HIBOUX ET CHOUETTES Chouettes et hiboux, animaux bien connus, symbole des auxiliaires de la diablerie – la sorcière n’a-t-elle pas toujours sa fidèle chouette sur l’épaule ? – hantant les bois de leurs longs cris nocturnes, mais aussi symboles de la sagesse – avezvous déjà vu une chouette coquine dans un conte ? Chouettes et hiboux, on les confond. Qui est chouette, qui est hibou, la chouette n’est-elle que la femme du hibou ? Et l’effraie, dans tout cela ? Les réponses, vous les trouverez dans les pages qui suivent, qui vont vous faire pénétrer dans un monde aussi chouette que hibou ! Les espèces Qui est chouette, qui est hibou, qui est effraie, qui n’est aucun des deux ? Pas facile de se retrouver dans ce drôle de monde des oiseaux… dans le même sac ! Les hiboux et les chouettes font partie de l’ordre des strigiformes et sont vaguement apparentés à un autre ordre, les caprimulgiformes. Ces derniers, moins connus que les strigiformes, sont répartis en cinq familles et cent deux espèces : on y trouve le guacharo, par exemple, et les engoulevents. Ce sont également des oiseaux nocturnes, mais ils peuvent facilement être différenciés des chouettes et des hiboux, même par un amateur. Les strigiformes comptent deux familles, qui ne sont absolument pas en rapport avec les noms français dont on a affublé les espèces. Les effraies : on les appelle aussi les tytonidés. Ils sont de taille moyenne, avec une face en forme de cœur. Leur orteil interne est aussi long que celui du centre, leurs grandes pattes sont nues. On y classe aussi les phodiles, ou chouettes baies, mais elles ne leur ressemblent que superficiellement. Les chouettes et hiboux « vrais » : ou la famille des strigidés, qui comprend les oiseaux à la tête arrondie, aux grands yeux et aux pattes robustes et emplumées. Leur orteil interne est plus court que le central. Il n’y a pas de taille uniforme : on y trouve d’ailleurs la chevêchette cabouré, qui mesure moins de quinze centimètres pour un poids d’une cinquantaine de grammes, et le hibou grand duc, dont la taille varie entre 66 et 71 cm et qui peut atteindre quatre kilogrammes. On trouve chez les effraies, les chouettes et les hiboux cent soixante-deux espèces, réparties en vingtquatre genres. Les ornithologues qui ont donné les noms aux strigiformes ne sont tout de même pas dépourvus de bon sens, ne vous inquiétez pas. En fait, la différence entre hiboux et chouettes est toute simple : on nomme hiboux les espèces qui portent sur la tête des aigrettes et chouettes les espèces qui en sont dépourvues. Cependant ces aigrettes ne sont pas toujours visibles. On ne connaît pas leur fonction, mais on sait qu’elles se dressent lorsque ces animaux sont inquiets. les chouettes célébrités Certaines espèces de chouettes et hiboux sont plus connues que d’autres. Il est impossible de nommer les 162 espèces (et même plus ! On découvre environ une espèce de chouette tous les dix ans), mais en voici une ou deux que nous rencontrons chez nous et que l’amoureux de la nature pourra rencontrer sans difficulté : La chouette effraie (tyto alba) : c’est la plus connue de nos rapaces nocturnes. Elle a un plumage très clair, qui se décline en blanc et en roux. Elle passe d’ailleurs par des phases de roux, et des phases de blanc, suivant son humeur – la raison scientifique de ce changement de couleur n’a encore jamais pu être expliqué. Ce qui n’empêche pas une chouette effraie blanche d’appartenir à la même espèce que sa compagne rousse. Elle pèse environ 350 grammes. La chouette chevêche (athene noctua) :elle ne pèse que 150 g ! On la nomme « petite grise », dans les campagnes. Sa tête est plate, elle a un aspect trapu, moins élancé que l’effraie, dite « la grosse blanche ». Elle vit dans le voisinage de l’homme et est facilement observable. La chouette hulotte (strix aluco) : elle est plus grosse que ses cousines citées, puisqu’elle atteint 500 grammes. Elle aussi observe deux phases : une grise et une rousse. Si elle ressemble à la chevêche, elle se montre bien plus discrète qu’elle et n’aime pas approcher les hommes. Le hibou moyen-duc (asio otus) : le moyen-duc ressemble beaucoup à la hulotte, mais, ne vivant pas dans les mêmes milieux, il est impossible de les confondre. Comme la chevêche et l’effraie, il préfère un milieu ouvert. Il possède de beaux yeux oranges. S’il est surpris, il se raidit, plaque ses plumes contre son corps et prend ainsi l’allure d’une branche morte. d’athènes à chez nous On estime que les hiboux et les chouettes sont apparus il y a environ 70 millions d’années, si ce n’est plus. On suppose que ces anciens oiseaux devaient ressembler à nos actuelles chouettes. De cet ancêtre descendent aussi les engoulevents. On a trouvé aux Bahamas une chouette effraie fossile mesurant nonante centimètres, c’est-à-dire trois fois la taille actuelle de l’effraie ! Dans l’Antiquité grecque, la chouette était le symbole de la sagesse, mais elle représentait aussi la célèbre ville d’Athènes. A la fin de la construction du temple dédié à Athena, mère