Résultats expérience 2 8.1 Vérification de l’effet de la manipulation Dans cette expérience, nous ne pouvons pas faire une comparaison entre avant et après car nous avons fait passer le questionnaire sur les émotions qu’une seule fois. Nous avons donc fait une comparaison entre la vidéo neutre et la vidéo dégoutante. Vidéo Neutre / Dégoutante Colère Mneutre : 0.94 / Mdégoût : 1.27 N = 18, t = 0.58, df = 34, p > .05 Dégoût Mneutre : 3.05 / Mdégoût : 4.61 N = 18, t = 1.59, df = 34, p > .05 Joie Mneutre : 2.72 / Mdégoût : 4.11 N = 18, t = 1.72, df = 34, p > .05 Tristesse Mneutre : 2.05 / Mdégoût : 1.72 N = 18, t = -0.43, df = 34, p > .05 Tableau 7 Comparaison entre la vidéo neutre et la vidéo dégoutante avec un test de student et les moyennes. Avec le tableau 7 nous pouvons remarquer que la moyenne concernant le dégoût est assez forte dans nos deux conditions de vidéos. Les scénarios ont certainement eu un rôle, cependant, les participants ont plus ressenti du dégoût avec la vidéo dégoutante qu’avec la vidéo neutre. 8.2 Vérification de l’ambiguïté et de la difficulté des scénarios Nous avons vérifié l’ambigüité des scénarios au moyen de la question concernant la certitude des participants. NM (scénarios expérience 1) -2.423611 D (dilemmes) -0.79 P (dégoutants) -1.690972 26 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 27 Etant donné que les dilemmes moraux sont proches de 0 (-.79), ils sont très ambigus tandis que les scénarios de l’expérience 1 ne l’étaient pas du tout (-2,42). Nous avons vérifié la difficulté des scénarios grâce à la question sur la difficulté, il n’y a pas d’effet F(3,280) = 1.35, p > .05 Source DDl Somme des carrées Carré moyen Type scénario 3 13.06 4.3534 Résidus 900.42 3.2158 280 Test-F p-valeur 1.3538 0.2573 Tableau 9 Vérification de la difficulté des scénarios 8.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « généraux » Par rapport à la première question portant sur le blâme, nous avons fait une analyse de variance à mesures répétées sur les réponses de la question du blâme. Source DDl Blâme 1 Résidus 213 Somme des carrées 2.07 1589.94 Carré moyen 2.0728 Test-F p-valeur 0.2777 0.5988 7.4645 Tableau 10 Il n’y a aucun effet significatif pour la question portant sur le blâme. Nous avons refait la même analyse pour les réponses à la question portant sur la punition. Source Ddl Somme des carrées Carré moyen Test-F p-valeur Punition 1 3.44 3.4363 0.6083 0.4363 Résidus 213 1203.16 5.6486 Tableau 11 Il n’y a aucun effet significatif pour la question portant sur la punition. 8.4 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux » Tout comme pour la première expérience, afin de pouvoir analyser nos résultats, nous avons additionné les trois questions portant sur le caractère de l’agent ce qui nous a permis d’avoir la somme d’une seule variable appelée « a » pour pouvoir ensuite faire la moyenne. Ensuite, Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 28 nous avons réalisé la même opération pour les trois questions portant sur les conséquences de l’action et sur la responsabilité de l’agent que nous avons nommé « c ». Puis, nous avons dû modifier l’échelle de la variable « a » en la soustrayant à 10 car elle était inversée par rapport à la variable « c ». ». Et enfin, nous avons recrée une variable « v » qui intègre les variables « a » et « c ». Puis nous avons effectué une analyse de variance (ANOVA) avec comme facteurs les vidéos et les types de questions. Source Ddl Somme des carrées Carré moyen question 1 1.8 Vidéo 1 16.8 16.8356 Quest : vidéo 1 30.7 30.6720 Résidus 426 3206.5 Test-F 1.7996 0.2391 2.2367 4.0749 p-valeur 0.62512 0.13551 0.04415* 7.5271 Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’ Tableau 12 Il n’y a pas d’effet significatif du facteur vidéo, ni du facteur type de question mais par contre nous pouvons observer un effet significatif d’interaction entre le facteur type de question et le facteur vidéo (p < .05) Afin de comprendre la source de cette interaction, nous avons effectué une moyenne des trois questions portant sur le caractère de l’agent (« a ») et des trois questions portant sur les conséquences de l’action (« c »). a = Questions sur le caractère c = Questions sur de l’agent conséquences de l’action Neutre 5.12 5.43 Dégoût 5.23 4.49 les Tableau 13. Il s’agit d’un tableau de moyennes Nous pouvons remarquer que le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur l’agent que sur l’action. Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 29 Nous avons effectué une analyse de variance à trois facteurs (vidéo x type de questions x types de scénarios) afin de vérifier s’il y avait une interaction. Source Ddl question 1 1.8 vidéo 1 16.84 question : vidéo 1 question : scénario 1 Somme des carrées 30.67 21.44 Carré moyen 1.7996 0.55534 0.07173 30.6720 5.9380 0.01523 * 21.4404 4.1508 0.04224 * 0.13 0.1349 quest:vidéo:scén 1 0.39 0.3920 2169.44 p-valeur 3.2593 1 420 0.3484 16.8356 vidéo:scénario Résidus Test-F 0.0261 0.0759 0.87168 0.78309 5.1653 Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’ Tableau 14. Il n’y a pas d’interaction triple entre le type de scénarios et le type de questions et le facteur « vidéo ».Cependant, il y a une interaction entre le facteur « vidéo» et le facteur « type de scénarios » et le facteur « type de question » et le facteur « type de scénarios ». 