Peter LEWIS- 1980 (édition française ; édition originale de 1968)
La France à la fin du Moyenge
Avant-propos
L’ouvrage n’a donc pas pour objet principal la guerre mais se veut une synthèse des rapports complexes
de l’Etat, de son pouvoir et de ses institutions avec la société, dans la France des XIVe et XVe siècles,
dans un contexte de guerre quasi-permanente. Bernard Guenée présente ainsi l’ouvrage de Peter Lewis :
« P.S. Lewis entend étudier « The Polity », ce que Christine de Pizan avait appelé « le corps de policie », ce
que nous appellerions plus volontiers aujourd’hui la société politique. ». Certains aspects ont été laissés de
côtés parce qu’ils n’intéressent pas directement notre programme, ou parce qu’ils sont traités de manière
complète par ailleurs, d’où un certain déséquilibre entre les différents chapitres. Je me suis néanmoins
efforcé de retranscrire les traits principaux de la réflexion de l’auteur qui permettent une approche
politique de la guerre et de sa place dans la société.
Selon l’auteur lui-même, son œuvre traite essentiellement du problème du pouvoir car, «le processus du
pouvoir n’est pas une partie distincte, pouvant être envisagée indépendamment du processus social ; il
n’est que l’aspect politique d’un tout interdépendant. Mieux encore, il n’est que l’aspect politique de
l’ensemble du processus social. »Il s’agit ainsi de saisir quelles sont les transformations de l’Etat et du
pouvoir royal dans un contexte de guerre, quelles sont les articulations entre la guerre et la société
politique : par exemple quel rôle joue la guerre dans le processus de légitimation des souverains ? Nous
verrons pourquoi Peter Lewis tient ce rôle pour central.
Dans un contexte d’affaiblissement de la royauté, des princes entreprennent de former de véritables
principautés territoriales : en formant une administration et une armée efficaces, en diffusant une
véritable propagande auprès de leurs sujets, en renouvelant les formes de fidélité féodales : autour de
princes comme le comte de Foix, le duc de Bretagne, le duc d’Orléans et bien d’autres s’organisèrent des
réseaux d’alliances, des clientèles, qui affaiblirent encore un royaume affaibli par la guerre contre
l’Angleterre.
Face à ces divisions c’est bien souvent la force des armes qui s’avèrera décisive. Le roi s’impose
définitivement par son armée, et en particulier grâce à son artillerie dans de nombreuses provinces. Cette
puissance militaire n’aurait néanmoins pas été suffisante si les Valois n’avaient affirmé leur légitimité
par une habile propagande, également étudiée par Peter S. Enfin, les rois de France triomphent par la
guerre, mais surtout par la paix, si ardemment souhaitée par les populations après cent années
d’affrontements et de dévastations.
Chapitre premier : les conditions d’existence
Peter Lewis met en lumière la diversité des pays qui forment le royaume de France, l’incertitude sur les
limites du royaume (liée notamment à l’occupation anglaise de nombreuses régions), l’opposition
linguistique entre langue d’oïl et langue d’oc, qui sont elles-mêmes divisées en de multiples langues
locales, et auxquelles il faut ajouter le basque, le breton, les langues germaniques
Conservatismes
Dans les périodes de guerre, les pays et les villes défendent d’abord leurs propres intérêts avant de venir
en aide à leurs voisins. Ainsi, Peter Lewis rapporte qu’en 1443, les états du Rouergue reçoivent une
demande d’argent pour chasser les Anglais émanant d’une place du Quercy : le conseil de la ville de Millau
arrête de donner une somme la plus maigre possible. Selon Peter Lewis, cette attitude égoïste est la plus
répandue parmi les pouvoirs locaux dans la France de la fin du Moyen-âge.
Le sentiment de la défense des droits et des privilèges particuliers domine toute idée d’intérêt de l’Etat.
Au milieu de cette juxtaposition d’intérêts « En un sens, le roi est l’unique habitant de la France entière. »
Les évolutions vers une loi commune sont lentes : au milieu du XVème siècle, l’influence des « coutumes
du Beauvaisis » de Philippe de Beaumanoir commence à donner des principes communs aux coutumes de
Senlis, Clermont et Valois.
