Cahier édité par la Fédération des CIGALES CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE N°2 Mars 2002 L’Entreprise Solidaire L’Entreprise Solidaire EPARGNES CHERCHENT ENTREPRISES a revue « Epargnes solidaires » s’est donné pour objectif d’alimenter le débat sur les notions d’épargne de proximité, de réfléchir sur l’utilisation de l’argent vers plus de solidarité. Après un premier numéro consacré à un regard acéré sur les CIGALES, il nous a semblé opportun, important même, d’évoquer le concept de « l’entreprise solidaire ». C’est le thème du Cahier numéro 2 que vous allez lire maintenant. L Pourquoi s’intéresser à l’entreprise ? Parce qu’il n’est pas d’épargne sans investissement. Parce que l’épargne solidaire est non seulement une certaine vision de mise en commun de moyens (les cigaliers savent combien importent les relations humaines dans leur activité d’épargnants avertis), elle est également à définir par l’utilisation qui est faite des fonds recueillis. D’une manière très générale, l’épargne est par définition la partie du revenu qui n’est pas consommée. Cette somme, mise de côté par chacun pour garantir ses revenus futurs, est alors disponible au niveau de l’ensemble de l’économie pour financer les investissements. Les canaux de collecte sont multiples : Etat, banques, particuliers même. Mais à moins d’être enfouie dans un bas de laine, l’épargne de chacun est finalement utilisée pour poursuivre la construction de l’économie. L’Etat finance les projets de développement du bien public, les entreprises y font appel, en ouvrant leur capital ou en empruntant pour investir dans de nouveaux moyens de production... CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 3 Epargne et investissement sont, en quelque sorte, les deux faces indissociables d’un même argent, selon que l’on s’intéresse à la collecte ou à l’utilisation de cette partie de la richesse créée chaque année par une économie. L’individu peut-il se désintéresser du destin du revenu qu’il remet dans l’économie, qu’il soit dépensé ou épargné ? La question ne se pose pas pour le volet « dépenses » : il est évident pour tous que la consommation de chacun reflète des choix, même par défaut. Faire intervenir une dose de réflexion dans ses achats témoigne déjà d’une certaine vision de la société, et a contrario c’est déjà un choix que de ne pas choisir ce qu’on achète. Il en va de même pour l’épargne. Plus exactement, ce n’est pas l’épargne qui est un choix, mais l’investissement adossé à cette épargne, autrement dit la manière dont est placée cette épargne. L’épargnant peut par exemple vouloir s’assurer du retour des fonds ainsi investis, voire s’inquiéter du « retour sur investissement » de cette richesse qu’il n’a pas dépensée : cela s’explique par l’objectif de « précaution » de l’épargne, qui doit assurer à chacun des revenus futurs. Mais l’épargnant peut également souhaiter financer des projets plus proches de ce qu’il pense utile à la société dans laquelle il vit. De plus en plus d’épargnants se posent des questions sur l’utilisation de leur épargne. Les motivations de « plus-values » sont alors reléguées par notre fourmi au second plan, derrière l’objectif de participation à la société. Pour les Cigaliers par exemple, selon l’enquête nationale présentée dans le numéro précédent d’« Epargnes Solidaires », la participation au club CIGALES a pour objectifs principaux de « promouvoir la création d’entreprises au niveau local » et de « lutter contre l’exclusion », mais aussi de « favoriser l’émergence d’une économie alternative » et de « favoriser une économie solidaire ». Il ne s’agit pas de délaisser complètement le retour sur investissement : nous parlons d’épargne, et non de quelque chose qui, proche du don, tiendrait plus de la « consommation utile ». Mais il reste que les cigaliers en particuliers, les épargnants solidaires en général, consacrent effectivement une partie de leurs 4 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE revenus à financer l’économie telle qu’ils voudraient qu’elle soit : une société solidaire. Et c’est ainsi que nous arrivons à l’objectif de ce numéro, une réflexion sur l’entreprise solidaire. Epargnes solidaires, c’est forcément investissements solidaires. Il ne peut y avoir de définition des unes sans les autres. On ne pourrait imaginer une épargne solidaire investie dans des