HIBOUX ET CHOUETTES

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HIBOUX ET CHOUETTES
Chouettes et hiboux, animaux bien connus,
symbole des auxiliaires de la diablerie –
la sorcière n’a-t-elle pas toujours sa
fidèle chouette sur l’épaule ? – hantant
les bois de leurs longs cris nocturnes,
mais aussi symboles de la sagesse – avezvous déjà vu une chouette coquine dans un
conte ? Chouettes et hiboux, on les
confond. Qui est chouette, qui est hibou, la
chouette n’est-elle que la femme du
hibou ? Et l’effraie, dans tout cela ? Les
réponses, vous les trouverez dans les
pages qui suivent, qui vont vous faire
pénétrer dans un monde aussi chouette que
hibou !
Les espèces
Qui est chouette, qui est hibou, qui est effraie, qui n’est aucun des
deux ? Pas facile de se retrouver dans ce drôle de monde des oiseaux…
dans le même sac !
Les hiboux et les chouettes font partie de l’ordre des strigiformes et sont vaguement apparentés à un autre
ordre, les caprimulgiformes. Ces derniers, moins connus que les strigiformes, sont répartis en cinq familles
et cent deux espèces : on y trouve le guacharo, par exemple, et les engoulevents. Ce sont également des
oiseaux nocturnes, mais ils peuvent facilement être différenciés des chouettes et des hiboux, même par un
amateur.
Les strigiformes comptent deux familles, qui ne sont absolument pas en rapport avec les noms français
dont on a affublé les espèces.
 Les effraies : on les appelle aussi les tytonidés. Ils sont de taille moyenne, avec une face en forme de
cœur. Leur orteil interne est aussi long que celui du centre, leurs grandes pattes sont nues. On y classe
aussi les phodiles, ou chouettes baies, mais elles ne leur ressemblent que superficiellement.
 Les chouettes et hiboux « vrais » : ou la famille des strigidés, qui comprend les oiseaux à la tête
arrondie, aux grands yeux et aux pattes robustes et emplumées. Leur orteil interne est plus court que le
central. Il n’y a pas de taille uniforme : on y trouve d’ailleurs la chevêchette cabouré, qui mesure moins de
quinze centimètres pour un poids d’une cinquantaine de grammes, et le hibou grand duc, dont la taille
varie entre 66 et 71 cm et qui peut atteindre quatre kilogrammes.
On trouve chez les effraies, les chouettes et les hiboux cent soixante-deux espèces, réparties en vingtquatre genres.
Les ornithologues qui ont donné les noms aux strigiformes ne sont tout de même pas dépourvus de bon
sens, ne vous inquiétez pas. En fait, la différence entre hiboux et chouettes est toute simple : on nomme
hiboux les espèces qui portent sur la tête des aigrettes et chouettes les espèces qui en sont dépourvues.
Cependant ces aigrettes ne sont pas toujours visibles. On ne connaît pas leur fonction, mais on sait qu’elles
se dressent lorsque ces animaux sont inquiets.
les chouettes célébrités
Certaines espèces de chouettes et hiboux sont plus connues que d’autres. Il est impossible de nommer les
162 espèces (et même plus ! On découvre environ une espèce de chouette tous les dix ans), mais en voici
une ou deux que nous rencontrons chez nous et que l’amoureux de la nature pourra rencontrer sans
difficulté :
 La chouette effraie (tyto alba) : c’est la plus connue de nos rapaces nocturnes. Elle a un plumage très
clair, qui se décline en blanc et en roux. Elle passe d’ailleurs par des phases de roux, et des phases de
blanc, suivant son humeur – la raison scientifique de ce changement de couleur n’a encore jamais pu être
expliqué. Ce qui n’empêche pas une chouette effraie blanche d’appartenir à la même espèce que sa
compagne rousse. Elle pèse environ 350 grammes.
 La chouette chevêche (athene noctua) :elle ne pèse que 150 g ! On la nomme « petite grise », dans
les campagnes. Sa tête est plate, elle a un aspect trapu, moins élancé que l’effraie, dite « la grosse
blanche ». Elle vit dans le voisinage de l’homme et est facilement observable.
 La chouette hulotte (strix aluco) : elle est plus grosse que ses cousines citées, puisqu’elle atteint 500
grammes. Elle aussi observe deux phases : une grise et une rousse. Si elle ressemble à la chevêche, elle
se montre bien plus discrète qu’elle et n’aime pas approcher les hommes.
 Le hibou moyen-duc (asio otus) : le moyen-duc ressemble beaucoup à la hulotte, mais, ne vivant pas
dans les mêmes milieux, il est impossible de les confondre. Comme la chevêche et l’effraie, il préfère un
milieu ouvert. Il possède de beaux yeux oranges. S’il est surpris, il se raidit, plaque ses plumes contre son
corps et prend ainsi l’allure d’une branche morte.
d’athènes à chez nous
On estime que les hiboux et les chouettes sont apparus il y a environ 70 millions d’années, si ce n’est plus.
On suppose que ces anciens oiseaux devaient ressembler à nos actuelles chouettes. De cet ancêtre
descendent aussi les engoulevents. On a trouvé aux Bahamas une chouette effraie fossile mesurant
nonante centimètres, c’est-à-dire trois fois la taille actuelle de l’effraie !
