i. introduction

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ECONOMIE ET
SECURITE
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Original : anglais
Assemblée parlementaire de l’OTAN
SOUS-COMMISSION SUR LA COOPERATION ET LA
CONVERGENCE ECONOMIQUES EST-OUEST
L’IMPACT DE LA CRISE FINANCIERE SUR
L’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE
RAPPORT
ATTILA MESTERHAZY (HONGRIE)
RAPPORTEUR
Secrétariat international
13 novembre 2010
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site internet, http://www.nato-pa.int
217 ESCEW 10 F bis
i
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ........................................................................................................... 1
A.
COMMENT LA CRISE A DEVASTE LA REGION ......................................................... 2
II.
LES CONDITIONS ECONOMIQUES ............................................................................ 4
A.
B.
C.
D.
E.
STRUCTURES ECONOMIQUES LOCALES........................................................ 4
LE COMMERCE INTERNATIONAL ..................................................................... 5
LES (DES-)EQUILIBRES MACROECONOMIQUES : COMPTES COURANTS
ET FLUX DE CAPITAUX ...................................................................................... 7
LES RELATIONS ECONOMIQUES INTERNATIONALES ................................. 10
MAIN-D’ŒUVRE, MIGRATION ET TRANSFERTS DE FONDS DES
EXPATRIES ........................................................................................................ 12
III.
LES IMPLICATIONS POUR LES POLITIQUES BUDGETAIRES ET MONETAIRES. 13
A. LES POSITIONS BUDGETAIRES AVANT LA CRISE ....................................... 14
B. LES MESURES ADOPTEES EN PLEIN COEUR DE LA CRISE ....................... 16
IV.
L’EXPERIENCE DE LA LETTONIE ET DE LA BULGARIE ........................................ 18
A. LA LETTONIE ..................................................................................................... 17
B. LA BULGARIE .................................................................................................... 19
V.
L’IMPACT SUR LES DEPENSES MILITAIRES .......................................................... 20
VI.
RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION................................................................. 21
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 24
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I.
1
INTRODUCTION
1.
Les conditions économiques dans les vingt pays qui composent l’Europe centrale et
orientale1 (ECO) se sont fortement dégradées lors de la récente crise financière et économique
mondiale. Bien que ces économies en transition aient en grande partie échappé au resserrement
du crédit initial provoqué par l’effondrement du marché des « subprimes » aux Etats-Unis durant le
premier semestre 2008, aucune d’elles n’a pu éviter la contraction des flux financiers et des
échanges commerciaux qui a suivi l’implosion de Lehman Brothers en septembre 2008. Les plus
récentes estimations relatives aux produits intérieurs bruts réels pour 2009 indiquent d’ailleurs que
seuls l’Albanie, le Bélarus et la Pologne ont évité une contraction généralisée de leur économie,
alors que le PIB de la région dans son ensemble reculait de 6,2% par rapport à l’année
précédente. (FMI, 2010c) Ces contractions sont survenues après près d’une décennie de progrès
économique marqué, dans plusieurs cas, par une croissance spectaculaire. Cet incroyable revers
de fortune a rapidement suscité des préoccupations quant à la vitalité économique fondamentale
de la région, tout en agitant le spectre de désordres sociaux et en incitant à se poser des
questions quant à la future orientation des réformes politiques et économiques dans nombre de
ces pays. (Banque mondiale, 2010) Fort heureusement, dès le début 2010, l’Europe centrale et
orientale a retrouvé un minimum de stabilité, même si de graves problèmes subsistent. La région
dans son ensemble demeure par ailleurs vulnérable à un nouveau ralentissement économique
mondial, si celui-ci devait survenir.
2.
L’apparition tardive mais spectaculaire de la crise en Europe centrale et orientale peut être
attribuée à la fois à l’origine de cette crise sur les marchés des capitaux occidentaux et à la forte
dépendance de la région envers les marchés extérieurs et les capitaux étrangers. L’épicentre
lointain de la crise a, dans un premier temps, permis aux investisseurs étrangers de préserver
l’engagement de leurs capitaux sur les marchés de l’Europe centrale et orientale. Hormis les pays
baltes, la région a réalisé des bénéfices au cours des trois premiers trimestres 2008. L’Europe
centrale et orientale n’est toutefois pas sortie indemne de la première phase de la crise : de
juillet 2007 à septembre 2008, la création de crédits et les flux de capitaux étrangers vers la région
ont, comme il fallait s’y attendre, commencé à ralentir, sans toutefois exercer initialement un
impact majeur sur la croissance économique. D’après la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (BERD), « la principale raison pour laquelle ces signes ne se
sont pas manifestés par une diminution de la production dans la plupart des pays avant le second
trimestre 2008 s’explique par la poursuite de l’expansion des exportations ». (BERD, 2009) Les
données trimestrielles de l’EIU (Economist Intelligence Unit) le corroborent. Bien que le taux du
crédit dans la région ait nettement ralenti au cours des neuf premiers mois de 2008, les
exportations et les importations n’ont commencé à se tasser qu’au dernier trimestre.
Malheureusement, lorsque la crise financière a fini par frapper de plein fouet l’Europe centrale et
orientale, elle a atteint à la fois les économies financières et réelles de la région de manière
dévastatrice, provoquant l’évaporation simultanée des capitaux étrangers et de la demande
étrangère. Cela explique pourquoi, à partir de fin 2008, « l’activité économique s’est rapidement
contractée, presque sans décalage». (BERD, 2009 : 11)
3.
La crise économique et financière a également frappé plus durement l’Europe centrale et
orientale que la plupart des autres régions émergentes et en développement. (Banque mondiale,
2010) Cela est dû, principalement, aux structures économiques, à l’histoire et à la position
géopolitique uniques de l’Europe centrale et orientale. L’héritage laissé par le communisme à ces
pays les place d’ailleurs dans une catégorie analytique particulière, même si – le temps passant –
1
L’Albanie, le Bélarus, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, l’ex-République
yougoslave de Macédoine*, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Moldova, le Monténégro, la Pologne,
la République tchèque, la Roumanie, la Russie, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Ukraine.
* La Turquie reconnaît la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.
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2
cet héritage a tendance à s’alléger. Après l’effondrement du bloc communiste, les pays d’Europe
centrale et orientale sont demeurés pendant cinq à dix ans sous leur niveau de production de
1992. Dans de nombreux cas, leur transition a été marquée par une longue et profonde récession
économique. Cette situation était pratiquement inévitable, étant donné l’affectation catastrophique
des capitaux et de la main-d’œuvre à l’époque de la planification centralisée. Remédier à des
décennies de politique déplorable impliquait inévitablement un processus douloureux. Dès le
début du XXIe siècle toutefois, la perspective d’adhésion à l’Union européenne (UE) a à la fois
accéléré l’intégration économique aux marchés occidentaux développés et servi de catalyseur à
des réformes structurelles cruciales. En dépit des différences au niveau des réformes libérales
entreprises par chacun des nouveaux membres de l’UE (Bulgarie, Estonie, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie et Slovénie), tous ces pays ont
connu une croissance substantielle à partir de 2000/01, grâce à la diminution des entraves aux
échanges commerciaux et financiers intra-régionaux et à la rationalisation des structures
économiques intérieures, pour les rendre plus logiques au plan intérieur et plus concurrentielles au
plan international.
4.
Les dix autres pays d’Europe centrale et orientale ont toutefois connu une transition moins
homogène. Dans les années 90, la majeure partie de l’Europe du Sud-Est est restée marquée par
des économies relativement sous-développées et davantage affaiblies par les conflits liés à
l’éclatement de la Yougoslavie et par tous les problèmes découlant de ces violences : corruption,
fermeture des frontières et dirigisme économique. Le retour de la stabilité dans les Balkans a
cependant permis aux gouvernements de la région d’entamer des réformes substantielles,
conçues pour ouvrir la voie à une adhésion à terme à l’UE. Parallèlement, les quatre pays de la
Communauté des Etats indépendants (CEI) de la région ECO – Bélarus, Moldova, Russie et
Ukraine2 – ont adopté des approches assez différentes en matière de réformes économiques et
de relations économiques extérieures. Au sein de la CEI, l’Etat assume un rôle beaucoup plus
important dans la vie économique nationale que ce n’est le cas dans les autres pays ECO. Les
vestiges de l’économie dirigée y sont plus apparents, la marge de manœuvre des acteurs
économiques autonomes y est plus étroite et ces marchés sont généralement moins ouverts aux
opportunités économiques mondiales.
5.
La diversité manifeste des expériences, des cultures et des structures économiques
implique de profondes divergences quant aux impacts de la crise économique mondiale et aux
réactions politiques dans l’ensemble de l’Europe centrale et orientale.
A.
COMMENT LA CRISE A DEVASTE LA REGION
6.
De nombreuses sources attestent que la crise des liquidités a débuté aux Etats-Unis, sur le
marché hypothécaire des subprimes, au cours de l’été 2007. Alors que les liquidités se tarissaient
et que le coût des emprunts à court terme enflait, les investisseurs fortement endettés étaient
contraints de se désengager, en retirant leurs capitaux des placements les plus risqués pour
acquitter leurs obligations ou pour privilégier des placements plus sûrs, tels que le dollar américain
et les matières premières. Cela a provoqué une formidable volatilité des prix dans de nombreuses
classes d’actifs et sur les marchés financiers. Très vite, cette volatilité s’est propagée aux marchés
européens des capitaux, car de nombreuses grandes banques européennes détenaient des avoirs
sur les marchés américains des valeurs mobilières. Les banques occidentales qui avaient
massivement investi en Europe centrale et orientale retirèrent leurs capitaux de la région afin de
préserver leurs bilans dans leur pays d’origine, mais cet exode demeura relativement limité dans
un premier temps, c’est-à-dire tout au long du premier semestre 2008. Les pays baltes ont
2
L’Ukraine n’est pas membre, au sens strict du terme, de la Communauté des Etats indépendants, car
le parlement ukrainien n’a pas ratifié le traité instaurant la CEI. L’Ukraine participe néanmoins à cette
Communauté en tant que membre de facto à part entière.
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3
toutefois fait exception à la règle. En effet, leur taux de croissance vertigineux, largement financé
par un afflux massif de capitaux étrangers, avait créé une bulle financière qui avait déjà
commencé à se dégonfler fin 2007. Quoi qu’il en soit, avec l’effondrement de plusieurs grandes
firmes américaines en septembre 2008 (Lehman Brothers, AIG et la Bank of America), la crise
des liquidités s’est muée en une crise financière et économique mondiale généralisée dans la
majeure partie de la région.
7.
Alors que les incertitudes semaient le trouble sur les marchés financiers du monde entier au
cours du dernier trimestre 2008, l’Europe centrale et orientale fut confrontée à « l’arrêt brutal » des
prêts bancaires. (BERD, 2009) La situation empira lorsque la contraction de la demande
occidentale de produits importés pénalisa les programmes de production de biens ECO destinés à
l’exportation. La rareté des capitaux et l’accroissement des primes de risque pour l’obtention de
nouveaux capitaux avaient également déclenché une hausse brutale des coûts du crédit pour les
gouvernements et le secteur privé de la région. De 2007 à 2009, les investissements nets en
Europe centrale et orientale passèrent soudain d’un niveau record de 255 milliards de dollars à
20 milliards de dollars environ, soit une chute de plus de 90%. (CEE-ONU, 2010)3 Les
exportations de biens et de services s’effondrèrent brutalement, fin 2008 et début 2009. Un
rapport de la CEE-ONU indique que la valeur des exportations de la région ECO s’est ainsi
contractée de 27,5% en 2009, tandis que la valeur totale de ses importations a diminué de pas
moins de 30%. (CEE-ONU, 2010)
8.
