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Master
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
VACELET, Virginie
Abstract
Dans notre vie quotidienne, nous formons un grand nombre de jugements moraux, dont
certains se traduisent dans nos actions. Dans la recherche actuelle, une littérature abondante
Dans la recherche actuelle, une littérature abondante en psychologie suggère que les
émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement en psychologie suggère que les
émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement moral...
Reference
VACELET, Virginie. Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle.
Maîtrise : Univ. Genève, 2013
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30622
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA
MAITRISE UNIVERSITAIRE EN PSYCHOLOGIE
ORIENTATION
PSYCHOLOGIE AFFECTIVE
PAR
Virginie Vacelet
DIRECTEUR DU MEMOIRE
Prof. David Sander
JURY
Florian Cova
Julien Deonna
GENEVE, Septembre 2013
UNIVERSITE DE GENEVE
FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION
SECTION PSYCHOLOGIE
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
RESUME
Dans notre vie quotidienne, nous formons un grand nombre de jugements moraux, dont
certains se traduisent dans nos actions. Dans la recherche actuelle, une littérature abondante
en psychologie suggère que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement
moral. Une première source de donnée en faveur de cette thèse provient de l’étude empirique
des dilemmes moraux et un autre argument peut être trouvé dans le fait qu'induire des
émotions influence les jugements moraux. A l’aide de vidéos neutres et dégoutantes, nous
avons manipulé l’état émotionnel d’un certain nombre de participants puis mesurer leurs
réactions morales au sujet de courts scénarios. Dans deux expériences successives, nous
avons étudié l’effet de l’émotion induite sur les jugements moraux des participants. Alors que
nous n’avons observé aucun effet dans notre première expérience, les résultats de notre
seconde expérience suggèrent que le dégoût diminue la sévérité des jugements portant sur
l’action, mais pas celle des jugements portant sur l’agent.
2
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Sommaire
1. Introduction ............................................................................................................................ 5
2. Théorie ................................................................................................................................. 12
2.1 Le domaine moral est lié à certaines émotions .............................................................. 12
2.2 Les différents types de jugements moraux..................................................................... 14
2.3 Les jugements moraux sur l’action et sur l’agent .......................................................... 15
3. Hypothèse ............................................................................................................................ 16
4. Expérience 1 : méthode ........................................................................................................ 16
4.1 Participants ..................................................................................................................... 16
4.2 Matériel .......................................................................................................................... 17
4.2.1 Stimuli ..................................................................................................................... 17
4.2.2 Scénarios, questions et questionnaires .................................................................... 17
4.2.3 vidéo........................................................................................................................ 19
4.3 Protocole ........................................................................................................................ 19
5. Résultats expérience 1.......................................................................................................... 20
5.1 Vérification de l’effet de la manipulation ...................................................................... 20
5.2 Effet de l’induction sur les jugements « moraux généraux »......................................... 20
5.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »............................................. 21
6. Discussion expérience 1 ....................................................................................................... 22
7. Expérience 2 : méthode ........................................................................................................ 23
7.1 Participants ..................................................................................................................... 23
7.2 Matériel .......................................................................................................................... 23
7.2.1 Stimuli ..................................................................................................................... 23
7.2.2 Vidéo ....................................................................................................................... 23
7.2.3 Scénario, questions, questionnaires ........................................................................ 24
7.3 Protocole ........................................................................................................................ 25
3
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
8. Résultats expérience 2.......................................................................................................... 26
8.1 Vérification de l’effet de la manipulation ...................................................................... 26
8.2 Vérification de l’ambiguïté et de la difficulté des scénarios.......................................... 26
8.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « généraux »......................................... 27
8.4 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »............................................. 27
9. Discussion ............................................................................................................................ 29
10. Conclusion générale ........................................................................................................... 30
11. Bibliographie...................................................................................................................... 32
12. Annexe ............................................................................................................................... 37
Annexe A : Scénarios de l’expérience ................................................................................. 37
Annexe B : Scénarios de l’expérience 2 .............................................................................. 41
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
1. Introduction
Dans notre vie quotidienne, nous portons régulièrement des jugements moraux. Par exemple,
très récemment, la France a été très choquée face aux aveux du ministre Mr Cahuzac qui
avait déclaré ne pas avoir de compte en Suisse pour finalement avouer qu’il en avait bien eu
un. Ce scandale a provoqué de nombreux jugements négatifs de la part des Français et des
membres de la classe politique.
Mais quelle est la source de ces jugements moraux ? En philosophie, il est
historiquement possible de distinguer deux grandes traditions, avec d'un côté le rationalisme
(par exemple : Descartes et Kant) et de l'autre le sentimentalisme (par exemple : Hume et
Adam Smith). Les tenants du rationalisme soutiennent que nos jugements moraux sont
idéalement des produits de notre raison, bien qu’ils admettent que nos émotions puissent
venir influencer nos jugements moraux en les biaisant, tandis que les sentimentalistes
soutiennent que nos jugements moraux sont de manière fondamentale le produit de nos
émotions.
Loin d’être purement philosophique, ce désaccord entre d'un côté les tenants de la
raison et de l'autre côté les tenants de l’émotion, se retrouve en psychologie dans le champ de
la psychologie morale. Cependant, au cours de ces dernières années, les développements de la
psychologie morale ont apporté de puissants arguments en faveur de la thèse sentimentaliste.
En effet, dans la recherche actuelle, une littérature abondante en psychologie suggère
que les émotions jouent un rôle crucial dans la formation du jugement moral.
Une première source de donnée en faveur de cette thèse provient de l’étude empirique
des dilemmes moraux. Afin de mieux comprendre, prenons l'exemple du dilemme du trolley
inventé à la base par deux philosophes : Philippa Foot et Judith Jarvis Thomson, et repris
dans le champ de la psychologie par Hauser, Cushman, Young, Kang-Xing Jin, et Mikhail
(2007) dans leur étude interculturelle sur un grand nombre de participants. Soit les deux cas
suivants :
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Premier cas : Denise dévie le train
Denise est passagère d'un train dans lequel le conducteur vient de s'évanouir. Plus bas sur la
voie principale se trouve 5 personnes. Sur la voie principale se trouve un levier qui ferait
changer la direction du train vers la gauche et Denis à la possibilité de l'actionner. Il y a 1
personne sur la voie de gauche. Denise peut dévier le train en ne tuant qu'une personne ou
alors elle peut s'abstenir de dévier le train ce qui tuerait les 5 personnes. Est-il moralement
acceptable pour Denise de dévier le train ?
Figure 1. Schéma de Hauser et al. (2007) illustrant le premier cas.
Deuxième cas : Franck pousse l'homme
Franck est sur le pont au-dessus de la voie du train. Il voit un train hors de contrôle
s'approcher du pont. Il y a 5 personnes sur la voie. Franck sait que le seul moyen de stopper
le train est de pousser un objet assez lourd sur la voie. Le seul objet suffisamment lourd est
un homme de forte corpulence qui lui aussi regarde le train depuis le pont. Franck peut
pousser l'homme sur la voie du train, ce qui le tuerait, ou il peut ne rien faire, ce qui tuerait
les 5 personnes. Est-il moralement acceptable pour Franck de pousser l'homme ?
Figure 2. Schéma de Hauser et al. (2007) illustrant le deuxième cas.
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Dans le premier cas, Hauser et al. (2007) ont trouvé que 85% des personnes interrogées
jugeaient acceptable de pousser le levier pour sauver cinq personnes, tandis que, dans le
second cas, ils ont observé que seul 12% des personnes interrogées jugeaient acceptable de
pousser l'homme sous le train. Bien que, dans les deux cas, il s'agisse de sauver cinq
personnes au prix d’une seule vie, les résultats montrent que les gens réagissent différemment
au fait de pousser un levier pour détourner un train sur la victime et à celui de pousser
directement la victime sous le train. Mais quelles sont les sources psychologiques expliquant
cette différence ?