Dans l’Antiquité grecque, la chouette était le symbole de la sagesse, mais elle représentait aussi la célèbre
ville d’Athènes. A la fin de la construction du temple dédié à Athena, mère de la cité, une chouette
chevêche vint nicher en haut d’une des colonnes ; c’est pourquoi on l’associa à la déesse et on la
représenta sur des pièces de monnaie. Son nom signifiait : « celle qui brille », par allusion à ses yeux. On
raconte aussi qu’une chouette survola l’armée athénienne juste avant qu’elle ne batte les Perses lors de la
bataille de Marathon. Malheureusement, les Romains – qui pourtant avaient offert une chouette à leur
propre déesse de la sagesse, Minerve – , croyaient fermement que le hululement d’une chouette annonçait
un mauvais présage ; le Moyen-Age ensuite s’est chargé d’attribuer à la compagne d’Athena une réputation
bien plus malheureuse et nombre de chouettes ont fini clouées sur les portes, pratique courante à l’époque
pour conjurer le mauvais sort.
Que lui reprochait-on, au juste ? Peut-être trouvait-on les grandes espèces un peu trop gourmandes, mais il
est plus probable qu’elles effrayaient considérablement la populace avec leurs cris nocturnes. D’ailleurs, ce
n’est pas par hasard que l’on nomme les tytonidés les effraies !
En Chine, dans certaines régions, le cri de la chouette forme « creuse ta tombe » dans le dialecte local. En
Inde, il n’y a encore pas longtemps, si un hibou venait se percher sur le toit d’une maison, tout le chaume
devait être enlevé et brûlé avant que quiconque pénètre de nouveau dans la demeure. Et si possible,
l’oiseau devait être tué.
Mais il n’y a pas que le bruit, qui fait peur, il y a aussi le silence. Ces oiseaux sont en effet les rois du vol
silencieux, ce qui n’est pas étonnant : lorsqu’on chasse de nuit, il faut veiller à ne pas être trop bruyant. Et
soudain, l’homme se rend compte que la chouette est là, tout près de lui, et il ne l’a pas entendue venir.
Pas très rassurant, avouons-le… Le fait que les chouettes occupent les ruines des maisons ne donnait
qu’une preuve supplémentaire pour accuser ces oiseaux, que la Bible qualifiait comme « impurs ».
D’autres rumeurs ont couru sur notre chouette. Paraît-il qu’elle porterait malheur : on raconte qu’elle vient
sur les toits ou les volets de maison où l’on veille un mourant afin de l’achever. La première partie n’était
sans doute pas fausse : la lumière qui provenait de la maison attirait les insectes, proies favorites des
chouettes, qui venaient se poster à cet endroit pour avoir plus de chance d’attraper un bon repas. C’était
donc plutôt la mort des bestioles qu’elle annonçait, plus que celle de l’homme…
Très vite, cependant, des fermiers se sont rendus compte qu’elle était bien utile pour éliminer les rats et les
souris : ils se montraient alors bien contents de voir des chouettes venir s’installer dans leurs granges, qui
étaient spécialement conçues pour les accueillir. Cette tradition s’est perdue avec l’apparition des fermes
modernes, aux charpentes métalliques et aux toits couverts de tôles, qui n’offrent plus de nids propices.
Récemment, cependant, on a commencé à installer des nichoirs, afin d’attirer ces oiseaux, plus appréciés
qu’autrefois par le peuple.
chouette vie !
Ils ont conquis nos terres, et s’y accommodent, parfois plus
difficilement que d’autres. Drôle de vie, que celle des strigiformes…
conquérants
Les strigiformes ont conquis la planète : on les trouve partout, que cela soit sur le continent africain,
asiatique, européen ou américain. Il y en a aussi en Australie, ainsi que sur les îles des alentours. Par
contre, ils désertent toute la partie sud du Groenland.
On va ainsi trouver nos oiseaux dans des milieux très différents. Si la chouette effraie, la hulotte, la
chevêche ou le moyen-duc se trouvent à côté de chez nous, il n’en est pas de même pour d’autres
espèces.
Les chouettes de Tengmalm, par exemple, sont sylvicoles et fréquentent les futaies. On les trouve souvent
en altitude, dans un climat froid, tout comme les chevêchettes, qui montent parfois jusqu’à 1500 m. On peut
trouver des chouettes hulottes jusqu’à 3000 m en Chine! Mais le record est détenu par le grand-duc, dont
on a vu des couples nicher à 4500 m.
Les hiboux du marais, comme l’indique leur nom, se sont établis dans les prairies humides et les endroits
marécageux.
les plumes se déclinent
Le signe distinctif des chouettes et des hiboux est sans doute le disque facial. C’est une sorte d’anneau de
plume qui entoure leur visage. Chez certaines espèces, il est très visible, chez d’autres moins. On n’est pas
sûr, mais l’on pense que c’est ce disque qui dirige le son vers les fines oreilles des chouettes et hiboux.
Il n’existe pas de couleur uniforme à toutes les chouettes. Leurs plumes se déclinent en plusieurs tons, qui
permettent d’ailleurs aux amateurs de mieux distinguer les espèces.
Les effraies des clochers possèdent un plumage chamois dessus, blanc dessous. Si on inspecte de plus
près leurs plumes, se révèlent des mouchetures noires, blanches, grises, dorées, parfois même argentées.