Dans une région fortement tributaire des marchés étrangers, il n’a fallu que peu de temps
pour que ces contractions provoquent de graves difficultés. Le chômage a connu une
augmentation vertigineuse, les pertes d’emplois les plus nombreuses étant enregistrées dans les
secteurs à plus forte valeur ajoutée. Pour les quinze pays qui peuvent fournir des statistiques, la
moyenne non pondérée du chômage officiel est passée de 9,5% à 12,6% entre le premier
trimestre 2009 et le premier trimestre 2010. (EIU, 2010) Ces chiffres masquent cependant
d’importantes disparités régionales. C’est ainsi, par exemple, que les trois pays baltes ont connu
plus qu’un doublement de leur taux de chômage, qui est passé de 6,3% en 2008 à 16,8% au
premier trimestre 2010 (moyenne non pondérée). Bien que l’on constate actuellement des signes
de reprise dans toute la région ECO, le chômage s’y accroît, une situation qui génère des tensions
budgétaires et politiques.
9.
Il est important de noter dans quels secteurs sont survenues ces pertes d’emplois. Dans
l’ensemble de la région, la production industrielle et la construction ont connu un recul plus rapide
que tout autre secteur et ont donc enregistré le plus grand nombre de pertes d’emplois. Bien que
ceci soit le résultat logique de la contraction des marchés à l’exportation et du resserrement du
crédit, cela signifie que de nombreux travailleurs qualifiés figurent parmi les plus gravement
touchés par la crise.
10. Les retombées économiques (de la crise) sont passées de manière presque imperceptible
des marchés financiers aux marchés d’exportation, puis à la production industrielle. En fin de
compte, aucun secteur du marché du travail n’a été épargné. Les gouvernements nationaux ont
cherché à faire face à la crise et à raviver la flamme économique qui avait animé la région
pendant dix ans. Certains d’entre eux ont commencé à corriger les faiblesses les ayant rendus si
vulnérables au récent ralentissement économique mondial. Sur tout le continent européen et en
Amérique du Nord, les réactions politiques optimales n’ont toutefois pas toujours été évidentes et
continuent à susciter des différends. Alors que, d’une part, l’effondrement de la consommation
privée et des investissements alimente les demandes en faveur d’un accroissement des dépenses
budgétaires de type keynésien afin de combler le fossé de la demande globale, la montée en
3
Ces données concernent les 17 pays d’Europe centrale et orientale fournissant des chiffres, des
données actualisées faisant défaut pour l’ex-République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et
la Serbie.
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4
flèche de la dette révèle à quel point l’austérité budgétaire est nécessaire pour redynamiser l’offre
au niveau des économies nationales, redonner confiance aux investisseurs étrangers et conférer
une assise durable aux budgets nationaux. En fait, c’est un mélange de ces objectifs politiques qui
a généralement été adopté. Les réactions politiques ont été fortement conditionnées par les
cadres économiques propres aux pays lorsque ceux-ci ont été frappés par la crise, et par les
ressources budgétaires qui étaient à la disposition des gouvernements nationaux lorsque cette
crise a éclaté.
II.
LES CONDITIONS ECONOMIQUES
A.
STRUCTURES ECONOMIQUES LOCALES
11. Au cours des deux dernières décennies, plusieurs pays d’Europe centrale et orientale ont
connu, à des degrés divers, des événements aussi variés que des réformes centrées sur une
« thérapie de choc », les répercussions de la libéralisation, la guerre et les conflits dans les
Balkans, l’intégration politique et économique à l’UE, à l’OMC et à l’OTAN, l’introduction de l’euro
ou la création de liens étroits avec cette monnaie, le retour en force du contrôle de l’Etat et des
« révolutions de différentes couleurs ». Il n’y a pas eu deux expériences nationales identiques et
les deux dernières décennies n’ont peut-être fait qu’exacerber l’hétérogénéité qui caractérise
l’Europe centrale et orientale. Par ailleurs, il était inévitable que la crise mondiale frappât de
manières très différentes des pays aux environnements aussi variés, comme il était inévitable que
les réactions politiques divergeassent de manière aussi nette.
12. Bien que l’ensemble de la région ait souffert de la crise financière et de la diminution
soudaine de la demande étrangère, ce sont les pays baltes, l’Ukraine, la Moldova et la Russie qui
ont enregistré les contractions les plus marquées de leur PIB en 2009, allant d’un recul de 7,9%
en Russie à une chute stupéfiante de 18% en Lettonie. A l’autre extrémité du spectre, la Pologne
et l’Albanie ont évité les revers, et enregistré une croissance de 1,8 et 3,0% respectivement.
Quant au Bélarus, son économie a stagné durant la crise, avec une progression en termes réels
d’à peine 0,2% (EIU, 2010). Il est intéressant de noter que la capacité de ces deux économies à
résister à la tempête financière ne correspond absolument pas aux scores de la transition établis
par la BERD, un système de notation conçu pour mesurer le degré de transition par rapport aux
régimes libéraux de libre marché. Les trois pays baltes, par exemple, engrangent d’excellents
résultats dans chaque catégorie de la transition, avec des moyennes allant de 3,7 à 3,93 - pour un
maximum possible de quatre. La Pologne a obtenu un score moindre de 3,78. Ces mesures de la
modernisation économique et de la libéralisation politique ne sont supérieures qu’en Hongrie
(3,96) et en Slovaquie (3,78).4 L’Albanie, la Moldova, la Russie et l’Ukraine enregistrent par contre
un score égal ou légèrement supérieur à 3 (de 3,0 à 3,07).5 Ces disparités sont grosso modo
égales au classement (pour 2009) de la libéralisation politique, publié chaque année par Freedom
House, ainsi qu’au classement relatif à la liberté économique établi par la Heritage Foundation. A
première vue, les écarts constatés quant à l’aptitude respective de ces pays à résister à la crise
financière et économique ne semblent pas liés au degré de libéralisation du marché.
13. De plus, s’il est vrai qu’un marché intérieur grand et diversifié semble en règle générale
renforcer la résistance (FMI, 2009c), ce facteur à lui seul semble insuffisant pour galvaniser une
relance. Bien que l’économie de la Russie soit plus de trois fois plus grande que celle de la
Pologne, l’intensification apparemment inexorable de l’intervention de l’Etat pour laquelle elle a
4
5
La République tchèque est davantage modernisée, d’après l’évaluation de la BERD, qui a cessé de lui
apporter une aide au développement en 2009. Il en résulte que ce pays ne figure plus dans le Rapport
sur la transition.
Seuls le Bélarus (2,04), la Bosnie-Herzégovine (2,78), le Monténégro (2,85) et la Serbie (2,89) sont
moins bien classés que ces trois cas extrêmes.
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5
opté et ses relations d’une médiocrité persistante avec les investisseurs étrangers caractérisent
l’élaboration de sa politique économique nationale depuis quelques années. En 2009, l’économie
russe s’est contractée de 7,9%. (EIU, 2010). C’est la Pologne, dont le marché intérieur est
relativement important, bien que sans comparaison avec celui de la Russie, qui a enregistré les
meilleures performances dans l’UE au cours des 18 premiers mois de la crise. Ses politiques
macro- et microéconomiques semblent jouer un rôle essentiel à cet égard. Il apparaît également
que la prospérité relative d’une société (mesurée d’après son PIB par habitant) ne présente
qu’une relation mineure avec sa capacité de résistance à la crise. Alors que les revenus moyens
en Ukraine et en Albanie sont respectivement les deuxième et troisième plus bas de la région
(7 000 dollars environ), l’Albanie affiche la plus forte croissance du continent, tandis que l’Ukraine
se classe avant-dernière, avec un recul de 15,3% en 2009.
14. Les positions de départ relatives des différentes économies revêtent également une certaine
importance. La théorie de la croissance standard affirme que, toutes choses étant égales par
ailleurs, les économies présentant des niveaux moins élevés de capitaux et de revenus par
travailleur enregistreront une croissance plus rapide que les économies plus évoluées, lorsque
des capitaux seront soudain disponibles, jusqu’à ce que toutes les économies atteignent leur
« taux de croissance stationnaire » (Solow, 1956) En Europe centrale et orientale, l’on constate
cet effet « de rattrapage » en Albanie, un pays qui est parti d’un PIB par habitant nettement
inférieur à celui de ses voisins, mais pas en Moldova, où le niveau de revenus moyen était
comparable à celui de l’Albanie en 1992, mais qui est demeuré à la traîne depuis lors. (FMI,
2009a) En ce qui concerne la croissance cumulée du PIB depuis 2003, les projections du FMI
pour la période 2010-2014 permettent de penser que les pays relativement plus pauvres dans les
années 90, tels que l’Ukraine, la Moldova et la Russie, seront plus performants que la Pologne.
D’autre part, même si l’Albanie ne parvient pas au même niveau de croissance que la Pologne,
elle devrait afficher en 2010 une croissance cumulée plus élevée que celle de l’Estonie, de la
Lettonie et de la Lituanie, des pays où le revenu moyen a rapidement augmenté au cours de la
décennie écoulée. Etonnamment, la situation n’était pas très différente avant la crise. En 2007 et
2008, la Pologne et l’Albanie ont connu leur plus faible taux de croissance depuis 2003, tandis que
l’Ukraine, la Moldova et la Russie se sont montrées plus performantes que les pays baltes.
L’examen de la croissance cumulée depuis 1993 révèle cependant un tout autre tableau :
l’Ukraine et la Moldova enregistrent la plus faible croissance en Europe centrale et orientale,
tandis que – jusqu’en 2008 – l’économie au taux de croissance le plus rapide est celle de
l’Albanie, suivie par l’Estonie et la Lettonie, dont le PIB par habitant n’a atteint que des niveaux
moyens tout au long des années 90. Tout cela indique que certains des pays plus pauvres
d’Europe progressent plus rapidement et que, dans certains cas, en Albanie par exemple, cette
croissance semble être liée à des réformes institutionnelles progressives (SET, 2010), plutôt qu’à
un simple mécanisme « de rattrapage ». En d’autres termes, le rôle des politiques
gouvernementales et des institutions revêt une importance incontestable.
15. En fin de compte, le degré de libéralisation, la taille de l’économie et « l’effet de rattrapage »
d’un revenu initial plus bas par habitant ne suffisent pas à expliquer totalement les divergences de
modèles de croissance dans la région, pas plus d’ailleurs que les impacts différenciés de la crise.
Ces facteurs structurels jouent certainement un rôle important dans l’établissement de conditions
propices à des performances économiques couronnées de succès, mais il est clair que chaque
contexte spécifique varie considérablement d’un pays à l’autre. Le présent rapport examine ces
différents contextes, en mettant l’accent sur les éléments qui délimitent les contours d’une crise
très préjudiciable à la croissance de l’Europe centrale et orientale.
B.
LE COMMERCE INTERNATIONAL
16. Une caractéristique commune à la région ECO est sa dépendance envers les marchés
extérieurs pour assurer sa croissance et sa prospérité intérieures. Les échanges commerciaux
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6
avec l’Europe occidentale et la Russie sont cruciaux pour toutes les économies ECO. Des
différences importantes se manifestent toutefois quant à leur dépendance envers les capitaux
étrangers. L’afflux massif de capitaux étrangers dans la région durant les années qui ont précédé
la crise a, en fin de compte, généré d’importants déséquilibres macroéconomiques. Ces injections
de capitaux n’ont pas seulement permis de nouveaux investissements essentiels ; elles ont
également financé un boom de la consommation et des déficits de comptes courants intenables
dans de nombreux cas. (BERD, 2009) Alors qu’au début des années 2000, les pays aux
structures financières plus ouvertes enregistraient des taux de croissance impressionnants
(exemple : les pays baltes), ce sont ces mêmes pays qui ont été les plus durement touchés au
plan économique par la soudaine contraction des capitaux et des crédits étrangers. Dans les Etats
où les marchés de capitaux étaient fermés ou étroitement encadrés, la crise s’est propagée par la
contraction des marchés à l’exportation, alors que la réduction des flux financiers n’a eu qu’un
impact relativement plus limité.
17. Au cours des huit années qui ont précédé la crise, l’Europe centrale et orientale a enregistré
des taux de croissance exceptionnels, en particulier si l’on considère ses performances
économiques relativement maussades dans les années 90. Au milieu de la décennie, des taux de
croissance réels du PIB de 6 à 10% étaient courants dans toute la région. (FMI, 2010c)
L’accroissement de la production industrielle alimentait en grande partie cette croissance, en
particulier dans les pays ayant le « rattrapage » le plus important à effectuer, c’est-à-dire l’Albanie,
le Bélarus, la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie et l’Ukraine. Au cours de cette même période, les
exportations ont progressé plus rapidement et plus régulièrement encore que la production
industrielle, l’Ukraine étant la seule à connaître une diminution réelle de ses exportations avant la
crise. (BERD, 2009)6 Cette croissance était manifestement bienvenue et généralement perçue
comme un signe de la modernisation et de la capacité de résistance croissantes de la région.