9. Discussion L’objectif de cette étude était de déterminer le rôle du dégoût dans la formation de nos jugements moraux. Nous avions émis l’hypothèse que le dégoût serait lié aux jugements portant sur un agent et que la colère serait liée aux jugements portant sur une action. Dans notre deuxième expérience, nous n’avons trouvé aucun résultat significatif sur les questions d’ordres générales, pas contre nous avons trouvé une interaction entre le type d'émotion induit et le type de jugements moraux demandés. Nous avons l’interaction que nous avions prédite car le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur l’agent que celle des jugements sur l’action. Cependant, il faut noter que si nous comparons avec la vidéo neutre, nous pouvons remarquer que le dégoût à diminuer la sévérité des jugements sur l’action Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 10. Conclusion générale Nous avions fait une première expérience qui n’avait donné aucun résultat significatif, nous avons donc décidé de modifier les scénarios car nous pensions qu’il s’agissait surement de la raison du manque de résultats significatifs. Grâce à notre deuxième recherche, nous avons trouvé que le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur l’agent que celle des jugements sur l’action. Cette interaction va dans le sens que nous avions prédit puisque nous pensions qu’induire du dégoût aura plus d'effet sur l'évaluation morale de l'agent que sur l'évaluation morale de l'action. Toutefois, ce n’est pas exactement ce à quoi nous nous attendions, puisque lorsque nous comparons les deux vidéos, la sévérité des jugements sur l’action a plus diminué pour l’induction du dégoût tandis que les jugements sur l’agent sont à peu près les mêmes. En se basant sur différentes études (Schnall, Haidt, Clore, & Hordan, 2008 ; Wheatley & Haidt, 2005) qui ont démontré que lorsque le dégoût est induit, celui-ci tend à rendre plus sévères nos jugements moraux, nos résultats sont difficiles à expliquer puisque les jugements moraux portant sur l’agent et sur l’action avec la vidéo neutre sont eux aussi élevés. Par conséquent, il faudrait chercher pour quelles raisons les participants avaient des jugements moraux sévères dans la condition neutre et je n’ai pu trouvé d’hypothèse permettant de le faire. Cependant, cette recherche comprend certaines limites. Tout d’abord, étant donné le nombre de participants très petit, il faudrait refaire l’expérience avec un nombre plus important. Pour la première expérience, les étudiants venaient en échange de crédits universitaire, ils étaient donc « forcés » à faire des expériences, et il est possible qu’ils n’étaient pas assez concentrés pour répondre aux différentes questions. En effet, il faut noter que pour la deuxième expérience, les étudiants étaient payés et, de ce fait, probablement plus motivés à faire l’expérience sérieusement. Il serait peut-être aussi nécessaire de modifier les vidéos, et cela pour deux raisons. Tout d’abord car le passage que nous avions pour la vidéo dégoutante n’était que d’une minute et six secondes, et même s’il y a eu un effet de l’induction, il faudrait savoir exactement quel est le meilleur temps à choisir pour l’induction d’une émotion avec une 30 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle vidéo. Mais aussi parce que la vidéo dégoutante a provoqué comme émotion non seulement le dégoût (M = 4.61) mais aussi de la joie (M = 4.11) et même si les participants sont plus dégoutés que joyeux, il est préférable que les participants ne ressentent que l’émotion de dégoût. Une piste intéressante serait de changer la technique d’induction et de ne pas prendre une vidéo, mais une odeur dégoutante (et pas d’odeur pour la condition neutre) dans une prochaine expérience. En effet, l’odeur provoquerait seulement le dégoût, et nous n’aurions plus d’autres émotions qui viendraient modifier les résultats de notre expérience. De plus, nous avons vu que nos questions portant sur le blâme et la punition n’ont pas donné de résultats significatifs, il faudrait donc en trouver des nouvelles afin de voir s’il n’y a vraiment pas d’effet ou si ce sont nos questions qui n’allaient pas. Et enfin, pour ce qui est des scénarios que nous avions dans notre deuxième expérience, il serait intéressant de tous les tester afin de comprendre pourquoi certains ont eu un effet et d’autres pas. En conclusion, il faudra dans l’avenir, tester notre deuxième hypothèse qui porte sur la colère car nous n’avons pas pu le faire. Nous avions choisi de réaliser nos deux hypothèses séparément, car comme nous l’avons montré dans ce mémoire, il existe différentes techniques d’induction et, selon les émotions, certaines techniques n’ont aucun effet. Pour la colère, des techniques d’inductions appropriées consisteraient soit à donner un feedback négatif aux participants qui viennent de remplir des questionnaires, soit à utiliser des sons agaçants. 