Les harfangs des neiges, que l’on trouve en Sibérie, au Canada et aux îles Shetland, ont de belles plumes :
les mâles sont presque entièrement blancs, les femelles sont striées de noir ou de gris. Lorsqu’ils sont
effrayées, ils écarquillent les yeux, écartent leurs ailes et leur plumage gonfle pour paraître plus grand : cela
suffit souvent à effrayer l’adversaire ! Les chouettes lapones, elles, possèdent encore une autre variété de
plumage, dont le nom scientifique Strix nebulosa signifie « chouette brumeuse » et s’explique par ses
teintes.
La grandeur des ailes varie selon l’espèce : les hulottes en ont de courtes qu’elles battent rapidement en
terrain découvert et qui leur permettent de se glisser dans les buissons. Les grands-ducs, eux, ont une
envergure de 1,80 m.
Chouettes et hiboux sont bien équipés pour la chasse : ils possèdent deux doigts dirigés vers l’avant, et
deux vers l’arrière. Leur bec est crochu : il leur permet de découper la proie en petits morceaux. Tous
possèdent d’énormes yeux proportionnellement à leur tête – ce serait comme si nous avions des yeux
aussi gros que des balles de tennis. Ils captent bien la lumière et aident à repérer les proies lorsque l’ouïe
ne suffit pas. La plupart du temps, ils sont noirs, mais chez les hiboux des marais, on a affaire à des iris
jaunes ou dorés qui entourent les pupilles noires. Une troisième paupière, appelée également membrane
nictitante, les protège, la journée, de la lumière trop violente pour leurs yeux sensibles. Leur vision couvre,
sans qu’ils ne bougent la tête, 110 °, dont 70° de vision binoculaire. Pour comparaison, un pigeon n’a
quelques degrés de vision binoculaire, mais 340° de monoculaire.
Leur globes oculaires n’étant pas très mobiles, la nature a pallié le problème en leur offrant une tête mobile
qui peut tourner jusqu’à 270°pour la plupart des espèces, mais jusqu’à 360° pour les grands-ducs d’Europe.
Les chouettes pêcheuses représentent des exceptions : non seulement elles ne possèdent pas de disques
faciaux ni d’orifices auditifs perfectionnés, mais leur vol n’est pas silencieux, leur plumage bien moins
duveteux que les autres espèces. Leurs tarses sont nus pour éviter les souillures de la vase dans laquelle
elles attrapent les poissons.
nocturnes
Les hiboux et chouettes vivent la nuit. Ils ont alors une ouïe développée. Leurs oreilles, protégées par un
volet de peau, sont cachées par le plumage en arrière du disque facial, de façon asymétrique : l’une est
située à la hauteur du front, l’autre à celle des narines ; elles sont le plus souvent grandes et peuvent capter
le bruissement du mulot sur le sol. Les chouettes peuvent alors déterminer la position de leur proie et sont
même capables d’évaluer la fraction de temps écoulé à l’arrivée d’un même son à chaque oreille, comme
l’homme, mais avec une précision bien supérieure.
L’espèce la plus diurne est le hibou des marais, que l’on surprend parfois à chasser en plein jour. Mais il
arrive parfois que les chevêches d’Athena se montrent à la lumière.
Le petit-duc, qui vit en Amérique du Nord, aime tant se baigner qu’il se noie parfois.
Lorsque hiboux ou chouettes ont peur, ils ramènent leurs plumes contre eux, paraissent ainsi à la fois plus
grand et plus minces. S’ils sont perchés sur un tronc coupé, on ne peut pas les voir, car ils semblent faire
partie du bois.
Les hiboux moyens-ducs, lorsqu’ils sont effrayés, peuvent aussi déployer ses ailes tout en sifflant et en
claquant du bec.
en couple
Le petit-duc
d’Amérique
La plupart des espèces de strigiformes vivent en couple (lorsqu’un couple est formé, il l’est jusqu’à la mort
de l’un des partenaires) durant toute l’année, mais d’autres espèces sont solitaires – cela diffère même
entre les individus de la même espèce. Chez les grands-ducs, par exemple, le mâle et la femelle vivent sur
le même territoire, mais ne gîtent ni ne chassent ensemble. Les chouettes des terriers, elles, nichent en
petites colonies, comptant environ douze couples.
Les moyens-ducs se rassemblent l’hiver par « troupeaux », comptant plusieurs dizaines d’individus. Ces
rassemblements sont appelés « dortoirs », car les oiseaux ne se retrouvent que pendant la journée pour se
reposer, souvent dans un conifère, arbre qui offre un abri sûr contre les éventuels prédateurs et les
intempéries. On peut alors facilement les repérer : le sol est jonché de pelotes de réjection et de fientes.
Ces dortoirs ne sont cependant pas une règle générale et ne se forment que lorsque les oiseaux quittent
leur région natale pour gagner un endroit où la nourriture est plus abondante.
La superficie des territoires dépend des espèces, mais aussi de la disponibilité en sites de nid et de la
nature du milieu. On a alors effectué des recensements qui ont prouvé l’existence de grandes différences :
en Allemagne, on a trouvé seize couples de hulottes sur trente et un kilomètres carrés. En Angleterre, ce
sont vingt couples qui ont été localisés, mais sur quatre kilomètres carrés, soit une densité dix fois plus
forte. Difficile, dans ce cas, d’énoncer des principes communs, même si l’on connaît quelques généralités :
15 à 80 km2 chez le grand-duc.
