Problématique A l’occasion de journées d’études se rapportant aux réformes des Finances publiques au Maroc Michel BOUVIER1 souligne, lors de son intervention intitulée « l’Etat intelligent et la nouvelle gouvernance publique » que l’Etat contemporain connaît des transformations qui s’inscrivent dans le cadre de l’essor d’une économie cognitive, une économie pour laquelle la connaissance, le savoir, la compétence, la créativité sont essentiels et constituent en somme une nouvelle matière première. En fait, Bouvier précise qu’après implantation progressive de la nouvelle gestion publique, puis le passage à une nouvelle gouvernance financière publique, on assiste à la naissance d’une « gouvernance financière d’excellence » associant à la mesure de performance et à l’efficacité de la gestion une dimension cognitive. Il ajoute qu’ « il est grand temps d’admettre qu’en elles mêmes les techniques de gestion ne sont pas suffisantes pour assurer la soutenabilité des finances publiques et que les compétences, les savoirs humains sont essentiels ». La fiscalité faisant partie des finances publiques et représentée par l’administration chargée de sa mise en œuvre est directement concernée par ces nouveaux enjeux. Une prise de conscience de l’importance de la dimension cognitive par l’administration fiscale marocaine s’impose alors et exige l’intégration de cette dimension au niveau du management stratégique et des projets de modernisation. L’Administration fiscale marocaine a initié durant ces dernières années de nombreuses réformes et des actions dans le but de faire face aux nouveaux défis de la société de l’immatériel. Ce processus de réformes s’inscrit dans la volonté de l’Etat de moderniser ses institutions et de recentrer ses activités autour du citoyen. Ce nouvel intérêt accordé au citoyen s’est matérialisé au niveau de la Direction Générale des Impôts (DGI) par la volonté d’intégrer une démarche qualité dans son fonctionnement avec comme objectif un meilleur service au contribuable. Ainsi lors de la journée du fiscaliste tenue à Fès le 19 mai 2008, sous le thème « Tous pour un meilleur service au client », la DGI a exprimé sa volonté de réorganiser ses actions pour un meilleur service au contribuable. L’organisation d’ateliers correspondant aux activités métiers et support de la DGI a fait ressortir des recommandations qui ont explicitement liées L’Etat intelligent et la nouvelle gouvernance financière publique. in : Revue Française de Finances Publiques, n°102, juin 2008.p.3-5 1 la qualité de service à un niveau de connaissances bien déterminé et qui sont étroitement liées à la problématique de management de connaissances . Exemples de recommandations : « • Formalisation et simplification des procédures. • Communication en interne et externe. • Adhésion du personnel à la nouvelle vision. • Le rôle de l’encadrement est primordial surtout pour les nouvelles recrues • L’instauration d’un système de coaching et de parrainage des nouvelles recrues • Gestion et évaluation des carrières • L’instauration d’un climat où règne un esprit de reconnaissance, d’estime et de respect mutuel au sein de l’entité de travail • Instaurer un esprit d’équipe entre les différents collaborateurs (management participatif) • Détermination d’un référentiel (règles de comportement pré établies : normalisation, engagements, charte du client) • Instituer un manuel de procédure du vérificateur. • Instituer un référentiel de bonne pratique du vérificateur. • Institution d’une Charte du contribuable • Consolidation des solutions technologiques • Instauration d’un référentiel de qualité ». N.B :L’ensemble de ces recommandations émanent de l’atelier « Assiette, Affaires juridiques et recouvrement ». Ceci justifie le choix du personnel de la Direction de l’assiette, du recouvrement et des affaires juridiques pour constituer la population à étudiée. L’existence d’analogies entre les deux démarches nous a incités à faire des lectures complémentaires et à repenser notre projet de recherche de départ qui visait uniquement le management des connaissances au sein de la DGI à travers l’étude de l’état de maturité, des besoins et la formulation de recommandations en la matière, vers un management des connaissances sous l’angle de la qualité. « Effectivement, le management des connaissances présente beaucoup d’analogies avec les préoccupations de la qualité dont la nature est conceptuellement proche puisqu’il vise conjointement le même objectif d’amélioration des performances de l’entreprise… le dispositif normatif ISO 9000 et les méthodes qualité dont il est inspiré, accordent une grande importance à la formalisation de ce qui s’avère être, en fait, une partie des savoirs de l’entreprise, ils postulent, de façon implicite, une gestion collective des savoirs fondée sur leur formalisation et leur mise en commun.»2 Notre questionnement est devenu alors « comment le management des connaissances peut être employé pour soutenir la qualité au sein de la DGI ?» Autrement dit l’idée est de contribuer à orienter la réflexion des dirigeants au sein de la DGI vers une démarche de management des connaissances