projets qui ne le sont pas : l’épargne solidaire se définit par la nature de l’investissement qu’elle finance. Mais alors, qu’estce qu’un investissement solidaire ? On ne peut se borner à signaler, a posteriori, qu’un investissement est solidaire si et seulement si il provient d’une épargne solidaire. Certains investissements sont a priori solidaires, parce que conçus comme tels. La définition de l’épargne solidaire proposée sur le site internet de la Fédération des CIGALES donne une première piste : « L'épargnant solidaire place son argent dans des produits financiers (FCP,Sicav, livret,...) classiques mais à vocation solidaire : ils sont conçus pour permettre le financement d'organismes de solidarité nationale ou internationale. L'épargnant peut également acheter des actions ou des parts sociales d'opérateurs financiers solidaires ». (www.cigales.asso.fr). Réfléchir sur l’entreprise solidaire est un moyen, pour nous, épargnants solidaires, de mieux nous connaître. Le travail de définition de l’entreprise solidaire, que ces quelques pages tentent de défricher, commence à peine. Nicolas MEUNIER CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 5 6 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE ELEMENTS DE DEFINITION DE L’ENTREPRISE SOLIDAIRE L es cigales ont souvent du mal à trouver leur cible à savoir des projets d’entreprises collectives à vocation d’utilité sociale et écologique (non uniquement lucrative). Ce sont des associations loi 1901 qui frappent à la porte et semblent répondre au profil souhaité, mais il n’est pas possible d’y investir aisément en fonds propres… Les entreprises qui se développent sur le marché, même si elles professent un objet social, ont bien du mal à conserver leur éthique initiale en particulier pour l’insertion de publics en difficulté, le respect du client et du salarié… Un certain nombre de groupes de réflexion planchent actuellement sur l’élaboration d’un nouveau statut d’entreprise permettant d’intégrer d’autres logiques que la simple logique de marché pour réguler les échanges économiques : entreprise du troisième type à vocation sociale (rapport LIPIETZ qui part d’un constat de béance entre le secteur marchand et le secteur public), Société Partenariale d’Intérêt Collectif (SPIC) ou Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC), qui veut élargir le statut coopératif en introduisant un multi-partenariat plus étendu. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 7 Une telle recherche se justifie de deux façons : - Donner du sens à l’activité pour ceux (individus ou groupes privés) qui investissent du temps et de l’argent dans l’entreprise, - Trouver des critères d’identification des entreprises qui légitiment l’octroi de subventions publiques ou de privilèges fiscaux. Et pourquoi donc cette double nécessité de sens et de délimitation du territoire? Pourquoi ne pas s’en remettre à la « main invisible » de l’intérêt bien compris de chacun et aux lois du marché ? Plus fondamentalement se pose donc le problème des rapports entre l’économique, le social et l’écologique. A l’heure ou plus personne ne conteste le rôle prédominant du marché comme régulateur de l’économie et juge de viabilité de l’entreprise, tous les analystes sérieux constatent par contre que ce double jeu du marché ne suffit pas à assurer un développement harmonieux mais, qu’au contraire, il provoque de profonds déséquilibres humains (inégalités croissantes et exclusions) et écologiques (probabilités croissantes de catastrophes « naturelles » et maladies de pollution et de la mal nutrition). D’où la nécessité de faire intervenir d’autres agents régulateurs comme l’Etat, bien sûr, dans une économie nationale et d’hypothétiques organismes supranationaux dans une économie mondialisée. Deux questions se posent alors : - Faut-il intervenir au niveau du processus de production pour éviter les « effets collatéraux » ou en aval pour tenter de réparer les dégâts constatés ? - Ne peut-on pas mettre en place des « circuits courts » de régulation sans s’en remettre, par délégation, à des instances qui bien souvent échappent au contrôle du citoyen ? Pour faire simple, on peut dire que le système libéral dominant est (surtout en France) plutôt du type curatif centralisé. Or l’alternative dans laquelle se situe l’économie solidaire recherche une régulation de type préventif, au plus près de l’appareil de production, c’est à dire un mode de régulation en circuit court. 