18. Dans les années qui ont suivi la crise de 1998 en Russie, 50 millions de personnes environ
ont échappé à la pauvreté en Europe centrale et orientale, dans l’ex-Union soviétique et en
Turquie. Cela s’explique par un accroissement des revenus et en particulier par celui des salaires
réels des masses pauvres laborieuses. La crise récente remet toutefois ces acquis en question.
D’après une récente étude de la Banque mondiale, en 2010, il y aura, par rapport aux projections
d’avant la crise, 11 millions de pauvres en plus dans la région et 23 millions de gens
supplémentaires vivant juste au-dessus du seuil de pauvreté international. (Sugawara et. al) En
d’autres termes, un cinquième environ des personnes ayant récemment échappé à la pauvreté y
sera retombé. Ce sont les pays où les ménages sont exagérément dépendants du secteur de la
construction et des transferts de fonds des expatriés qui souffriront le plus. Les effets secondaires
sur les filets de protection sociale et sur l’éducation pourraient même s’exercer à plus long terme.
19. L’augmentation des exportations a, par définition, accru la dépendance de la région envers
les marchés extérieurs, en particulier ceux d’Europe occidentale. De 2006 à 2008, la plupart des
pays ECO exportaient des biens et des services à un niveau équivalent à plus de la moitié de leur
PIB, ce qui traduit un remarquable degré d’ouverture. Darvas & Veugelers (2009) ont d’ailleurs
démontré que l’Europe centrale et orientale est beaucoup plus dépendante des marchés
extérieurs que d’autres marchés émergents. La République tchèque et la Slovaquie, ainsi que
l’Estonie et la Hongrie, sont les pays les plus dépendants des exportations, celles-ci atteignant,
pour chacun de ces pays, une valeur brute équivalant à quelque 80% du PIB. Ces quatre cas
démontrent également les risques de détérioration inhérents à une dépendance aux exportations
(du moins dans un monde en récession), puisque les économies tchèque et slovaque se sont
contractées de plus de 4% en 2009 en dépit de fondamentaux vigoureux. La position budgétaire
plus faible de la Hongrie et la croissance de l’Estonie alimentée par le crédit n’ont fait, quant à
6
La BERD ne fournit pas ces informations pour tous les pays. Il n’y a donc pas d’informations sur le
Bélarus, la Bosnie-Herzégovine, la République tchèque, l’ex-République yougoslave de Macédoine, le
Monténégro et la Serbie.
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elles, qu’exacerber le déclin brutal de ces deux pays. Comme nous l’avons vu précédemment, un
marché intérieur vigoureux peut s’avérer très utile lorsque les marchés internationaux se
détériorent. Par exemple, bien que l’Albanie ne dispose pas d’un marché intérieur très développé,
elle est moins ouverte aux échanges commerciaux et aux capitaux étrangers que d’autres pays en
transition. A la différence du restant de la région, elle a conservé un taux de croissance
remarquable en 2009. Manifestement, l’interdépendance peut parfois générer des pertes
supplémentaires en période de ralentissement économique, mais cela ne justifie absolument pas
des mesures protectionnistes, même temporaires. A long terme, l’ouverture apporte une multitude
d’avantages économiques et doit continuer à être encouragée.
20. Alors que la plupart des économies ECO ont vu leurs exportations augmenter
proportionnellement à leur PIB, un groupe, conduit par la Russie, a connu l’expérience inverse. En
dépit de la forte croissance de l’économie russe de 2000 à 2008, les exportations brutes de
marchandises et de services sont passées, au cours de cette période, de 44 à 31% de
l’équivalent-PIB. Seuls le Bélarus, la Moldova et l’Ukraine partagent avec la Russie cette
diminution de la part des exportations dans le PIB depuis 2000 et tous sont membres de la CEI
(Communauté des États indépendants). Ces pays sont tous relativement éloignés des marchés
occidentaux, présentent certaines structures institutionnelles et normes politiques communes, et
sont moins avancés sur la voie de la transition vers des structures de marché libérales et
l’ouverture de leurs sociétés. Ces facteurs ont tendance à renforcer les modèles commerciaux et
politiques existants au sein de la CEI. La dépendance accrue de celle-ci envers les exportations
de ressources primaires volatiles doit également être prise en compte, car elle tend à décourager
le genre de diversification des produits susceptible de consolider sa position commerciale. Qui
plus est, la crise des matières premières a eu un poids considérable durant la crise économique.
Néanmoins, en dépit de toutes leurs similitudes, ces économies ont réagi différemment à la crise
mondiale. C’est ainsi, par exemple, que l’économie ukrainienne a enregistré une contraction de
15,2%, la Russie de 7,9%, la Moldova de 6,5%, alors que l’économie du Bélarus a progressé de
0,2%. (CEE-ONU, 2010) En termes d’exportations nettes, le déficit commercial de la Moldova a
atteint plus de 50% du PIB en 2007-08 (de loin le plus important de l’Europe centrale et orientale),
tandis que le Bélarus affiche un déficit commercial plus faible proche de 5%. Les échanges
commerciaux de l’Ukraine ont été équilibrés pour la période 2000-2008, tandis que la Russie a
régulièrement enregistré d’importants excédents commerciaux, en raison de son rôle de grand
fournisseur d’énergie. Des différences majeures sont donc évidentes même au sein de ce sousgroupe, qui partage pourtant plusieurs caractéristiques importantes.
C.
LES (DES-)EQUILIBRES MACROECONOMIQUES : COMPTES COURANTS ET
FLUX DE CAPITAUX
21. Le volume élevé des exportations de l’Europe centrale et orientale a joué un rôle clé dans
l’impressionnante croissance qu’a connue la région au cours de la décennie écoulée. Ce modèle
de croissance rapide, alimenté par les échanges commerciaux et suivi d’un crash, fait à de
nombreux égards penser à l’expérience vécue par l’Asie de l’Est dans les années 90. (BRI, 2009)
L’Europe centrale et orientale s’en différencie toutefois dans la mesure où nombre de pays de la
région ont connu des niveaux de déficit des comptes courants sans précédent, résultant dans une
large mesure de l’omniprésence de modèles de croissance tributaires des financements. Cela
n’était pas le cas en Asie. (BERD, 2009) Bien que les déficits des comptes courants reflètent
souvent le besoin des économies en développement d’importer des capitaux et des biens
d’équipement, de tels déficits, s’ils persistent et augmentent, peuvent saper la stabilité
macroéconomique s’ils ne soutiennent pas une croissance de la productivité. (FMI, 2009d) Ils
exercent également une pression à la baisse sur les monnaies et, si l’on ne permet pas une
dévaluation du taux de change, ils sont susceptibles de générer des déséquilibres internes
fondamentaux. D’autre part, une dévaluation risque de stimuler l’inflation et d’accroître le coût de
la dette libellée en devises étrangères. C’est précisément la raison pour laquelle les
217 ESCEW 10 F bis
8
gouvernements renoncent parfois à la dévaluation, en dépit de l’effet potentiellement positif qu’elle
peut avoir sur la balance commerciale. (FMI, 2009d) En cas de maintien d’un taux de change fixe,
il n’y a d’autre choix que de procéder à des ajustements au niveau intérieur, ce qui peut entraîner
une réduction des salaires réels, un accroissement du chômage et une diminution de la
consommation. Rétrospectivement, l’on peut considérer que la vulnérabilité qui a aggravé la crise
en Europe centrale et orientale n’est pas surprenante, étant donné que le déficit moyen des
comptes courants dans la région représentait 5% du PIB (10% si l’on exclut la Russie) au cours
des années ayant précédé la crise.
22. La crise financière asiatique de 1997-98 a révélé que, même associé à une forte croissance,
un déficit important et soutenu des comptes courants rend l’économie vulnérable à un brusque
reflux des capitaux, ce qui affecte directement tant la croissance que la confiance des
investisseurs. (BRI ; FMI, 2009d) De même, les déficits considérables des comptes courants
résultant d’importants afflux de capitaux ont constitué un facteur essentiel de la contraction
précoce et précipitée en Estonie, en Lettonie et en Lituanie, car la plupart des capitaux étrangers
ont été rapatriés dès l’apparition des premiers signes d’incertitude. (Banque mondiale, 2010) Les
déficits des comptes courants dans la région de la Baltique figuraient parmi les plus élevés et les
plus intenables. A leur apogée, en 2007, les déficits des comptes courants en Estonie, en Lettonie
et en Lituanie atteignaient respectivement 17,8, 22,3 et 14,6% du PIB ; deux années plus tard,
cette tendance s’était complètement inversée, et les trois États baltes étaient devenus les seuls
pays ECO, à l’exception de la Russie et de la Hongrie, à présenter un excédent de leurs comptes
courants. (FMI, 2010c)
23. Les déficits des comptes courants n’expliquent toutefois qu’en partie la vulnérabilité
économique de la région. C’est ainsi, par exemple, que les importants excédents de la Russie
n’ont guère contribué à endiguer la contraction de 7,9% du PIB en 2009. Qui plus est, en 2008,
alors que la Bulgarie et le Monténégro présentaient les déficits des comptes courants les plus
élevés de la région (respectivement 24 et 52%), en 2009 leurs économies n’ont enregistré qu’un
recul de 5,0% et 3,1%, soit une contraction relativement modeste en comparaison avec les pays
baltes. (FMI, 2010c)
24. Cet exposé des faits révèle d’importantes différences entre l’évolution en dents de scie de
l’Europe centrale et orientale au cours des dix dernières années et ce qui s’est passé en Asie de
l’Est à la fin des années 90. En premier lieu, les récents déficits des comptes courants et
contractions économiques en Europe centrale et orientale sont beaucoup plus élevés que ceux
observés en Asie de l’Est en 1997-98. (BERD, 2009) Deuxièmement, à la différence de l’Asie de
l’Est dans les années 90, l’Europe centrale et orientale a été une importatrice nette de biens et de
services au cours de la dernière décennie. Alors que la République tchèque, la Hongrie, la
Slovénie et l’Ukraine sont devenus des importateurs nets (et non plus des exportateurs nets), la
Russie est demeurée le seul pays à présenter un excédent commercial net entre 2000 et 2008. En
ce qui concerne les autres pays, les importations nettes se sont échelonnées de moins de 5% du
PIB (Bélarus, Pologne, Slovaquie) à quelque 20% (Albanie, Bulgarie, l’ex-République yougoslave
de Macédoine, Lettonie, Serbie) et à plus de 40 et 50% du PIB dans les cas les plus extrêmes
(Bosnie-Herzégovine et Moldova). En excluant une fois encore la Russie du calcul, les pays ECO
ont vu leurs exportations nettes globales passer de -4,97% du PIB en 2006 à -5,76% en 2007,
pour atteindre leur plus bas niveau en 2008, avec des exportations nettes représentant -6,25% du
PIB. (CEE-ONU, 2010) Manifestement, la réussite économique de l’Europe centrale et orientale
ne peut être simplement attribuée à une augmentation des exportations ; les réformes intérieures,
une croissance sous-tendue par des investissements et la consommation intérieure ont également
constitué des facteurs essentiels en la matière. (FMI, 2006)
25. Au cours de la décennie écoulée, les injections de capitaux bruts dans la plupart des
économies émergentes (EME) se sont rapidement accrues. Dans une étude récente sur les
sources potentielles de l’instabilité financière, la Banque des règlements internationaux indique
217 ESCEW 10 F bis
9
que les afflux bruts de capitaux en Asie de l’Est avaient atteint 15% en 2007, soit cinq pour cent
de points de plus que lors du pic antérieur à 1997-98, tandis que l’Europe centrale et orientale
bénéficiait d’injections de capitaux bruts atteignant plus de 20% du PIB. Aiguillonnées par une
intégration plus étroite à l’Union européenne, ces formidables injections de capitaux ont en grande
partie été effectuées par l’intermédiaire de banques étrangères, qui ont réduit les risques de
solvabilité tout en accroissant les risques de crédit. (BRI, 2009) En d’autres termes, si la
capitalisation importante des banques étrangères garantissait à leurs succursales un accès à des
capitaux abordables, la capacité de surveillance des décideurs était loin d’être optimale, en raison
de leur éloignement et de leur méconnaissance des conditions du marché local et de ses
pratiques en matière de crédit. Le risque de crédit s’est avéré un facteur important de
l’effondrement rapide de l’Europe centrale et orientale, comme le démontre le pourcentage sans
cesse croissant de créances douteuses. (Banque mondiale, 2010) Des retards et défauts de
paiement sont certes fréquents en période de récession économique, mais les données récentes
concernant les arriérés en Europe centrale et orientale révèlent des modèles symptomatiques d’un
problème plus aigu. (BERD, 2009 ; BRI, 2009 ; Banque mondiale, 2010)
26. Dans des modèles de croissance pérenne, les tendances de consommation sont plus
« lisses » que les tendances de croissance des revenus, plus volatils. Cela n’a cependant pas été
le cas lors des années de boom qu’a connues l’Europe centrale et orientale. De 2003 à 2008,
seules les économies de la Bulgarie, de la Croatie, de la Hongrie, de la Pologne, de la République
slovaque et de la Slovénie ont progressé plus rapidement que le niveau de la consommation
privée. Dans les dix autres économies pour lesquelles des données sont disponibles, la
consommation a augmenté plus rapidement que les revenus, une tendance soutenue par l’accès
toujours plus facile aux crédits à la consommation, souvent libellés en devises étrangères. Tout au
long de la crise actuelle, ces six pays se sont généralement mieux comportés que l’Estonie, la
Lettonie, la Lituanie, la Moldova, la Roumanie, la Russie et l’Ukraine, alors que dans tous ces
pays, la croissance de la consommation privée était nettement supérieure à celle du PIB. Qui plus
est, la plupart des crédits octroyés aux ménages et aux entreprises étaient libellés en euros, ce
qui augmentait considérablement les risques liés à la fluctuation des taux de change associés à
ces crédits. (Banque mondiale, 2010) Les niveaux d’exposition avaient naturellement tendance à
être plus importants dans les pays comptant une présence plus marquée de banques étrangères.
