profonde ou superficielle, des mesures emblématiques de la dictature sur le corps
social.
Parallèlement, se sont multipliés les travaux sur les politiques – au sens de politiques
publiques - particulièrement en matière économique, sociale et culturelle – qui lais-
sent apparaître la distinction entre des mesures et interventions de Vichy, au sens où
celles-ci conservent la marque du régime sous ses traits les plus rudes et des me-
sures prises sous Vichy, au sens où celles-ci s’avèrent davantage liées aux circons-
tances, sans connexion directe avec le régime et son caractère dictatorial.
En histoire économique – sur laquelle on insistera davantage – on peut souligner
trois aspects majeurs.
1 . D’abord, rappelons le dosage, souvent subtil et différent au cas par cas, entre
modernité et archaïsme, signalé naguère par Paxton et Richard Kuisel. On sait que
pouvaient s’opposer parmi les décideurs, publics et privés, les traditionalistes, hos-
tiles à l’urbanisation et à l’industrialisation, chantres de la France rurale et artisanale,
et, en face, des techniciens des finances et de l’économie soucieux d’une certaine
rationalisation, souvent plus verbale que réelle – dans les finances, la monnaie, les
statistiques ou la répartition des matières premières - non sans d’ailleurs chercher
parfois des réussites en Allemagne. Mais souvent dans le cheminement complexe de
la décision concrète, les deux tendances se mêlent, tant les contradictions de
l’économie d’occupation sont grandes et se heurtent sous la poussée de contraintes
et de nécessités – défaite, occupation – lourdes. Il en résulte à coup sûr une gerbe
considérable d’innovations sous forme d’institutions et procédures nouvelles : sont
cités ici le remembrement, le permis de construire, les comités sociaux
d’entreprises…, et on pourrait y adjoindre le plan comptable, le Plan ou encore les
statistiques industrielles, le recensement des banques…
Cela conduit à formuler trois précisions.
Le dosage entre modernité et archaïsme apparaît souvent fort complexe et implique
une approche au cas par cas.
Dans de nombreux cas, la modernité est technique, économique, juridique et vient
cependant conforter les hiérarchies sociales traditionnelles dans le travail, la famille
ou la Nation. Modernisation conservatrice, à coup sûr, même si on découvre aussi
des novations sociales, tels les comités sociaux d’entreprises.
Enfin, souvent, la modernité est proclamée plus que réalisée, faute de temps ou de
moyens matériels et humains, du fait des contraintes de la conjoncture de guerre.
Pensons aux produits de remplacement que les Allemands annoncent, mais ne font
pas parvenir en quantité et qualité suffisantes, en échange des productions clas-
siques prélevées. La défaite faisant suite à la crise et à la guerre a bel et bien entraî-
né une vraie régression économique, au point de requalifier des procédés ou équi-
pements obsolètes ou même abandonnés précédemment.