Pour expliquer cette différence, Greene, Sommerville, Nystrom, Darley, et Cohen
(2001) commencent par distinguer deux types de scénarios mettant en scène des violations
morales : les scénarios « personnels » et les scénarios « impersonnels ». Un scénario est
personnel s’il met en scène des violations morales dont « les conséquences corporelles sont
graves, pour un autre individu en particulier, et de telle façon que le tort n'est pas le résultat
d'une déviation d'une menace existante ». A l’inverse, un scénario est « impersonnel »
lorsque les critères cités auparavant ne sont pas remplis. Du point de vue de ces critères, le
fait de pousser le levier est plus « impersonnel » que pousser la personne sous le train, car,
dans ce cas, le mal n’est pas infligé directement, mais est le résultat de la déviation du train.
Forts de cette distinction, Greene et Haidt (2002) expliquent la différence de réactions
entre les deux types de scénarios en terme de réactions émotionnelles : les scénarios
personnels seraient jugés moins acceptables parce qu’ils évoqueraient des réactions
émotionnelles plus fortes, en raison du caractère plus « direct » des violations morales qu’ils
décrivent. Pour défendre cette théorie, ils s’appuient sur l'étude menée par Greene et al.
(2001). Dans cette étude les sujets devaient répondre à des dilemmes moraux personnels, à
des dilemmes moraux impersonnels ou à des dilemmes non-moraux servant de contrôle
tandis que leur activité était enregistrée par IRMf. Les aires cérébrales associées aux
émotions telles que le gyrus frontal moyen, le gyrus cingulaire postérieur et les gyrus
angulaires gauche et droit s'activaient plus lors d'un jugement moral impliquant des scénarios
« personnels » que dans le cas des scénarios « impersonnels » et non- moraux. Selon Greene
et al. (2001), le fait de pousser directement la personne sous le train engendrerait une activité
négative tellement importante que les participants décideraient de ne pas pousser la personne.
De ce fait, lorsque les aires de l’émotion sont impliquées, les personnes ont tendance à faire
des jugements moins « utilitaristes », c’est-à-dire à trouver moins acceptable de sauver 5
personnes en n’en sacrifiant qu’1 (Greene, Nystrom, Engell, Darley, & Cohen, 2004).
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Afin de déterminer dans quelle mesure les jugements moraux sont influencés par les
réactions émotionnelles, et quelles sont les aires cérébrales impliquées dans l’élaboration
affective du jugement moral, Koenig et al. (2007) ont travaillé avec deux différents types de
patients. Ils ont comparé des patients souffrant de dommages bilatéraux au cortex préfrontal
ventromédian, et par conséquent incapables de réagir à la valence émotionnelle d’un
stimulus, avec des patients constituant un groupe contrôle car n’ayant aucun déficit
émotionnel en raison de leurs lésions. Ayant soumis à ces patients les dilemmes moraux
utilisés par Greene et al. (2001) ils ont observé que les patients ayant des lésions dans le
cortex préfrontal ventromédian avaient significativement plus tendance à choisir de sacrifier
une personne pour sauver le plus grand nombre. Cela suggère que les émotions jouent un rôle
dans la condamnation morale, puisque, chez les participants du groupe contrôle chez qui
l’émotion est impliquée dans le jugement moral, les personnes ont moins tendance à choisir
de sacrifier 1 personne pour en sauver 5.
Néanmoins, les études sur les dilemmes moraux ne sont pas la seule raison de penser
que les émotions sont une cause importante de nos jugements moraux : un autre argument en
faveur de cette thèse peut être trouvé dans le fait qu'induire des émotions influencerait les
jugements moraux.
Induire une émotion consiste à déclencher une émotion chez un participant à l'aide de
stimuli. Il existe différentes techniques d’induction telles que les vidéos, l'odeur, les scénarios
ou encore l'hypnose. Selon l’émotion que l’on souhaite induire, certaines méthodes
fonctionnent mieux que d’autres. Par exemple, pour le dégoût, les méthodes privilégiées sont
les odeurs et les films. Pour la joie et la tristesse, la méthode la plus utilisée consiste à
demander aux participants de raconter un événement récent, joyeux ou triste, de leur vie.
Si les émotions jouent un rôle dans la formation des jugements moraux, alors nous
pouvons nous attendre à ce qu’induire une émotion perturbe et modifie les jugements moraux
des participants. Et c’est ce que nous observons dans un grand nombre d’études. Le cas le
plus étudié est celui du dégoût qui, lorsqu’il est induit, tend à rendre plus sévères nos
jugements moraux (Schnall, Haidt, Clore, & Hordan, 2008 ; Wheatley & Haidt, 2005).
Le tableau 1 récapitule l’ensemble des études testant l’influence de l’induction émotionnelle
sur les jugements moraux, en spécifiant pour chaque étude, l’émotion induite, le type de
scénario, la technique d’induction, et les résultats obtenus.
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Auteurs
Émotion
Valdesolo & De Hilarité
Steno (2006)
Types
de Méthodes
scénarios
d’induction
Dilemmes
vidéo
9
Résultat
Induire de l’hilarité entraîne
moraux
une probabilité plus forte de
(personnel/
choisir
impersonnel)
personne sous le train pour
de
pousser
la
sauver 5 personnes.
Wheatley &
Dégoût
Haidt (2005)
Scénario
hypnose
Induire du dégoût entraîne
moralement
des jugements moraux plus
dégoûtants
sévères.
(Ex : cousins
qui ont des
relations
sexuelles
ensemble)
Schnall, Haidt,
Dégoût
Scénario
odeur
Induire du dégoût entraîne
dégoûtant
Clore, et
des jugements moraux plus
Hordan (2008),
sévères (dépend du niveau
Expérience 1
de sensibilité au dégoût de
chaque participant).
Schnall, Haidt,
Dégoût
Clore, et
Scénario
travailler
dégoûtant
dans
Idem
une
salle
Hordan (2008),
dégoûtante
Expérience 2
Schnall, Haidt,
Dégoût
Scénario
se rappeler Idem
Clore, et
Tristesse
dégoûtant
une
expérience
Hordan (2008),
physique
Expérience 3
dégoûtante
Schnall, Haidt,
Dégoût
Scénario
Clore, et
Tristesse
dégoûtant
Hordan (2008),
vidéo
Idem
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
10
Expérience 4
Strohminger,
Hilarité
Dilemmes
clip audio
Lewis et Meyer Elévation moraux
(2011)
1
Induire de l'hilarité tend à
rendre plus tolérant vis-à-vis
(personnel,
des transgressions morales.
impersonnel)
Induire de l’élévation rend
au contraire les gens moins
tolérants.
Ugazio, Lamm, Dégoût
et Singer
(2011),
Expérience 1a
Dilemmes
odeur
Induire de la colère rend les
moraux
participants plus tolérants.
(personne/
Induire du dégoût rend les
impersonnel)
participants moins tolérants.
Scénario
dégoûtant
Scénario
« croyance »2
Ugazio, Lamm, Dégoût
clip vidéo
Idem
et Singer
(2011),
Expérience 1b
Ugazio, Lamm, Colère
donner un Idem
feedback
et Singer
négatif sur
(2011),
des
Expérience 2
dissertatio
ns
Seidel et Prinz
Colère
Violations de son,
Induire
(2013)
Dégoût
l’éthique
augmente la sévérité des
de musique
l’autonomie
de
la
colère
jugements concernant des
1
Terme forgé par Haidt (2000), l'élévation désigne une émotion positive, un sentiment de beauté suscité par des
actions morales, et dirigé vers des personnes vertueuses.
2
Scénarios dans lesquels un agent viole une norme morale, mais sur la base de fausses croyances, et donc fait
quelque chose de mal sans en avoir l’intention.
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
11
(par
crimes
exemple :
personnes,
tuer
un
contre
des
comme
par
exemple un vol.
enfant)
Induire du dégoût augmente
Violations de
la sévérité des jugements
l’éthique de
concernant
pureté
contre la nature, comme par
(par
des
crimes
exemple :
exemple un homme qui
manger de la
mange son chien déjà mort.
chair
humaine)
Inbar, Bloom,
Dégoût
Aucun
odeur
Induire du dégoût entraîne
une
et Pizarro
augmentation
attitudes
(2012)
des
négatives
implicites
vis-à-vis d'un
groupe social (homosexuel).