Croyances
Au-delà de l’importance majeure et incontournable de la religion chrétienne, Peter Lewis étudie
l’importance des multiples formes de croyance qui traversent la société. La sorcellerie, l’occultisme, les
hérésies occupent une grande place dans les mentalités du temps. Les chasses aux sorcières sont
fréquentes dans les années 1450-1460 : les paysans de Torcy en Normandie, vers 1455, décident
d’attaquer les sorcières locales.
Les croyances dans les démons ne touchent pas seulement le commun mais aussi les seigneurs : Gaston
Fébus semble avoir possédé son propre « esprit amical » qui lui apprend la triste issue de la bataille
d’Aljubarotta. Le chroniqueur Froissart ne semble pas troublé par ces démons.
L’astrologie est aussi prisée des puissants :
- Thomas de Pisan aurait conjuré les Anglais hors de France par la magie astrologique pour le compte
de Charles V.
- Le duc Jean d’Alençon a fait dresser son horoscope par maître Michel Bars : l’astrologue lui a fourni
un talisman porte-bonheur et une poudre qui peut servir à détecter les ennemis.
Les hommes de guerre ne s’en remettent pas seulement à Dieu, mais combattent aussi en fonction des
prédictions astrologiques, particulièrement pour l’élection des jours favorables pour livrer bataille :
- Maître Laurens de Richemond aurait indiqué aux Bourguignons le bon moment pour prendre Paris
en 1418.
- Louis de Langle, astrologue, tient boutique à Lyon l’on vient de loin pour le consulter. Il a
prédit à Charles VII la bataille de Formigny. Il est également consulté par Jean d’Alençon.
- Bertrand du Guesclin a pour femme une astrologue. Un capitaine anglais a prévu son ascension
d’après les prédictions de Merlin et les étoiles. Il est accompagné d’Yves de Saint-Branchier, expert
en élection des jours favorables ou défavorables aux batailles
La guerre
Dans de nombreuses régions du royaume de France, la guerre est un des éléments dominants de
l’existence : elle contribue à la fragilité de la cohésion de la « France » en tant que concept politique : sa
stabilité dépend de la capacité du roi à s’imposer auprès des plus puissants de ses sujets. L’autorité
politique des grands est particulièrement menaçante lorsqu’elle s’exerce aux marges du royaume.
Les droits anglais et leurs partisans français.
Le caractère endémique de la guerre en France à la fin du Moyen-âge découle de l’opposition de
pouvoirs qui craignent d’être anéantis par la montée en puissance de la monarchie. Ainsi définit-il la
lutte du duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre, contre le roi de France comme « un exemple de la résistance
d’un grand féodal à l’extension dans la pratique d’une souveraineté qu’il ne peut contester en théorie ».
A la source du conflit se trouve la question du droit :
- Au début du XIVème siècle, les rois d’Angleterre ont reconnu la seigneurie du roi de France sur
toutes leurs possessions sur le continent. Dans le cas de la Gascogne, elle date du traité de Paris en
1259 : Henri III reconnaît qu’il la tient de Louis IX en échange de la paix et d’une aide financière. Le
roi d’Angleterre renonçait à ses droits sur la Normandie, l’Anjou, le Maine, la Touraine et le Poitou.
- Or, la reconnaissance de la souveraineté de la France sur la Gascogne était une source de danger
pour le roi d’Angleterre, lui-même souverain empereur dans son royaume, il ne peut accepter de
reconnaître en toutes circonstances le roi de France comme suzerain sous peine de voir sa
légitimité atteinte, d’autant plus par au pouvoir affaibli des derniers Capétiens et des Valois. Peter
Lewis interpte en partie la Guerre de Cent ans sous l’angle de l’attraction centrifuge d’un satellite
particulièrement puissant du royaume. En 1294 et en 1324, le roi de France considère par deux fois
que le duc d’Aquitaine a manqué à ses obligations et lui confisque le duché : les questions
soulevées par le traité de Paris de 1259, notamment celle de l’hommage, ne sont toujours pas
tranchées.
- Edouard III franchit le pas décisif en se proclamant souverain en Aquitaine : arrière-petit-fils de
Henry III, il dénie le titre de roi à l’arrière-petit-fils de Louis IX.
L’auteur souligne l’importance pour les princes et les hommes de guerre d’avoir Dieu à leurs côtés : le
combat anglais se justifie par la prétention à la couronne de France. Un soldat réaliste comme sir John
Fastolf souligne en 1435 que si Henri VI devait abandonner ce titre aux Français, on pourrait proclamer
partout que « toutes les guerres et conquêtes n’ont été qu’usurpation et tyrannie. » Or les rois
d’Angleterre ne maintiennent pas leurs revendications avec constance comme le soulignent les
propagandistes français.