intégrée aux autres démarches en place, en cours ou futures. Avant de présenter les objectifs de la présente recherche, il s’avère très utile d’en délimiter les périmètres. D’une part, nous envisagerons la qualité sous sa dimension interne destinée à améliorer le fonctionnement interne de l’organisation par opposition à celle externe à laquelle on accorde plus d’intérêt et visant la satisfaction du bénéficiaire du produit ou du service (dimension relationnelle avec l’usager). Franck, Cochoy, et Gilbert de Terssac précisent que «…cette fonction externe de toute politique qualité ne peut se manifester que si un véritable « travail d’organisation » a été réalisé dans la firme : on découvre ici la fonction interne de la qualité, dont la valeur essentielle est organisationnelle. »3. D’autre part, nous partirons du fait qu’« avec le développement de l’importance du capital humain (...) le management de la qualité ne peut plus se concentrer seulement sur la production ou la conception.la gestion du capital humain doit devenir elle aussi une priorité en termes de qualité »4. D’ailleurs le système de management de la qualité (SMQ) intègre au sein de ses principes cette dimension de capital humain.5 le système de management de la qualité (SMQ) repose sur huit principes (ISO 9000 :2000Système de management de la qualité –principes essentiels et vocabulaire) 6 qui 2 LOPEZ Roxane., D’un système de management de la qualité basé sur l’amélioration à un système de management de la qualité basé sur les connaissances, Thèse de Doctorat en Génie Industriel, INSTITUT NATIONAL POLYTECHNIQUE DE GRENOBLE, Grenoble, 2005.[en ligne].Disponible sur :< 3 Cochoy, Franck ; Terssac (de), Gilbert. Les enjeux organisationnel de la qualité : une mise en perspective[en ligne].Disponible sur : < http://hal.archives ouvertes.fr/docs/00/18/86/37/PDF/Sciences_de_la_Societe_les_enjeux_organisationnels_de_la_qualite_.pdf>.Consulté le 06/05/2009. 4 CHAMINADE, Benjamin. RH et compétences dans une démarche qualité. Saint-Denis la Plaine : AFNOR, 2005 ,3-6p. Ibid. 6 ISO. Principes de management de la qualité[ en ligne].Disponible sur :<http://iso.org/iso/fr/iso_catalogue/management_standards/iso_9000_iso-14000/...> . Consulté le 09/05/2009. 5 sont :l’orientation client, leadership, implication du personnel, approche processus, management par approche système, amélioration continue, approche factuelle pour la prise de décision, et enfin relation mutuellement bénéfiques avec les fournisseurs. Dans la présente recherche, le management des connaissances sera abordé sous l’angle de la qualité à travers la focalisation sur les principes du système de management de la qualité (SMQ). Seulement trois principes clés ont été retenus pour l’étude à savoir : leadership, implication du personnel, approche processus Ces trois principes sont étroitement liés à la notion de qualité interne qui constitue le premier périmètre de délimitation de notre recherche. En outre ce ciblage est aussi soutenu par l’explication donnée par Collison et parcell7 à la gestion des connaissances. Pour eux, il est difficile de gérer un actif qui demeure dans la tête des employés, ce qu’on peut gérer c’est l’environnement dans lequel les connaissances peuvent être crées, découvertes, acquises, partagées, diffusées, validées, transférées, adoptées, adaptées et appliquées. Ils précisent que pour la création de cet environnement il faut : Les bonnes conditions, une infrastructure fiable commune et une organisation disposée à être entreprenante. Les bons moyens, un modèle communs, outils et processus pour l’apprentissage Les bonnes actions, là où les personnes cherchent à partager et à utiliser la connaissance. Le bon leadership, là où l’apprentissage et le partage sont attendus et le rôle modélisé Les définitions données par l’ISO8 aux trois principes sont : Leadership : « Les dirigeants établissent la finalité et les orientations de l'organisme. Il convient qu'ils créent et maintiennent un environnement interne dans lequel les personnes peuvent pleinement s'impliquer dans la réalisation des objectifs de l'organisme. » ; Implication du personnel : « Les personnes à tous niveaux sont l'essence même d'un organisme et une totale implication de leur part permet d'utiliser leurs aptitudes au profit de l'organisme. » ; Approche processus : « Un résultat escompté est atteint de façon plus efficiente lorsque les ressources et activités afférentes sont gérées comme un processus ». 7 COLLISON, Chris; PARCELL, Geoff. Knowledge management. [En ligne].Disponible sur : http://www.12manage.com/methods_collison_knowledge_management_fr.html. Consulté le 04/06/2009. 8 Principes de management de la qualité. [en ligne].Disponible sur : http://www.iso.org/iso/fr/iso_catalogue/management_standards/iso_9000_iso_14000/qmp/qmp-2.htm. Consulté le 28/05/2009. Ainsi, En s’appuyant sur les enjeux organisationnels de la qualité (dimension interne)9 et en partant des trois principes de management de la qualité retenus, nous proposons de rechercher : Comment le management des connaissances pourrait soutenir, par ses propres méthodes, chacun des principes du SMQ retenus et donc assurer une maturité de la DGI par rapport à la mise en œuvre d’une démarche qualité ? 