Lerner,
Colère
clip vidéo
Induire de la colère entraine
Goldberg et
une augmentation de la
Tetlock (1998)
tendance à attribuer des
fautes à la personne jugée,
même
pour
des
fautes
qu’elle n’a pas commise.
Tableau 1 :
Émotion induite, type de scénario, technique d'induction et résultats obtenus
Toutes ces études ont ainsi montré que l'induction permettait d’influencer le jugement moral
des personnes, et que l’influence sur le jugement moral différait selon l’émotion induite.
Ces recherches soulignent l’importance des émotions dans la formation de nos
jugements moraux. Cependant, on peut se demander si les émotions ont toutes le même effet
sur le jugement moral ou si elles jouent des rôles différents. Les études citées suggèrent que
seules certaines émotions influencent notre jugement moral (par exemple Schnall et al. 2008,
ont observé qu’induire du dégoût, mais pas de la tristesse, rendait les jugements moraux des
participants plus sévères).
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Ugazio, Lamm, et Singer (2011) ont émis l’hypothèse que l’influence des émotions
sur les jugements moraux dépendrait de leur dimension motivationnelle. Les auteurs ont testé
l’effet de la colère et du dégoût, deux émotions de même valence (négative) mais avec des
implications motivationnelles différentes (approche pour la colère contre évitement pour le
dégoût). Les participants devaient ensuite répondre à quatre types de scénarios différents
(dilemmes moraux personnels ou impersonnels, actes dégoûtant et actes basés sur une
croyance fausse). Les résultats ont montré que la colère, associée avec une tendance à
l’approche rendait les jugements moraux plus tolérants, tandis que le dégoût, associé à une
tendance à l’évitement, les rendait moins tolérants.
2. Théorie
2.1 Le domaine moral est lié à certaines émotions
Les différentes émotions jouent-elles des rôles différents et lesquels ? Dans cette partie, nous
allons présenter les différentes théories traitant des différents rôles joués par différentes
émotions dans nos jugements moraux.
Shweder, Much, Mahapatra, et Park (1997), ont proposé une division du domaine
moral en trois formes différentes d’éthiques sur lesquels les cultures s’appuient pour résoudre
les problèmes liés à la morale. Il s’agit de l’éthique de la communauté, de l’éthique de
l’autonomie et de l’éthique de la divinité, qui constituent ce qu’ils ont appelé les « Big Three
of morality ». L’éthique de la communauté concerne le respect des principes de base d’une
communauté comme la hiérarchie, le respect et le devoir envers les membres de son groupe,
et concerne des violations comme le fait de brûler le drapeau national. L’éthique de
l’autonomie concerne le respect des droits de chacun et de leur liberté individuelle et
concerne des violations comme battre sa femme. Enfin, l’éthique de la divinité porte
principalement sur le respect de sa propre pureté et sainteté, et concerne des violations
comme l'inceste.
S’inspirant de cette théorie, Rozin, Lowery, Imada, et Haidt (1999) ont proposé une
théorie devenue depuis lors très influente sous le nom de « CAD (Contempt, Anger, Disgust)
triad hypothesis ». Ils reprennent les trois différentes formes d’éthique du domaine moral
(autonomie, communauté et pureté) de Schweder et al. (1997) pour les associer à trois
émotions (colère, mépris et dégoût), en associant une émotion précise à chaque éthique. Selon
12
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
eux, les violations de l’éthique de l’autonomie provoquent la colère, les violations de
l’éthique de la communauté provoquent le mépris et les violations de l’éthique de la pureté
entrainent le dégoût. Ils ont testé cette hypothèse au travers de plusieurs expériences, menées
à la fois sur des étudiants américains et japonais, pour s’assurer de la validité interculturelle
de leurs résultats. Dans la première expérience, il était demandé aux participants de lire des
situations décrites en une ou deux phrases et de déterminer à l’aide de photographies quelle
expression faciale ferait une personne assistant à la violation morale décrite dans le scénario,
tandis que, dans la deuxième expérience, il leur était demandé de dire en un mot quelle
émotion était susceptible de ressentir la même personne dans cette situation.
Les résultats de ces expériences suggèrent qu’il existe bien un lien entre les
différentes formes d’éthique et les différentes émotions induites. Cependant, la délimitation
entre chaque catégorie n’est pas toujours claire. De ce fait, quelques objections peuvent être
faites vis-à-vis de cette hypothèse.
Tout d'abord les différentes formes de violations morales ne sont pas les mêmes en fonction
des deux cultures choisies.
Imada, Yamada, et Haidt (1993) ont proposé à des participants japonais et américains
de décrire trois événements dégoûtants que les chercheurs ont par la suite classés en huit
catégories différentes, comme par exemple la nourriture, le sexe ou encore l'hygiène.
Qu’importe leur origine culturelle, chaque participant était capable de citer une grande variété
d’événement. Néanmoins, dans cette étude, certains participants citaient des actes appartenant
à l’éthique de l’autonomie comme dégoutant, comme le racisme dans le cas des participants
américains. Or, le racisme ne relève pas de l’éthique de la pureté mais de l’éthique de
l’autonomie. (Rozin, Haidt, & McCauley 2008).
Dans une étude interrogeant l’existence du dégoût « moral », Chapman, Kim,
Susskind et Anderson (2009) se concentrent sur trois types de dégoût : gustatif, basique et
moral en comparant leurs expressions faciales respectives. Les trois types de dégoût
entraînent une élévation du muscle facial appelé levator labii qui est l'expression typique du
dégoût (lèvre supérieur remonté et nez retroussé). Ce qu’il est important de souligner est que
Chapman et al. (2009) ont observé cette expression lorsque les participants assistaient à un
acte injuste. Ainsi, face à un acte qui appartient à l’éthique de l’autonomie, les participants
ressentaient du dégoût.
13
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Par conséquent, le dégoût en tant qu’émotion morale ne serait pas seulement lié à la
violation de la divinité mais aussi à la violation de l'autonomie (Rozin, Lowery, & Ebert,
1994). En effet, Sherman, Haidt, et Coan (2007, cité par Rozin, Haidt, & McCauley, 2008)
ont montré que lorsque des participants voyaient une vidéo d’Américain néo-nazi ils
ressentaient à la fois du dégout mais aussi de la colère.
2.2 Les différents types de jugements moraux
Dans cette recherche nous allons donc proposer une autre hypothèse qui ne va pas
différencier les émotions par le type de normes morales violées mais par le type de jugements
moraux auxquelles elles sont liées.
En effet, il faut noter que, si de nombreuses recherches (cf tableau 1) ont étudié l’effet
de l’induction d’émotions sur les jugements moraux, elles ont toute manqué de faire la
distinction entre les différents types de jugements moraux qui peuvent exister.
La littérature en philosophie morale, quant à elle, distingue de nombreux types de
jugements moraux. Tout d'abord ceux portant sur l’action (comme par exemple « c’est
bien »), puis ceux portant sur les motivations (comme par exemple « il a de mauvaises
intentions »), mais aussi ceux portant sur des traits de caractères (« il est cruel ») et enfin
ceux portant sur l'agent pris en entier (« c’est un sale type »).
Au départ, les premières études en psychologie se sont intéressées à l’évaluation
morale de l’acte, comme c’est le cas de Smart et Williams (1973, cité par Pizarro &
Tannebaum, 2011). Cependant, il faut aussi prendre en considération l’évaluation morale de
la personne comme le font certaines théories psychologiques du blâme (Pizarro &
Tannenbaum, 2011).
Il faut donc faire la distinction entre d'un côté les jugements portant sur une personne,
que Tannenbaum, Uhlmann et Diermeier (2011) définissent comme une évaluation morale
globale, et de l'autre les jugements portant sur une action, qu'ils considèrent comme une
estimation de l'acceptabilité ou de la permissibilité d'un comportement donné. Nous pouvons
observer une dissociation entre les deux types de jugements. Ainsi, dans l’une de leurs études,
lorsque les participants doivent juger l'action, ils trouvent que battre sa femme est plus
mauvais que battre son chat. Cependant, lorsqu’ils jugent la personne, ils trouvent que
quelqu'un qui bat son chat est plus mauvais que quelqu'un qui bat sa femme.