Normalement, la taille du territoire dépend de la taille de ceux qui l’occupent. Les espèces au régime
spécialisé auront également à leur disposition une plus grande surface.
CHANTEUR
C’est grâce à leur chant que l’on peut repérer les strigiformes et identifier l’espèce à laquelle ils
appartiennent. Leur chant est plus long, et plus élaboré que le simple cri, souvent peu harmonieux,
néanmoins terriblement varié : le registre des cris de ces oiseaux est assez important et chaque « parole »
correspond à une situation bien précise. Par exemple, un mâle hulotte ne chantera pas de la même façon
s’il remet une proie à sa femelle que s’il délimite son territoire.
Les femelles ne chantent pas, mais répondent à leur amant par des cris, souvent brefs, tel que vous
pourrez en entendre si vous vous approchez de trop près d’un nid.
Repérer les cris des strigiformes n’est pas une tâche simple, même pour l’ornithologue averti. Si certains
hululements reviennent régulièrement et ont fait clairement connaître leur signification, d’autres restent bien
obscurs, et la communication diffère selon les couples. Eh oui, chaque famille a son « dialecte », lui-même
influencé par la météorologie – saison, ciel, etc.
En général, hiboux et chouettes chantent durant l’hiver – même si certaines espèces se font interprètes
toute l’année. La quintessence du concert a lieu peu avant le début du printemps, entre février et mars. On
les entend à l’aube et au crépuscule, de façon irrégulière au milieu de la nuit. Les chants durent de
quelques minutes à plusieurs heures, sans interruption. S’il pleut ou qu’il y a du brouillard, l’activité sonore
est diminuée ; si c’est la pleine lune, au contraire, les chouettes se feront un plaisir de chanter de toute leur
âme. Enfin, les chansons ne s’éterniseront pas si les oiseaux ont faim ou sont fatigués.
Les hiboux ont un chant simple : il s’agit d’une ou deux syllabes lancées à intervalles réguliers.
Le chant des chouettes est plus varié. Le plus impressionnant est sans doute celui des chouettes de
Tengmalm, qui pourrait se confondre avec celui de la huppe, si celle-ci chantait aussi de nuit – ce qui n’est
pas le cas. Les chouettes de Tengmalm ne sont pas farouches pour un sou. Elles se laissent facilement
approcher et on peut même les éclairer avec une lampe de poche, enregistrer leur chant et le repasser
quelques minutes après pour l’attirer – expérience qui marche particulièrement bien avec cette espèce,
mais aussi avec les chevêches.
Les hulottes, par leurs « hou – hououououou » sont responsables des battements de cœur des amateurs
de camping. Quant aux effraies, elles ne chantent pas, mais émettent simplement un « rrrrrrrrr » un
ronflement qui ressemble beaucoup à celui de l’homme.
menu varié
Certaines espèces de strigiformes ont un régime très spécialisé et ne se nourrissent que d’une seule proie.
D’autres, par contre, tentent de diversifier leur repas. Elles se nourrissent toujours de proies vivantes,
qu’elles peuvent bien sûr repérer à l’ouïe, ce qui ne serait pas le cas avec un cadavre. Il arrive cependant
qu’elles consomment le lendemain une proie tuée la veille.
Longue est la liste des proies des hiboux et des chouettes : coléoptères, vers de terre, petits rongeurs,
insectivores, chauves-souris, batraciens, reptiles, poissons, lézards, serpent, lièvres, lapins, belettes,
hermines, martres, fouines, oiseaux et même quelques fois renardeaux. La taille des proies dépend de la
taille des prédateurs : un moyen-duc n’attrapera que rarement un surmulot, une hulotte plus régulièrement
et un grand-duc fréquemment. On estime que le poids des proies équivaut au poids des prédateurs.
Les grands-ducs d’Europe sont de redoutables chasseurs : il leur arrive de capturer d’autres prédateurs,
comme la buse variable, le faucon crécerelle, la chouette hulotte et même le faucon pèlerin. On les a déjà
vus s’attaquer à des harfangs des neiges. Un individu a même été aperçu transportant un renard adulte
entre ses serres. Dans toute leur aire de répartition, ils s’en prennent à 110 espèces de mammifères et plus
de 140 espèces d’oiseaux. Des proies dépassant trois kilos (alors que lui n’atteint ce poids qu’avec
difficulté) ont été trouvées dans leurs nids.
Le choix des strigiformes se porte sur les espèces abondantes, de préférence celles qui vivent en bande et
qui font beaucoup de bruit. Mais ce choix est aussi influencé par les individus eux-mêmes : des hiboux
vivant près d’un dépôt d’ordures passeront à un régime spécialisé dans les surmulots. Il existe aussi des
variations saisonnières et annuelles.
Connaître le régime des espèces de strigiformes constitue un laborieux travail, car il faut observer plusieurs
familles pendant plusieurs années de façon assidue pour obtenir un résultat proche de la réalité. La
méthode la plus souvent employée est l’étude des pelotes de réjection.