31 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle 11. Bibliographie Chapman, H.A., Kim, D.A., Susskind, J.M., & Anderson, A.K. (2009). In bad taste: Evidence for the oral origins of moral disgust. Science, 323, 1222-1226. doi: 10.1126/science.1165565 Fischer, A.H., & Roseman, I.J. (2007). Beat them or ban them: The characteristics and social functions of anger and contempt. Journal of personality and Social Psychology, 93, 103-115. doi: 10.1037/0022-3514.93.1.103 Foot, P. (1978). 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Annexe Annexe A : Scénarios de l’expérience Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac et décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe. Intention Neutre + Mauvaises Conséquences Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met donc à courir pour ne pas le rater. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe. Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac et décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et trébuche puis tombe au sol. La vieille dame monte dans le bus, saine et sauve. Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du dessous et aperçoit un voisin qu’il ne supporte pas. Il fait alors exprès de renverser son café, dans l’espoir d’ébouillanter son voisin. Le voisin se retrouve aspergé de café, le visage brulé. 37 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Intention Neutre +Mauvaises Conséquences Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du dessous, aperçoit un de ses voisins. En se penchant pour saluer son voisin, Christophe renverse par mégarde son café. Le voisin se retrouve aspergé de café, le visage brulé. Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du dessous et aperçoit un voisin qu’il ne supporte pas. Il fait alors exprès de renverser son café, dans l’espoir d’ébouillanter son voisin. Entretemps, le voisin est rentré dans son appartement pour répondre au téléphone. Le café va s’écraser sur le trottoir sans faire de victime. Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous, Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver. Paul profite que Jean ne le regarde pas pour frapper une balle en direction de Jean. La balle heurte Jean à la tête et celui-ci meurt sur le coup. Paul l’a fait exprès : il savait que Jean avait une liaison avec sa femme et voulait se débarrasser de Jean. Intentions Neutres + Mauvaises Conséquences Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous, Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver. Paul retrouve la balle et décide donc de la jouer pensant que Jean ne risque rien. Malheureusement Jean se trouvait non loin de là et la balle vient le heurter dans la tête. Il meurt sur le coup. Paul ne l’a pas fait exprès : il n’avait aucune raison de vouloir tuer Jean. 38 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous, Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver. Paul profite que Jean ne le regarde pas pour frapper une balle en direction de Jean. Cependant, Jean se baisse au même moment. Pour ramasser la balle perdue et la balle tirée par Jean lui passe au-dessus. S’il était resté debout la balle l’aurait touché à la tête et il serait mort sur le coup. Paul l’a fait exprès : il savait que Jean avait une liaison avec sa femme et voulait se débarrasser de Jean. Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première. Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup. Patrick l’avait poussé exprès, il voulait toucher l’assurance décès. Intention Neutre +Mauvaises Conséquences Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première. Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup. Patrick ne l’a pas fait exprès, il était très amoureux de sa femme. Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première. Juliette tombe sur un tapis de mousse et n’est même pas blessée. Patrick l’avait poussé exprès, en espérant qu’elle se brise le crâne sur un rocher : il voulait toucher l’assurance décès. 39 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa voiture entre alors en collision avec une autre voiture. Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de l’autre conducteur. Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre conducteur. Intentions Neutres +Mauvaises Conséquences Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa voiture entre alors en collision avec une autre voiture. Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement blessé. Stéphane se dit qu’il devrait aller voir comment va le conducteur. Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre conducteur. Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres Stéphane se promène au bord de la route lorsqu’il aperçoit une voiture qui est entrée en collision avec un arbre. Regardant de plus près, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de l’autre conducteur. Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre conducteur. Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il glisse sur une plaque de verglas. Dans sa chute, il fait tomber avec lui d’autres passants, dont certains se brisent la jambe. 40 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle En se relevant, Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le voler. Mais au même moment un autre passant vient les aider. Intentions Neutres +Mauvaises Conséquences Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il glisse sur une plaque de verglas. Dans sa chute, il fait tomber avec lui d’autres passants, dont certains se brisent la jambe. En se relevant, Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le ramasser pour le rendre. Mais au même moment un autre passant vient les aider. Intentions Neutres +Mauvaises Conséquence Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il voit un groupe de passants glisser sur une plaque de verglas. Certains d’entre eux se brisent la jambe. Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le voler. Mais au même moment un autre passant vient les aider. Annexe B : Scénarios de l’expérience 2 Scénarios baselines : -Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine des réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de divers sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s’efforce de proposer des sujets de discussion qui conviennent et plaisent à la fois aux enseignants et aux étudiants. - Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première. Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup. Patrick l’avait poussé exprès, il voulait toucher l’assurance décès. 41 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle Dilemmes moraux : -Dans un pays en Guerre, Claire vit avec ses deux enfants, âgés de 5 et 8 ans, dans un territoire occupé par l’ennemi. Au quartier général ennemi se trouve un docteur qui réalise sur les prisonniers de guerre des expériences extrêmement douloureuse qui se soldent inévitablement par la mort du sujet. Un jour, il annonce à Claire qu’il a l’intention de réaliser une de ces expériences sur l’un de ses enfants. Elle a 24 heures pour choisir lequel des deux subira l’expérience, sans quoi il prendrait les deux et leur fera passer à tous les deux son expérience. Après une nuit de doute et pour sauver au moins un de ses enfants, Claire livre son enfant le plus jeune au docteur. -David est sur un bateau de croisière quand, tout à coup, un incendie se déclare et tout le monde doit évacuer le bateau. Les canots de sauvetages se retrouvent à transporter bien plus de monde qu’ils ne le peuvent. Le canot dans lequel se trouve David est dangereusement enfoncé dans les eaux. Encore quelques centimètres et il coulera. La mer commence à s’agiter et l’eau à remplir le canot. Si rien n’est fait, il coulera avant l’arrivée des sauveteurs et tout le monde présent à son bord mourra. Cependant, il se trouve à bord du canot une personne, qui gravement blessé par l’incendie, ne survivra de toute façon pas jusqu’à l’arrivée des secours. Si cette personne était jetée par-dessus bord, le canot serait moins lourd et permettrait à ses passagés de survivre jusqu’à l’arrivée des secours. Après quelques hésitations, mais voyant qu’il s’agit du seul moyen de sauver tout le monde, y compris lui, David jette la personne blessée à la mer. Scénarios moralement dégoutant : -Julie et Marc sont frère et sœur et tous deux sont à l’université. Pendant, leurs vacances d’été, ils décident d’aller visiter ensemble les plus belles régions d’Italie. Une nuit, alors qu’ils sont ensemble dans une cabane près de la plage, ils se disent que ce serait drôle et intéressant de faire l’amour ensemble. Au pire, ça sera une expérience inédite. Julie prend déjà la pilule, mais juste pour être certain, Marc décide d’utiliser aussi un préservatif. Ils prennent tous les deux beaucoup de plaisir à faire l’amour, mais décident de ne jamais recommencer. Ils font de cette nuit leur grand secret, un secret qui les fait se sentir encore plus proches l’un de l’autre qu’auparavant. -Chaque semaine, Jean se rend au supermarché pour y acheter un poulet à rôtir (le poulet est déjà mort et prêt à cuire). Jean a entendu dire que, jadis, certains shamans avaient pour 42 Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle pratique de frotter leurs parties génitales à des poulets mort dans le but d’augmenter leur fertilité. Du coup, avant de le faire cuire, il a un rapport sexuel protégé avec le poulet. Une fois terminé, il le fait cuire et le mange. Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences : Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa voiture entre alors en collision avec une autre voiture. Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de l’autre conducteur. Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre conducteur. Intention Neutre + Mauvaises Conséquences : Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met donc à courir pour ne pas le rater. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe. 43