Peter Lewis met ainsi en évidence l’enjeu de la légitimation de la guerre : affirmer avoir le droit pour soi,
c’est s’affirmer comme légitime à combattre et à conquérir, avoir Dieu à ses côtés. Mais il souligne aussi
que la proclamation des justes revendications dépend du rapport de force politique du moment : en
1337, Edouard III proclame ses droits sur le royaume de France alors que les Français interviennent en
Ecosse et en Guyenne ; lorsqu’il s’arroge le titre et les armes de France en 1340 c’est en grande partie pour
séduire les Flamands ; les renonciations des traités de Brétigny et de Calais en 1360 ne seront jamais
suivies d’effet, et les prétentions au trône de France demeurent lorsque la guerre reprend 9 ans plus tard.
Les prétentions se poursuivent sous les règnes de Richard II et Henry IV, prennent une importance
croissante avec la montée en puissance d’Henry V suite à l’invasion de 1415. Par le traité de Troyes en
1420, Henry V devient l’héritier de Charles VI ; la double-couronne revient finalement à son fils Henri VI.
Lorsque les Anglais sont chassés de France en 1453, le roi d’Angleterre prétend toujours au titre.
Cette prétention anglaise sur la couronne de France sert de point d’appui à d’autres revendications
internes au royaume : « En ce sens la guerre entre l’Angleterre et la France a l’aspect d’une guerre
intestine se fondent les autres rivalités intestines. » De fait, la liste est longue des nobles français qui
s’allièrent à la puissance anglaise :
- Robert d’Artois, s’estimant lésé de l’héritage du comté est longtemps considéré par les
propagandistes français comme celui qui poussa Edouard III à l’action à partir de 1330.
- Jean de Montfort se tourne vers Edouard en 1341 de peur de perdre ses droits sur le ducde
Bretagne.
- Geoffroy d’Harcourt en 1343.
- Charles de Navarre intrigue avec les Anglais après 1350.
« Rares sont les grands qui échappent à la tentation de la révolte, et rares sont les rebelles qui
échappent à la tentation de s’allier avec l’ « ennemi ». C’est essentiellement cet état de guerre civile
quasi permanente dans la France de la fin du Moyen-âge qui permet à l’Angleterre ses succès les plus
remarquables entre 1420 et 1450. » A l’inverse la réconciliation de Philippe le Bon avec Charles VII peut
être considérée comme une des causes essentielles de l’échec final des Anglais. Même si après 1453, « la
symbiose entre les princes français mécontents et les prétendants anglais continue (…) comme les
intrigues du duc Jean d’Alençon. »
Les guerres médiévales sont décrites comme des affrontements d’acteurs politiques rationnels aux intérêts
concurrents. Mais les intérêts s’expriment dans les termes du droit car il importe aux belligérants d’être du
côté de Dieu : ils entendent ainsi fonder la légitimité de leur combat, et disqualifier les motifs de
l’adversaire. Les argumentations déployées à cet effet dans les chroniques amènent Peter Lewis à nommer
certains d’entre eux « propagandiste », notamment ceux qui défendent les intérêts des Valois.
Pour l’historien, les phases de succès des belligérants dans la Guerre de Cent ans ont des causes avant tout
politiques: ainsi les nombreux succès anglais face aux armées du roi de France sont-ils possibles du fait de
la désorganisation interne du royaume de France, en proie à une véritable guerre intestine.
Les hostilités
Dans cette partie Peter Lewis décrit les principaux combats de la guerre de Cent ans. Il n’est pas nécessaire
ici de reprendre la chronologie des batailles telle qu’elle est exposée dans les ouvrages consacrés
spécifiquement à la guerre de Cent ans ( cf. notamment Philippe Contamine), en revanche il est utile de
comprendre la grille d’analyse politique des transformations de la guerre proposée par Peter Lewis.