27. Ce phénomène s’est avéré particulièrement évident dans les pays baltes, en Moldova et en
Roumanie. En Albanie et au Bélarus, la consommation a progressé plus rapidement que le PIB,
mais ces deux pays ont souffert comparativement moins que les pays baltes, la Moldova, la
Roumanie, la Russie et l’Ukraine, où les niveaux de consommation ont progressé à un rythme
plus rapide encore. Une explication possible réside dans le fait que, pour diverses raisons,
l’Albanie et le Bélarus sont davantage isolés des marchés de capitaux internationaux. (BERD,
2009) La Russie et l’Ukraine constituent une autre exception, ces deux pays ayant généré
d’importants excédents des comptes courants avant la crise, mais cette protection s’est avérée
insuffisante face à une progression intenable de la consommation privée (en particulier pour
l’Ukraine, où la consommation privée avait progressé annuellement d’environ 10 pour cent de
points de plus que celle du PIB). En résumé, alors que la majeure partie des capitaux étrangers
empruntés était destinée à la constitution d’actifs immobilisés (le composant au taux de croissance
le plus rapide des investissements dans la région), les pays permettant une croissance intenable
des niveaux de consommation privée se sont avérés particulièrement vulnérables lorsque
l’économie mondiale a connu un ralentissement.
28. En guise de remarque finale, signalons que le FMI a récemment souligné le fait que certains
investissements étrangers directs ou IED (à savoir, ceux entre une banque mère et ses filiales)
s’avèrent beaucoup plus volatils que prévu. De tels flux de capitaux se conforment à des modèles
davantage apparentés à une dette à court terme qu’à un investissement à long terme. (FMI, 2010)
Alors que les investissements en capitaux fixes se sont avérés plus stables comparativement, ce
sont les transferts de fonds y afférents qui semblent avoir enregistré la plus faible contraction.
217 ESCEW 10 F bis
D.
10
LES RELATIONS ECONOMIQUES INTERNATIONALES
29. La remarquable croissance des pays de l’Europe centrale et orientale au cours des dix
dernières années a également été sous-tendue par l’intégration croissante de la région aux
institutions internationales et à l’Union européenne en particulier. Certains des pays qui ont
accédé à l’UE depuis 2004 sont cependant confrontés à de graves problèmes institutionnels. Dans
certains cas, ils ont éprouvé des difficultés à utiliser de manière adéquate les fonds structurels et
de cohésion de l’Union mis à leur disposition. Toutefois, grâce au solide soutien et aux
encouragements de la Commission européenne (CE) et à des leaderships nationaux compétents,
la capacité d’absorption de ces économies s’est nettement accrue à partir de 2007. (Euractiv,
2008) Ces fonds, associés à des réformes institutionnelles fondamentales, représentant un
élément essentiel du processus d’adhésion, ont stimulé la croissance et la stabilité dans la région.
(Schnabl, 2009) L’adhésion à des organisations intergouvernementales libérales voire même un
statut d’association à ces organisations a constitué un premier catalyseur pour des réformes
favorisant la croissance. Actuellement, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’ex-République
yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie ont tous signé et mettent en œuvre des
Accords de stabilisation et d’association avec l’UE, qui sous-tendent leurs réformes économiques
de manière à encourager la convergence institutionnelle et des politiques.
30. La CEI joue un rôle similaire, en tentant d’unifier les politiques régionales, bien que les
réformes libérales ne soient absolument pas l’une de ses premières priorités. Conduit par la
Russie, ce groupe politique et économique implique également le Bélarus et la Moldova, en plus
de l’Ukraine, qui n’a pas ratifié le traité CEI, mais qui participe à la Communauté en tant que
membre à part entière. En dépit de tentatives pour renforcer la CEI, celle-ci doit encore établir des
institutions intergouvernementales dotées d’objectifs politiques clairs pour soutenir ses membres
en cas de besoin. Par ailleurs, son orientation est loin d’être aussi libérable que celle de l’UE ou
d’autres institutions régionales telles que l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est)
ou l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), pas plus que la CEI n’a établi de relations
légales régissant la convergence des politiques.
31. La plupart des pays d’Europe centrale et orientale sont également membres du FMI et de
l’OMC. L’adhésion à l’OMC fournit un avantage économique essentiel à ces nouveaux membres
européens, puisqu’elle favorise les réformes intérieures nécessaires à la promotion de la
compétitivité internationale et contribue en même temps à constituer des marchés ouverts aux
exportations de ces pays. L’adhésion de l’Estonie et de la Lettonie en 1999 et de la Lituanie en
2001 a d’ailleurs représenté un facteur important du boom des exportations qu’ont connu les pays
baltes au cours des dix dernières années. La Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie
déploient des efforts soutenus pour adhérer à l’OMC et chacun de ces pays approche désormais
des étapes finales des pourparlers d’adhésion. (OMC, 2010) La Russie, le Bélarus, la
Bosnie-Herzégovine, le Monténégro et la Serbie poursuivent pour leur part le processus
d’adhésion. Si l’on constate des signaux contradictoires concernant la volonté d’adhésion de la
Russie, le président Medvedev semble avoir remporté le conflit interne lié à l’opportunité pour son
pays d’adhérer au plus tôt à l’organisation. (FT, 2009) Le président Obama a apporté son soutien
à cet objectif lors d’un récent sommet Etats-Unis-Russie (juin 2010) et s’est engagé à rechercher
une solution aux problèmes techniques auxquels le gouvernement américain considère qu’il
convient de trouver une solution avant que l’adhésion de la Russie à l’OMC puisse avoir lieu.
(Kaufman) L’incertitude demeure toutefois quant à cette adhésion, en raison du maintien de
l’engagement du Premier ministre Poutine en faveur de mesures protectionnistes, comme tout
récemment encore en ce qui concerne l’industrie automobile. (FT, 2010d) À cet égard, le différend
apparent entre les deux dirigeants russes est révélateur.
32. La participation à des programmes du FMI aide également les pays vulnérables de l’Europe
centrale et orientale à surmonter la récession économique. Le FMI a joué un rôle déterminant,
217 ESCEW 10 F bis
11
puisqu’il a apporté son aide aux économies en chute libre au plus fort de la crise, en leur
fournissant les prêts nécessaires pour leur permettre de couvrir leurs déficits des comptes
courants et de restaurer la confiance des investisseurs internationaux. Le FMI a fourni une aide
d’urgence au Bélarus, à la Bosnie-Herzégovine, à la Hongrie, à la Lettonie, à la Pologne, à la
Roumanie, à la Serbie et à l’Ukraine. A l’exception de la Pologne, chacun de ces pays a signé un
accord « standby », depuis longtemps la principale facilité de prêt du FMI. Les accords
« standby » sont conçus pour aider les pays bénéficiaires à remédier aux déséquilibres
macroéconomiques et, en particulier, à d’importants déficits des comptes courants. Les sommes
prêtées sont toutefois fournies par tranches, chacune d’elles n’étant versée que pour autant que le
pays bénéficiaire procède à une réforme de ses politiques budgétaire et macroéconomique,
conformément aux conditions fixées par l’accord.
33. Cette « conditionnalité » incite les gouvernements à prendre des décisions souvent
considérées comme impopulaires, mais néanmoins nécessaires pour rétablir la stabilité
économique. En Lettonie, il était impossible d’échapper à l’aide d’urgence et à la consolidation
budgétaire. L’accord « standby » financé par le FMI, l’UE et des gouvernements scandinaves a
imposé une augmentation de la fiscalité et une réduction des salaires, afin de restreindre
l’emballement du déficit budgétaire. (FT, 2010a) Ce programme a suscité la colère des partis
d’opposition, prompts à exploiter le ressentiment populaire. Lorsque des mesures d’austérité
rigoureuses représentent la seule voie de salut, la pression sur le gouvernement est cependant
quelque peu atténuée. Dans certains cas toutefois, le FMI peut devenir la cible de la colère d’un
gouvernement, comme cela s’est passé en Hongrie où le gouvernement actuel a mis un terme
aux pourparlers sur un prêt d’urgence après que le FMI ait déclaré que la Hongrie ne faisait pas
preuve de suffisamment d’empressement pour procéder à des réductions durables des dépenses
publiques. (Fairclough) En Ukraine, l’accord « standby » a été appliqué à partir de novembre 2008
jusqu’à ce que la campagne pour les élections présidentielles suscite une série de mesures de
dépenses populistes. Après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, le FMI a officiellement
approuvé, le 28 juillet 2010, un nouvel accord « standby » d’un montant de 15.2 milliards de
dollars pour une durée de deux ans et demi. (EIU Country Report, 2010) Bien que la
conditionnalité imposée par le FMI soit depuis longtemps controversée, il ne fait guère de doute
que le versement rapide de fonds d’urgence s’est avéré essentiel, par exemple pour empêcher la
rupture de la stabilisation de la monnaie en Lettonie ou pour couvrir le remboursement de prêts
étrangers octroyés à l’Ukraine, deux problèmes susceptibles d’exacerber gravement les
retombées sociales et économiques de la crise financière. Le Fonds contribue donc à assurer la
stabilité politique dans la région, par le biais de son rôle de prêteur en dernier recours, tandis que
l’OMC et l’UE fournissent un contexte à plus long terme pour la promotion des réformes macro- et
microéconomiques.
34. Le dialogue récent de la Pologne avec le FMI diffère de ceux menés par ses voisins. A
l’instar de celui de l’Ukraine, le taux de change de la Pologne a été autorisé à flotter librement,
mais le gouvernement mène une politique macroéconomique saine et supervise étroitement le
cadre réglementaire. En 2008, le déficit des comptes courants demeurait gérable, à 5% du PIB.
