absence d’indice, quand vous avez quelqu’un qui est un peu hypocondriaque… Mais, moi, ce
que je rencontre le plus, ce sont des nosophobiques, d’emblée ils vont à la recherche
d’indices, ils vont voir, ils demandent des examens, des prises de sang, pour s’assurer de la
non présence de la maladie, mais, ça, c’est une autre paire de manches… C’est bien la course
après les indices, et la course du côté de l’absence d’indice, c’est très curieux ça, il va
chercher l’absence d’indice, mais pour ça il va d’abord forger des indices qui puissent dire si
c’est présent… On le voit très bien avec les nosophobiques qui sont capables de résister à un
examen où tout est parfait, mais où, à un certain niveau, un dosage est légèrement inférieur à
la moyenne admise, il y a quand même quelque chose...
Le symptôme repose sur une absence d’indices et peut mener sa propre vie pseudo indiciaire.
Les nosophobiques en sont le plus bel exemple parce qu’ils attendent la maladie, ils attendent
la jouissance du moment où on leur apprend qu’ils ne l’ont pas, qui est un moment de grande
libération…
Louise Jacob : … Je voulais demander, quand il n’y a pas de signes autres que la douleur, est-
ce que celle-ci est un symptôme en soi ?
M. B. : Non, la douleur est un phénomène uniquement psychique. Cela fait partie des débats
avec Roger Fleuret, ça ne règle rien du tout pour les personnes concernées, mais en revanche
nous, on peut le penser comme ça. Par exemple, les gens qui s’occupent de soins palliatifs
sont appelés par une équipe, ou par une famille, au chevet d’un patient supposé mourant, il se
plaint de douleurs terribles qui pour la famille, sont annonciatrices de la mort qui tarde à
arriver, pour l’équipe, c’est un devoir d’éradiquer la douleur, c’est écrit dans tous les textes, le
bonhomme reste lui comme un con avec sa problématique, en voyant passer autour de lui soit
des gens qui lui veulent du mal comme peut être l’environnement immédiat, soit des gens qui
viennent comme des docteurs Diafoirus exprimer leur savoir médical ; autre position, cette
même équipe cette fois-ci réagissant intelligemment, qu’est-ce qui se passe ? il y a quelque
chose qui a bougé dans sa vie ? Peut-être une absence de présence, simplement, une douleur
d’être, ou une douleur de mourir, je ne sais pas, il y a des tas d’occasions d’avoir des douleurs
comme celle-là… Ils ne se jettent pas sur les médicaments, ne donnent pas immédiatement
des pilules pour éradiquer une douleur inéradicable. La problématique de la douleur, tout à
fait spécifique, est à mon sens à distinguer de la souffrance, à qui on peut donner quelque
chose de matériel. On peut parler de la souffrance des tissus, par exemple le marin pourra
faire souffrir un cordage, il est trop tendu, on voit bien que la souffrance s’exerce réellement
dyadiquement sur un corps. Pour la douleur, c’est autre chose, c’est un environnement d’être
avec la perception de cette chose qui ne va pas. C’est, à ce titre, pleinement un symptôme au
sens de la sémiologie médicale, mais de quoi ? ça montre bien que le symptôme en lui-même
est basé sur le fait qu’il y a un indice manquant.
A partir du symptôme, on va courir vers l’indice manquant. Ce en quoi le symptôme médical
n’est pas véritablement un indice, il est un proto-indice ou pré-indice ou post-indice, à classer
dans le monde indiciaire.
Il faudrait faire une distinction dans les indices, on peut distinguer la trace indiciaire, le pas
sur le sable dans Robinson et le type indiciaire, qui lui, du fait d’être un type apporte quelque
chose de beaucoup plus vaste et oblige à une recherche. Le symptôme est clairement un type
indiciaire et nous n’avons pas intérêt, nous, à croire que c’est une trace indiciaire, à croire
qu’on a un accès direct à la chose…Une éruption de boutons, bien sûr, c’est matériel, mais il
n’empêche que c’est un type, qu’on appelle bouton, c’est déjà quelque chose qui est enregistré
dans le grand manuel de la vie…
Geneviève Faixas : Ce n’est pas des allergies…