Catherine Li.
Conférence d’économie de Sophie Harnay.
Mardi 04 janvier 2005.
Approche contractuelle du marché du travail.
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L’APPROCHE CONTRACTUELLE DU MARCHE
DU TRAVAIL.
Selon l’approche néo-classique, le marché du travail est un marché comme les autres,
tout comme le travail est considéré comme un bien ordinaire. En effet, le salaire, c’est-à-dire
le prix du travail est déterminé par la confrontation entre l’offre et la demande. D’ailleurs, le
chômage est volontaire : il y a toujours équilibre entre l’offre et la demande, donc les
chômeurs sont des agents qui, pour le salaire donné, trouvent une meilleure satisfaction dans
le loisir que dans le travail. Les économistes néo-classiques expliquent le chômage par le fait
que les individus se fixent un salaire au-dessous duquel ils refusent de travailler. D’autre part,
le salaire des employés fluctue en fonction de la conjoncture du marché du travail, et est égal
à la productivité marginale du travailleur.
Seulement, on peut remarquer que cette approche ne correspond pas tout à fait à la
réalité, c’est pourquoi, une approche contractuelle du marché du travail a été mise au point
dans les années 70 par Baily (1974), Gordon (1974) et Azariadis (1975). En fait, l’approche
contractuelle du marché du travail peut se résumer à la théorie des contrats implicites.
Nous verrons, tout d’abord, en quoi consiste cette théorie, puis, nous en étudierons les
principales limites.
I. La théorie des contrats implicites.
A. Une approche néo-classique dont les explications du marché du travail
demeurent incomplètes.
La théorie des contrats implicites a pour objet d’expliquer trois faits qui restent des
énigmes, ou dont les explications sont incomplètes, dans l’analyse néo-classiques.
En effet, les économistes ont constaté la rigidité des à la baisse des salaires, alors que
normalement, le salaire est censé varier en fonction de l’offre et de la demande présentes sur
le marché du travail. Or, on observe que, même si le pouvoir d’achat du travailleur peut
diminuer, son salaire nominal ne baisse pas.
De plus, il existe une relation d’attachement de long terme entre travailleurs et
employeurs, qui est marquée par la prédominance du contrat de travail à durée indéterminée
(CDI) comme mode juridique de recrutement de la main d’œuvre, me si les emplois
atypiques ont tendance à devenir de plus en plus nombreux.
Par ailleurs, la théorie des contrats implicites a également pour ambition d’expliquer le
besoin d’ajustement des quantités salariales, dont témoigne le recours de plus en plus fréquent
au licenciement dans les firmes.
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B. Les fondements de la théorie des contrats implicites : l’aversion aux
risques.
Tout d’abord, les salariés n’aiment pas prendre de risques parce que, en règle générale,
ils prennent des engagements financiers à échéance fixe, comme des loyers ou des
remboursements pour leur voiture. De ce fait, ils ne souhaitent pas voir leur salaire varier avec
la demande et l’offre de travail.
D’autre part, les entreprises sont considérées comme étant moins vulnérables aux
fluctuations économiques que les individus, car elles disposent d’une marge de manœuvre
plus importante pour faire face aux variations de revenu. Elles ont donc intérêt à fournir une
« assurance » au moins indirecte à leurs salariés. Ainsi, les travailleurs seront plus disposés à
travailler dans une entreprise fiable qui leur paie un salaire stable, même s’il est inférieur aux
salaires très variables qu’ils pourraient obtenir ailleurs : c’est le prix à payer pour avoir
l’assurance d’un salaire stable.
De plus, il s’agit d’un équilibre contractuel, établi en considérant le degré d’aversion
pour le risque respectif du travailleur et de l’employeur, le premier étant d’ailleurs supposé
supérieur au second.
C. La théorie des contrats implicites : une théorie des contrats tacites.
Cette théorie est qualifiée de théorie des contrats implicites car il s’agit d’entente, et
non de contrat formel ou explicite. C’est une théorie des contrats tacites, c’est-à-dire des
accords non écrits, entre deux groupes impliqués dans un échange ; en l’occurrence, entre
employeur et employé aux termes duquel ce dernier recevra un salaire stable malgré les
fluctuations de la conjoncture économique.
Les rapports entre employeur et employés sont régis par une série d’ententes implicites
nouées au cours du temps entre l’entreprise et ses salariés. Ces ententes correspondent aux
Aversion au risque du travailleur. Aversion au risque de la firme.
Ordonnée : utilité.
Abscisse : risque.
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contrats implicites. Les entreprises se comportent « comme si » elles avaient conclu un contrat
avec leurs salariés, leur garantissant un certain niveau de salaire.
On peut alors divisé le salaire perçu en deux parties :
le salaire su marché, qui équivaut au salaire que l’employé pourrait percevoir
dans une autre entreprise ;
et l’ajustement correspondant au contrat d’assurance implicite.
Quand le salaire du marché est relativement bas, le salaire perçu par le salarié est supérieur au
salaire du marché. Le contrat implicite représente donc un gain pour le salarié. Le salaire est
d’autant plus élevé que le contrat a été signé dans une période favorable. En effet, un salarié,
dans une logique d’arbitrage entre coûts et avantages, n’accepte un contrat que s’il est plus
avantageux que ce qu’il pourrait trouver ailleurs.