Les régimes alimentaires de ces rapaces sont d’autant plus importants qu’ils influencent grandement la vie
de certaines espèces : les petits-ducs, qui sont uniquement insectivores, doivent migrer en hiver vers des
régions plus chaudes – ce sont d’ailleurs les seuls migrateurs des strigiformes. Les hiboux des marais, eux,
sont à tel point dépendants de leurs proies favorites – les campagnols – qu’ils ne pondent pas si elles font
défaut.
Quant aux harfangs des neiges, ils sont tellement accrochés aux lemmings, leurs proies préférées, qu’ils
deviennent migrateurs si l’année se fait pauvre en rongeurs. Ils descendent alors vers le sud en quête de
nourriture. C’est d’ailleurs lors de l’une de ces migrations qu’un couple s’est arrêté aux îles Shetland et…
n’est plus reparti. Une colonisation naturelle s’est produite et aujourd’hui, on peut admirer les harfangs dans
ces îles, alors que ce n’était pas le cas il y a quarante ans.
D’autres espèces migrent aussi, comme les hiboux des marais. Le record de migration est d’ailleurs attribué
à un individu de cette espèce qui a parcouru 3 345 km entre la Tunisie et Arkhangelsk, en Russie.
silencieuse chasse
Les hiboux et chouettes possèdent des franges souples sur les grandes plumes de leurs ailes – on les
appelle les régimes primaires – qui « absorbent les bruits » : en fait, leur plumage est si doux et si léger que
l’air peut simplement s’y glisser sans résonner. En effet, leur ouïe est tellement fine que le son du vent dans
leurs plumes les gênerait pour repérer leurs proies.
Ils volent au ras du sol, à l’affût de quelque chose à se mettre sous la dent, ou bien détectent un perchoir
où ils s’installent, attendant un bruit. L’attaque de la proie se conclut dans un vol absolument silencieux ; les
mulots, pris entre les serres, sont tués avant même d’avoir entendu un quelconque bruit.
Il arrive que deux hiboux moyen-duc chassent ensemble : l’un effraie la proie, l’autre la capture, et viceversa.
Les chevêches d’Athéna, petites chouettes originaires d’Europe méridionale et tempérée, provenant aussi
d’Asie, du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient et introduites en Angleterre, ont un vol très léger. Elles
capturent souvent les insectes en plein vol (coléoptères et hannetons principalement, dont les larves
ravagent les récoltes). Une expérience à démontré qu’elles pouvaient capturer vingt-trois vers de terre en
quarante-cinq minutes (elles vont parfois les voler dans les nids) et consommer cinquante à quatre-vingt
grammes de nourriture par jour, soit presque la moitié de leur propre poids.
En moyenne, les hiboux et chouettes consomment trois proies par jour. Ils ne dépècent par leurs proies,
préférant l’engloutir en entier. Ensuite, ils rejettent les restes non digestibles – os, poils, plumes – par le
bec : ce sont les fameuses pelotes de réjection, qui ne ressemblent en rien aux fientes qui sont liquides et
blanches : elles sont grises, brunes ou noires selon la proie avalée. Celles des grands-ducs peuvent
atteindre huit centimètres de long. Ils en rejettent deux par jour : une grosse – deux à cinq proies – en fin
d’après-midi, avant le départ pour la chasse, et une plus petite – une ou deux proies – au milieu de la nuit.
Œil pour œil, dent pour dent
Les hiboux grands ducs – qui pèsent environ trois kilos – passent leur journée sous un buisson ou contre le
tronc d’un arbre. Savez-vous pourquoi ils détestent se montrer, comme bien d’autres de leurs cousins ?
Parce qu’ils redoutent d’être découverts par les passereaux, qui tournoient autour d’eux, se sentant en
sécurité le jour, alors que la nuit précédente, c’étaient les hiboux grands ducs qui s’amusaient à les
persécuter. Ces derniers peuvent aussi être dérangés par des buses ou d’autres rapaces qu’ils chassent la
nuit et qui se vengent le jour…
parade en « hou »
La période de reproduction s’étend de fin février jusqu’en été aux latitudes tempérées. Par contre, sous les
climats tropicaux, les accouplements ont lieu toute l’année. La maturité sexuelle est normalement fixée vers
un an, mais certaines espèces ne l’atteignent qu’à deux ans.
Les mâles strigiformes attirent les femelles en poussant leurs célèbres « hou hou » qui se poursuivent
durant la parade nuptiale. Cette dernière comportera aussi des claquement d’ailes – elles font un bruit
particulier en se refermant sous le corps. Les appels nuptiaux des mâles chouettes pêcheuses de Pel (dont
le nom scientifique vient de skotos et de peleia, obscurité et pigeon) peuvent s’entendre à trois kilomètres à
la ronde.
La parade nuptiale des hiboux des marais est impressionnante. Les couples planent de concert à grande
hauteur ; parfois, les mâles planent seuls au-dessus de leur femelle posée au sol. Après les claquements
d’ailes viennent les vocalisations douces, puis les balancements du corps, les claquements de bec et enfin,
la toilette mutuelle.
un nid sûr
C’est le devoir des mâles que de repérer les sites où ils pourront établir leur nid. Les pertes seront grandes,
ils le savent : un prochain orage pourra noyer toute la couvée, un nid trop vieux sera facilement renversé
par un vent violent et une absence trop prolongée encouragera la martre à aller s’attaquer aux œufs.