8 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE C’est là, après une analyse critique des insuffisances de l’entreprise libérale (fondée sur le triptyque capital-travail-marché) et du service social administré (redistribution par l’impôt) que doit se situer la réflexion sur ce que peut être une entreprise du troisième type : la régulation devrait pouvoir s’y pratiquer au plus près du processus de production, par la coopération de tous les acteurs concernés (ou impliqués) : clients - usagers, salariés, bénévoles volontaires, pouvoirs publics, financiers… Ainsi, au lieu d’essayer de définir un produit ou un service « solidaire », ce qui est très difficile (au-delà du premier exemple qui vient toujours de l’entreprise d’insertion, et encore, ce domaine d’activité n’offre pas toujours les garanties de respect du personnel tant permanent qu’occasionnel) et variable suivant le contexte, ne vaut-il mieux pas se focaliser sur la façon de produire ? Une entreprise solidaire serait alors définie comme une entreprise dont le but n’est pas lucratif et qui produit de façon solidaire pour satisfaire un besoin reconnu collectivement. En disant cela on n’a pas beaucoup avancé, si ce n’est qu’on essaiera toujours de qualifier une pratique plutôt qu’un objet. La solidarité n’est en effet ni un produit ni un état mais suppose une relation (solidaire de quelqu’un) et un mouvement (une histoire commune). Une des meilleures définitions de « être solidaire de quelqu’un » est, dans cet esprit « lier sa propre histoire (devenir, destin) à celle de l’autre ». Or comment définir au mieux une pratique relationnelle sans préciser à quelles populations elle s’applique. En voulant caractériser le mouvement de façon trop générale ne risque-t-on pas de le statufier ? Malgré ce risque réel on ne peut pas faire l’impasse sur la définition d’un certain nombre de critères de qualification de la pratique. L’énoncé de valeurs ne suffit malheureusement pas à induire la façon de les vivre : une démarche sûre suppose à la fois d’avoir une vision claire et d’élaborer des règles précises. La vision étant supposée suffisamment explicitée (cf les multiples chartes qui jalonnent la jeune histoire de l’économie solidaire), il convient de s’attaquer aux règles de fonctionnement. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 9 A cet égard, il faut ne pas perdre de vue le pourquoi de la démarche, à savoir trouver une alternative à la régulation par le marché d’un système dominé par les détenteurs de capitaux. Mais attention ! Avant de s’attaquer à l’ennemi, mieux vaut en connaître les qualités et la force. Or on observe souvent dans nos cercles de réflexion de l’économie sociale et solidaire deux penchants qui risquent de fausser l’élaboration d’outils juridiques alternatifs : - Une sous-estimation des conflits existants dans tout processus socio-économique, au delà, ou plutôt en deçà, de la volonté de solidarité et du discours consensuel des acteurs, - La non-reconnaissance des vertus du marché comme régulateur simple et puissant de ces conflits. Nous ne développons pas ici ces deux aspects, pourtant fondamentaux, de la réalité. Ils sont cités seulement pour mémoire, de façon à fixer dans notre démarche un double impératif apparemment paradoxal : chercher à mettre en place des processus simples, sans sous estimer la complexité des jeux d’acteurs et des rapports d’intérêts entre individus et groupes d’individus. Eléments de définition de « l’entreprise solidaire » Nous partons donc sur un axe de travail qui postule qu’une entreprise solidaire est une entreprise capable d’auto réguler son processus de production de façon à répondre aux besoins exprimés par des hommes vivants sur un territoire donné et ce sans produire d’effets « collatéraux » nuisibles à l’environnement physique et humain. Ce n’est pas exactement « vivre et travailler au pays » mais « produire et consommer ensemble ». Tel est l’idéal qu’il convient de transformer en règles de fonctionnement. Sans doute est-ce la quadrature du cercle, mais il est peutêtre possible d’y tendre par touches successives. Il est utile pour cela de partir de l’exemple historique du mouvement coopératif qui constitue une façon de réguler les conflits latents entre producteurs, consommateurs et investisseurs. En