14
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
2.3 Les jugements moraux sur l’action et sur l’agent
Nous allons donc nous intéresser à ces deux types de jugements moraux, à savoir les
jugements portant sur une action et les jugements portant sur un agent. Dans la littérature, des
données suggèrent que ces deux types de jugements moraux suscitent des émotions
différentes. Ainsi, la culpabilité semble être associée aux jugements que nous portons sur nos
actions (nous nous sentons coupables pour ce que nous avons fait), tandis que la honte semble
associée aux jugements que nous portons sur nous-mêmes (nous avons honte de ce que nous
sommes) (Tangney, 1996). Pour le dire autrement : la honte est directement liée au soi alors
que la culpabilité semble porter sur des comportements spécifiques (Teroni & Deonna, 2008).
Ainsi, la honte porterait sur un agent alors que la culpabilité porterait sur une action.
Cependant, honte et culpabilité sont des émotions en première personne, et nous allons ici
essayer de transposer cette distinction à la troisième personne, en attribuant à la colère et au
dégoût différents rôles dans le jugement moral.
La colère semble être une réaction face aux crimes commis contre des personnes
tandis que le dégoût semble lié aux crimes contre la nature, comme par exemple le
cannibalisme (Seidel & Prinz, 2013). De plus, le dégoût serait lié à la pureté morale et suscité
plus pas les crimes qui vont à l’encontre la nature que par ceux qui vont à l’encontre de la
justice (Horberg, Oveis, Keltner, & Cohen, 2009).
Par conséquent, la colère serait déclenchée par le fait que quelqu'un a fait quelque
chose de mal, et donc par l'action commise, alors que le dégoût serait déclenché par la
perception que quelqu'un est une mauvaise personne, et donc par la personne elle-même
(Nichols, 2010).
La théorie pourrait se résumer de cette manière :
À la première personne :
Culpabilité / Honte
Jugements sur l’agent
Jugements sur l'action
À la troisième personne :
Colère / Dégoût
15
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Cette recherche permettra de déterminer le rôle respectif de chaque émotion dans la
formation de nos jugements moraux et de mettre à l’épreuve la théorie que nous venons de
présenter.
3. Hypothèse
Les émotions retenues pour nos études ont été le dégoût et la colère, car ce sont des émotions
proches l’une de l’autre puisqu’elles ont toutes les deux une valence négative. Cependant, la
colère est liée à un comportement d’approche tandis que le dégoût est lié à un comportement
d’évitement.
La colère et le dégoût ont été choisis car ce sont des émotions faciles à induire. En
effet, de nombreuses recherches ont utilisé le dégoût et la colère car il était plus facile de faire
ressentir ces deux émotions aux participants.
Comme indiqué dans la section précédente, nous pensons que le dégoût est lié à
l’évaluation de l’agent. De ce fait, nous pensons qu'induire du dégoût aura plus d'effet sur
l'évaluation morale de l'agent que sur l'évaluation morale de l'action.
Pour la colère, à l’inverse, nous avons fait l’hypothèse qu’elle est liée à ce que fait une
personne, aux actes qu’elle a commis. De ce fait, nous pensons qu’induire de la colère aura
plus d'effet sur l'évaluation morale de l'action que sur l'évaluation de l'agent.
Les expériences présentées dans ce mémoire portent sur la première prédiction. Nous avons
testé l'effet de l'induction du dégoût sur les différents types de jugements moraux, en
prédisant une interaction entre le type d'émotion induit et le type de jugements moraux.
4. Expérience 1 : méthode
4.1 Participants
Soixante participants (51 femmes, 9 hommes, Mage = 21,4 ans, ETage = 3,01) ont été recrutés
pour cette expérience. Tous étaient étudiants à l'Université de Genève en deuxième année de
psychologie. Tous les participants ont donné leur consentement. Il n’y avait aucun critère
d’exclusion. Les participants participaient en échange de crédits universitaires.
16
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
4.2 Matériel
4.2.1 Stimuli
Pour cette expérience, nous avions besoin de vidéos neutre et dégoûtante ainsi que de
questions portant de façon distincte sur l’évaluation de l’agent et l’évaluation de l’acte. De ce
fait, nous avons créé différents types de scénarios et de questions, puis les avons prétesté sur
internet. 240 participants recrutés sur Amazon mechanical turk ont pris part au prétest.
4.2.2 Scénarios, questions et questionnaires
Chaque scénario utilisé dans cette étude existe en trois versions. Dans une première version,
le personnage agit pour de mauvaises intentions et son action a de mauvaises conséquences.
Dans ce cas, nous nous attendions à ce que les participants condamnent l’agent et l’action.
Dans une deuxième version, l’agent agit pour des intentions neutres, mais son action a
toujours de mauvaises conséquences. Dans ce cas, nous nous attendions à ce que les
participants ne condamnent que l’action. Enfin, dans une dernière version, l’agent agit pour
de mauvaises intentions mais les conséquences de son action sont neutres. Dans ce cas, nous
nous attendions à ce que les participants ne condamnent que l’agent. En plus de ces scénarios,
deux scénarios neutres servant de baseline et ayant déjà été validés dans d’autres études ont
été ajoutées.
Un exemple de scénario
Version Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac
et décide de lui voler avant de partir en courant. Dans sa hâte il ne regarde pas autour de
lui et fait tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une
jambe.
Version Intention Neutre + Mauvaises Conséquences
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met
donc à courir pour ne pas le rater. Dans sa hâte, il ne regarde pas autour de lui et fait
tomber violemment à terre une jeune femme. La jeune femme se brise une jambe.
Version mauvaises intentions + conséquences neutres
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac
17
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
et décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame. Dans
sa hâte il ne regarde pas autour de lui et trébuche puis tombe au sol. La vieille dame
monte dans le bus, saine et sauve.
Un exemple de scénario neutre
Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une
association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine
des réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de
divers sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s'efforce de
proposer des sujets de discussion qui conviennent et qui plaisent à la fois aux enseignants
et aux étudiants.
Tableau 2 Exemples de scénarios
Chaque participant recevait une seule version de chaque scénario (déterminé aléatoirement)
ainsi que les deux scénarios neutres. Après chaque scénario, le participant devait répondre à
une série de questions. Les questions se divisaient en trois catégories.
Des questions d’ordre général :
- A quel point [prénom de l’agent] mérite-t-il d’être blâmé ?
- A quel point [prénom de l’agent] mérite-t-il d’être puni ?
Des questions portant sur le caractère de l’agent :
- Est-ce que [prénom de l’agent] est quelqu’un de bien ?
- Est-ce que [prénom de l’agent] est quelqu’un de gentil ?
- A quel point les intentions de [prénom de l’agent] étaient-elles bonnes ?
Des questions portant sur les conséquences de l’action et sur la responsabilité de
l’agent :
- Est-ce que [prénom de l’agent] a fait du tort à quelqu’un d'autre que lui?
- Est-ce que [prénom de l’agent] a nui à quelqu'un d'autre que lui ?
- A quel point [prénom de l’agent] est-il responsable d’avoir fait du mal à
quelqu’un d’autre que lui ?
Pour chaque question, les participants répondaient sur une échelle allant de 1 (pas du tout) à 9
18
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
(énormément).
4.2.3 vidéo
Pour réaliser l’induction d’émotion, une vidéo neutre et une vidéo dégoûtante ont été
sélectionnées. Pour la vidéo dégoûtante, il était important que les personnes ressentent
seulement du dégoût et non de la souffrance. La vidéo de dégoût que nous avons retenue était
un extrait du film « trainspotting » (1996) déjà utilisé dans d’autres expériences et proposé
par Schaefer, Nils, Sanchez et Philippot (2010) sur internet. Quant à la vidéo neutre choisie, il
s’agit d’un homme en train de tondre la pelouse.
Afin d'avoir le même temps de présentation pour chaque vidéo, elles ont été coupées à
une minute et six secondes.
4.3 Protocole
On commençait par expliquer aux participants qu’ils allaient devoir évaluer des stimuli
émotionnels et moraux qui seraient utilisés pour une autre expérience. L'expérience se passait
dans un laboratoire car nous avions besoin d'un ordinateur pour montrer les vidéos. Le reste
de l'expérience se faisait sur questionnaire papier.