de la cité, une chouette chevêche vint nicher en haut d’une des colonnes ; c’est pourquoi on l’associa à la déesse et on la représenta sur des pièces de monnaie. Son nom signifiait : « celle qui brille », par allusion à ses yeux. On raconte aussi qu’une chouette survola l’armée athénienne juste avant qu’elle ne batte les Perses lors de la bataille de Marathon. Malheureusement, les Romains – qui pourtant avaient offert une chouette à leur propre déesse de la sagesse, Minerve – , croyaient fermement que le hululement d’une chouette annonçait un mauvais présage ; le Moyen-Age ensuite s’est chargé d’attribuer à la compagne d’Athena une réputation bien plus malheureuse et nombre de chouettes ont fini clouées sur les portes, pratique courante à l’époque pour conjurer le mauvais sort. Que lui reprochait-on, au juste ? Peut-être trouvait-on les grandes espèces un peu trop gourmandes, mais il est plus probable qu’elles effrayaient considérablement la populace avec leurs cris nocturnes. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard que l’on nomme les tytonidés les effraies ! En Chine, dans certaines régions, le cri de la chouette forme « creuse ta tombe » dans le dialecte local. En Inde, il n’y a encore pas longtemps, si un hibou venait se percher sur le toit d’une maison, tout le chaume devait être enlevé et brûlé avant que quiconque pénètre de nouveau dans la demeure. Et si possible, l’oiseau devait être tué. Mais il n’y a pas que le bruit, qui fait peur, il y a aussi le silence. Ces oiseaux sont en effet les rois du vol silencieux, ce qui n’est pas étonnant : lorsqu’on chasse de nuit, il faut veiller à ne pas être trop bruyant. Et soudain, l’homme se rend compte que la chouette est là, tout près de lui, et il ne l’a pas entendue venir. Pas très rassurant, avouons-le… Le fait que les chouettes occupent les ruines des maisons ne donnait qu’une preuve supplémentaire pour accuser ces oiseaux, que la Bible qualifiait comme « impurs ». D’autres rumeurs ont couru sur notre chouette. Paraît-il qu’elle porterait malheur : on raconte qu’elle vient sur les toits ou les volets de maison où l’on veille un mourant afin de l’achever. La première partie n’était sans doute pas fausse : la lumière qui provenait de la maison attirait les insectes, proies favorites des chouettes, qui venaient se poster à cet endroit pour avoir plus de chance d’attraper un bon repas. C’était donc plutôt la mort des bestioles qu’elle annonçait, plus que celle de l’homme… Très vite, cependant, des fermiers se sont rendus compte qu’elle était bien utile pour éliminer les rats et les souris : ils se montraient alors bien contents de voir des chouettes venir s’installer dans leurs granges, qui étaient spécialement conçues pour les accueillir. Cette tradition s’est perdue avec l’apparition des fermes modernes, aux charpentes métalliques et aux toits couverts de tôles, qui n’offrent plus de nids propices. Récemment, cependant, on a commencé à installer des nichoirs, afin d’attirer ces oiseaux, plus appréciés qu’autrefois par le peuple. chouette vie ! Ils ont conquis nos terres, et s’y accommodent, parfois plus difficilement que d’autres. Drôle de vie, que celle des strigiformes… conquérants Les strigiformes ont conquis la planète : on les trouve partout, que cela soit sur le continent africain, asiatique, européen ou américain. Il y en a aussi en Australie, ainsi que sur les îles des alentours. Par contre, ils désertent toute la partie sud du Groenland. On va ainsi trouver nos oiseaux dans des milieux très différents. Si la chouette effraie, la hulotte, la chevêche ou le moyen-duc se trouvent à côté de chez nous, il n’en est pas de même pour d’autres espèces. Les chouettes de Tengmalm, par exemple, sont sylvicoles et fréquentent les futaies. On les trouve souvent en altitude, dans un climat froid, tout comme les chevêchettes, qui montent parfois jusqu’à 1500 m. On peut trouver des chouettes hulottes jusqu’à 3000 m en Chine! Mais le record est détenu par le grand-duc, dont on a vu des couples nicher à 4500 m. Les hiboux du marais, comme l’indique leur nom, se sont établis dans les prairies humides et les endroits marécageux. les plumes se déclinent Le signe distinctif des chouettes et des hiboux est sans doute le disque facial. C’est une sorte d’anneau de plume qui entoure leur visage. Chez certaines espèces, il est très visible, chez d’autres moins. On n’est pas sûr, mais l’on pense que c’est ce disque qui dirige le son vers les fines oreilles des chouettes et hiboux. Il n’existe pas de couleur uniforme à toutes les chouettes. Leurs plumes se déclinent en plusieurs tons, qui permettent d’ailleurs aux amateurs de mieux distinguer les espèces. Les effraies des clochers possèdent un plumage chamois dessus, blanc dessous. Si on inspecte de plus près leurs plumes, se révèlent des mouchetures noires, blanches, grises, dorées, parfois même argentées. Les harfangs des neiges, que l’on trouve en Sibérie, au Canada et aux îles Shetland, ont de belles plumes : les mâles sont presque