L’historien observe une forme de diffusion de la guerre dans la société par la multiplication des conflits :
« Chaque période majeur du conflit général s’accompagne d’une épidémie de conflits locaux mineurs,
chacun étant susceptible de créer d’innombrables difficultés aux habitants, du seul fait, en partie au
moins de la nature même de la guerre à la fin du Moyen-âge
L’intérêt privé des armées prime souvent sur l’intérêt général qui commence tout juste à émerger :
- Ainsi Edouard III s’est-il engagé à Brétigny à évacuer des forteresses : mais les Français doivent
payer 20000 écus d’or pour 5 d’entres elles tenues en Normandie par Henri de Lancastre. Son
représentant affirme que le traité entre rois ne peut prévaloir sur les intérêts en cause : le
Parlement de Paris accepte l’argument. « Le droit du militaire sur ce qu’il a pris est justifié par la loi
des armes. »
- Les routiers accordent leur fidélité aux seuls capitaines qui les ont recrutés et non aux Français ou
aux Anglais. Après le traité de Calais en 1360, ou d’Arras en 1435, ils continuent à vivre sur le
pays.
- Au XIVème siècle, certains comme Arnaud de Cervole l’archiprêtre dominent de vastes régions à
partir de châteaux qu’ils ont conquis, échappant à toute autre autorité ou justice.
Peter Lewis montre que la fin du Moyen-âge est une période de diffusion de la guerre, et plus largement
de la violence à tous les niveaux de la société. Les formes d’affrontements sont multiples :
- Guerres civiles entre Armagnacs et Bourguignons comme la Praguerie en 1440 ou la guerre du Bien
public.
- Guerre entre nobles comme la grande querelle des maisons d’Armagnac et de Foix
- Les clercs en quête de bénéfices s’affrontent en utilisant l’artillerie.
- « dans les querelles de taverne, les couteaux sortent facilement. » p.80.
L’économie de guerre
Peter Lewis estime que c’est une véritable « épidémie guerrière » qui s’étend dans le royaume de
France. Il souligne néanmoins la difficulté d’évaluer avec précision les dommages démographiques
directement liés à la guerre.
L’auteur estime que les effets de la guerre sur la commerce sont souvent limités car les souverains
manquent souvent de moyens lorsqu’ils souhaitent mettre en œuvre des politiques d’entrave à la
circulation : Louis XI parvient à un certain succès dans son embargo alimentaire contre Charles le
Téméraire, mais il échoue totalement à lui couper les crédits de la banque des Médicis. Les principaux
effets de la guerre sur le commerce sont indirects et sont liés à la piraterie et au brigandage. Le fardeau le
plus lourd lié à la guerre est celui de l’impôt (abordé dans le chapitre 2)
Le sentiment « national »
L’idée de la naissance d’un sentiment national dans la France de la fin du Moyen-âge est souvent
alimentée par la figure de Jeanne d’Arc. « Dans quelle mesure la guerre contribue-t-elle à une prise de
conscience dans la société française de la fin du Moyen-âge ? »
Les victoires de Charles VII et son couronnement à Reims donnent une certaine réalité à la souveraineté du
roi de France sur l’ensemble du royaume. Il est néanmoins difficile pour l’historien d’évaluer la fidélité des
Français à leur roi. Ainsi Froissart assure qu’en 1399 les villes de Gascogne jugent leur liber mieux
garantie par les Anglais et craignent le pouvoir du roi de France. Néanmoins, selon Peter Lewis, on trouve
dans les autres régions de nombreuses preuves de « la résistance patriotique des Français à l’occupant
anglais » : Sir John Fastolf constate que les Français préfèrent Charles VII à Henri VI.
Plusieurs auteurs peuvent être rattachés à une « littérature patriotique française » :
- Jean de Montreuil souligne l’orgueil et la méchanceté des Anglais vers 1411.
- Noël de Fribois les regarde avec « abomination et haine » écrit-il en 1459.
- Christine de Pisan saisit les conséquences morales de la mission de Jeanne d’Arc et met en avant la
main de Dieu qui arrête les Anglais.
Peter Lewis met en avant les motivations politiques des auteurs : leur production littéraire répond à un
besoin d’exaltation du combat de la monarchie française contre les Anglais ; aussi qualifie-t-il ces
auteurs de « propagandistes du camp des Valois. » Ces auteurs s’emparent également du thème du roi
très-chrétien, des symboles de la fleur de lys et de l’oriflamme. Ils s’efforcent de convaincre les sujets de
la droiture morale des Valois. A l’inverse, ils passent au crible l’histoire des Plantagenets afin de
démontrer qu’ils ne sont pas très-chrétiens.