En revanche, lorsque le salaire de marché est élevé, l’entreprise rémunère le salarié en
dessous du prix du marché. Cependant, cette différence représente ce que le salarié paie pour
avoir en contrepartie un salaire stable.
Le contrat implicite remet donc en cause le principe concurrentiel de la formation du salaire, à
savoir que le salaire n’est plus égal à la productivité marginale du salarié.
II. Les limites de l’approche contractuelle du marché du travail.
A. Cette approche ne prend pas en compte certains choix des agents
économiques.
Les contrats implicites impliquent une inégalité entre productivité marginale du travail
et salaire. En effet, en période de bonne conjoncture économique, le travailleur est payé plus
que ce qu’il rapporte à l’entreprise. Donc, logiquement, les salariés devraient être incité à
renégocier leur contrat dès qu’ils savent que la conjoncture leur devient défavorable. Or, la
théorie des contrats implicites ignore cette possibilité. Elle fait comme si les agents ne feront
qu’une seule décision, décision qu’ils vont suivre jusqu’à la fin du contrat. Bref, l’absence de
renégociation de la part des salariés va à l’encontre du postulat de rationalité, car elle ne prend
pas en compte les choix inter temporels de l’individu.
D’autre part, la théorie des contrats implicites suppose au préalable que le salarié sera
obligatoirement prêt à voir son salaire baisser en contrepartie d’une sécurité de l’emploi plus
grande. Cependant, selon Gazier (1991), l’aversion au risque du travailleur peut le pousser à
accepter une variation de son salaire en fonction de l’offre et la demande présentes sur le
marché du travail, afin de minimiser la probabilité d’être licencié.
De plus, l’approche contractuelle du marché du travail est incapable d’expliquer
clairement les licenciements.
B. Les entreprises peuvent tricher : l’asymétrie d’information et la
discrimination.
Dans un contrat à information asymétrique, l’agent qui dispose d’une information
privée peut avoir intérêt à la dissimuler, surtout si elle est source de rente. Par conséquent,
l’entreprise aura intérêt à annoncer au travailleur une conjoncture économique moins
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favorable que la conjoncture effective. Or, cette asymétrie d’information va à l’encontre de
l’hypothèse de transparence de l’information de la concurrence pure et parfaite. Un contrat
implicite optimal doit donc inciter la firme dire la vérité, car du fait d’un avantage
informationnel, une firme peut se constituer une rente.
Par ailleurs, pour maximiser sa rentabilité, l’entreprise est tentée de mettre en place
une discrimination à l’accès au service d’assurance aux catégories de travailleurs dotés des
caractéristiques qui lui sont les plus favorables. En d’autres termes, les contrats implicites
seront réservés aux travailleurs ayant la productivité marginale la plus forte, ou aux cadres
d’entreprise qui ont les responsabilités les plus importantes.
C. Les contrats peuvent ne pas être respecté.
En effet, l’engagement des agents n’est pas obligatoire, et les contrats implicites ne
sont pas exécutoires.
D’une part, les travailleurs peuvent adopter un comportement opportuniste qui se
caractérise par une disposition à l’effort moindre, l’activité de travail n’étant pas parfaitement
contrôlable.
D’autre part, l’entreprise bénéficie de primes versées par les travailleurs, en période de
bonne conjoncture économique, puisque le niveau de salaire est inférieur à la productivité
marginale du travail. Donc, en période de mauvaise conjoncture, elle est beaucoup plus tentée
de rompre le contrat.
D’ailleurs, la théorie des contrats implicites ignore l’existence possible d’une tierce
partie qui pourrait avoir pour fonction la sanction de chacune des parties qui ne respecteraient
pas le contrat.
Pour conclure, l’ajustement contractuel a été qualifié par Okun, en 1981, de « poignée
de main invisible » plutôt que de « main invisible ». Le salaire est le sultat d’une
négociation entre deux individus poursuivant chacun une logique rationnelle. Dans la pratique,
ce raisonnement a débouché sur l’abandon de la grille de salaires par exemple, et finalement
sur une remise en question de l’emploi –type des Trente Glorieuses, à savoir l’emploi à durée
indéterminée, à plein temps, avec une grille salariale.
Néanmoins, il existe également d’autres formes de contrats sur le marché du travail, comme le
salaire d’efficience. L’entreprises en payant bien ses salariés (ou en n’embauchant que ceux
qui ont de grandes prétentions salariales) s’assure d’une bonne productivité. Ceux-ci ont
intérêt à ne pas décevoir, car la perte de l’emploi se traduirait par une perte financière plus
importante.
Bibliographie.
- Economie, Samuelson, Nordhaus, 16ème édition, Economica ;
- Les nouvelles théories du marché du travail, Anne Perrot, La Découverte, collection
Repères.
- Les théories du marché du travail, La Pensée économique contemporaine 4, Eric
Leclercq, Points économie, Editions le Seuil ;
- Principes d’économie moderne, Joseph E. Stiglitz, 2ème édition, De Boeck.
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