(FMI, 2009e) La dévaluation de la monnaie offre aux autorités un certain degré de flexibilité, alors
que ce n’est pas le cas pour les régimes de taux de change fixe (comme, par exemple, dans les
pays baltes, en Bulgarie et pour les membres de la zone euro). La Pologne a également eu droit à
la nouvelle « Ligne de crédit flexible » (LCF) du FMI, un prêt préemptif et optionnel visant à
restaurer la confiance dans l’économie du bénéficiaire. (FMI, 2009f) Fait étonnant, la Pologne n’a
pas puisé dans les 13,69 milliards de droits de tirage spéciaux (DTS) mis à la disposition de son
gouvernement avant l’expiration du contrat en mai 2010. La Pologne et le FMI ont reconduit cette
facilité pour une année supplémentaire (jusqu’en juillet 2011), mais il semble improbable que le
pays devra utiliser ces fonds d’urgence.
217 ESCEW 10 F bis
E.
12
MAIN-D’ŒUVRE, MIGRATION ET TRANSFERTS DE FONDS DES EXPATRIES
35. L’impact social de la crise mondiale est, bien entendu, considérable. Chute des
rémunérations réelles et augmentation du chômage mettent les habitants et les institutions
nationales de la région à très rude épreuve. Le choc de la crise a abaissé des niveaux de
consommation souvent intenables, mais ceux qui sont privés d’emploi par sa faute figurent parmi
les principales victimes. En plus des pertes d’emplois, les transferts de fonds des expatriés
destinés aux pays et aux communautés pauvres ont diminué suite à la contraction des marchés
du travail dans les pays d’accueil. En raison de la détérioration des perspectives locales et à
l’étranger, de nombreux migrants potentiels restent chez eux, tandis que certains membres de la
diaspora regagnent leur patrie dans l’espoir d’y trouver du travail. Malheureusement, les données
relatives aux flux de migration durant la crise demeurent imprécises. Il existe cependant des
signes indiquant que la migration depuis la région a décéléré et, dans certains cas, s’est même
inversée. Tous ces facteurs entraînent une multiplication des demandes d’aide sociale adressées
aux autorités publiques. Or, les finances de celles-ci se sont détériorées à un point tel que, dans
de nombreux cas, les services sociaux sont incapables de faire face à l’accroissement de la
demande. Si rien ne semble indiquer un revirement idéologique majeur à l’encontre du capitalisme
libéral, que ce soit dans l’opinion publique ou dans les partis politiques nationaux, la montée de la
colère des citoyens ne peut être ignorée et pourrait retarder les processus de réforme. (Banque
mondiale, 2010) Un taux élevé de chômage pourrait également accroître les activités criminelles,
dont le coût social et économique est manifestement élevé.
36. Dans certaines parties de l’Europe centrale et orientale, les pertes d’emplois atteignent
d’ores et déjà des niveaux sans précédent. Sur la base des estimations de l’EIU portant sur
quatorze pays ECO7, le nombre de personnes officiellement sans emploi est passé de
9,33 millions en 2008 à 12,05 millions en 2009, soit une progression de 30% en un an. Les
augmentations les plus importantes sont intervenues dans les pays baltes. En 2007, les taux de
chômage étaient de 4,7, 6,0 et 4,3% respectivement en Estonie, en Lettonie et en Lituanie ; au
premier trimestre 2010, ces chiffres ont atteint 14,4, 20,4 et 15,6%, soit une multiplication par trois
du nombre de personnes recherchant activement du travail. (EIU, 2010) Les données
trimestrielles de l’Economist Intelligence Unit montrent que les taux de chômage en Europe
centrale et orientale ont augmenté au cours de chaque trimestre de 2009 et ont continué à
s’aggraver au cours des deux premiers trimestres de 2010. Une récente étude de la Banque
mondiale (Arvo Kuddo) permet de penser que, de 2008 à 2009, le taux officiel de chômage a
progressé de façon vertigineuse en République tchèque, en Slovaquie, en Ukraine (une
augmentation de > 30%), en Russie (> 40%) et en Moldova (> 60%). Alors que les résultats sont
légèrement meilleurs dans les autres pays de la région, le risque existe manifestement qu’une
partie de cette augmentation du chômage devienne structurelle plutôt que conjoncturelle, ce qui
impliquera des charges plus lourdes à long terme pour les gouvernements et les sociétés des
pays ECO. La tranche la plus jeune de la population active et les groupes marginaux, tels que les
minorités et les immigrés, sont les plus durement touchés (Kuddo, 2009) et il s’agit-là d’un autre
facteur susceptible d’accroître le risque de troubles sociaux en Europe centrale et orientale.
37. Les enquêtes relatives au chômage ne couvrent que les personnes officiellement recensées
comme recherchant activement du travail. Elles excluent celles qui ont renoncé à chercher un
emploi ou qui ne se sont jamais fait enregistrer. Afin de mieux appréhender les changements sur
le marché du travail, il est dès lors utile d’également examiner les chiffres de l’emploi dans sa
totalité. Dans les onze pays où des données sont disponibles (les membres de l’UE plus la
Croatie), l’emploi total a commencé à diminuer au début de 2009. Alors que les niveaux d’emploi
ont entamé un redressement aux deuxième et troisième trimestres 2009, grâce à l’entrée en
7
À l’exclusion de l’Albanie, du Bélarus, de la Bosnie-Herzégovine, de l’ex-République yougoslave de
Macédoine, de la Moldova et du Monténégro.
217 ESCEW 10 F bis
13
vigueur des mesures de relance occidentales, la croissance paresseuse des exportations et
l’adoption de mesures de consolidation budgétaire ont entraîné des diminutions de l’emploi total
au dernier trimestre 2009 et au premier trimestre 2010. (Eurostat)
38. Si ce fléchissement en chiffres absolus est sévère, les reculs spécifiques à certains secteurs
sont plus préoccupants encore. Les données relatives aux emplois sectoriels dans les pays ECO
membres de l’UE révèlent que c’est le secteur manufacturier qui a été le plus durement touché.
Malgré un léger rebond de l’emploi total à la mi-2009, l’emploi dans le secteur manufacturier est
en recul dans chaque pays lors de presque chaque trimestre : du premier trimestre 2009 au
premier trimestre 2010, la République tchèque, l’Estonie, la Lettonie, la Hongrie, la Slovénie et la
Croatie n’ont enregistré qu’un seul trimestre durant lequel l’emploi dans ce secteur a augmenté.
Tous les autres trimestres traduisent une diminution du nombre de personnes employées. Dans
l’ensemble, 705 000 emplois ont ainsi été perdus entre le début 2009 et le premier trimestre de
cette année, soit une perte de 1,8 million d’emplois manufacturiers depuis le premier trimestre
2008. Comme, dans la région, le secteur manufacturier représente un plus grand nombre
d’emplois que tout autre secteur, il représente un générateur de richesses crucial pour les pays
ECO et leurs travailleurs. (Eurostat)
39. En plus des répercussions sociales et économiques de l’augmentation du chômage et de la
diminution des salaires, il convient de citer également l’inversion des flux migratoires et la
diminution des transferts de fonds des expatriés, ces transferts constituant une source
particulièrement importante de devises étrangères dans un certain nombre de pays ECO. Comme
moins de personnes partent vivre dans des économies développées (en particulier en Europe
occidentale) et comme de plus en plus de gens reviennent en Europe centrale et orientale, la
concurrence pour les emplois et l’aide sociale suscite certaines tensions sociales, politiques et
économiques.
40. Le flux des transferts de fonds des expatriés vers les pays d’Europe centrale et orientale a
diminué depuis leur pic de 57,2 milliards de dollars en 2008 pour atteindre 46,7 milliards de dollars
en 2009, soit un recul de 18,3%. (Banque mondiale, 2010) Il s’agit-là d’une importante inversion
de tendance si l’on considère que le flux de ces transferts de fonds s’était régulièrement accru de
20 à 30% d’une année sur l’autre durant la décennie précédente. Si cela représente assurément
une lourde perte pour de nombreuses personnes en Europe centrale et orientale, les rentrées de
fonds liées aux transferts en 2009 s’avèrent toujours considérablement supérieures aux
38,8 milliards de dollars reçus en 2006. En Serbie, en Albanie, en Moldova et en
Bosnie-Herzégovine, les transferts de fonds des expatriés sont essentiels du point de vue
économique, car ils représentent plus de 10% du PIB dans chacun de ces pays. En outre, dans
toute la région, ces transferts de fonds bénéficient généralement aux plus bas échelons de la
société et fournissent donc un soutien social non négligeable, même s’ils ne représentent pas une
part importante de chaque économie nationale. C’est ainsi qu’en 2008 par exemple, les transferts
de fonds effectués par des expatriés n’ont généré que 0,4% du PIB de la Russie (le plus faible
pourcentage dans la région), mais qu’ils ont représenté un supplément de 6 milliards de dollars
dans la poche des ménages.
III.
LES IMPLICATIONS POUR LES POLITIQUES BUDGETAIRES ET MONETAIRES
41. Pour des raisons manifestes, l’état des finances publiques s’est détérioré durant la crise.
Tous les gouvernements de l’Europe centrale et orientale ont enregistré leur plus gros déficit
depuis des années et, dans plusieurs cas, leur pire déficit depuis le début de la transition. Ils ne
sont pas les seuls dans cette situation, puisque la plupart des gouvernements occidentaux sont
également confrontés à de très sérieuses pressions budgétaires résultant de la crise mondiale,
d’une chute de leurs revenus et d’un accroissement des dépenses liées aux stabilisateurs
automatiques et aux plans de relance. Dans l’ensemble, le niveau des déficits dans la région ECO
217 ESCEW 10 F bis
14
est ainsi passé de -1,8% du PIB en 2008 à -5,3% en 2009. Cela s’avère particulièrement
inquiétant, étant donné que le PIB réel de la région a diminué d’environ 6,2%. L’accroissement
des dépenses publiques s’explique en grande partie par le déclenchement des « stabilisateurs
automatiques » incluant les allocations de chômage et les services sociaux, qui entrent en action
en cas de ralentissement économique. Bien que les pays ECO se soient lancés dans certaines
dépenses discrétionnaires pour soutenir la demande, de telles politiques contre-cycliques sont
limitées par la faiblesse des réserves et les plafonds d’emprunt, qui réduisent la marge de
manœuvre budgétaire.
A.
LES POSITIONS BUDGETAIRES AVANT LA CRISE
42. La question centrale à laquelle tous les gouvernements d’Europe et d’Amérique du Nord
doivent aujourd’hui répondre consiste à savoir quelles sont les politiques gouvernementales
susceptibles de placer le plus rapidement possible les économies nationales sur la voie d’une
croissance durable. Il n’existe naturellement pas de réponses faciles à cette question. Une
croissance rapide et durable dépend d’une multitude de facteurs, dont beaucoup ne sont pas
d’ordre économique. Ils incluent les antécédents institutionnels, les clivages sociaux et la culture
politique. Plusieurs erreurs graves ont été constatées dans certaines politiques gouvernementales
au moment où « tout allait bien » (FMI, 2010a) et des discussions sont en cours pour définir
quelles politiques particulières auraient été plus appropriées à des moments spécifiques du cycle
économique. (Lewis, 2009) La nature sans précédent de la crise financière et économique a
d’ailleurs entraîné un réexamen des bases de la politique macroéconomique, qui – entre autres
choses – a ressuscité les approches keynésiennes. (FMI, 2009d ; BRI, 2009) De nombreux
analystes, dont ceux du FMI, conviennent désormais que la politique budgétaire aurait dû et pu
être plus rigoureuse dans les années fastes. S’ils avaient fait preuve d’une plus grande
circonspection, les gouvernements auraient disposé d’une marge budgétaire plus confortable pour
lutter contre les conséquences économiques et sociales de la crise lorsque celle-ci a éclaté.
Naturellement, cela se vérifie également pour un certain nombre de pays occidentaux accablés
par des problèmes persistants de déficit budgétaire, mais la possibilité dont ils disposent
d’emprunter sur les marchés internationaux leur offre une certaine souplesse budgétaire dont les
pays en transition ne disposent tout simplement pas.