9 Cochoy, Franck ; Terssac (de), Gilbert. Les enjeux organisationnel de la qualité : une mise en perspective[en ligne].Disponible sur : < http://hal.archives ouvertes.fr/docs/00/18/86/37/PDF/Sciences_de_la_Societe_les_enjeux_organisationnels_de_la_qualite_.pdf>.Consulté le 06/05/2009. I- Approche méthodologique 1- Objectifs de recherche et questions de recherche 1.1 Objectifs de recherche : Les objectifs de la présente recherche seront traduits en trois phases essentielles à savoir : la phase de diagnostic, la phase de l’identification des besoins et la phase de proposition de solutions ou recommandations. Premier objectif : le diagnostic, consiste à faire l’état des lieux en matière de knowledge management pour avoir une vision claire sur les initiatives existantes mais aussi sur les faiblesses. Ce diagnostic portera sur : 1. Le principe « leadership » : faire l’état des lieux en matière d’actions menées par les dirigeants pour promouvoir la culture d’organisation apprenante et du degré de leur conviction de la nécessité de gérer les connaissances (capital humain/décideurs). 2. Le principe « implication du personnel » : étudier l’existant en matière de pratiques d’échange d’expérience, de collaboration, de partage et de transfert des connaissances et des savoir –faire (Capital humain/personnel); 3. Le principe « Approche processus » : étudier la maturité de la formalisation et de la capitalisation des processus (Le capital processus) ; Deuxième objectif : identification des besoins et attentes des acteurs de la DGI (personnel et décideurs) en termes de pratiques de management des connaissances liées directement aux principes de management de la qualité retenus. Troisième objectif : Exploiter les résultats des phases diagnostic et identification des besoins pour formuler des recommandations pour la mise en place d’une stratégie de management des connaissances répondant aux principes de qualité retenus. 1.1 Questions de recherche : Questions de recherche relatives au premier objectif (lié au principe leadership) : Les dirigeants mettent- ils en évidence auprès de leur(s) équipe(s) les liens entre les connaissances à développer et les objectifs de l’organisation ? Exemples : Les formations sont choisies en fonction des objectifs de l’organisation Le partage des connaissances et l’apprentissage mutuel constituent – ils des valeurs explicites, qui font l’objet de communications régulières ? • Exemple - Le partage des connaissances est régulièrement mentionné comme Valeur importante dans les messages adressés au personnel Les dirigeants se comportent- ils en exemples pour promouvoir les valeurs de partage des connaissances et d’apprentissage mutuel ? Les dirigeants s’engagent- ils activement dans les projets d’amélioration de la gestion des connaissances ? Les dirigeants valorisent-ils la contribution des individus et des équipes au développement des connaissances ? • Exemples - Ils accordent du temps pour le partage des connaissances - Ils mettent en valeur les contributions au développement des connaissances Questions de recherche relative au deuxième objectif (lié au principe implication personnel) : Les situations de travail permettent aux collaborateurs de progresser dans le développement de leurs compétences. Exemples - Les tâches sont attribuées en tenant compte de ce que le collaborateur peut apprendre en les exécutants. L’organisation du travail favorise- t- elle les échanges entre collègues ? Ya-t-il dans votre direction des occasions de rencontre informelle entre le personnel ? Existe –t-il dans votre direction un système de mentorat, de coaching ? est ce qu’on organise au sein de votre direction des activités de formation interne, de type transfert de compétences ? - Questions de recherche relative au troisième objectif (approche processus) : Avant, pendant et après une tâche complexe, des moments de concertation avec des collègues expérimentés sont-ils prévus ? Les experts partagent-ils et développent-ils leurs connaissances au sein de réseaux ? Exemples : - Communautés de pratique - Centres de compétences Les nouveaux collaborateurs sont-ils accompagnés pour être rapidement opérationnels ? Exemples : - Accueil - Formation de base - Parrainage Les connaissances des experts sont-elles préservées lorsqu’ils quittent l’organisation ? Exemples : - Parrainage des juniors par les seniors avant le départ - Transfert des connaissances critiques lors d’entretiens structurés - Formalisation des procédures utilisées Les connaissances essentielles font-elles l’objet d’une formalisation ? Exemples : - Rédaction de modes d’emploi, procédures, règles de fonctionnement, normes de qualité - Rédaction de “livres de connaissances” reprenant études de cas, leçons tirées de l’expérience, récits riches d’enseignement Les connaissances des experts sont-elles disponibles et aisément localisables ? • Exemples - Annuaire des experts - Site internet avec les questions fréquemment posées (FAQ) et la documentation - Permanence téléphonique pour les questions