entièrement blancs, les femelles sont striées de noir ou de gris. Lorsqu’ils sont effrayées, ils écarquillent les yeux, écartent leurs ailes et leur plumage gonfle pour paraître plus grand : cela suffit souvent à effrayer l’adversaire ! Les chouettes lapones, elles, possèdent encore une autre variété de plumage, dont le nom scientifique Strix nebulosa signifie « chouette brumeuse » et s’explique par ses teintes. La grandeur des ailes varie selon l’espèce : les hulottes en ont de courtes qu’elles battent rapidement en terrain découvert et qui leur permettent de se glisser dans les buissons. Les grands-ducs, eux, ont une envergure de 1,80 m. Chouettes et hiboux sont bien équipés pour la chasse : ils possèdent deux doigts dirigés vers l’avant, et deux vers l’arrière. Leur bec est crochu : il leur permet de découper la proie en petits morceaux. Tous possèdent d’énormes yeux proportionnellement à leur tête – ce serait comme si nous avions des yeux aussi gros que des balles de tennis. Ils captent bien la lumière et aident à repérer les proies lorsque l’ouïe ne suffit pas. La plupart du temps, ils sont noirs, mais chez les hiboux des marais, on a affaire à des iris jaunes ou dorés qui entourent les pupilles noires. Une troisième paupière, appelée également membrane nictitante, les protège, la journée, de la lumière trop violente pour leurs yeux sensibles. Leur vision couvre, sans qu’ils ne bougent la tête, 110 °, dont 70° de vision binoculaire. Pour comparaison, un pigeon n’a quelques degrés de vision binoculaire, mais 340° de monoculaire. Leur globes oculaires n’étant pas très mobiles, la nature a pallié le problème en leur offrant une tête mobile qui peut tourner jusqu’à 270°pour la plupart des espèces, mais jusqu’à 360° pour les grands-ducs d’Europe. Les chouettes pêcheuses représentent des exceptions : non seulement elles ne possèdent pas de disques faciaux ni d’orifices auditifs perfectionnés, mais leur vol n’est pas silencieux, leur plumage bien moins duveteux que les autres espèces. Leurs tarses sont nus pour éviter les souillures de la vase dans laquelle elles attrapent les poissons. nocturnes Les hiboux et chouettes vivent la nuit. Ils ont alors une ouïe développée. Leurs oreilles, protégées par un volet de peau, sont cachées par le plumage en arrière du disque facial, de façon asymétrique : l’une est située à la hauteur du front, l’autre à celle des narines ; elles sont le plus souvent grandes et peuvent capter le bruissement du mulot sur le sol. Les chouettes peuvent alors déterminer la position de leur proie et sont même capables d’évaluer la fraction de temps écoulé à l’arrivée d’un même son à chaque oreille, comme l’homme, mais avec une précision bien supérieure. L’espèce la plus diurne est le hibou des marais, que l’on surprend parfois à chasser en plein jour. Mais il arrive parfois que les chevêches d’Athena se montrent à la lumière. Le petit-duc, qui vit en Amérique du Nord, aime tant se baigner qu’il se noie parfois. Lorsque hiboux ou chouettes ont peur, ils ramènent leurs plumes contre eux, paraissent ainsi à la fois plus grand et plus minces. S’ils sont perchés sur un tronc coupé, on ne peut pas les voir, car ils semblent faire partie du bois. Les hiboux moyens-ducs, lorsqu’ils sont effrayés, peuvent aussi déployer ses ailes tout en sifflant et en claquant du bec. en couple Le petit-duc d’Amérique La plupart des espèces de strigiformes vivent en couple (lorsqu’un couple est formé, il l’est jusqu’à la mort de l’un des partenaires) durant toute l’année, mais d’autres espèces sont solitaires – cela diffère même entre les individus de la même espèce. Chez les grands-ducs, par exemple, le mâle et la femelle vivent sur le même territoire, mais ne gîtent ni ne chassent ensemble. Les chouettes des terriers, elles, nichent en petites colonies, comptant environ douze couples. Les moyens-ducs se rassemblent l’hiver par « troupeaux », comptant plusieurs dizaines d’individus. Ces rassemblements sont appelés « dortoirs », car les oiseaux ne se retrouvent que pendant la journée pour se reposer, souvent dans un conifère, arbre qui offre un abri sûr contre les éventuels prédateurs et les intempéries. On peut alors facilement les repérer : le sol est jonché de pelotes de réjection et de fientes. Ces dortoirs ne sont cependant pas une règle générale et ne se forment que lorsque les oiseaux quittent leur région natale pour gagner un endroit où la nourriture est plus abondante. La superficie des territoires dépend des espèces, mais aussi de la disponibilité en sites de nid et de la nature du milieu. On a alors effectué des recensements qui ont prouvé l’existence de grandes différences : en Allemagne, on a trouvé seize couples de hulottes sur trente et un kilomètres carrés. En Angleterre, ce sont vingt couples qui ont été localisés, mais sur quatre kilomètres carrés, soit une densité dix fois plus forte. Difficile, dans ce cas, d’énoncer des principes communs, même si l’on connaît quelques généralités : 15 à 80 km2 chez le grand-duc. Normalement, la