43. Certaines critiques (tel Darvas, 2009) blâment de nombreux gouvernements ECO et d’autres
pays de l’OCDE pour leurs politiques budgétaires pro-conjoncturelles – c’est-à-dire pour avoir
exagérément augmenté les dépenses publiques en période de croissance – qui ont ultérieurement
limité la capacité des Etats à se lancer dans des dépenses discrétionnaires lorsque cela s’est
vraiment avéré nécessaire suite au ralentissement économique. Une étude récente de John Lewis
(2009) analyse cependant le caractère conjoncturel des politiques budgétaires des
gouvernements ECO à la lumière des données en temps réel8. L’analyse empirique de Lewis
démontre que « la réaction totale en matière de politique budgétaire est approximativement de la
même amplitude que les estimations extérieures des stabilisateurs automatiques », ce qui
autorise à penser que la politique discrétionnaire pratiquée est, dans l’ensemble, acyclique.
(Lewis, 2009) Indifféremment de ces tendances en matière de dépenses, les déficits budgétaires
étaient chose commune durant les années de boom et, en conséquence, de nombreux
gouvernements ont laissé passer une occasion d’édifier des positions financières plus solides à
une époque de prospérité.
44. Il est intéressant de noter que la plupart des gouvernements ECO ont enregistré de meilleurs
résultats dans ce domaine que la moyenne des 27 membres de l’UE. Les Etats membres de l’UE
sont tenus d’aligner leurs finances sur les critères du Pacte de stabilité et de croissance (PSC),
suivant lesquels leurs déficits doivent demeurer inférieurs à 3% du PIB et la dette totale de l’Etat
8
Il s’agit des données véritablement disponibles au moment de l’élaboration du budget, plutôt que des
révisions plus précises généralement utilisées dans les études économétriques.
217 ESCEW 10 F bis
15
ne peut excéder 60% du PIB. Seules la Bulgarie, l’Estonie (jusqu’en 2008) et la Russie ont
systématiquement enregistré des excédents budgétaires au cours des cinq années qui ont
précédé la crise. (BERD, EIU) Les circonstances sous-tendant ces excédents varient toutefois
considérablement. C’est ainsi, par exemple, que les impressionnantes réformes structurelles
menées en Estonie et en Bulgarie ont renforcé l’austérité de leur politique budgétaire, essentielle
à la pérennité de petits États dotés d’une économie ouverte et d’une monnaie étroitement
stabilisée (voir ci-dessous). Quant aux excédents budgétaires de la Russie, ils étaient –
globalement – le fruit des cours élevés du pétrole et du gaz, qui représentent une part importante
des exportations russes et des recettes publiques. La Bosnie-Herzégovine a également enregistré
des excédents budgétaires jusqu’en 2006, mais cette situation a commencé à se fragiliser en
raison de l’impasse qui a suivi les élections parlementaires dans l’entité bosniaque formée par la
Republika Srpska en octobre 2006. Les finances de la Bosnie-Herzégovine se sont rapidement
détériorées en 2007 et 2008, peut-être parce que l’affaiblissement de l’influence du Haut
représentant de l’UE a supprimé une source « extérieure » de discipline budgétaire dans ce pays
divisé. La Bosnie-Herzégovine constitue peut-être un exemple extrême, mais son histoire récente
démontre à quel point une politique de circonstance peut très rapidement porter préjudice à la
stabilité économique à long terme d’un État.
45. Les seize autres pays ECO ont également enregistré des déficits, pour la plupart supérieurs
à la limite des 3%. Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, l’attrait de l’adhésion à
l’UE fournit de puissants incitants aux réformes économiques, mais celles-ci semblent s’estomper
une fois l’adhésion assurée. Toutefois, si les budgets de plusieurs pays ECO ont connu un
relâchement au cours de ces dernières années, il n’est pas dû à leur entrée dans l’UE, puisque le
processus a débuté une fois l’adhésion « dans la poche ». (Lewis, 2009) La même situation s’est
présentée en République tchèque, en Pologne et en Hongrie au cours des années qui ont
précédé leur adhésion à l’OTAN. (Berger et al, 2007) Les déficits des Républiques tchèque et
slovaque ont cependant considérablement diminué en 2007 et en 2008, ce qui a quelque peu
atténué la charge budgétaire durant la crise. En revanche, à partir de 2003, l’Albanie, la Pologne
et la Hongrie ont enregistré des déficits bien supérieurs à la limite des 3% (du PIB). (BERD, 2009 ;
EIU) De plus, depuis 2006, la dette générale de la Hongrie est supérieure à 60% de son PIB.
Pour le Bélarus, la Moldova et l’Ukraine – où le désir d’adhérer à l’UE est moins tranché – les
finances de l’État sont en partie sujettes à des accords de financement et de réforme avec le FMI,
seule l’Ukraine ayant enregistré des déficits constants, bien que modestes, avant la crise.
46. En comparaison, en 2008, la moyenne des déficits des 27 pays membres de l’UE se situait à
- 2,3% du PIB, tandis que la charge moyenne de la dette était de 63,2% (ces chiffres étant
légèrement moins bons pour la zone euro). Les données les plus récentes montrent que la
moyenne non pondérée pour les membres de l’UE en Europe centrale et orientale était de -2,5%
en 2008 et de -0,7% seulement pour les pays n’appartenant pas à l’Union.9 Le niveau moyen de la
dette de la région est plus impressionnant encore, puisqu’il n’atteint que 26,5% - hormis en
Albanie (55,9%) et en Hongrie (72,6%). Dans l’ensemble, avant la crise, les déficits publics en
Europe centrale et orientale (y compris ceux des pays non membres de l’UE) étaient inférieurs à
ceux des économies développées en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. Plusieurs
membres méridionaux de l’UE avaient d’ailleurs atteint des niveaux d’endettement
particulièrement élevés à la veille de la crise, en partie parce que leur position dans la zone euro
réduisait considérablement les écarts d’intérêts, ce qui encourageait d’importants afflux de
capitaux. Ces afflux se sont avérés intenables lorsque la crise a éclaté. Comme ces
gouvernements ne disposent pas de la souplesse requise pour dévaluer leur monnaie afin de
relancer la croissance, ils sont contraints de choisir entre une austérité intérieure douloureuse ou
9
Pour les pays ECO non membres de l’UE, l’Albanie, le Bélarus et le Monténégro sont exclus, car les
données les plus récentes de l’EIU n’incluent pas leurs budgets révisés. Selon des données de la
BERD de novembre 2009, le solde budgétaire des non-membres de l’UE est de -1,0% du PIB, non
pondéré.
217 ESCEW 10 F bis
16
l’option très risquée d’un défaut de paiement (partiel). A ce jour, c’est la première solution qui est
choisie et l’Europe ne ménage pas ses efforts pour que la seconde option soit définitivement
inacceptable.
47. Une dynamique similaire apparaît également chez certains candidats à l’adhésion à la zone
euro, même s’ils ont théoriquement la possibilité de dévaluer leur monnaie avant leur adhésion.
Cette solution a toutefois été évitée dans les pays baltes et en Bulgarie, en faveur de la stabilité à
long terme que l’adhésion à la zone euro est supposée apporter. (Soros) Dans plusieurs pays, des
mesures d’austérité très rigoureuses ont récemment été adoptées pour remédier le plus
rapidement et le plus radicalement possible aux insuffisances budgétaires. La marge budgétaire
discrétionnaire disponible en Europe centrale et orientale est d’ailleurs désormais
considérablement plus réduite, leur accès aux financements étrangers étant actuellement
considérablement limité. L’enseignement malheureux à tirer de cette situation est que, en dépit de
niveaux de croissance et de stabilité élevés et de la myriade d’avantages qu’apporte l’adhésion à
l’OTAN et à l’UE, les gouvernements d’Europe centrale et orientale devront probablement
continuer à faire preuve d’une plus grande austérité budgétaire que les économies plus évoluées,
car ils sont davantage tenus d’apaiser les craintes des investisseurs étrangers quant aux risques
de défaillance.
B.
LES MESURES ADOPTEES EN PLEIN CŒUR DE LA CRISE
48. Au cours de l’année 2009, la plupart des gouvernements de la région, à l’exception de celui
de la Bulgarie, ont adopté des mesures budgétaires et monétaires expansionnistes visant à
soutenir la demande globale. (Darvas, 2009) Les mesures budgétaires se sont traduites par un
soutien aux personnes les plus vulnérables - aux chômeurs en particulier. De nombreux pays ont
en outre fourni des crédits aux entreprises, financé des projets d’infrastructures et réduit les
impôts. (Darvas, 2009) La place nous manque ici pour procéder à l’évaluation de tous ces
programmes de dépenses. Rappelons simplement qu’en raison d’une marge de manœuvre
budgétaire limitée, les mesures de dépenses supplémentaires ont généralement été
contrebalancées par des mesures de consolidation. Cette consolidation a, en règle générale, été
mise en œuvre par le gel des salaires et/ou le blocage de l’embauche dans le secteur public, par
l’augmentation des taxes à la consommation, ainsi que par des coupes sombres dans tous les
autres domaines « non essentiels ». Le bon côté des choses est que la consolidation forcée
favorisera les réformes structurelles nécessaires pour conférer une assise plus solide aux
différents budgets nationaux. (FMI, 2009b) Certains économistes redoutent que les dirigeants
européens aient opté trop rapidement pour l’austérité et qu’il existe un risque généralisé
d’aggraver la récession si les gouvernements réduisent radicalement les dépenses alors que la
vulnérabilité économique est toujours bien présente. Le timing du retrait des mesures de relance a
d’ailleurs fait l’objet d’un débat animé cette année. Manifestement, chaque pays doit tenir compte
de sa situation particulière, mais il est essentiel de prendre conscience qu’au niveau mondial, la
faiblesse de la demande demeure une entrave fondamentale à une reprise soutenue.
49. L’insolvabilité du système bancaire suscite également des préoccupations. Conformément à
la directive de la Commission européenne, 12 pays ECO10 ont accru la garantie de l’Etat sur les
dépôts bancaires. Les membres de l’UE ont porté leur garantie au montant recommandé de
50 000 euros, tandis que l’Albanie et la Croatie ont respectivement doublé et quadruplé la garantie
sur les dépôts. Des politiques d’injection de liquidités et de recapitalisation des banques ont
également été mises en place, bien qu’à des niveaux moindres que ceux adoptés par les
économies de libre marché plus matures. Cela s’explique en grande partie par le rôle important
des banques étrangères en Europe centrale et orientale. (BERD, 2009) Parmi les six pays qui ont
10
Albanie, Bulgarie, Croatie, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque,
République tchèque, Roumanie, Slovénie.
217 ESCEW 10 F bis
17
soutenu le secteur bancaire, la Russie et l’Ukraine ont apporté le soutien le plus important et le
plus direct à leurs systèmes bancaires respectifs, ce qui n’est pas vraiment étonnant lorsqu’on sait
qu’elles font partie des pays ECO présentant la proportion la moins élevée de banques étrangères
et la proportion la plus élevée de banques d’État. (BERD, 2009) La Bosnie-Herzégovine et le
Monténégro ont des économies de taille modeste mais relativement ouvertes, au sein desquelles
la présence des banques étrangères est importante (les institutions étrangères s’y adjugeaient
84,6 et 95% des dépôts bancaires en 2008). Des programmes d’injection de liquidités (et, pour la
Bosnie-Herzégovine, de recapitalisation des banques) y ont toutefois été mis en œuvre sous les
auspices du FMI et d’autres organismes internationaux, afin d’atténuer l’incertitude généralisée.
Signalons enfin que les économies de la Hongrie et de la Lettonie sont les plus évoluées des six,
mais que leur position budgétaire était particulièrement délicate lorsque la crise a éclaté. Bien que
la Lettonie disposât de fondamentaux solides en 2008, son système bancaire était considéré
comme plus vulnérable que ceux de ses voisins, en partie parce que les banques étrangères ne
détenaient que 65,7% des dépôts nationaux, contre 91,8% et 98,1% respectivement en Lituanie et
en Estonie. Les banques d’État s’adjugeaient en outre près de 20% des dépôts en 2008, seuls le
Bélarus et la Russie présentant des pourcentages plus élevés.
