Monsieur B. n’est pas mon patient, ou plutôt je dois dire que je ne suis pas son médecin traitant
officiellement. Cependant, il est venu régulièrement à ma consultation depuis plusieurs années ou
m’appelait pour le renouvellement de son traitement. Est-ce que j’aurais dû devenir son médecin
traitant ? Je ne sais pas.
Je fais mes visites à domicile ce mercredi matin comme d’habitude, accompagné d’un étudiant de 4ème année
de médecine. Nous avons visité deux personnes âgées résidant en EHPAD
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et une autre de retour
d’hospitalisation. En fin de « tournée », un appel de la secrétaire m’annonce qu’il faut aller voir M. B. Il n’est
pas bien depuis plusieurs jours et il n’a pas la force de venir à la consultation. En notant l’adresse, je m’aperçois
que c’est à moins de 200 mètres du centre médical. Je décide alors de déposer mon stagiaire car je ne sais pas
combien de temps cela prendra. Est-ce que j’aurais dû y aller directement ? Je ne sais pas.
Arrivé devant l’immeuble, j’hésite pour trouver son appartement. J’interpelle un voisin qui ne sait
pas qui est M. B. mais m’indique le logement d’un gitan entre deux âges qui vit seul par ici. C’est
certainement lui… Je tape à la porte, il faut attendre 3 minutes pour que quelqu’un m’ouvre. C’est M.
B. Il est debout, le souffle court, en tee-shirt, mal rasé. Je suis tout de suite frappé par son teint
grisâtre. Avant qu’il ne m’explique ce qui lui arrive, j’ai l’intime conviction que c’est grave. Je l’avais
déjà supposé avant de le voir. Est-ce que je ne devrais pas avoir de préjugé ? Je ne sais pas.
Ce patient serait qualifié de « difficile » par une classification tendancieuse. Il est atteint d’une
pathologie cardiaque sévère après un infarctus qu’il a eu avant que je le côtoie. Il en a résulté une
cardiopathie dilatée hypokinétique. Je lui ai expliqué que son cœur ne pompe plus grand-chose et
qu’il doit continuer à prendre ses comprimés sans les interrompre. Ça, il l’a bien compris. On dirait de
lui qu’il n’est pas bien observant car il ne fait pas les contrôles de prise de sang tous les mois et qu’il
n’a pas revu le cardiologue depuis des années. Il lui dit toujours la même chose : il faut manger sans
sel, sans graisse, sans sucre, avoir une activité physique modérée et surtout arrêter de fumer. Il ne l’a
jamais vraiment écouté. Est-ce qu’il aurait ? Je ne sais pas.
Il m’explique qu’il n’est pas bien depuis 3 ou 4 jours. Il se sent essoufflé au moindre effort, n’a plus
d’appétit, tousse et vomit. Il s’excuse de m’avoir fait venir et de me recevoir dans cet intérieur qu’il
n’a pas pu ranger. C’est le moins qu’on puisse dire ! Outre un mobilier sommaire qui semble ne pas
avoir bougé depuis 40 ans, son appartement est jonché de bibelots, de cartons dans les coins, de
cadres aux murs avec des photos des années 70/80, un fusil de chasse. J’ai l’impression que cela doit
faire plusieurs années que personne n’est rentré chez lui. La table du salon est remplie des restes de
plusieurs repas et de ses médicaments. Il a pris du sirop et du paracétamol mais cela ne l’a pas
amélioré et il a eu du mal à prendre ses comprimés. Est-ce qu’il aurait dû appeler plus tôt ? Je ne sais
pas.
Mon examen clinique est basique : tension artérielle basse à 8/5 (il est habituellement à 10/6) ;
fréquence cardiaque rapide aux alentours de 100/min. Je lui fais soulever ses vêtements et l’ausculte.
Je ne suis pas le Dr House
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, je ne sais pas ce qui lui arrive. Je lui explique que son cas va nécessiter
des examens complémentaires et que, pour lui éviter des allers-retours à l’hôpital, une
hospitalisation est cessaire en urgence. Il l’a déjà compris. Il souhaite être hospitalisé à la clinique
où son cardiologue le voit habituellement. Malheureusement, celui-ci est en congé et ses collègues
m’annoncent qu’ils n’ont pas de place. Nous convenons, par conséquent, de l’adresser aux urgences
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Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes
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Série télévisée, qui a pour personnage central un médecin misanthrope aux méthodes peu conventionnelles.
il est chargé à chaque épisode, avec l'aide de son équipe, de résoudre un mystère médical posé par la santé
d'un patient
du CHU
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et qu’il sera ensuite orienté dans le service approprié, cardiologique si le problème vient du
cœur, respiratoire si cela vient des poumons. Nous appelons donc le 15, mais il n’y a pas de véhicule
disponible. Le médecin régulateur nous conseille de nous adresser à un transporteur privé. Nous
appelons par conséquent plusieurs compagnies d’ambulance avant d’obtenir une disponible. Nous
appelons enfin le médecin des urgences pour lui annoncer que nous lui adressons M. B., en lui
décrivant son état. Je rédige une lettre pour celui-ci, mentionnant son état ainsi que ses antécédents
et son traitement et le laisse avec un bon de transport pour l’ambulance qui ne doit pas tarder à
arriver. Aurais-je du rester jusqu’à son arrivée ? Je ne sais pas.
Depuis ce moment, j’ai eu à trois reprises des nouvelles de M. B. La première, l’après-midi même, par
un urgentiste qui m’a annoncé que M. B. était en choc cardiogénique sévère, qu’il avait été sédaté,
intubé et ventilé. La seconde le lendemain par un appel d’un médecin inspecteur de l’ARS
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qui
m’expliquait qu’on avait découvert que M. B. développait une légionellose et savoir si j’avais
connaissance des conditions dans lesquelles il aurait pu être contaminé. La dernière venait d’un
réanimateur désabusé qui m’avertissait que M. B. était réfractaire à tous les traitements
cardiotoniques et qu’il ne fallait pas se faire trop d’illusion. Il sous-entendait à la fin qu’il allait
certainement décéder et que cela valait peut-être mieux. Qu’avait-il voulu dire ? Je ne le sais pas.
Mais ce que je sais c’est que les soins que j’ai pu délivrer à M. B. auraient pu être de meilleure
qualité. Non pas à partir de son hospitalisation où il a pu bénéficier de toute la technologie des soins
de réanimation. Je pense qu’il aurait pu être mieux soigné en amont, non pas s’il l’avait voulu, mais
surtout s’il l’avait pu. En particulier, si le système de santé en général et la médecine libérale en
particulier, étaient plus orientés pour la lutte contre les inégalités sociales de santé et l’éducation à la
santé. Peut-être que les urgences seraient moins remplies par des patients socialement fragiles ?
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Centre hospitalier Universitaire
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Agence régionale de santé
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