Habituellement, ces messieurs se mettent à la recherche d’une cavité bien protégée, qu’elle soit naturelle –
trous de rochers, trous d’arbres –ou préparée par d’autres oiseaux – les trous de pics enchantent les
chouettes effraies. Il leur arrive aussi de construire leur nid dans les murs des fermes. Les pratiques
dépendent beaucoup de l’espèce : si les grands-ducs vont préférer établir leur nid dans une falaise (au pied
ou au-dessus) ou dans l’ancienne maison d’un héron, les hulottes vont sélectionner les trous d’arbres
naturels ou les terriers de renards abandonnés. Les chouettes de Tengmalm laissent les vieilles loges de
pic telles qu’elles les trouvent, tandis que les chevêchettes les nettoient soigneusement.
Il est impératif que le nid se trouve le plus haut possible – cinq ou six mètres. La nuit, les petits attirent par
leur pépiements incessants les prédateurs et plus ils seront en altitude, mieux ils seront protégés. La seule
espèce qui niche à terre est le hibou des marais.
Chouettes et hiboux sont fidèles à leurs lieux de reproduction et se rendent chaque année dans les mêmes
endroits. Encore une fois, les hiboux des marais font exception : le site où ils s’installent dépend
uniquement de son abondance en campagnols.
Les mâles font leurs propositions aux femelles, qui prennent la décision finale et communiquent aussitôt
leur préférence.
Etonnamment, les hiboux des marais ne construisent pas de véritable nid, ils se contentent de tapisser
d’herbes sèches le futur lieu de ponte. Chez les autres espèces, quelques fois, les femelles s’installent au
nid quelques jours déjà avant la ponte et n’en bougent pas : les pelotes de réjections s’accumulent alors et
elles s’en servent pour façonner une cuvette dans laquelle elles déposeront leurs œufs.
le plein d’œufs
La réussite de la reproduction est conditionnée par l’abondance de la nourriture. Les effraies ne pondent
pas s’il n’y a pas assez de campagnols, mais feront une deuxième ponte si ces rongeurs sont abondants.
En règle générale, plus les espèces sont grosses, moins elles pondent d’œufs et plus l’élevage des jeunes
sera long. Les grands-ducs ne mettent au monde que deux ou trois petits, les chouettes effraies jusqu’à
treize.
Les dates de ponte s’échelonnent entre mars et mai. Les œufs sont pondus sur deux ou trois jours : les
femelles grands-ducs se mettent à couver dès l’apparition du premier, alors que les chevêchettes attendent
que la couvée soit complète pour se mettre à la tâche.
Les œufs sont blancs. Chez les tytonidés, ils sont ovoïdes (plus pointus d’un côté que de l’autre) : cette
forme est destinée à empêcher les œufs de rouler sur les pentes, bien utile pour les effraies qui nichent sur
une corniche, mais peu utile dans un trou, là où sont pondus les œufs non ovoïdes, arborant plutôt une
forme arrondie, des strigidés.
L’incubation, qui dure environ un mois, est assurée par les femelles, régulièrement ravitaillées par leurs
maris. Lorsqu’elles s’absentent quelques instants, les mâles prennent la relève, mais plus par intention de
les dissimuler que de couver véritablement – la position qu’ils adoptent
diffèrede
d’ailleurs
de celle des
Poussin
28
femelles couveuses.
jours (chouette
Les jeunes se mettent à pépier alors qu’on ne remarque pas un seul signe
de brisure. Ils se servent de leur
effraie)
diamant, une pointe dure au bout de leur bec, pour casser la coquille. Quelques heures plus tard, des
fissures apparaissent. La fêlure va prendre la forme d’une étoile qui ne cesse de s’agrandir jusqu’à ce que
l’œuf se rompe finalement, deux jours plus tard. Le diamant ne reste qu’une petite semaine.
Les jeunes naissent les yeux fermés. Dans les jours qui suivent, ils se couvrent d’un épais duvet
blanchâtre. Les premières plumes apparaissent dès le douzième jour chez les petites espèces, plutôt au
vingt-et-unième chez les plus grandes. Les femelles restent sur leurs petits une quinzaine de jours. Si elles
partent trop tôt, les jeunes s’organisent seuls : les petits se réfugient sous les plus gros afin d’avoir chaud et
on a affaire à une pyramide de duvet.
Les jeunes petits-ducs doivent être nourris très régulièrement, les insectes étant pauvres en éléments
nutritifs. Ainsi, le mâle leur apporte en moyenne de la nourriture toutes les onze minutes durant la nuit.
Quand les jeunes sont capables de supporter la température ambiante, les femelles s’éloignent, mais
restent à proximité. En cas de danger, les parents ne font preuve que de peu de courage et préfèrent
s’envoler un peu plus loin. Certaines espèces, cependant, deviennent agressives et on a déjà vu des
grands-ducs attaquer des hommes qui s’étaient trop approchés. Un célèbre photographe, Eric Hosking, a
perdu un œil en visitant un nid de chouettes hulottes !