50. Manifestement, le soutien clair et déterminé d’organismes financiers, comme le FMI et la
BEI, et de diverses banques étrangères opérant en Europe centrale et orientale a joué un rôle
déterminant durant la crise. (BERD, 2009) La Banque européenne pour la reconstruction et le
développement a contribué à la stabilisation des banques dans la région, en orchestrant un
processus méthodique de désendettement par vente d’actifs, ce qui a contribué à éviter la
panique. L’UE a consenti des prêts à faible taux d’intérêt pour aider les pays à respecter leur
calendrier de remboursement, tandis que le FMI a fourni des crédits vitaux, sans imposer le genre
de conditions qui avaient suscité des problèmes lors des crises précédentes.
51. Signalons enfin que de nombreux pays ont pris des mesures exceptionnelles pour tenter de
défendre le taux de change de leur monnaie. Les monnaies stabilisées de la Bulgarie, de la
Croatie, de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Roumanie ont subi
d’énormes pressions en raison de la brusque inversion des flux de capitaux. En février 2009, le
coût à supporter pour garantir les obligations d’État à 5 ans de ces pays s’envola de plus de
600 points de base (avec un pic à près de 1 200pb pour la Lettonie). La défense de la stabilisation
des monnaies a obligé les banques centrales de ces pays à dépenser une part importante de
leurs réserves en devises étrangères. La dévaluation n’était pas considérée comme une option
désirable par les pays confrontés à d’importantes dettes exigibles libellées en devises étrangères,
ce qui a contraint leurs gouvernements à adopter des mesures d’austérité pour préserver le taux
de change. Cela a été notamment le cas pour les pays baltes, où la croissance, les salaires et
l’emploi se sont, en conséquence, effondrés. Plus coûteuse encore fut l’incapacité de la Russie à
gérer le flottement de sa monnaie : après avoir dépensé un tiers de ses énormes réserves, elle a
finalement renoncé aux mesures de stérilisation et une dépréciation de 20% du rouble a été
autorisée. (Darvas, 2009) L’Ukraine n’est pas davantage parvenue à gérer le flottement de sa
monnaie, mais lorsque l’écart du marché des assurances sur le risque de défaut de paiement a
dépassé 5 000 points de base, le pays est passé à une politique de flottement libre sous les
auspices du FMI, sous la forme d’un accord « standby ». Il va de soi que les pays aux monnaies
flottantes (c.-à-d. la Pologne et la République tchèque) n’ont pas été obligés de défendre une
stabilisation coûteuse de leur devise et que la dévaluation de leur monnaie qui en résulte
entraînera une relance de leurs exportations en 2010 et en 2011.
217 ESCEW 10 F bis
18
IV.
L’EXPERIENCE DE LA LETTONIE ET DE LA BULGARIE
A.
LA LETTONIE
52. Notre Commission a eu l’occasion de visiter cette année la Lettonie et la Bulgarie, et elle se
rendra en République tchèque après la mise sous presse du présent rapport. Le cas de la Lettonie
s’avère particulièrement intéressant, car ce pays a subi le plus fort ralentissement de l’activité
économique en Europe. Après une contraction de 4,2% en 2008, le produit intérieur brut letton a
diminué de pas moins de 18% en 2009 et connaîtra probablement une nouvelle diminution de
2,3% en 2010, avant de retrouver finalement la croissance en 2011. (FMI, Perspectives de
l’économie mondiale) Au cours de la décennie qui a précédé la crise, la Lettonie et les autres pays
baltes s’appuyaient sur les économies connaissant la croissance la plus rapide en Europe. La
Lettonie enregistrait régulièrement des taux de croissance réelle de plus de 10%. L’augmentation
incessante des échanges commerciaux et des investissements à une époque de crédit facile dans
le monde alimentaient les projections de croissance. Alors que les capitaux étrangers affluaient et
que les crédits augmentaient rapidement, les prix montaient progressivement. A la mi-2008,
l’inflation atteignait près de 18%. (Exposé à la BoL) Mais le niveau des salaires progressait bien
plus rapidement que le taux de productivité des travailleurs. (Vilipisauskas, Rose-Roth) C’est ainsi
que les salaires nominaux moyens ont plus que doublé entre 2000 et 2008, alors que la
productivité ne progressait que de moins de 50%. (BoL) Des crédits bon marché libellés en euros
alimentaient ce qui s’est avéré un rythme insoutenable d’augmentation des salaires. Il était
toutefois politiquement difficile de préconiser un ralentissement de l’expansion des crédits alors
que le pays connaissait une croissance sans précédent. Il est un fait que les bulles du crédit sont
plus faciles à détecter après leur éclatement, mais il existait néanmoins des signes patents
trahissant l’apparition de problèmes. Le déficit des comptes courants avait presque été multiplié
par quatre, passant de 6,6% du PIB en 2002 à 22,3% en 2007. Paradoxalement, alors que
l’économie perdait son avantage concurrentiel en termes de coût de la main-d’œuvre, la
croissance économique continuait à fortement progresser, car la consommation alimentée par le
crédit et les investissements compensait la détérioration de la balance commerciale. Cette
situation ne pouvait manifestement pas durer et a constitué un facteur central de l’effondrement
économique du pays.
53. Avec l’Estonie et la Lituanie, la Lettonie était considérée comme l’une des candidates les
plus proches du passage à l’euro. La Banque de Lettonie s’était engagée à maintenir un taux de
change stable avec la devise européenne (à 0,703 lats/1 €). Concrètement, cela l’empêchait
d’exercer une politique monétaire indépendante. Mais lorsque la crise éclata, la fuite des capitaux
étrangers pénalisa le pays, une situation qui ne tarda pas à asphyxier les entreprises et les
consommateurs, habitués à disposer de crédits bon marché. Si le taux de change avait été
flottant, la banque centrale aurait été en mesure d’abaisser le taux d’intérêt ou d’instaurer des
mesures d’assouplissement quantitatif, afin d’accroître la disponibilité du crédit. Dans le cadre d’un
régime de taux de change fixe, il n’existe toutefois aucune marge de manœuvre pour procéder de
la sorte. La Banque de Lettonie était déterminée à maintenir le taux de change antérieur à la crise,
en dépit de la « dévaluation intérieure » massive qui en résultait. Cette situation a représenté un
facteur essentiel de l’effondrement de la croissance et de la montée en flèche du chômage qui
s’en est suivie. Mais les autorités ont considéré que, vu le niveau élevé de la dette libellée en
devises étrangères, une dévaluation aurait eu davantage d’effets néfastes à long terme, tout en
hypothéquant gravement le passage à l’euro.
54. Le gouverneur de la Banque de Lettonie était d’avis qu’une dévaluation aurait porté
préjudice à la crédibilité du pays et augmenté le nombre de faillites. Qui plus est, elle aurait
généré moins d’incitants à l’amélioration de la productivité, tout en n’étant malgré tout pas
suffisante pour remédier au gigantesque déficit des comptes courants. (AP-OTAN, printemps)
Dans les faits, la décision de la Lettonie de maintenir son taux de change fixe s’est traduite par
d’innombrables souffrances à court terme afin de jeter les bases d’une croissance à plus long
217 ESCEW 10 F bis
19
terme. Certains signes indiquent que cette thérapie de choc commence à porter ses fruits. Cet
été, la BERD a revu ses prévisions de croissance à la hausse (de -3,0% à -2,0%) et l’Economist
Intelligence Unit note que, depuis janvier, la production industrielle s’accroît à un taux respectable
sur une base annuelle. De plus, en juin 2010, l’économie lettone a atteint un niveau de production
industrielle équivalent à la production record de 2008 (EIU, 6 juillet) et tout porte à croire que le
pays est en passe de retrouver sa compétitivité.
55. La réaction à l’effondrement économique en Lettonie a été entravée davantage encore par
une marge de manœuvre restreinte sur le plan budgétaire. La Lettonie avait connu des déficits
budgétaires relativement mineurs dans les années ayant précédé la crise, mais – en 2008 déjà –
la baisse des recettes fiscales et l’accroissement des demandes adressées aux services sociaux
ont généré un déficit équivalent à 4% du PIB. Pour soutenir un système social débordé et rétablir
une certaine stabilité économique, la Lettonie s’est tournée vers le FMI, l’UE et les gouvernements
scandinaves en décembre 2008, afin d’obtenir 7,5 milliards d’euros dans le cadre d’un programme
de sauvetage. (FT, 2010a) L’accord conclu prévoyait pour la Lettonie un déficit budgétaire de
8,5% du PIB en 2010, ce qui offrait une marge de manœuvre pour fournir une certaine protection
aux plus pauvres et financer des politiques actives en faveur du marché du travail et des
programmes d’emplois temporaires. (FMI, 2010d) La Banque mondiale a également offert son
soutien à ce programme d’urgence. (Banque mondiale, 2010b) Cet accord « standby » sans
précédent expire à la fin 2011 mais, suite au redressement économique, le gouvernement letton
considère désormais qu’il peut éviter de puiser dans les capitaux de secours mis à sa disposition
par des donateurs scandinaves. Il s’agirait là d’un signe très encourageant de reprise économique
stable.
B.
LA BULGARIE
56. Durant la crise économique mondiale, le ralentissement économique enregistré par la
Bulgarie s’est avéré moins important qu’en Lettonie, mais le pays a dû faire face à d’autres
problèmes structurels à l’origine d’obstacles potentiels majeurs pour sa croissance économique à
long terme. Bien que le pays ait connu une transition rapide en vue de son adhésion à l’UE, les
problèmes liés à la corruption et aux lacunes persistantes de son appareil judiciaire suscitent de
profondes inquiétudes pour l’Union européenne et les réformateurs bulgares. Dans d’autres
domaines, les réformes semblent plus réussies, ce qui a sans doute permis à la Bulgarie d’être
relativement moins vulnérable au ralentissement de l’économie mondiale. Avant même l’adhésion
de la Bulgarie à l’Union en 2007, ses finances publiques demeuraient dans les limites du Pacte de
stabilité et de croissance. L’Etat générait même des excédents budgétaires et la dette publique
avait commencé à diminuer (pour atteindre 14,1% du PIB en 2008). A l’instar de la Lettonie, la
monnaie bulgare s’est stabilisée face à l’euro et cette stabilisation a été maintenue lors de la
récente crise. Cette politique a contribué à encourager d’importants afflux de capitaux au cours de
la décennie écoulée, mais les conditions de crédit étaient particulièrement sévères en Bulgarie, en
raison de la réglementation stricte mise en place au lendemain de la crise financière de 1997. Au
cours des années de prospérité, le PIB bulgare a augmenté de façon relativement modérée (6 à
7%) avant de connaître une contraction comparativement minime mais néanmoins douloureuse de
5% en 2009. (FMI, 2010c)
57. La prudence budgétaire de la Bulgarie trouve son origine dans la crise inflationniste de 1997.
(Réunion à la BNB) Les ravages économiques qui en ont résulté expliquent les efforts des
gouvernements successifs pour juguler les dépenses et assurer un maximum de stabilité et de
prévisibilité. Bien que la stabilisation de la monnaie par rapport à l’euro empêche la banque
centrale de mener librement la politique monétaire de son choix, des réglementations financières
rigoureuses ont permis de serrer la bride aux banques. C’est ainsi, par exemple, que lorsque la
croissance du crédit a atteint 45% en 2007, les autorités ont réagi en portant le ratio d’adéquation
du capital à 17%, allant ainsi bien au-delà des exigences de Bâle II. (Réunion à la BNB) Ce capital
217 ESCEW 10 F bis
20
tampon s’est avéré très utile en 2008 et en 2009, lorsque les investissements étrangers se sont
taris. Les flux de capitaux ont diminué de 54% entre 2008 et 2009, mais les réserves intérieures
de capitaux générées grâce à la réglementation ont contribué à éviter l’effondrement de
l’économie. (CEE-ONU, 2010). La Bulgarie n’est pas le seul pays dans cette situation. La
République tchèque a, elle aussi, veillé à donner une assise stable à ses pratiques bancaires et à
son budget. (The Economist, 20 mars 2010)
58. Le gouvernement s’est en outre astreint à une discipline budgétaire exemplaire au cours des
années qui ont précédé la crise, ce qui lui a conféré une certaine souplesse lors du récent
ralentissement économique. Le déficit budgétaire pour 2010 est estimé à 4% du PIB et c’est la
première fois qu’il dépassera 3% en plus d’une décennie. (EIU, 2010) Les dépenses
d’infrastructure et sociales ont néanmoins partiellement contrebalancé certains des pires aspects
de la crise et évité les désordres sociaux que le ralentissement économique aurait pu provoquer.