taille du territoire dépend de la taille de ceux qui l’occupent. Les espèces au régime spécialisé auront également à leur disposition une plus grande surface. CHANTEUR C’est grâce à leur chant que l’on peut repérer les strigiformes et identifier l’espèce à laquelle ils appartiennent. Leur chant est plus long, et plus élaboré que le simple cri, souvent peu harmonieux, néanmoins terriblement varié : le registre des cris de ces oiseaux est assez important et chaque « parole » correspond à une situation bien précise. Par exemple, un mâle hulotte ne chantera pas de la même façon s’il remet une proie à sa femelle que s’il délimite son territoire. Les femelles ne chantent pas, mais répondent à leur amant par des cris, souvent brefs, tel que vous pourrez en entendre si vous vous approchez de trop près d’un nid. Repérer les cris des strigiformes n’est pas une tâche simple, même pour l’ornithologue averti. Si certains hululements reviennent régulièrement et ont fait clairement connaître leur signification, d’autres restent bien obscurs, et la communication diffère selon les couples. Eh oui, chaque famille a son « dialecte », lui-même influencé par la météorologie – saison, ciel, etc. En général, hiboux et chouettes chantent durant l’hiver – même si certaines espèces se font interprètes toute l’année. La quintessence du concert a lieu peu avant le début du printemps, entre février et mars. On les entend à l’aube et au crépuscule, de façon irrégulière au milieu de la nuit. Les chants durent de quelques minutes à plusieurs heures, sans interruption. S’il pleut ou qu’il y a du brouillard, l’activité sonore est diminuée ; si c’est la pleine lune, au contraire, les chouettes se feront un plaisir de chanter de toute leur âme. Enfin, les chansons ne s’éterniseront pas si les oiseaux ont faim ou sont fatigués. Les hiboux ont un chant simple : il s’agit d’une ou deux syllabes lancées à intervalles réguliers. Le chant des chouettes est plus varié. Le plus impressionnant est sans doute celui des chouettes de Tengmalm, qui pourrait se confondre avec celui de la huppe, si celle-ci chantait aussi de nuit – ce qui n’est pas le cas. Les chouettes de Tengmalm ne sont pas farouches pour un sou. Elles se laissent facilement approcher et on peut même les éclairer avec une lampe de poche, enregistrer leur chant et le repasser quelques minutes après pour l’attirer – expérience qui marche particulièrement bien avec cette espèce, mais aussi avec les chevêches. Les hulottes, par leurs « hou – hououououou » sont responsables des battements de cœur des amateurs de camping. Quant aux effraies, elles ne chantent pas, mais émettent simplement un « rrrrrrrrr » un ronflement qui ressemble beaucoup à celui de l’homme. menu varié Certaines espèces de strigiformes ont un régime très spécialisé et ne se nourrissent que d’une seule proie. D’autres, par contre, tentent de diversifier leur repas. Elles se nourrissent toujours de proies vivantes, qu’elles peuvent bien sûr repérer à l’ouïe, ce qui ne serait pas le cas avec un cadavre. Il arrive cependant qu’elles consomment le lendemain une proie tuée la veille. Longue est la liste des proies des hiboux et des chouettes : coléoptères, vers de terre, petits rongeurs, insectivores, chauves-souris, batraciens, reptiles, poissons, lézards, serpent, lièvres, lapins, belettes, hermines, martres, fouines, oiseaux et même quelques fois renardeaux. La taille des proies dépend de la taille des prédateurs : un moyen-duc n’attrapera que rarement un surmulot, une hulotte plus régulièrement et un grand-duc fréquemment. On estime que le poids des proies équivaut au poids des prédateurs. Les grands-ducs d’Europe sont de redoutables chasseurs : il leur arrive de capturer d’autres prédateurs, comme la buse variable, le faucon crécerelle, la chouette hulotte et même le faucon pèlerin. On les a déjà vus s’attaquer à des harfangs des neiges. Un individu a même été aperçu transportant un renard adulte entre ses serres. Dans toute leur aire de répartition, ils s’en prennent à 110 espèces de mammifères et plus de 140 espèces d’oiseaux. Des proies dépassant trois kilos (alors que lui n’atteint ce poids qu’avec difficulté) ont été trouvées dans leurs nids. Le choix des strigiformes se porte sur les espèces abondantes, de préférence celles qui vivent en bande et qui font beaucoup de bruit. Mais ce choix est aussi influencé par les individus eux-mêmes : des hiboux vivant près d’un dépôt d’ordures passeront à un régime spécialisé dans les surmulots. Il existe aussi des variations saisonnières et annuelles. Connaître le régime des espèces de strigiformes constitue un laborieux travail, car il faut observer plusieurs familles pendant plusieurs années de façon assidue pour obtenir un résultat proche de la réalité. La méthode la plus souvent employée est l’étude des pelotes de réjection. Les régimes alimentaires de ces rapaces sont d’autant plus importants qu’ils influencent grandement la vie de certaines espèces : les petits-ducs, qui sont uniquement