Etant donné que les œufs ne sont pas tous pondus en même temps, on peut relever des disparités
énormes de poids entre les jeunes d’une même couvée. On a un jour trouvé un nid d’effraie où le plus âgé
avait trois semaines et pesait 275 g alors que le dernier venait de s’extraire de son œuf et ne faisait que 20
g.
petit deviendra grand
Les jeunes sont nourris par petites becquées. Ils ont le droit aux meilleurs parties – muscles – tandis que
leurs parents se réservent les bouts les plus maigres. Ils mendient par des pépiements, ils poussent des
soufflements chez les effraies. Dès quinze jours – un mois chez les plus petites espèces –, ils peuvent
engloutir un campagnol entier et les parents n’ont plus besoin de mettre les proies en morceaux.
Si la nourriture se fait rare, ce sont les derniers-nés qui en souffriront, les parents préférant nourrir le plus
âgé et le plus fort. Privés de nourritures, ils meurent et sont mangés par leurs frères et sœurs. Là encore,
on peut voir à quel point l’intérêt général est plus important que l’intérêt particulier : si les parents, en cas de
disette, donnaient à leurs enfants des quantités de nourriture équivalentes, tous survivraient, mais affaiblis
et leurs chances de survie seraient compromises. Cette loi de la nature privilégie donc la bonne santé et
l’équilibre de l’espèce en général.
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Chez les hiboux des marais, déjà à dix-sept jours, les petits commencent à se faufiler dans les herbes
entourant le nid ; en se dispersant ainsi, cela réduit les risques que la couvée soit anéantie par un
prédateur.
Chez les autres espèces, la première sortie se fait aux alentours d’une vingtaine de jours. Les poussins ne
savent pas encore voler, mais ils s’agrippent aux branches, se hissent aux arbres en s’aidant du bec, des
pattes et des ailes.
Les chouettes de Tengmalm savent voler dès l’âge d’un mois et quittent à ce moment-là le nid. Les effraies,
elles, ne prendront leur indépendance qu’à quatre-vingt jours. Il faut savoir que souvent, les parents
continuent, même après l’envol, à nourrir leurs rejetons pendant plusieurs semaines. C’est pendant l’été
que les jeunes vont apprendre les bases de la chasse.
Dès l’automne, les mâles ne supportent plus la présence de leurs enfants et font entendre leur chant
territorial. Les jeunes sont contraints de s’enfuir et errent dans toutes les directions en cherchant un endroit
pour s’installer – par exemple, une place vacante laissée par un adulte mort. Ce périple peut mener les
petits à plus de deux mille kilomètres de leur lieu de naissance.
Cependant, de nombreuses couvées seront abandonnées avant que les jeunes soient sevrés. Les causes
sont multiples : les mâles ne trouvent pas assez de nourriture pour ravitailler leurs femelles, ces dernières
sont trop souvent dérangées et ne reviennent pas assez tôt sur leurs œufs, dénichage, prédations, les
jeunes tombent du nid…
Il y a les bonnes années, mais aussi les mauvaises. Durant les premières, on arrive tout de même à de
bonnes proportions : chez les chouettes effraies, 85% des jeunes éclos s’envolent. Mais durant les
mauvaises années à rongeurs, il arrive que 70% des poussins nés dans l’année ne survivent pas jusqu’au
printemps suivant !
La longévité des chouettes et hiboux varie considérablement : vingt et un ans chez le grand-duc, neuf chez
la chevêche, jusqu’à 18 ans chez l’effraie du clocher, même si la plupart des individus ne dépassent pas
deux ans, six ans chez la chouette lapone, douze ans chez le petit-duc scops.
protection
Si certaines espèces de chouettes et hiboux abondent, d’autres sont
malheureusement en danger, persécutées par un homme toujours plus
avide…
ceux qui s’adaptent…
Elles sont par nature des oiseaux forestiers, les chouettes hulottes. Et pourtant, elles se sont
accommodées à la vie citadine et sont devenues communes dans les parcs et jardins urbains. Elles ont
délaissé leurs délicieux rats des champs pour capturer les moineaux des villes, souvent les jeunes qui sont
laissés au nid sans surveillance.
Les petits-ducs scops se sont eux aussi habitués aux invasions de l’homme et se trouvent maintenant dans
les vergers, les vignes, les oliveraies, les plantations d’amandiers. Les chouettes des terriers vivent sur des
parcours de golfs, des talus de routes et on les voit même dans des aéroports. Les grands-ducs de Virginie
se font communs dans les parcs de New-York.
…et ceux qui ne s’adaptent pas
On utilise de plus en plus des pesticides dans l’agriculture, qui rentrent rapidement dans la chaîne
alimentaire. Les campagnols consomment des graines traitées, puis se font à leur tour consommer par les
chouettes, lesquelles, attaquées de l’intérieur, perdent leur capacité de reproduction puis meurent.
Mais le problème n’est pas seulement là, il est aussi lié à la disparition des haies et des espaces naturels
où vivent leurs proies préférées. Les campagnols et souris se font plus rares, nos oiseaux trouvent moins à
manger et se raréfient.
Récemment, cependant, la pression économique s’est fait moindre et on a augmenté le nombre de terres
mises en jachère, ce qui a redonné, par exemple, aux effraies un « coup de pouce ».
La chasse est aussi un facteur important, surtout pour les grands-ducs. Et le drainage des eaux ainsi que
leur pollution compromet sérieusement l’avenir des chouettes pêcheuses.