Le participant arrivait dans le laboratoire et s’installait devant un ordinateur. Nous lui
demandions ensuite de lire et de remplir le formulaire de consentement. Le participant devait
ensuite remplir un questionnaire comportant les questions démographique d’usage (leur âge
et leur sexe) ainsi qu’un rapide test de personnalité en 10 questions (une version courte du
« Big Five »)3.
Juste avant de regarder la vidéo, les participants remplissaient un questionnaire sur
leur état émotionnel actuel. Ils le remplissaient une seconde fois juste après afin de vérifier
que le visionnage de la vidéo avait bien induit l’émotion désirée. Le questionnaire demandait
aux participants d’évaluer sur une échelle de 0 (pas du tout) à 9 (énormément) à quel point il
ressentait chacune des émotions suivantes : la colère, le dégoût, la joie, et enfin la tristesse.
Finalement, après avoir vu la vidéo et répondu à la seconde version du questionnaire,
3
Certains traits de personnalité (par exemple, l’extraversion) sont liés à la capacité des personnes à gérer leurs
émotions. Nous pensions donc qu’il était intéressant d’avoir une mesure de ces traits, afin de voir si l’effet de
l’induction était plus important chez les participants moins capables de gérer leurs émotions. Cependant, étant
donné l’absence d’effet, nous n’avons pas utilisé ces mesures par la suite.
19
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
20
le participant était mené dans une autre salle pour y lire les 8 scénarios et répondre aux
questions correspondantes.
Chaque participant était testé individuellement et était assigné de manière aléatoire à une des
deux conditions (vidéo neutre ou dégoûtante).
5. Résultats expérience 1
5.1 Vérification de l’effet de la manipulation
Nous avons commencé par vérifier si nos vidéos avaient eu l’effet escompté et induit
l’émotion désirée. Pour chaque vidéo (neutre et dégoutante), nous avons comparé les
réponses des participants aux questions sur leurs états émotionnels avant et après visionnage
de la vidéo.
Vidéo Neutre
Colère
Vidéo Dégoutante
N = 30, t = -1.58, df = 29, p > .05
N = 30, t = 0.50, df = 29, p > .05
Dégoût
Mavant : 0,63 / Maprès : 6,67
N = 30, t = -1.49, df = 29, p > .05
Joie
N = 30, t = 11.66, df = 29, p < .05
Mavant : 5,53 / Maprès : 4,33
N = 30, t = -2.92, df = 29, p < .05
Tristesse
N = 30, t = -2.47, df = 29, p < .05
Mavant : 5,07 / Maprès : 3,33
N = 30, t = -4.56, df = 29, p < .05
N = 30, t = 0.13, df = 29, p > .05
Tableau 3 Indique pour chaque vidéo et chaque émotion le résultat d’un test de Student
apparié ainsi que les moyennes du dégoût pour la vidéo dégoûtante et de la joie.
Avec le tableau 3, nous avons remarqué que, pour les deux vidéos (neutre et dégoutante), les
participants ont une moyenne de joie assez élevé tant avant qu’après l’induction. Toutefois,
les sujets sont moins joyeux après qu’avant l’induction.
5.2 Effet de l’induction sur les jugements « moraux généraux »
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
21
Nous avons effectué une première Analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées sur les
jugements moraux généraux, c’est-à-dire sur les questions d’ordre général portant sur le
blâme et la punition.
Par rapport au blâme :
Source
DDl
Blâme
1
Résidus
475
Somme des carrées
Carré moyen
1.09
1.8708
4810.5
Test-F
0.1847
p-valeur
0.6675
10.1274
Tableau 4. Il n’y a aucun effet significatif pour la question sur le blâme (p >.05)
Par rapport à la punition :
Source
DDl
Blâme
1
Résidus
476
Somme des carrées
Carré moyen
1.04
1.3918
4958.9
10.4179
Test-F
0.1336
p-valeur
0.7149
Tableau 5. Pour la punition il n’y a aucun effet significatif (p > .05)
5.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »
Pour les trois questions portant sur le caractère de l’agent, nous les avons agrégé afin de les
rassembler en une seule variable appelée « a » et nous avons réalisé la même opération pour
les trois questions portant sur les conséquences de l’action et sur la responsabilité de l’agent
que nous avons agrégé en une seule variable « c ». Puis, nous avons dû modifier l’échelle de
la variable « a » en la soustrayant à 10 car elle était inversée par rapport à la variable « c ».
Finalement, « a » et « c » sont devenues une seule et même variable « v », chaque participant
ayant pour chaque scénario deux points de données en « v » : un pour les questions portant
sur l’agent et un pour les questions portant sur l’action. Le type de questions a été traité
comme un facteur à deux niveaux.
Toutes nos données ont été traitées avec un seul modèle d’analyse, il s’agit de
l’Analyse de variance (ANOVA) à mesures répétées. Nous avons utilisé cette analyse car
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
22
nous pouvions tester nos hypothèses d’interactions entre nos variables, le seuil a été fixé à
0.05.
Une première analyse de variance à mesures répétées selon le plan 2 x 2 (vidéo [neutre,
dégoût] x (question [agent, action]) a été effectuée en prenant « v » comme variable
dépendante a été effectuée.
Source
DDl
vidéo
1
question
1
vidéo x
question
1
Résidus
954
Somme des carrées
0 .0
Carré moyen
0.030
Test-F
0.0034
p-valeur
0.95370
35.0
34.959
3.9523
0.04709*
3.2
3.156
0.3568
0.55041
8438.3
8.845
Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’
Tableau 6. Nous pouvons voir qu’il y a un effet du type de question F(1,954) = 3.95, p < .01
En revanche, nous pouvons remarquer qu’il n’y a pas d’effet de la vidéo ni d’interaction
entre la vidéo et le type de question (p > .05).
6. Discussion expérience 1
Notre objectif était de déterminer le rôle du dégoût dans la formation de nos
jugements moraux. Nous avions émis l’hypothèse que le dégoût influencerait de manière
spécifique les jugements portant sur l’agent et nous avons fait cette expérience dans le but
d’observer une interaction entre le type de vidéo utilisé et le type de questions posées.
Nous n’avons pas obtenu de résultats significatifs et nous avons donc décidé de faire
une seconde expérience.
Pour cette deuxième expérience, nous nous sommes interrogés sur les raisons du
manque de résultats dans notre première expérience. Nous en sommes arrivés à la conclusion
que les différents scénarios utilisés n’étaient peut-être pas assez ambigus. Un scénario est
« ambigu » quand il requiert une réflexion de la part du participant, qui est incapable de
décider immédiatement si ce que le personnage a fait est bien ou mal. Dans l’étude d’Ugazio,
Lamm, et Singer (2011), qui testent différents scénarios tels que les dilemmes moraux, les
scénarios dégoutants et les scénarios « croyances », les résultats suggèrent qu’il n’y a un effet
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
de l’induction que pour les scénarios dégoutants et les dilemmes moraux, c’est-à-dire des
scénarios provoquant des conflits entre diverses considérations.
Nous avons donc décidé de rajouter des dilemmes moraux ayant déjà été validé ainsi
que d’autres scénarios moralement dégoutants.
De plus, étant donné que pour des raisons techniques, nous avons dû dans un premier
temps faire regarder les participants la vidéo dans une salle puis les changer de salle afin
qu’ils répondent aux questionnaires, nous nous sommes demandés si l’effet de l’induction
n’avait pas été estompé par cette coupure entre les deux tâches. Nous avons donc décidé de
faire passer la deuxième expérience dans la même salle et afin d’amplifier et de consolider
l’effet de l’induction, nous avons rajouté des questions portant sur la vidéo qui forceraient les
participants à se remémorer ce qu’ils venaient de voir.
En ce qui concerne les vidéos, nous avons gardé les mêmes car le but n’était pas de
tout changer mais d’apporter des modifications à partir de la première expérience.
De plus, à la fin de chaque scénario des questions sur la complexité du scénario ont
été posées afin de vérifier que les scénarios n’étaient pas trop simples d’un point de vue
moral.
7. Expérience 2 : méthode
7.1 Participants
36 participants ont été recrutés à l’université de Genève. L’expérience était rémunérée
10CHF.