associant les populations dans l’entreprise (gouvernance et distribution des résultats) et en mettant les investisseurs privés hors d’état de devenir hégémoniques, le statut mis au point a fait la preuve d’une efficacité certaine. Il n’a par contre pas constitué une 10 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE garantie de démocratie et de respect de l’environnement physique et humain, surtout lorsque l’entreprise devient puissante. La présence simultanée dans le système de gouvernance des entreprises de plusieurs partenaires ayant des intérêts différents et parfois contradictoires, est requise pour assurer une régulation satisfaisante : salariés, usagers, bénévoles et représentants élus de la collectivité. Il est nécessaire que chaque catégorie participe d’une façon ou d’une autre à la marche de l’entreprise, mais pas forcément suivant un mode identique. Par exemple, le mode de partenariat le plus approprié pour la puissance publique est peut-être le mode conventionnel ou contractuel plutôt que la participation directe dans une instance dirigeante de l’entreprise. De même faut-il imaginer des formes variées de participation des investisseurs externes. Ce qui importe c’est que chaque partie puisse faire valoir son point de vue et y trouve son intérêt. Par rapport aux formes d’entreprises existantes, la recherche actuelle vise à mieux représenter deux partenaires identifiés : les bénévoles et la puissance publique. La présence de volontaires bénévoles, soit comme travailleurs de l’entreprise, soit comme apporteurs de capitaux, est importante. Elle garantit en effet l’intérêt social de l’entreprise audelà de sa rentabilité financière – au demeurant faible (ou nulle pour le travailleur bénévole) – et de l’intérêt des salariés. Pour satisfaire un besoin identifié, l’entreprise propose son produit (ou service). Celui-ci a toujours à la fois une valeur d’usage et une valeur symbolique ; le bénévole (certains préfèrent l’appeler « volontaire » ) garantie la valeur symbolique de la production. Outre cet aspect de légitimation, il faut relever un des leviers majeurs de notre action qui est son caractère citoyen : à la fois pour la maîtrise de l’activité économique et la nécessaire prise de risque financier (surtout lorsqu’il y a création d’entreprise), seule l’action directe du citoyen apporte un plus par rapport à la médiation institutionnelle qui tend à occuper de plus en plus tout le champs de l’économie. C’est d’ailleurs une des raisons du succès du mode associatif en France (en plus de son extrême simplicité) ; or il s’agit bien ici de définir une association entrepreneuriale CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 11 (vendant des produits ou services au-delà de ses membres) ou une entreprise associative, société de personnes et non de capitaux (mais qui a besoin de fonds propres pour fonctionner). « L’émancipation permise par une société fondée sur le couple Etat - marché a permis la sortie des dépendances communautaires traditionnelles, en particulier pour les femmes, mais elle débouche aujourd’hui sur une mutation de l’individualisme qui peut - être définie comme le « privatisme », un processus culturel qui incite à se dégager des relations sociales, de la reconnaissance mutuelle, de la coresponsabilité vis-à-vis des biens communs de la reproduction du lien social. Cet individualisme de déliaison et de désengagement, fait de retrait dans la sphère privée et d’indifférence vis-à-vis du politique est constamment renforcé par la marchandisation de la vis sociale » (Bernard EME et Jean-Louis LAVILLE, l’Economie solidaire contre les idées reçues – Partage n°145). Un des problèmes majeurs, en plus de la cohabitation salariés-bénévoles, est l’introduction de l’épargnant privé dans le multi-partenariat. En effet, le mépris ou la condescendance des opérateurs financiers « classiques » vis-à-vis de l’économie solidaire n’a d’égale que la méfiance des porteurs de projet solidaire vis-à-vis de l’épargnant privé soupçonné de ne pouvoir se comporter autrement que l’affreux capitaliste existant dans ses fantasmes ! Or il existe beaucoup de personnes désireuses d’investir leur épargne dans des entreprises qu’elles considèrent, sans être à proprement parlé des « usagers », comme répondant à un vrai besoin de notre société. C’est précisément le profil du « cigalier ». Le point central consiste donc à trouver une juste place pour le partenaire financier privé, motivé d’abord par l’intérêt social et collectif du projet, mais qui désire aussi faire la différence entre le don qu’il peut effectuer en d’autres circonstances (en particulier pour des organismes caritatifs) et l’épargne qu’il veut investir et dont il aura peut-être besoin de disposer dans un avenir plus ou moins lointain, en plus des plus values sociales escomptées. Il convient donc de définir des critères précis de ce qu’on entend par «épargne solidaire ». 