insectivores, doivent migrer en hiver vers des régions plus chaudes – ce sont d’ailleurs les seuls migrateurs des strigiformes. Les hiboux des marais, eux, sont à tel point dépendants de leurs proies favorites – les campagnols – qu’ils ne pondent pas si elles font défaut. Quant aux harfangs des neiges, ils sont tellement accrochés aux lemmings, leurs proies préférées, qu’ils deviennent migrateurs si l’année se fait pauvre en rongeurs. Ils descendent alors vers le sud en quête de nourriture. C’est d’ailleurs lors de l’une de ces migrations qu’un couple s’est arrêté aux îles Shetland et… n’est plus reparti. Une colonisation naturelle s’est produite et aujourd’hui, on peut admirer les harfangs dans ces îles, alors que ce n’était pas le cas il y a quarante ans. D’autres espèces migrent aussi, comme les hiboux des marais. Le record de migration est d’ailleurs attribué à un individu de cette espèce qui a parcouru 3 345 km entre la Tunisie et Arkhangelsk, en Russie. silencieuse chasse Les hiboux et chouettes possèdent des franges souples sur les grandes plumes de leurs ailes – on les appelle les régimes primaires – qui « absorbent les bruits » : en fait, leur plumage est si doux et si léger que l’air peut simplement s’y glisser sans résonner. En effet, leur ouïe est tellement fine que le son du vent dans leurs plumes les gênerait pour repérer leurs proies. Ils volent au ras du sol, à l’affût de quelque chose à se mettre sous la dent, ou bien détectent un perchoir où ils s’installent, attendant un bruit. L’attaque de la proie se conclut dans un vol absolument silencieux ; les mulots, pris entre les serres, sont tués avant même d’avoir entendu un quelconque bruit. Il arrive que deux hiboux moyen-duc chassent ensemble : l’un effraie la proie, l’autre la capture, et viceversa. Les chevêches d’Athéna, petites chouettes originaires d’Europe méridionale et tempérée, provenant aussi d’Asie, du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient et introduites en Angleterre, ont un vol très léger. Elles capturent souvent les insectes en plein vol (coléoptères et hannetons principalement, dont les larves ravagent les récoltes). Une expérience à démontré qu’elles pouvaient capturer vingt-trois vers de terre en quarante-cinq minutes (elles vont parfois les voler dans les nids) et consommer cinquante à quatre-vingt grammes de nourriture par jour, soit presque la moitié de leur propre poids. En moyenne, les hiboux et chouettes consomment trois proies par jour. Ils ne dépècent par leurs proies, préférant l’engloutir en entier. Ensuite, ils rejettent les restes non digestibles – os, poils, plumes – par le bec : ce sont les fameuses pelotes de réjection, qui ne ressemblent en rien aux fientes qui sont liquides et blanches : elles sont grises, brunes ou noires selon la proie avalée. Celles des grands-ducs peuvent atteindre huit centimètres de long. Ils en rejettent deux par jour : une grosse – deux à cinq proies – en fin d’après-midi, avant le départ pour la chasse, et une plus petite – une ou deux proies – au milieu de la nuit. Œil pour œil, dent pour dent Les hiboux grands ducs – qui pèsent environ trois kilos – passent leur journée sous un buisson ou contre le tronc d’un arbre. Savez-vous pourquoi ils détestent se montrer, comme bien d’autres de leurs cousins ? Parce qu’ils redoutent d’être découverts par les passereaux, qui tournoient autour d’eux, se sentant en sécurité le jour, alors que la nuit précédente, c’étaient les hiboux grands ducs qui s’amusaient à les persécuter. Ces derniers peuvent aussi être dérangés par des buses ou d’autres rapaces qu’ils chassent la nuit et qui se vengent le jour… parade en « hou » La période de reproduction s’étend de fin février jusqu’en été aux latitudes tempérées. Par contre, sous les climats tropicaux, les accouplements ont lieu toute l’année. La maturité sexuelle est normalement fixée vers un an, mais certaines espèces ne l’atteignent qu’à deux ans. Les mâles strigiformes attirent les femelles en poussant leurs célèbres « hou hou » qui se poursuivent durant la parade nuptiale. Cette dernière comportera aussi des claquement d’ailes – elles font un bruit particulier en se refermant sous le corps. Les appels nuptiaux des mâles chouettes pêcheuses de Pel (dont le nom scientifique vient de skotos et de peleia, obscurité et pigeon) peuvent s’entendre à trois kilomètres à la ronde. La parade nuptiale des hiboux des marais est impressionnante. Les couples planent de concert à grande hauteur ; parfois, les mâles planent seuls au-dessus de leur femelle posée au sol. Après les claquements d’ailes viennent les vocalisations douces, puis les balancements du corps, les claquements de bec et enfin, la toilette mutuelle. un nid sûr C’est le devoir des mâles que de repérer les sites où ils pourront établir leur nid. Les pertes seront grandes, ils le savent : un prochain orage pourra noyer toute la couvée, un nid trop vieux sera facilement renversé par un vent violent et une absence trop prolongée encouragera la martre à aller