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Nous avons vu précédemment comment l’union de l’humanité avec Dieu se réalise
fondamentalement dans le mystère de l’Incarnation, ou, pour le dire plus simplement, dans la
personne de Jésus. Dans l’Incarnation, union de Dieu et de l’homme en Jésus, toute l’histoire
se noue et se dénoue. C’est là que le salut, la réconciliation et la paix se concrétisent. Tout ce
qui a précédé a été disposé par Dieu pour préparer ce « moment », et tout ce qui a suivi, y
compris ce que nous vivons actuellement et que nous vivrons demain, en est le déploiement.
Dans la croissance de l’Eglise, le Christ continue de venir et de pénétrer l’humanité. Encore
une fois, la foi n’est pas une nostalgie ; elle ne se rattache pas à des événements passés, mais à
Dieu, qui se révèle et se donne en Jésus, vraiment Dieu et vraiment homme, le même hier,
aujourd’hui et à tout jamais [He 13, 8]. Et pareillement, comme la foi n’est pas une nostalgie,
la croissance de l’Eglise n’est pas une question de statistiques. L’Eglise prolonge et répand le
mystère du Christ ; déjà que nous ne pouvons pas enchaîner un mystère dans des définitions,
ne rêvons pas que les sondages le feront.
L’Eglise prolonge et répand le mystère du Christ sacramentellement, à la manière d’un
sacrement. Qu’est-ce qu’on entend par cela ? Le principe de tout ce qu’on appelle
« sacramentel » est, encore une fois, le mystère de l’Incarnation. Le Christ est le sacrement de
Dieu : c’est Jésus qui, jusque dans les moindres aspects de sa vie, dit qui est Dieu et donne ce
que Dieu est seul à pouvoir donner. Cela passe donc par son apparence humaine. Jésus n’est
pas homme en apparence seulement, il l’est réellement, mais comme il l’est réellement, il a
une apparence humaine. Plusieurs hérésies ont nié la réalité humaine de Jésus, pour lui
reconnaître seulement une apparence humaine : Dieu non pas homme, mais seulement déguisé
en homme. Ce n’est pas la foi de l’Eglise. Jésus est vraiment Dieu et vraiment homme, et
comme il est vraiment homme, il a une apparence vraiment humaine. Une apparence, donc,
que nous sommes en mesure de comprendre, de reconnaître et d’interpréter. En Jésus,
l’humain est devenu apte à dire Dieu et à donner ce qui vient de Dieu. Autrement dit, Dieu se
donne à travers des réalités sensibles. Non pas par n’importe quelle réalité sensible, mais par
des réalités sensibles choisis par le Christ et donné à son Eglise, pour qu’elle les donne à son
tour, et en son nom à lui.
Rien ne permet de dire que les apparences de Jésus étaient particulièrement spectaculaires.
Les évangiles ne nous ont pas laissé de détails, et c’est sans doute à dessein. Saint Thomas
d’Aquin dit quelque part que Jésus était d’une parfaite beauté –mais ce doit être cette beauté
qui vient de la bonté plus que des exercices de musculation ou des heures passées au cabinet
de l’esthéticienne.