la droiture morale des Valois. A l’inverse, ils passent au crible l’histoire des Plantagenets afin de
démontrer qu’ils ne sont pas très-chrétiens.
Cette propagande prend son essor à partir du traité de Calais en 1360. Nicole Oresme est
particulièrement actif au service du roi Charles V : par ses commentaires sur la Politique d’Aristote, il est
aussi possible qu’il ait collaboré au Songe du Verger dont plusieurs chapitres critiquent les prétentions
anglaises.
Le rapport des Français à la présence anglaise est très divers selon les circonstances et les milieux
sociaux : les habitants de Bordeaux, de Rouen, certains seigneurs gascons, les ambassadeurs des Etats de
Normandie, certains Parisiens ou habitants de l’ouest, soutiennent ouvertement les Anglais pour une
raison ou pour une autre. Les attitudes peuvent varier selon les circonstances : ainsi Jean Marcel,
marchand et changeur de monnaie à Rouen, prête successivement aux Anglais puis aux Français. Les
familles nobles sont partagées en Normandie et à la frontière franco-bourguignonne. Certaines n’hésitent
pas à partager leurs fidélités pour préserver le plus possible leurs intérêts :
- Jean de Roffignac reste fidèle à Charles VII et conserve sa propriété de famille en Limousin ; il
envoie son fils Guiot prêter serment à Henri VI pour préserver la propriété de famille en Nivernais.
Le cas de la Normandie conquise par les Anglais est particulièrement intéressant. L’université de Caen doit
son existence aux Anglais et les états de Normandie retrouvent leur liberté sous les Anglais. On peut se
référer au témoignage de Thomas Basin sur cette région gouvernée par Bedford : la région est pillée par les
Anglais, par ceux qui « prétendent » combattre les Anglais, et par les « brigands » qui vivent dans les forêts
par haine des Anglais, par appât du gain ou pour échapper à la justice. En 1434, les Anglais arment les
paysans normands contre tous les pillards qu’ils soient brigands, Français ou Anglais ; tandis que les
brigands s’efforcent de pousser les paysans à la révolte contre les Anglais. En 1435, le rejet du traité
d’Arras par les Anglais provoque une recrudescence d’hostilité contre eux. Dans le même temps les
troupes françaises progressent dans le pays de Caux : les armées des deux camps se livrent à de nombreux
ravages. Dans ces conditions, si la fidélité à la France l’emporte vers 1449-1450 c’est avant tout parce
que les Valois apparaissent comme les mieux à même de ramener la tranquillité ; rien ne dit qu’il n’en
aurait pas été autrement si Bedford avait su maintenir la paix puisque, selon Thomas Basin, les paysans
semblent finalement exécrer autant les Valois que les Plantagenets.
Les fidélités politiques varient fortement selon les circonstances : les nobles cherchent à préserver leurs
possessions, les marchands à accroître leurs biens, et les paysans tentent de sauver leur vie et leurs
terres du fléau de la guerre. La fidélité au roi de France est ébranlée dan bien des régions :
- Evêque de Beauvais en 1440, Jean Juvénal des Ursins avertit Charles VII que les bienfaits du
gouvernement anglais pourraient pousser les sujets vers l’Angleterre
- Thomas Basin estime que la Gascogne est fort attachée aux Anglais. Toutefois, la reconquête de la
Gascogne n’est pas suivie d’une forte répression des « traîtres » et le gouvernement mise sur
l’oubli.
Finalement c’est avant tout, selon Peter Lewis, la victoire définitive qui a justifié aux yeux des Français le
« sentiment national » longtemps proclamé par les propagandistes des Valois, qu’ils ont aussi contribué
à construire.
Chapitre II : Rois, courtisans, conseillers et officiers royaux
La légitimité
La victoire est la meilleure des sources de légitimité politique : « dans l’euphorie de la victoire, les
Français non engagés peuvent accepter avec enthousiasme la justification historique de la résistance des
Valois aux Plantagenets. »
L’auteur souligne néanmoins que la fin de la Guerre de Cent ans ne marque pas pour autant la fin des
inquiétudes de la monarchie : ainsi en avril 1478, Louis XI, négociant avec les Anglais, peut envoyer
Guillaume Cousinot, comme son père avait envoyé Jean Juvénal des Ursins, au Trésor des chartes et à la
Chambre des Comptes pour « dresser beaux, notables, grans et emples mémoires instructions pour bien
fonder nos drois » et contredire les prétentions anglaises à la couronne de France, à la Normandie et à la