s’attaquer aux œufs. Habituellement, ces messieurs se mettent à la recherche d’une cavité bien protégée, qu’elle soit naturelle – trous de rochers, trous d’arbres –ou préparée par d’autres oiseaux – les trous de pics enchantent les chouettes effraies. Il leur arrive aussi de construire leur nid dans les murs des fermes. Les pratiques dépendent beaucoup de l’espèce : si les grands-ducs vont préférer établir leur nid dans une falaise (au pied ou au-dessus) ou dans l’ancienne maison d’un héron, les hulottes vont sélectionner les trous d’arbres naturels ou les terriers de renards abandonnés. Les chouettes de Tengmalm laissent les vieilles loges de pic telles qu’elles les trouvent, tandis que les chevêchettes les nettoient soigneusement. Il est impératif que le nid se trouve le plus haut possible – cinq ou six mètres. La nuit, les petits attirent par leur pépiements incessants les prédateurs et plus ils seront en altitude, mieux ils seront protégés. La seule espèce qui niche à terre est le hibou des marais. Chouettes et hiboux sont fidèles à leurs lieux de reproduction et se rendent chaque année dans les mêmes endroits. Encore une fois, les hiboux des marais font exception : le site où ils s’installent dépend uniquement de son abondance en campagnols. Les mâles font leurs propositions aux femelles, qui prennent la décision finale et communiquent aussitôt leur préférence. Etonnamment, les hiboux des marais ne construisent pas de véritable nid, ils se contentent de tapisser d’herbes sèches le futur lieu de ponte. Chez les autres espèces, quelques fois, les femelles s’installent au nid quelques jours déjà avant la ponte et n’en bougent pas : les pelotes de réjections s’accumulent alors et elles s’en servent pour façonner une cuvette dans laquelle elles déposeront leurs œufs. le plein d’œufs La réussite de la reproduction est conditionnée par l’abondance de la nourriture. Les effraies ne pondent pas s’il n’y a pas assez de campagnols, mais feront une deuxième ponte si ces rongeurs sont abondants. En règle générale, plus les espèces sont grosses, moins elles pondent d’œufs et plus l’élevage des jeunes sera long. Les grands-ducs ne mettent au monde que deux ou trois petits, les chouettes effraies jusqu’à treize. Les dates de ponte s’échelonnent entre mars et mai. Les œufs sont pondus sur deux ou trois jours : les femelles grands-ducs se mettent à couver dès l’apparition du premier, alors que les chevêchettes attendent que la couvée soit complète pour se mettre à la tâche. Les œufs sont blancs. Chez les tytonidés, ils sont ovoïdes (plus pointus d’un côté que de l’autre) : cette forme est destinée à empêcher les œufs de rouler sur les pentes, bien utile pour les effraies qui nichent sur une corniche, mais peu utile dans un trou, là où sont pondus les œufs non ovoïdes, arborant plutôt une forme arrondie, des strigidés. L’incubation, qui dure environ un mois, est assurée par les femelles, régulièrement ravitaillées par leurs maris. Lorsqu’elles s’absentent quelques instants, les mâles prennent la relève, mais plus par intention de les dissimuler que de couver véritablement – la position qu’ils adoptent diffèrede d’ailleurs de celle des Poussin 28 femelles couveuses. jours (chouette Les jeunes se mettent à pépier alors qu’on ne remarque pas un seul signe de brisure. Ils se servent de leur effraie) diamant, une pointe dure au bout de leur bec, pour casser la coquille. Quelques heures plus tard, des fissures apparaissent. La fêlure va prendre la forme d’une étoile qui ne cesse de s’agrandir jusqu’à ce que l’œuf se rompe finalement, deux jours plus tard. Le diamant ne reste qu’une petite semaine. Les jeunes naissent les yeux fermés. Dans les jours qui suivent, ils se couvrent d’un épais duvet blanchâtre. Les premières plumes apparaissent dès le douzième jour chez les petites espèces, plutôt au vingt-et-unième chez les plus grandes. Les femelles restent sur leurs petits une quinzaine de jours. Si elles partent trop tôt, les jeunes s’organisent seuls : les petits se réfugient sous les plus gros afin d’avoir chaud et on a affaire à une pyramide de duvet. Les jeunes petits-ducs doivent être nourris très régulièrement, les insectes étant pauvres en éléments nutritifs. Ainsi, le mâle leur apporte en moyenne de la nourriture toutes les onze minutes durant la nuit. Quand les jeunes sont capables de supporter la température ambiante, les femelles s’éloignent, mais restent à proximité. En cas de danger, les parents ne font preuve que de peu de courage et préfèrent s’envoler un peu plus loin. Certaines espèces, cependant, deviennent agressives et on a déjà vu des grands-ducs attaquer des hommes qui s’étaient trop approchés. Un célèbre photographe, Eric Hosking, a perdu un œil en visitant un nid de chouettes hulottes ! Etant donné que les œufs ne sont pas tous pondus en même temps, on peut relever des disparités énormes de poids entre les jeunes d’une même couvée. On a un jour trouvé un nid d’effraie où le plus âgé avait trois semaines et pesait 275 g alors que le dernier