On ne peut pas non plus toujours savoir si les populations se portent bien. Par exemple, il est très difficile
de mesurer les effectifs d’hiboux moyen-duc, car ce sont des animaux très discrets. On suppose donc qu’ils
sont eux aussi touchés par l’activité humaine, mais on ne peut juger si l’espèce court un véritable danger ou
non.
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nids pillés
Non, il n’est pas fini, le temps où les enfants allaient piller les nids. Aujourd’hui, ce ne sont plus que les
enfants, naïfs dans leur jeu cruel et destructeur, mais ce sont aussi des collectionneurs, ou des curieux qui
désirent tenter l’élevage. On a déjà vu des personnes aller capturer des jeunes, les élever, puis les relâcher
brusquement dans la nature : l’animal n’a alors pas appris à se nourrir seul et est voué à la mort.
Les battues sont aussi synonymes d’hécatombes chez ces rapaces : les chasseurs tirent dans les arbres,
font tomber des nids, tuent les femelles.
Les endroits pour nicher disparaissent, eux aussi. Par exemple, les clochers ont été grillagés pour
empêcher les pigeons d’entrer : maintenant, les effraies ne peuvent plus y nicher.
baromètre naturel
Les hommes paient souvent les conséquences de leur irresponsabilité. Ils croient savoir, mais ils ne savent
pas. Voici deux exemples avec les strigiformes.
Les grands ducs, victimes des chasseurs, des lignes à haute tensions, du tourisme, de la « varappe
anarchique », ont été exterminés à plusieurs endroits en Allemagne. On a alors assisté à une floraison des
renards, qui constituaient une grande partie des proies de ces hiboux. Les carnivores sont devenus
encombrants. On a alors essayé de réintroduire les grands-ducs, mais les opérations ont été coûteuses et
bien souvent couronnées d’un malheureux échec.
Les hommes croyaient avoir tiré une bonne leçon de cette expérience et savaient maintenant que ces
oiseaux étaient de bons « baromètres naturels ». Des effraies ont alors été introduites aux Seychelles pour
enrayer l’expansion des rats. Elles se sont bien sûr nourries des rongeurs, mais ont aussi trouvé à leur goût
les sternes et autres oiseaux du littoral, qui sont maintenant gravement menacées… Le gouvernement a
essayé de limiter le nombre d’effraies, mais ces mesures se sont pour l’instant révélées infructueuses…
Malheureusement, l’histoire dans le sens inverse s’est aussi déroulée, à la fin du dix-neuvième siècle, aux
Antilles. On avait introduit la mangouste pour lutter contre les serpents. Celle-ci s’est aussi attaquée aux
œufs de deux espèces de chouettes des terriers, qui se sont éteintes quelques années plus tard.
routes meurtrières
Les routes font de nombreuses victimes chez les chouettes et les hiboux. Ces oiseaux volent bas, vont
parfois se nourrir de lapins écrasés sur les routes. Le bord des autoroutes regorge de proies et ils n’hésitent
pas à s’y rendre. Une étude a été menée sur 320 effraies baguées : plus de 20% sont mortes sur la route
ou les voies ferrées.
bûcheron, forêt, chouette
La forêt humide tempérée d’Amérique du Nord, où vivent les chouettes, a été déboisée à 87%. Et pourtant,
des arbres de plus de cinq cents ans, comme les épicéas de Siutka, y vivaient. S’y déroule une chaîne
alimentaire inexistante dans les bois où les arbres ont moins de deux cents ans : pour grandir, les arbres
ont besoin de champignons qui vivent sur leurs racines et produisent des truffes. Ces truffes sont mangées
par les souris à poches et les écureuils volants qui en disséminent les spores par l’intermédiaire de leurs
crottes. Et les chouettes se nourrissent des rongeurs ! D’autre part, elles ont besoin des hauts arbres pour
nicher. Il faudrait donc impérativement protéger ces forêts.
Mais les bûcherons protestent : ils ont besoin, disent-ils, d’exploiter ces forêts pour nourrir leurs familles.
Vaste débat….
témoignage
Dans un bel ouvrage consacré aux hiboux et aux chouettes, Keith Graham nous fait part de quelques-unes
de ses aventures avec ces oiseaux.
« J’ai soigné un jour une hulotte qui s’était emmêlée dans un fil de pêche accroché à un arbre bordant une
rivière et abandonné là par un pêcheur. Malheureusement, l’oiseau était là depuis plusieurs jours et quand
j’entrepris de le soigner, la partie principale d’une aile était atrophiée. Visiblement, l’oiseau avait tenté de se
libérer seul, ce qui
avait resserré l’étreinte du fil autour de son aile, formant un garrot et coupant l’irrigation de l’aile. L'aile
handicapée tomba et je fus obligé de m’occuper d’un oiseau manchot. (…) Durant plusieurs années, elle
vécut dans mon verger. Chaque jour, je la nourrissais, mais il devenait de plus en plus évident qu’elle
complétait l’alimentation que je lui donnais en capturant, la nuit, des oiseaux au dortoir. (…) L’oiseau s’était
visiblement adapté malgré son handicap physique et avait appris à se déplacer le long des branches dans
l’obscurité pour attraper de petits oiseaux et il avait mis au point une technique de capture des campagnols
en leur sautant dessus depuis une branche basse ».
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