L'Aleca et la protection du capital étranger
Au nombre de ces choix que le G7 et l'UE se sont efforcés de reconduire après la révolution, le maintien de la
Tunisie dans le giron occidental et l'économie de marché par le biais de l'extension du libre échange et l'Aleca
indépendamment de la précarité de la conjoncture économique et financière associée au bilan de la dictature et
de l'accord de libre échange des produits industriels conclu en 1995 qui est jugé par des spécialistes, syndicats
et associations, représentatifs d'une lare frange de la société civile tunisienne, comme étant nuisible aux
intérêts de la Tunisie.
Dès lors, ceux-ci plaident pour la refonte de ce partenariat déséquilibré estimant qu'il serait totalement risqué
voire dangereux de procéder à l'ouverture totale des marchés tunisiens par le biais de l'Aleca à toutes les
catégories de produits et services européens ainsi que de permettre l'accès sans restriction aux investisseurs
étrangers du marché du travail dans tous les secteurs d'activité économique avec pour corollaire le droit
d'établissement et le libre accès à la propriété foncière et agricole.
Il convient de rappeler que l'Aleca prévoit d'octroyer aux opérateurs économiques étrangers un statut égal voire
privilégié comparé à celui accordé aux investisseurs locaux en termes d'incitations et d'avantages fiscaux tout
en les faisant bénéficier de privilèges particuliers, notamment les subventions, le libre accès au marché local, le
libre rapatriement des capitaux et des bénéfices, la protection contre tout risque de nationalisation ainsi que la
possibilité de recourir aux tribunaux d'arbitrage privés étrangers en cas de litige les opposant à l'Etat tunisien.
Ce faisant, l'économie de marché, associée au libre échange illimité et au libre accès au marché du travail par
le biais de l'Aleca, institue en fait au profit du capital étranger une forme de protectionnisme à l'envers faussant
ainsi les règles de la liberté économique et de la libre concurrence qui sont censées être à la base du libre
échange.
En outre, elle a abouti à pénaliser les entrepreneurs et les investisseurs locaux qui se retrouvent en Tunisie face
à une concurrence déloyale due à ce favoritisme aggravé par les écarts de développement technologique et de
capacités de production entre les entreprises et les systèmes de production tunisiens et européens
(multinationales européennes contre PME tunisiennes). Et ce sans compter la concurrence des produits de la
contrebande qui inondent le marché tunisien.
En vérité, les entreprises industrielles tunisiennes ont été exclues de fait des secteurs productifs et des secteurs
d'activité industriels les plus lucratifs associés à la recherche & développement et la valorisation industrielle de
nos richesses nationales énergétiques et agricoles telles que l'huile d'olive.
Par ailleurs, le libre échange complet et approfondi suppose non seulement la libre circulation des biens et des
capitaux mais également la libre circulation dans les deux sens des personnes et des opérateurs économiques
sur la base des principes de réciprocité et d'équité; or si cette liberté existe au profit des Européens opérant en
Tunisie, elle est prohibée aux Tunisiens du monde des affaires sous prétexte de considérations sécuritaires ce
qui aboutit à une autre forme de protectionnisme déguisé en faveur de l'UE.
De plus les produits agricoles ont été exclus par la partie européenne du libre échange et sont soumises à des
règles strictes de quotas. De même, l'imposition des normes européennes comme condition d'accès aux
marchés européens constitue une entrave supplémentaire au libre échange qui tranche avec les pressions
européennes tendant à parfaire l'élimination des barrières douanières par la suppression des barrières non
tarifaires ainsi que l'alignement de la réglementation économique tunisienne sur la législation européenne.
En somme la partie européenne impose à la Tunisie et aux pays similaires engagés dans des négociations sur
l'Aleca l'instauration, à l'intérieur de leurs frontières, au profit du capital européen, d'une sorte de ségrégation
économique nuisible à leurs intérêts nationaux, à leurs entreprises et à leurs opérateurs économiques locaux
déjà fortement défavorisés par leur taille, la contrebande et leur manque de compétitivité technologique.