Cette propagande prend son essor à partir du traité de Calais en 1360. Nicole Oresme est
particulièrement actif au service du roi Charles V : par ses commentaires sur la Politique d’Aristote, il est
aussi possible qu’il ait collaboré au Songe du Verger dont plusieurs chapitres critiquent les prétentions
anglaises.
Le rapport des Français à la présence anglaise est très divers selon les circonstances et les milieux
sociaux : les habitants de Bordeaux, de Rouen, certains seigneurs gascons, les ambassadeurs des Etats de
Normandie, certains Parisiens ou habitants de l’ouest, soutiennent ouvertement les Anglais pour une
raison ou pour une autre. Les attitudes peuvent varier selon les circonstances : ainsi Jean Marcel,
marchand et changeur de monnaie à Rouen, prête successivement aux Anglais puis aux Français. Les
familles nobles sont partagées en Normandie et à la frontière franco-bourguignonne. Certaines n’hésitent
pas à partager leurs fidélités pour préserver le plus possible leurs intérêts :
- Jean de Roffignac reste fidèle à Charles VII et conserve sa propriété de famille en Limousin ; il
envoie son fils Guiot prêter serment à Henri VI pour préserver la propriété de famille en Nivernais.
Le cas de la Normandie conquise par les Anglais est particulièrement intéressant. L’université de Caen doit
son existence aux Anglais et les états de Normandie retrouvent leur libersous les Anglais. On peut se
référer au témoignage de Thomas Basin sur cette région gouvernée par Bedford : la région est pillée par les
Anglais, par ceux qui « prétendent » combattre les Anglais, et par les « brigands » qui vivent dans les forêts
par haine des Anglais, par appât du gain ou pour échapper à la justice. En 1434, les Anglais arment les
paysans normands contre tous les pillards qu’ils soient brigands, Français ou Anglais ; tandis que les
brigands s’efforcent de pousser les paysans à la révolte contre les Anglais. En 1435, le rejet du traité
d’Arras par les Anglais provoque une recrudescence d’hostilité contre eux. Dans le même temps les
troupes françaises progressent dans le pays de Caux : les armées des deux camps se livrent à de nombreux
ravages. Dans ces conditions, si la fidélité à la France l’emporte vers 1449-1450 c’est avant tout parce
que les Valois apparaissent comme les mieux à même de ramener la tranquillité ; rien ne dit qu’il n’en
aurait pas été autrement si Bedford avait su maintenir la paix puisque, selon Thomas Basin, les paysans
semblent finalement exécrer autant les Valois que les Plantagenets.
Les fidélités politiques varient fortement selon les circonstances : les nobles cherchent à préserver leurs
possessions, les marchands à accroître leurs biens, et les paysans tentent de sauver leur vie et leurs
terres du fléau de la guerre. La fidélité au roi de France est ébranlée dan bien des régions :
- Evêque de Beauvais en 1440, Jean Juvénal des Ursins avertit Charles VII que les bienfaits du
gouvernement anglais pourraient pousser les sujets vers l’Angleterre
- Thomas Basin estime que la Gascogne est fort attachée aux Anglais. Toutefois, la reconquête de la
Gascogne n’est pas suivie d’une forte répression des « traîtres » et le gouvernement mise sur
l’oubli.
Finalement c’est avant tout, selon Peter Lewis, la victoire définitive qui a justifié aux yeux des Français le
« sentiment national » longtemps proclamé par les propagandistes des Valois, qu’ils ont aussi contribué
à construire.
Chapitre II : Rois, courtisans, conseillers et officiers royaux
La légitimité
La victoire est la meilleure des sources de légitimité politique : « dans l’euphorie de la victoire, les
Français non engagés peuvent accepter avec enthousiasme la justification historique de la résistance des
Valois aux Plantagenets. »
L’auteur souligne néanmoins que la fin de la Guerre de Cent ans ne marque pas pour autant la fin des
inquiétudes de la monarchie : ainsi en avril 1478, Louis XI, négociant avec les Anglais, peut envoyer
Guillaume Cousinot, comme son père avait envoyé Jean Juvénal des Ursins, au Trésor des chartes et à la
Chambre des Comptes pour « dresser beaux, notables, grans et emples mémoires instructions pour bien
fonder nos drois » et contredire les prétentions anglaises à la couronne de France, à la Normandie et à la
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