7.2 Matériel
7.2.1 Stimuli
7.2.2 Vidéo
Les vidéos de la première expérience ont été conservées (extrait de Trainspotting pour la
vidéo dégoutante et vidéo d’un homme qui tond la pelouse pour la vidéo neutre).
23
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
7.2.3 Scénario, questions, questionnaires
La procédure était semblable à celle de notre première expérience, à quelques différences
près. Ainsi, après avoir vu la vidéo, les participants devaient résumer en quelques lignes le
contenu de la vidéo qu’ils venaient de voir et aussi décrire l’événement qui les avait le plus
marqué dans cette vidéo, tout cela dans le but que les participants regardent bien la vidéo et
qu’ils se la remémorent, améliorant ainsi l’effet de l’induction.
Se basant sur l’étude d’Ugazio, Lamm, et Singer (2011), nous avons aussi rajouté des
scénarios moralement dégoutants ainsi que des dilemmes moraux, puisqu’ils avaient trouvé
un effet de l’induction pour ces scénarios.
Voici un exemple de dilemme moral rajouté :
« Dans un pays en Guerre, Claire vit avec ses deux enfants, âgés de 5 et 8 ans, dans un
territoire occupé par l’ennemi. Au quartier général ennemi se trouve un docteur qui réalise sur
les prisonniers de guerre des expériences extrêmement douloureuse qui se soldent
inévitablement par la mort du sujet. Un jour, il annonce à Claire qu’il a l’intention de réaliser
une de ces expériences sur l’un de ses enfants. Elle a 24 heures pour choisir lequel des deux
subira l’expérience, sans quoi il prendrait les deux et leur fera passer à tous les deux son
expérience. Après une nuit de doute et pour sauver au moins un de ses enfants, Claire livre
son enfant le plus jeune au docteur ».
Nous avons aussi repris des scénarios moralement dégoutant proposé par Haidt (2001) à des
étudiants comme cet exemple qui suit :
« Julie et Marc sont frère et sœur et tous deux sont à l’université. Pendant, leurs vacances
d’été, ils décident d’aller visiter ensemble les plus belles régions d’Italie. Une nuit, alors
qu’ils sont ensemble dans une cabane près de la plage, ils se disent que ce serait drôle et
intéressant de faire l’amour ensemble. Au pire, ça sera une expérience inédite. Julie prend déjà
la pilule, mais juste pour être certain, Marc décide d’utiliser aussi un préservatif. Ils prennent
tous les deux beaucoup de plaisir à faire l’amour, mais décident de ne jamais recommencer. Ils
font de cette nuit leur grand secret, un secret qui les fait se sentir encore plus proches l’un de
l’autre qu’auparavant ».
24
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Et enfin deux scénarios servant de baseline mis au tout début afin d’ancrer les réponses des
participants ont été ajoutés, comme par exemple :
« Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une
association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine des
réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de divers
sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s’efforce de proposer
des sujets de discussion qui conviennent et plaisent à la fois aux enseignants et aux
étudiants ».
Les questions d’ordre général, les questions sur l’agent ainsi que les questions sur l’action ont
été gardées, seul deux questions ont été rajoutées afin de tester l’ambiguïté des scénarios ainsi
que la certitude des participants quant à leurs réponses. Il s’agit de :
-A quel point êtes-vous certains de vos réponses aux questions précédentes ?
-Avez-vous rencontré des difficultés à répondre aux questions précédentes ?
Nous avons aussi conservé le questionnaire sur l’état émotionnel des participants, mais le
donnions cette fois-ci toute à la fin de l’expérience, dans le but de vérifier l’influence de nos
scénarios.
7.3 Protocole
Le participant s'installe devant l'ordinateur, nous lui apportons la feuille de consentement afin
d’avoir son accord pour la recherche. Nous lui expliquons à l’oral qu’il va voir une vidéo
assez courte et qu’il aura par la suite à répondre à des questions sur la vidéo ainsi qu'à évaluer
des stimuli émotionnels et moraux. Le questionnaire avec les scénarios est posé face cachée
sur le bureau afin qu'une fois la vidéo terminée le participant commence immédiatement à
répondre aux deux questions sur la vidéo. Ensuite, il lit les scénarios (8 au total) et répond
aux questions. A la fin le participant répond au questionnaire sur les émotions.
25
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
8. Résultats expérience 2
8.1 Vérification de l’effet de la manipulation
Dans cette expérience, nous ne pouvons pas faire une comparaison entre avant et après car
nous avons fait passer le questionnaire sur les émotions qu’une seule fois. Nous avons donc
fait une comparaison entre la vidéo neutre et la vidéo dégoutante.
Vidéo Neutre / Dégoutante
Colère
Mneutre : 0.94 / Mdégoût : 1.27
N = 18, t = 0.58, df = 34, p > .05
Dégoût
Mneutre : 3.05 / Mdégoût : 4.61
N = 18, t = 1.59, df = 34, p > .05
Joie
Mneutre : 2.72 / Mdégoût : 4.11
N = 18, t = 1.72, df = 34, p > .05
Tristesse
Mneutre : 2.05 / Mdégoût : 1.72
N = 18, t = -0.43, df = 34, p > .05
Tableau 7 Comparaison entre la vidéo neutre et la vidéo dégoutante avec un test de student et
les moyennes.
Avec le tableau 7 nous pouvons remarquer que la moyenne concernant le dégoût est assez
forte dans nos deux conditions de vidéos. Les scénarios ont certainement eu un rôle,
cependant, les participants ont plus ressenti du dégoût avec la vidéo dégoutante qu’avec la
vidéo neutre.
8.2 Vérification de l’ambiguïté et de la difficulté des scénarios
Nous avons vérifié l’ambigüité des scénarios au moyen de la question concernant la certitude
des participants.
NM (scénarios expérience 1)
-2.423611
D (dilemmes)
-0.79
P (dégoutants)
-1.690972
26
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
27
Etant donné que les dilemmes moraux sont proches de 0 (-.79), ils sont très ambigus tandis
que les scénarios de l’expérience 1 ne l’étaient pas du tout (-2,42).
Nous avons vérifié la difficulté des scénarios grâce à la question sur la difficulté, il
n’y a pas d’effet F(3,280) = 1.35, p > .05
Source
DDl
Somme des carrées
Carré moyen
Type scénario 3
13.06
4.3534
Résidus
900.42
3.2158
280
Test-F
p-valeur
1.3538
0.2573
Tableau 9 Vérification de la difficulté des scénarios
8.3 Effet de l’induction sur les jugements moraux « généraux »
Par rapport à la première question portant sur le blâme, nous avons fait une analyse de
variance à mesures répétées sur les réponses de la question du blâme.
Source
DDl
Blâme
1
Résidus
213
Somme des carrées
2.07
1589.94
Carré moyen
2.0728
Test-F
p-valeur
0.2777
0.5988
7.4645
Tableau 10 Il n’y a aucun effet significatif pour la question portant sur le blâme.
Nous avons refait la même analyse pour les réponses à la question portant sur la punition.
Source
Ddl
Somme des carrées
Carré moyen
Test-F
p-valeur
Punition
1
3.44
3.4363
0.6083
0.4363
Résidus
213
1203.16
5.6486
Tableau 11 Il n’y a aucun effet significatif pour la question portant sur la punition.
8.4 Effet de l’induction sur les jugements moraux « locaux »
Tout comme pour la première expérience, afin de pouvoir analyser nos résultats, nous avons
additionné les trois questions portant sur le caractère de l’agent ce qui nous a permis d’avoir
la somme d’une seule variable appelée « a » pour pouvoir ensuite faire la moyenne. Ensuite,
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
28
nous avons réalisé la même opération pour les trois questions portant sur les conséquences de
l’action et sur la responsabilité de l’agent que nous avons nommé « c ». Puis, nous avons dû
modifier l’échelle de la variable « a » en la soustrayant à 10 car elle était inversée par rapport
à la variable « c ». ». Et enfin, nous avons recrée une variable « v » qui intègre les variables
« a » et « c ».
Puis nous avons effectué une analyse de variance (ANOVA) avec comme facteurs les vidéos
et les types de questions.