12 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE En définitive les critères retenus pour définir une entreprise solidaire seraient un système de gouvernance comprenant au moins trois éléments : - une représentation des usagers et /ou des salariés dans les instances dirigeantes, - une reconnaissance des pouvoirs publics sous forme de convention, label ou agrément, - une participation bénévole pouvant prendre plusieurs formes : participation aux activités et/ou instances dirigeantes et participation au capital avec limitation des possibilités de retrait et de profits. Sans doute faut-il ajouter un quatrième critère de taille critique au delà de laquelle l’entreprise ne peut être gouvernée de façon à respecter l’individu. Elle acquiert une logique propre de développement dont le rapport au projet initial s’atténue pour disparaître dans la pratique, et ce quelque soit la bonne volonté des acteurs. Le problème réside dans l’extrême difficulté à placer la limite ; celle-ci dépend de la capacité de l’organisme à décentraliser les décisions tout en mutualisant les moyens. Limiter la taille de l’entreprise est un moyen de favoriser cette décentralisation nécessaire à une régulation économique plus humaine. Là encore, il s’agit de pratique plus que de statut permettant de mieux vivre le paradoxe analysé par Simone WEIL (« Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale »1934) : « Les moyens puissants sont oppressifs, les moyens faibles sont inopérants ». Dominique Carliez CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 13 14 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE L’ENTREPRISE SOLIDAIRE POUR QUOI FAIRE ? ’entreprise solidaire a désormais une existence juridique. Correspond-elle pour autant aux pratiques de terrain qu’en ont les créateurs, les réseaux d’épargnants solidaires (à travers leur charte) ou les experts de l’économie solidaire ? Quelle représentation s’en fait le grand public ? Ce « label » solidaire les éloigne-t-il de toute tentation et de toute dérive ? L Fournir la description de ce qu’est aujourd’hui une entreprise solidaire ressemble encore passablement à raconter la parabole de l’éléphant et des trois aveugles. Confrontés chacun à une partie de l’animal, ils n’en donnent qu’une vue parcellaire, sans pouvoir en embrasser le tout : c’est un tronc d’arbre, dira celui qui met sa main sur une des pattes ; un serpent, assure celui qui touche sa trompe ; un bout de ficelle, complète le dernier qui s’est saisi de sa queue ! Il en va de même pour l’entreprise solidaire : d’aucuns apprécieront son utilité sociale (environnement, insertion des personnes, activités de proximité), d’autres sa méthode de faire (bénévolat, co-construction, démocratie économique), d’autres encore le fait qu’elle soit soutenue par de l’épargne solidaire (prêts solidaires, capital solidaire). Un patchwork qui ressemble assez d’ailleurs à la définition que l’économie solidaire donne d’elle même : un mix de ressources, issues des secteurs marchands, nonmarchands et non-monétaires. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 15 Ce débat sur l’entreprise a aussi bien sûr une dimension internationale. Lors du deuxième Forum social mondial, l’une des propositions portait sur la construction d’instruments méthodologiques pour mesurer, évaluer et mettre en valeur les spécificités des entreprises de l’économie sociale et solidaire. De nombreux critères ont été proposés : finalités sociales, finalités de l’environnement de leur activité, aptitude à utiliser des ressources avec prudence et sagesse, attention par rapport aux risques, fonctionnement participatif et démocratique, dimension nonmonétaire de l’engagement des volontaires et usagers au sein de leurs activités, conscience citoyenne par rapport à l’usage des fonds publics et à l’accompagnement