venait de s’extraire de son œuf et ne faisait que 20 g. petit deviendra grand Les jeunes sont nourris par petites becquées. Ils ont le droit aux meilleurs parties – muscles – tandis que leurs parents se réservent les bouts les plus maigres. Ils mendient par des pépiements, ils poussent des soufflements chez les effraies. Dès quinze jours – un mois chez les plus petites espèces –, ils peuvent engloutir un campagnol entier et les parents n’ont plus besoin de mettre les proies en morceaux. Si la nourriture se fait rare, ce sont les derniers-nés qui en souffriront, les parents préférant nourrir le plus âgé et le plus fort. Privés de nourritures, ils meurent et sont mangés par leurs frères et sœurs. Là encore, on peut voir à quel point l’intérêt général est plus important que l’intérêt particulier : si les parents, en cas de disette, donnaient à leurs enfants des quantités de nourriture équivalentes, tous survivraient, mais affaiblis et leurs chances de survie seraient compromises. Cette loi de la nature privilégie donc la bonne santé et l’équilibre de l’espèce en général. e des ers el Chez les hiboux des marais, déjà à dix-sept jours, les petits commencent à se faufiler dans les herbes entourant le nid ; en se dispersant ainsi, cela réduit les risques que la couvée soit anéantie par un prédateur. Chez les autres espèces, la première sortie se fait aux alentours d’une vingtaine de jours. Les poussins ne savent pas encore voler, mais ils s’agrippent aux branches, se hissent aux arbres en s’aidant du bec, des pattes et des ailes. Les chouettes de Tengmalm savent voler dès l’âge d’un mois et quittent à ce moment-là le nid. Les effraies, elles, ne prendront leur indépendance qu’à quatre-vingt jours. Il faut savoir que souvent, les parents continuent, même après l’envol, à nourrir leurs rejetons pendant plusieurs semaines. C’est pendant l’été que les jeunes vont apprendre les bases de la chasse. Dès l’automne, les mâles ne supportent plus la présence de leurs enfants et font entendre leur chant territorial. Les jeunes sont contraints de s’enfuir et errent dans toutes les directions en cherchant un endroit pour s’installer – par exemple, une place vacante laissée par un adulte mort. Ce périple peut mener les petits à plus de deux mille kilomètres de leur lieu de naissance. Cependant, de nombreuses couvées seront abandonnées avant que les jeunes soient sevrés. Les causes sont multiples : les mâles ne trouvent pas assez de nourriture pour ravitailler leurs femelles, ces dernières sont trop souvent dérangées et ne reviennent pas assez tôt sur leurs œufs, dénichage, prédations, les jeunes tombent du nid… Il y a les bonnes années, mais aussi les mauvaises. Durant les premières, on arrive tout de même à de bonnes proportions : chez les chouettes effraies, 85% des jeunes éclos s’envolent. Mais durant les mauvaises années à rongeurs, il arrive que 70% des poussins nés dans l’année ne survivent pas jusqu’au printemps suivant ! La longévité des chouettes et hiboux varie considérablement : vingt et un ans chez le grand-duc, neuf chez la chevêche, jusqu’à 18 ans chez l’effraie du clocher, même si la plupart des individus ne dépassent pas deux ans, six ans chez la chouette lapone, douze ans chez le petit-duc scops. protection Si certaines espèces de chouettes et hiboux abondent, d’autres sont malheureusement en danger, persécutées par un homme toujours plus avide… ceux qui s’adaptent… Elles sont par nature des oiseaux forestiers, les chouettes hulottes. Et pourtant, elles se sont accommodées à la vie citadine et sont devenues communes dans les parcs et jardins urbains. Elles ont délaissé leurs délicieux rats des champs pour capturer les moineaux des villes, souvent les jeunes qui sont laissés au nid sans surveillance. Les petits-ducs scops se sont eux aussi habitués aux invasions de l’homme et se trouvent maintenant dans les vergers, les vignes, les oliveraies, les plantations d’amandiers. Les chouettes des terriers vivent sur des parcours de golfs, des talus de routes et on les voit même dans des aéroports. Les grands-ducs de Virginie se font communs dans les parcs de New-York. …et ceux qui ne s’adaptent pas On utilise de plus en plus des pesticides dans l’agriculture, qui rentrent rapidement dans la chaîne alimentaire. Les campagnols consomment des graines traitées, puis se font à leur tour consommer par les chouettes, lesquelles, attaquées de l’intérieur, perdent leur capacité de reproduction puis meurent. Mais le problème n’est pas seulement là, il est aussi lié à la disparition des haies et des espaces naturels où vivent leurs proies préférées. Les campagnols et souris se font plus rares, nos oiseaux trouvent moins à manger et se raréfient. Récemment, cependant, la pression économique s’est fait moindre et on a augmenté le nombre de terres mises en jachère, ce qui a redonné, par exemple, aux effraies un « coup de pouce ». La chasse est aussi un facteur important, surtout pour les grands-ducs. Et le drainage des eaux ainsi que leur pollution compromet