La Bulgarie n’en demeure pas moins confrontée à des problèmes de compétitivité. Une part
importante des exportations bulgares relève du secteur textile et est directement en concurrence
avec les exportations chinoises et d’autres producteurs à faible coût d’Asie de l’Est. (Réunion à la
BNB) La corruption continue à peser sur l’économie nationale et affaiblit l’efficacité de l’État. Y
remédier s’avérera essentiel pour améliorer la compétitivité bulgare et les membres de la
Commission ont appris qu’il s’agit désormais d’une priorité absolue du gouvernement actuel.
V.
L’IMPACT SUR LES DEPENSES MILITAIRES
59. Alors que les gouvernements de la région consolident leur budget en procédant à des
réductions des dépenses et à des augmentations des taxes, d’aucuns s’inquiètent, dans les
milieux de l’OTAN, de l’incidence de cette situation sur les dépenses militaires. Même avant la
crise, plusieurs pays de l’ex-Yougoslavie, de même d’ailleurs que la République tchèque et la
Hongrie, avaient déjà réduit leur budget militaire. Il n’en demeure pas moins que les dépenses
militaires globales de la région se sont accrues d’environ 7 à 8% au cours des trois années qui ont
précédé la crise. (SIPRI, 2010) Les données les plus récentes du SIPRI montrent que, en
moyenne non pondérée, les dépenses militaires ont progressé de 4,2% en 2008 et diminué de
1,2% en 2009. Lorsqu’on les considère en tant que pourcentage du PIB cependant, l’on constate
que, en raison de l’importante contraction observée dans la région en 2009, les dépenses
militaires ont augmenté pour passer de 1,8 à 2,1% du PIB (tous les pays sauf le Monténégro
ayant maintenu ou accru leur allocation proportionnelle). Il ne faut pas oublier que la souplesse
d’ajustement des dépenses de défense est moindre à court terme et que l’impact de la crise sur
ces dépenses ne pourrait dès lors apparaître qu’à posteriori.
60. Il va de soi que ces moyennes dissimulent d’importantes différences au sein de la région qui
sont aussi bien fonction de la perception de menaces et des ambitions stratégiques que des
facteurs économiques. La Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Lituanie, la Moldova, le Monténégro, la
Roumanie, la Serbie, la Slovaquie et l’Ukraine ont tous réduit leurs dépenses militaires réelles d’au
moins 5,8% en 2009 (la plupart des réductions se situent dans une fourchette allant de 7 à 10%).
Il est tout à fait remarquable de constater que la Lettonie et la Russie ont chacune accru leur
budget de la défense en 2008 et en 2009. En tenant compte de la forte contraction économique,
l’on estime que le budget militaire letton est passé de 1,7% en 2007 à 2,6% du PIB en 2009. Les
dépenses militaires de la Russie sont passées de 3,5 à 5.0% (de loin la plus importante
augmentation proportionnelle des dépenses en ECO depuis les conflits des Balkans). Cela ne
pourra que susciter certaines préoccupations parmi les voisins de la Russie. La taille immense de
celle-ci signifie que les dépenses militaires totales dans la région sont passées de 90,8 milliards
de dollars en 2008 à 93,1 milliards de dollars en 2009, la Russie s’adjugeant plus de 65% de cette
somme.
217 ESCEW 10 F bis
21
Dépenses militaires (en millions de dollars américains)
Albanie
Bélarus
BosnieHerzégovine
Bulgarie
Croatie
République
tchèque
Estonie
Hongrie
Lettonie
Lituanie
L’ERY de
Macédoine
Moldova
Monténégro
Pologne
Roumanie
Russie
Serbie
Slovaquie
Slovénie
Ukraine
TOTAL
2000
98,9
296
2001
112
369
2002
112
383
2003
126
388
2004
138
469
2005
143
611
2006
175
793
2007
217
865
2008
256
883
2009
276
1 036
n/d
945
1 411
n/d
1 046
1 307
453
1.056
1.414
315
1076
1 144
283
1 052
1 002
236
1 076
987
227
1 067
1 096
226
1 239
1 134
243
1 220
1 299
276
1 127
1 191
3 280
182
2 078
146
429
3 155
212
2 292
183
457
3 371
253
2 235
299
481
3 663
293
2 402
345
577
3 514
309
2 223
372
603
3 842
384
2 201
433
594
3 549
432
1 973
545
643
3 318
524
2 010
602
714
2 833
506
1 868
634
726
3 246
460
1 900
692
648
139
14,2
n/d
7 072
2 250
29 700
1 692
1 102
443
2 658
53 936
441
15,6
n/d
7 240
2 360
33 000
1 347
1 241
544
2 245
57 567
192
18,3
n/d
7 362
2 348
36 600
1 490
1 257
604
2 387
62 315
174
19,9
n/d
7 707
2 422
39 000
1 306
1 334
628
2 758
65 678
183
17,8
n/d
8 148
2 604
40 600
1 207
1 239
667
2 977
67 608
172
20,7
n/d
8 532
2 754
44 200
1 011
1 343
679
3 606
72 825
163
26,3
69,9
8 852
2 839
48 400
1 020
1 362
778
4 045
78 055
186
29,9
63,7
9 863
2 722
52 500
1 150
1 377
783
4 917
84 441
173
36,8
71,2
10 626
3 000
58 300
1 136
1 410
829
4 811
90 861
204
27,5
57,9
10 860
2 616
61 000
1 070
1 316
888
4 258
93 149
Source : Base de données du SIPRI sur les dépenses militaires, consultée le 31 août 2010
VI.
RECOMMANDATIONS ET CONCLUSION
61. A la suite de la pire crise économique mondiale depuis la Grande dépression, il est crucial
que tous les gouvernements s’abstiennent d’adopter des mesures protectionnistes, car le coût à
long terme du protectionnisme dépasse largement ses avantages immédiats et à courte vue. Il
convient en particulier de noter que rien dans la crise actuelle ne modifie notre perception du libre
échange, qui a notamment pour avantages une croissance plus forte, un choix plus large pour le
consommateur et une solidarité internationale.
62. Les gouvernements de l’Europe centrale et orientale continueront à être confrontés à des
défis sociaux, politiques et économiques préoccupants à la suite de la crise. Ceci étant, les
gouvernements de la région devront prendre conscience que la consolidation budgétaire est
inévitable, mais qu’elle doit faciliter le genre de réformes structurelles et d’investissements qui
encourage la croissance à long terme, ainsi que la viabilité budgétaire.
63. Ni l’appartenance à la zone euro, ni un régime monétaire flexible n’isoleront les pays de
l’impact de la crise mondiale. En fin de compte, une politique monétaire appropriée repose non
seulement sur les fondamentaux économiques, les institutions et les pratiques de chaque pays,
mais également sur la culture économique propre à celui-ci, ainsi que sur ses priorités politiques,
diplomatiques et économiques.
64. A terme, les gouvernements de l’Europe centrale et orientale de même que ceux de
l’ensemble de l’OCDE devront ajuster leur approche en matière de politique budgétaire pour veiller
217 ESCEW 10 F bis
22
à faire des économies durant les périodes de boom, afin de disposer des fonds nécessaires au
financement des mesures d’austérité lors des périodes de basse conjoncture. Ils contribueront
ainsi à modérer plutôt qu’à exacerber l’impact des cycles économiques. Cela n’est pas toujours
chose facile et les modifications institutionnelles, de même qu’un débat public franc sur les
questions budgétaires, sont essentiels. La crise nous apprend notamment que de nombreux
gouvernements ont mené des politiques pro-conjoncturelles qui ont provoqué des bulles
financières et les ont, en fin de compte, privés des ressources nécessaires pour faire face à
l’éclatement de ces bulles. Cette situation doit changer. Ceci étant, la plupart des gouvernements
se sont très bien comportés en s’adaptant aux nouvelles conditions économiques et certains,
comme en Lettonie et en Hongrie, ont dû procéder à des réajustements massifs pour faire face à
d’importants déficits des comptes courants et budgétaires. A certains égards, cette attitude
pourrait servir de modèle à des décideurs politiques plus timorés en Occident qui ont parfois tardé
à réagir aux événements. Enfin, il convient de reconnaître le courage et le sacrifice patient des
citoyens de nombreux pays d’Europe centrale et orientale, car ils ont affronté ces temps difficiles
avec un remarquable stoïcisme. Grâce à cela, ces pays sont généralement parvenus à maintenir
la stabilité politique et sociale. Il s’agit là d’un témoignage de la force de ces démocraties et de
leurs sociétés civiles.
65. Les réformes budgétaires doivent privilégier des programmes favorables à la croissance, qui
améliorent le capital humain, encouragent l’innovation et assurent l’édification d’infrastructures.
Les réductions des dépenses par exemple doivent cibler les politiques publiques inefficaces, tout
en rationalisant les droits à la retraite et aux soins de santé, afin d’assurer la pérennité à long
terme de ceux-ci, surtout en raison des tendances démographiques. La majeure partie de la
région doit affiner les politiques conçues pour faire face au vieillissement de la population active, à
la faiblesse des infrastructures et à l’émergence de puissants concurrents directs en Asie. Cela
accentue davantage encore le caractère crucial des réformes. Certains pays doivent améliorer
leurs méthodes de perception de l’impôt. Tout accroissement des taxes doit se focaliser sur la
consommation et l’utilisation des ressources naturelles, plutôt que de pénaliser les sources de
croissance potentielles. Manifestement, le maintien de la santé publique et de normes d’éducation
élevées doit demeurer une priorité, car cela est indispensable à la prospérité économique à long
terme. Qui plus est, plusieurs pays pourraient accroître leurs recettes par le biais d’un régime
fiscal plus progressif, susceptible d’alléger la charge supportée par les segments les plus
vulnérables de la société. Une fois encore, rappelons que nombre de ces réformes sont
également nécessaires dans l’ensemble de l’OCDE.
66. Une remise en cause des avantages séculaires liés à la libéralisation totale des comptes de
capitaux est à l’ordre du jour. Les mouvements de capitaux à court terme vers et en provenance
des économies émergentes peuvent avoir un effet déstabilisateur majeur et certaines mesures de
contrôle pourraient être adoptées pour contribuer à isoler les structures des marchés fragiles des
caprices des investisseurs internationaux. Les gouvernements des pays en transition doivent être
attentifs aux dettes libellées en devises étrangères supportées par les ménages. Lorsque ces
dettes dépassent un certain seuil, c’est toute l’économie qui devient très vulnérable à un
ralentissement économique.
67. Au moment de la rédaction de ce rapport, il est encore difficile de dire si le monde se dirige
vers une seconde récession ou si le taux actuel de croissance relativement faible pourra être
maintenu. Certains signes permettent toutefois de craindre une aggravation des conditions de
subsistance des populations pauvres. C’est ainsi, par exemple, que les prix des produits
alimentaires sont repartis à la hausse, ce qui pénalise les plus pauvres de manière
disproportionnée. Les solutions à ce problème particulier doivent inclure des mesures
multilatérales et des échanges commerciaux plus ouverts au niveau des produits alimentaires. A
cet égard, la décision de la Russie d’imposer des restrictions aux exportations de céréales ne fera
qu’exacerber plutôt qu’améliorer la sécurité alimentaire de la région et représente un pas en
217 ESCEW 10 F bis
23
arrière pour une industrie alimentaire russe qui a la possibilité de jouer un rôle majeur sur les
marchés mondiaux.
68. Les budgets de la défense sont vulnérables au type de ralentissement économique que
connaît actuellement l’Europe. Les nouveaux membres de l’OTAN vont connaître de fortes
pressions politiques pour la réduction de leurs budgets de la défense respectifs. Un certain degré
d’économie pourrait s’avérer nécessaire et l’un des moyens d’y parvenir consiste à parvenir à une
efficience nouvelle, en optimisant l’intégration de la défense européenne et la coopération de
l’industrie militaire. Un accroissement du commerce et de la coopération transatlantiques en
matière de défense pourrait, naturellement, s’avérer particulièrement utile à cet égard.
217 ESCEW 10 F bis
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