Source
Ddl
Somme des carrées
Carré moyen
question
1
1.8
Vidéo
1
16.8
16.8356
Quest : vidéo
1
30.7
30.6720
Résidus
426
3206.5
Test-F
1.7996
0.2391
2.2367
4.0749
p-valeur
0.62512
0.13551
0.04415*
7.5271
Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’
Tableau 12 Il n’y a pas d’effet significatif du facteur vidéo, ni du facteur type de question
mais par contre nous pouvons observer un effet significatif d’interaction entre le facteur type
de question et le facteur vidéo (p < .05)
Afin de comprendre la source de cette interaction, nous avons effectué une moyenne des trois
questions portant sur le caractère de l’agent (« a ») et des trois questions portant sur les
conséquences de l’action (« c »).
a = Questions sur le caractère c
=
Questions
sur
de l’agent
conséquences de l’action
Neutre
5.12
5.43
Dégoût
5.23
4.49
les
Tableau 13. Il s’agit d’un tableau de moyennes
Nous pouvons remarquer que le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur
l’agent que sur l’action.
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
29
Nous avons effectué une analyse de variance à trois facteurs (vidéo x type de
questions x types de scénarios) afin de vérifier s’il y avait une interaction.
Source
Ddl
question
1
1.8
vidéo
1
16.84
question : vidéo
1
question : scénario 1
Somme des carrées
30.67
21.44
Carré moyen
1.7996
0.55534
0.07173
30.6720
5.9380
0.01523 *
21.4404
4.1508
0.04224 *
0.13
0.1349
quest:vidéo:scén
1
0.39
0.3920
2169.44
p-valeur
3.2593
1
420
0.3484
16.8356
vidéo:scénario
Résidus
Test-F
0.0261
0.0759
0.87168
0.78309
5.1653
Note : p<.05‘.’, p<.01‘*’, p<.001 ‘’
Tableau 14. Il n’y a pas d’interaction triple entre le type de scénarios et le type de questions
et le facteur « vidéo ».Cependant, il y a une interaction entre le facteur « vidéo» et le facteur
« type de scénarios » et le facteur « type de question » et le facteur « type de scénarios ».
9. Discussion
L’objectif de cette étude était de déterminer le rôle du dégoût dans la formation de nos
jugements moraux.
Nous avions émis l’hypothèse que le dégoût serait lié aux jugements portant sur un
agent et que la colère serait liée aux jugements portant sur une action.
Dans notre deuxième expérience, nous n’avons trouvé aucun résultat significatif sur
les questions d’ordres générales, pas contre nous avons trouvé une interaction entre le type
d'émotion induit et le type de jugements moraux demandés. Nous avons l’interaction que
nous avions prédite car le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur l’agent
que celle des jugements sur l’action. Cependant, il faut noter que si nous comparons avec la
vidéo neutre, nous pouvons remarquer que le dégoût à diminuer la sévérité des jugements sur
l’action
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
10. Conclusion générale
Nous avions fait une première expérience qui n’avait donné aucun résultat significatif,
nous avons donc décidé de modifier les scénarios car nous pensions qu’il s’agissait surement
de la raison du manque de résultats significatifs. Grâce à notre deuxième recherche, nous
avons trouvé que le dégoût augmente plus la sévérité des jugements portant sur l’agent que
celle des jugements sur l’action. Cette interaction va dans le sens que nous avions prédit
puisque nous pensions qu’induire du dégoût aura plus d'effet sur l'évaluation morale de
l'agent que sur l'évaluation morale de l'action. Toutefois, ce n’est pas exactement ce à quoi
nous nous attendions, puisque lorsque nous comparons les deux vidéos, la sévérité des
jugements sur l’action a plus diminué pour l’induction du dégoût tandis que les jugements sur
l’agent sont à peu près les mêmes. En se basant sur différentes études (Schnall, Haidt, Clore,
& Hordan, 2008 ; Wheatley & Haidt, 2005) qui ont démontré que lorsque le dégoût est induit,
celui-ci tend à rendre plus sévères nos jugements moraux, nos résultats sont difficiles à
expliquer puisque les jugements moraux portant sur l’agent et sur l’action avec la vidéo
neutre sont eux aussi élevés. Par conséquent, il faudrait chercher pour quelles raisons les
participants avaient des jugements moraux sévères dans la condition neutre et je n’ai pu
trouvé d’hypothèse permettant de le faire.
Cependant, cette recherche comprend certaines limites. Tout d’abord, étant donné le
nombre de participants très petit, il faudrait refaire l’expérience avec un nombre plus
important.
Pour la première expérience, les étudiants venaient en échange de crédits
universitaire, ils étaient donc « forcés » à faire des expériences, et il est possible qu’ils
n’étaient pas assez concentrés pour répondre aux différentes questions. En effet, il faut noter
que pour la deuxième expérience, les étudiants étaient payés et, de ce fait, probablement plus
motivés à faire l’expérience sérieusement.
Il serait peut-être aussi nécessaire de modifier les vidéos, et cela pour deux raisons.
Tout d’abord car le passage que nous avions pour la vidéo dégoutante n’était que d’une
minute et six secondes, et même s’il y a eu un effet de l’induction, il faudrait savoir
exactement quel est le meilleur temps à choisir pour l’induction d’une émotion avec une
30
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
vidéo. Mais aussi parce que la vidéo dégoutante a provoqué comme émotion non seulement
le dégoût (M = 4.61) mais aussi de la joie (M = 4.11) et même si les participants sont plus
dégoutés que joyeux, il est préférable que les participants ne ressentent que l’émotion de
dégoût. Une piste intéressante serait de changer la technique d’induction et de ne pas prendre
une vidéo, mais une odeur dégoutante (et pas d’odeur pour la condition neutre) dans une
prochaine expérience. En effet, l’odeur provoquerait seulement le dégoût, et nous n’aurions
plus d’autres émotions qui viendraient modifier les résultats de notre expérience.
De plus, nous avons vu que nos questions portant sur le blâme et la punition n’ont pas
donné de résultats significatifs, il faudrait donc en trouver des nouvelles afin de voir s’il n’y a
vraiment pas d’effet ou si ce sont nos questions qui n’allaient pas.
Et enfin, pour ce qui est des scénarios que nous avions dans notre deuxième
expérience, il serait intéressant de tous les tester afin de comprendre pourquoi certains ont eu
un effet et d’autres pas.
En conclusion, il faudra dans l’avenir, tester notre deuxième hypothèse qui porte sur la
colère car nous n’avons pas pu le faire. Nous avions choisi de réaliser nos deux hypothèses
séparément, car comme nous l’avons montré dans ce mémoire, il existe différentes techniques
d’induction et, selon les émotions, certaines techniques n’ont aucun effet. Pour la colère, des
techniques d’inductions appropriées consisteraient soit à donner un feedback négatif aux
participants qui viennent de remplir des questionnaires, soit à utiliser des sons agaçants.
31
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
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36
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
12. Annexe
Annexe A : Scénarios de l’expérience
Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac et
décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame.
Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune
femme. La jeune femme se brise une jambe.
Intention Neutre + Mauvaises Conséquences
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met
donc à courir pour ne pas le rater.
Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune
femme. La jeune femme se brise une jambe.
Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit une vieille dame ouvrir son sac et
décide de lui voler. Il se met à courir à toute allure en direction de la vieille dame.
Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et trébuche puis tombe au sol. La vieille dame
monte dans le bus, saine et sauve.
Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences
Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du
dessous et aperçoit un voisin qu’il ne supporte pas.
Il fait alors exprès de renverser son café, dans l’espoir d’ébouillanter son voisin.
Le voisin se retrouve aspergé de café, le visage brulé.
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Intention Neutre +Mauvaises Conséquences
Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du
dessous, aperçoit un de ses voisins.
En se penchant pour saluer son voisin, Christophe renverse par mégarde son café.
Le voisin se retrouve aspergé de café, le visage brulé.
Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres
Christophe sort sur son balcon avec son café bouillant dans la main. Il regarde le balcon du
dessous et aperçoit un voisin qu’il ne supporte pas.
Il fait alors exprès de renverser son café, dans l’espoir d’ébouillanter son voisin.
Entretemps, le voisin est rentré dans son appartement pour répondre au téléphone. Le café va
s’écraser sur le trottoir sans faire de victime.
Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences
Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous,
Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver.
Paul profite que Jean ne le regarde pas pour frapper une balle en direction de Jean. La balle
heurte Jean à la tête et celui-ci meurt sur le coup.
Paul l’a fait exprès : il savait que Jean avait une liaison avec sa femme et voulait se
débarrasser de Jean.
Intentions Neutres + Mauvaises Conséquences
Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous,
Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver.
Paul retrouve la balle et décide donc de la jouer pensant que Jean ne risque rien.
Malheureusement Jean se trouvait non loin de là et la balle vient le heurter dans la tête. Il
meurt sur le coup.
Paul ne l’a pas fait exprès : il n’avait aucune raison de vouloir tuer Jean.
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres
Paul et son ami Jean se donnent rendez-vous pour jouer au golf. Juste après quelques trous,
Paul perd sa balle dans les bois. Ils décident donc de se séparer pour la retrouver.
Paul profite que Jean ne le regarde pas pour frapper une balle en direction de Jean.
Cependant, Jean se baisse au même moment. Pour ramasser la balle perdue et la balle tirée
par Jean lui passe au-dessus. S’il était resté debout la balle l’aurait touché à la tête et il serait
mort sur le coup.
Paul l’a fait exprès : il savait que Jean avait une liaison avec sa femme et voulait se
débarrasser de Jean.
Mauvaises Intentions + Mauvaises Conséquences
Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures
de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première.
Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup.
Patrick l’avait poussé exprès, il voulait toucher l’assurance décès.
Intention Neutre +Mauvaises Conséquences
Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures
de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première.
Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup.
Patrick ne l’a pas fait exprès, il était très amoureux de sa femme.
Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres
Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques heures
de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première.
Juliette tombe sur un tapis de mousse et n’est même pas blessée.
Patrick l’avait poussé exprès, en espérant qu’elle se brise le crâne sur un rocher : il voulait
toucher l’assurance décès.
39
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences
Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa
voiture entre alors en collision avec une autre voiture.
Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement
blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de l’autre
conducteur.
Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre
conducteur.
Intentions Neutres +Mauvaises Conséquences
Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa
voiture entre alors en collision avec une autre voiture.
Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement
blessé. Stéphane se dit qu’il devrait aller voir comment va le conducteur.
Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre
conducteur.
Mauvaises Intentions + Conséquences Neutres
Stéphane se promène au bord de la route lorsqu’il aperçoit une voiture qui est entrée en
collision avec un arbre.
Regardant de plus près, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est
gravement blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de
l’autre conducteur.
Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre
conducteur.
Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences
Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il glisse sur une plaque de verglas. Dans sa
chute, il fait tomber avec lui d’autres passants, dont certains se brisent la jambe.
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Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
En se relevant, Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le voler.
Mais au même moment un autre passant vient les aider.
Intentions Neutres +Mauvaises Conséquences
Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il glisse sur une plaque de verglas. Dans sa
chute, il fait tomber avec lui d’autres passants, dont certains se brisent la jambe.
En se relevant, Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le
ramasser pour le rendre.
Mais au même moment un autre passant vient les aider.
Intentions Neutres +Mauvaises Conséquence
Fabien est entrain de marcher dans la rue lorsqu’il voit un groupe de passants glisser sur une
plaque de verglas. Certains d’entre eux se brisent la jambe.
Fabien voit qu’un des passants a perdu un bijou, il se dit qu’il devrait le voler.
Mais au même moment un autre passant vient les aider.
Annexe B : Scénarios de l’expérience 2
Scénarios baselines :
-Daniel est un étudiant en économie très impliqué dans la vie universitaire. Il a créé une
association des étudiants en économie dans son université, et organise chaque semaine des
réunions entre enseignants et étudiants, durant lesquelles ceux-ci peuvent discuter de divers
sujets. Chaque semaine, Daniel propose un sujet de conversation, et il s’efforce de proposer
des sujets de discussion qui conviennent et plaisent à la fois aux enseignants et aux étudiants.
- Patrick et sa femme Juliette partent faire une promenade dans la forêt. Après quelques
heures de marche, Patrick heurte Juliette et celle-ci tombe tête la première.
Juliette se cogne la tête contre un caillou et meurt sur le coup.
Patrick l’avait poussé exprès, il voulait toucher l’assurance décès.
41
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
Dilemmes moraux :
-Dans un pays en Guerre, Claire vit avec ses deux enfants, âgés de 5 et 8 ans, dans un
territoire occupé par l’ennemi. Au quartier général ennemi se trouve un docteur qui réalise
sur les prisonniers de guerre des expériences extrêmement douloureuse qui se soldent
inévitablement par la mort du sujet. Un jour, il annonce à Claire qu’il a l’intention de réaliser
une de ces expériences sur l’un de ses enfants. Elle a 24 heures pour choisir lequel des deux
subira l’expérience, sans quoi il prendrait les deux et leur fera passer à tous les deux son
expérience. Après une nuit de doute et pour sauver au moins un de ses enfants, Claire livre
son enfant le plus jeune au docteur.
-David est sur un bateau de croisière quand, tout à coup, un incendie se déclare et tout le
monde doit évacuer le bateau. Les canots de sauvetages se retrouvent à transporter bien plus
de monde qu’ils ne le peuvent. Le canot dans lequel se trouve David est dangereusement
enfoncé dans les eaux. Encore quelques centimètres et il coulera. La mer commence à s’agiter
et l’eau à remplir le canot. Si rien n’est fait, il coulera avant l’arrivée des sauveteurs et tout le
monde présent à son bord mourra. Cependant, il se trouve à bord du canot une personne, qui
gravement blessé par l’incendie, ne survivra de toute façon pas jusqu’à l’arrivée des secours.
Si cette personne était jetée par-dessus bord, le canot serait moins lourd et permettrait à ses
passagés de survivre jusqu’à l’arrivée des secours. Après quelques hésitations, mais voyant
qu’il s’agit du seul moyen de sauver tout le monde, y compris lui, David jette la personne
blessée à la mer.
Scénarios moralement dégoutant :
-Julie et Marc sont frère et sœur et tous deux sont à l’université. Pendant, leurs vacances
d’été, ils décident d’aller visiter ensemble les plus belles régions d’Italie. Une nuit, alors
qu’ils sont ensemble dans une cabane près de la plage, ils se disent que ce serait drôle et
intéressant de faire l’amour ensemble. Au pire, ça sera une expérience inédite. Julie prend
déjà la pilule, mais juste pour être certain, Marc décide d’utiliser aussi un préservatif. Ils
prennent tous les deux beaucoup de plaisir à faire l’amour, mais décident de ne jamais
recommencer. Ils font de cette nuit leur grand secret, un secret qui les fait se sentir encore
plus proches l’un de l’autre qu’auparavant.
-Chaque semaine, Jean se rend au supermarché pour y acheter un poulet à rôtir (le poulet est
déjà mort et prêt à cuire). Jean a entendu dire que, jadis, certains shamans avaient pour
42
Manipulation du jugement moral et manipulation émotionnelle
pratique de frotter leurs parties génitales à des poulets mort dans le but d’augmenter leur
fertilité. Du coup, avant de le faire cuire, il a un rapport sexuel protégé avec le poulet. Une
fois terminé, il le fait cuire et le mange.
Mauvaises Intentions +Mauvaises Conséquences :
Stéphane est au volant de sa voiture lorsqu’il est pris d’un malaise et s’évanouit au volant. Sa
voiture entre alors en collision avec une autre voiture.
Quand il se réveille, Stéphane s’aperçoit que le conducteur de l’autre voiture est gravement
blessé. Stéphane se dit qu’il pourrait en profiter pour voler le portefeuille de l’autre
conducteur.
Mais les secours arrivent sur les lieux avant que Stéphane ne puisse s’approcher de l’autre
conducteur.
Intention Neutre + Mauvaises Conséquences :
Pierre est dans la rue et se dirige vers l’arrêt de bus. Il voit le bus arriver au loin et se met
donc à courir pour ne pas le rater.
Dans sa hâte il ne regarde pas autour de lui et fait tomber violemment à terre une jeune
femme. La jeune femme se brise une jambe.
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