sérieusement l’avenir des chouettes pêcheuses. On ne peut pas non plus toujours savoir si les populations se portent bien. Par exemple, il est très difficile de mesurer les effectifs d’hiboux moyen-duc, car ce sont des animaux très discrets. On suppose donc qu’ils sont eux aussi touchés par l’activité humaine, mais on ne peut juger si l’espèce court un véritable danger ou non. rs nids pillés Non, il n’est pas fini, le temps où les enfants allaient piller les nids. Aujourd’hui, ce ne sont plus que les enfants, naïfs dans leur jeu cruel et destructeur, mais ce sont aussi des collectionneurs, ou des curieux qui désirent tenter l’élevage. On a déjà vu des personnes aller capturer des jeunes, les élever, puis les relâcher brusquement dans la nature : l’animal n’a alors pas appris à se nourrir seul et est voué à la mort. Les battues sont aussi synonymes d’hécatombes chez ces rapaces : les chasseurs tirent dans les arbres, font tomber des nids, tuent les femelles. Les endroits pour nicher disparaissent, eux aussi. Par exemple, les clochers ont été grillagés pour empêcher les pigeons d’entrer : maintenant, les effraies ne peuvent plus y nicher. baromètre naturel Les hommes paient souvent les conséquences de leur irresponsabilité. Ils croient savoir, mais ils ne savent pas. Voici deux exemples avec les strigiformes. Les grands ducs, victimes des chasseurs, des lignes à haute tensions, du tourisme, de la « varappe anarchique », ont été exterminés à plusieurs endroits en Allemagne. On a alors assisté à une floraison des renards, qui constituaient une grande partie des proies de ces hiboux. Les carnivores sont devenus encombrants. On a alors essayé de réintroduire les grands-ducs, mais les opérations ont été coûteuses et bien souvent couronnées d’un malheureux échec. Les hommes croyaient avoir tiré une bonne leçon de cette expérience et savaient maintenant que ces oiseaux étaient de bons « baromètres naturels ». Des effraies ont alors été introduites aux Seychelles pour enrayer l’expansion des rats. Elles se sont bien sûr nourries des rongeurs, mais ont aussi trouvé à leur goût les sternes et autres oiseaux du littoral, qui sont maintenant gravement menacées… Le gouvernement a essayé de limiter le nombre d’effraies, mais ces mesures se sont pour l’instant révélées infructueuses… Malheureusement, l’histoire dans le sens inverse s’est aussi déroulée, à la fin du dix-neuvième siècle, aux Antilles. On avait introduit la mangouste pour lutter contre les serpents. Celle-ci s’est aussi attaquée aux œufs de deux espèces de chouettes des terriers, qui se sont éteintes quelques années plus tard. routes meurtrières Les routes font de nombreuses victimes chez les chouettes et les hiboux. Ces oiseaux volent bas, vont parfois se nourrir de lapins écrasés sur les routes. Le bord des autoroutes regorge de proies et ils n’hésitent pas à s’y rendre. Une étude a été menée sur 320 effraies baguées : plus de 20% sont mortes sur la route ou les voies ferrées. bûcheron, forêt, chouette La forêt humide tempérée d’Amérique du Nord, où vivent les chouettes, a été déboisée à 87%. Et pourtant, des arbres de plus de cinq cents ans, comme les épicéas de Siutka, y vivaient. S’y déroule une chaîne alimentaire inexistante dans les bois où les arbres ont moins de deux cents ans : pour grandir, les arbres ont besoin de champignons qui vivent sur leurs racines et produisent des truffes. Ces truffes sont mangées par les souris à poches et les écureuils volants qui en disséminent les spores par l’intermédiaire de leurs crottes. Et les chouettes se nourrissent des rongeurs ! D’autre part, elles ont besoin des hauts arbres pour nicher. Il faudrait donc impérativement protéger ces forêts. Mais les bûcherons protestent : ils ont besoin, disent-ils, d’exploiter ces forêts pour nourrir leurs familles. Vaste débat…. témoignage Dans un bel ouvrage consacré aux hiboux et aux chouettes, Keith Graham nous fait part de quelques-unes de ses aventures avec ces oiseaux. « J’ai soigné un jour une hulotte qui s’était emmêlée dans un fil de pêche accroché à un arbre bordant une rivière et abandonné là par un pêcheur. Malheureusement, l’oiseau était là depuis plusieurs jours et quand j’entrepris de le soigner, la partie principale d’une aile était atrophiée. Visiblement, l’oiseau avait tenté de se libérer seul, ce qui avait resserré l’étreinte du fil autour de son aile, formant un garrot et coupant l’irrigation de l’aile. L'aile handicapée tomba et je fus obligé de m’occuper d’un oiseau manchot. (…) Durant plusieurs années, elle vécut dans mon verger. Chaque jour, je la nourrissais, mais il devenait de plus en plus évident qu’elle complétait l’alimentation que je lui donnais en capturant, la nuit, des oiseaux au dortoir. (…) L’oiseau s’était visiblement adapté malgré son handicap physique et avait appris à se déplacer le long des branches dans l’obscurité pour attraper de petits oiseaux et il avait mis au point une technique de capture des campagnols en leur sautant dessus depuis une branche basse ».