
Gérard Saccoccini  
Les Russes à Nice au XIX°s.  
 
LES RUSSES A NICE AU XIX° S. 
 
Dès 1749, l’Empire russe avait ouvert une représentation consulaire à Nice. 
En 1770, commandée par l’amiral Alexis Orlov, la flotte impériale voguait vers la Turquie et fit escale en 
rade de Villefranche : l’amiral  voulait rendre visite à son ami Jean-Michel Auda, conseiller de commerce en 
Russie pour promouvoir les échanges avec les Etats Sardes. 
Plus tard, en 1847, le prince Gagarine, diplomate et grand amateur d’art, rencontra lors d’un séjour à Nice le 
peintre Joseph Fricero qu’il  invita  à  la  cour  de  Saint Petersbourg afin  d’initier au dessin les trois filles de 
Nicolas 1er et Joséphine Koberwein, fille naturelle du tsar. Le peintre tomba amoureux de Joséphine et leur 
mariage, le 18 décembre 1848, marquait le début de la longue histoire d’amour de l’amitié russo-niçoise. C’est 
ainsi que tout commença ! 
 MECENES ET GENEREUX DONATEURS 
 
Les  résidents  russes  se  succédèrent  à  Nice,  réalisant  les  magnifiques  édifices  qui  constituent  aujourd’hui 
encore un prestigieux patrimoine. La Grande Duchesse Olga, fille de Nicolas 1er, fonda l’hôpital militaire russe 
et de nombreuses œuvres caritatives pour soulager la détresse des familles de paysans et de pêcheurs. Dès 1900, 
le prénom d’Olga était omniprésent dans les foyers niçois. 
Le  baron  Von  Derwies,  magnat  des  chemins  de  fer,  fit  construire  dans  un  parc  magnifique  sa  « folie 
gothique » : le Château de Valrose, aujourd’hui siège de l’Université de Nice.  
L’épouse du marguillier de la cathédrale de la rue Longchamp, princesse Elizabeth Kotschoubey aménagea 
sur la colline de Fabron une superbe résidence, aujourd’hui musée des Beaux-Arts Chéret. 
Sur l’oppidum de Cimiez, la baronne Manteuffeld, fille du comte Apraxine et de la princesse Troubetzkoï, 
fit bâtir une splendide villa de style néo-classique italien. Devenue école maternelle, son parc a été transformé 
en jardin public souvent malmené par des hordes de barbares en culottes courtes. 
En 1885, l’architecte russe Adam Detloff aménageait le Château des Ollières, sur la colline des Beaumettes, 
pour le prince Lobanov-Rostowsky, proche du tsar Alexandre II. En 1889, il construisit le gigantesque Grand 
Hôtel pour  la  famille  impériale  et  sa  suite.  Au  cœur  de  ce  quartier,  où  l’on  parlait  russe  dans  les  rues,  les 
commerces  se  mirent  au  goût  du  jour  et  leur  objet  s’inscrivait  en  russe !  Pendant  longtemps,  à  l’angle  du 
boulevard Tsarévitch et de l’avenue du Parc Impérial, exista un célèbre bureau de tabacs : la « Civette russe ». 
Une  autre  grande  figure  de  l’aristocratie  russe,  Katia Dolgorouki,  épouse  morganatique  d’Alexandre II, 
assassiné par les nihilistes, vécut recluse dans la luxueuse villa Georges, boulevard Dubouchage. Celle que le 
tsar avait surnommée son « démon bleu » y mourut le 15 février 1922. 
Le dernier empereur, Nicolas II entamait en 1894 l’ultime règne des Romanoff. A Nice, comme d’ailleurs à 
Paris, on dansait  sur un  volcan et on s’étourdissait dans l’éblouissement du faste des grands ducs et de leurs 
fêtes  somptueuses  !  Les  signes  avant  coureurs  de  la  Révolution,  le  climat  d’émeutes  et  de  guerre  civile 
décidèrent nombre d’aristocrates russes à émigrer vers la France et la Côte d’Azur, avant même l’abdication de 
Nicolas II, le 15 mars 1917, suite aux émeutes de février. 
Nombre d’entre eux ont raconté avec émotion leur enfance à Nice, dans un quartier où l’intégration leur fut 
douce : on parlait russe dans la rue ! 
L’évocation  de  l’abnégation  et  de  l’extraordinaire  générosité  des  familles  russes  établies  à  Nice,  qui 
dépensèrent des fortunes pour accueillir les émigrés, rappelle que si les Russes firent beaucoup pour Nice, et 
participèrent sans réserve aux œuvres de la ville avant la Révolution, les Niçois solidaires et reconnaissants s’en 
étaient souvenus pour accueillir les exilés. 
 
Au cours de leur longue présence, les Russes ne formèrent jamais la colonie d’hivernants la plus importante 
du  séjour  à  Nice  au  XIX°  siècle,  mais  ils  constituèrent  la  société  étrangère  la  plus  généreuse,  la  plus 
extravagante, la plus fastueuse et la plus éblouissante. 
Dans la folle insouciance des années d’avant la Révolution d’Octobre, dans le faste de la maison impériale et 
le train somptueux des suites princières, tout autant que dans les affres de l’exil, ils furent associés à toutes les 
grandes heures de la ville de Nice, contribuant à son essor et à sa renommée.  
 LE SOUVENIR 
 
Katia repose au cimetière russe de Caucade, en haut d’une allée pentue dominant les sépultures de toute la 
noblesse de son pays, comme une revanche sur le destin qui n’avait pas voulu qu’elle régnât sur eux quand ils 
étaient  vivants.  La  chapelle  qui  abrite  son  tombeau  a  longtemps  porté  l’inscription  « Catherine  Dolgorouki, 
princesse Yourievsky, épouse morganatique de S.M. le tsar Alexandre II ». 
La mention « morganatique » a été aujourd’hui supprimée. 
Une chapelle néo-classique, érigée dans la partie haute de la nécropole, abrite les précieuses icônes de la 
chapelle du Château de Valrose. Elle domine la forêt de clochetons, de pinacles et de bulbes vernissés des 
sépultures affectant les formes des églises provinciales des territoires de la Volga. 
Dans le silence de l’éternité, face à la mer, le temps passe, effaçant la douleur et les ressentiments.  
Face au grand large, les sépultures sereines, bercées par le balancement des feuillages et la brise de mer, 
perpétuent le souvenir des grandes heures de la colonie russe à Nice et la mémoire de  l’impossible  rêve de 
Pierre le Grand : relier Saint-Petersbourg à la Méditerranée par l’ouverture de la voie d’eau Volga Baltique. 
Rêve que réalisa pourtant l’impératrice Alexandra ! 
 
Ainsi se sont écrites les pages d’une histoire qui a lié indéfectiblement Nice à la Russie. 
 Sources : 
Le Sourgentin N° 123 - Octobre 1996. 
Présence et implantation des Russes à Villefranche et à Nice – Igor Delanoë