actif des institutions gouvernementales. Ouf ! Si les critères sont tous respectés, l’entreprise solidaire aura bien avancé. Néanmoins, l’entreprise solidaire a, depuis l’an dernier en France, une réalité officielle : celle de l’article L 443-3-1 du Code du Travail, modifié par la loi 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale. Le label d’entreprise solidaire sera accordé par la préfecture de département aux entreprises non cotées qui répondent à une des deux conditions suivantes : un tiers des salariés de l’entreprise appartiennent à certaines catégories de personnes (emplois jeunes, handicapés, demandeurs d’emploi de longue durée, bénéficiaires du RMI ou de l’ASS, etc.) ; les dirigeants de l’entreprise sont élus directement ou indirectement par les salariés, les adhérents ou les sociétaires et l’éventail des salaires n’excèdent pas certains seuils. L’entreprise solidaire a désormais un statut. Est-il conforme à la pratique que peuvent en avoir le grand public, les acteurs de terrain, les réseaux de l’épargne solidaire (intéressés au premier chef pour savoir dans quels projets ils investissent réellement) et les chercheurs ? Si l’on commence ce rapide tour d’horizon par le grand public, il est certain que le terme d’entreprise solidaire sera pris pour synonyme d’entreprise éthique ou d’entreprise citoyenne, dont on sait qu’ils sont désormais mis à profit, en termes d’image et de marketing, par les grandes entreprises du secteur concurrentiel pour le leur (de profit !). La valeur opératoire de ces concepts semble donc peu pertinente dans le cas qui nous occupe. 16 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE Je suis une entreprise solidaire ! Plus intéressantes sont les réactions de très petites entreprises (TPE) à la question « êtes-vous une entreprise solidaire?», surtout quand elles sont diamétralement opposées… Philippe CLAUDET est un ancien instituteur qui a eu l’idée de créer des livres illustrés pour des enfants malvoyants. Son association, installée à Talant (Côte d’Or), porte le joli nom des Doigts qui rêvent : elle emploie dix personnes en insertion et fabrique des exemplaires uniques. Pour lui aucun doute : « je suis à la tête d’une entreprise solidaire parce qu’on me l’a dit ! Après avoir été recalé, dans mes demandes d’investissements, aussi bien par les banques que par les fondations, j’ai été accueilli par le monde de l’économie solidaire. En fait, j’ai frappé à la porte du secrétariat d’Etat à l’Economie solidaire qui nous a retenus dans l’appel à projets Dynamiques solidaires. Aujourd’hui, je revendique l’idée d’être une entreprise solidaire. Notre association a même l’ambition cette année de devenir une SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) » Ce que voulait faire Philippe CLAUDET relevait bien de l’économie solidaire : ses pairs le reconnaissaient comme tel, tandis que la sphère marchande continuait de l’exclure. Tout autre son de cloche du côté de Régine PIERROT, une ancienne styliste au chômage, qui lance en 1997, des modèles de layettes pour enfants prématurés. Elle est l’unique salariée de sa SARL, Néoplume, déménagée de Brest à Nantes l’an dernier. Pour elle, la question ne se pose pas en ces termes : « je parle d’abord de mon activité, qui, pour moi, est d’utilité sociale, avant de parler de son statut. En manque de fonds propres à l’origine, j’ai été aidée par à peu près tous les outils financiers alternatifs régionaux. Un véritable soutien au départ, mais a posteriori je pense que c’est assez dangereux pour ces petits financeurs de lancer à l’aventure des personnes comme moi qui n’ont aucune compétence gestionnaire. Si c’était à refaire, je ferais un montage différent ». Du côté de Régine PIERROT, il y a donc plus d’ambivalence : d’un côté, le passage par le capital solidaire (société de capital risque, filières, plate forme d’initiative locale, CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 17 fonds de garantie solidaire BDI de l’association France Active) était obligatoire ; de l’autre la volonté affirmée d’être une entreprise comme les autres reste forte. Le flou des réseaux La question est récurrente pour les réseaux de finance solidaire : qui finançons-nous ? Est-ce que ce sont bien des entreprises solidaires ? Est-ce que ces entreprises, solidaires au départ, ne finissent pas par rentrer dans le rang ? Pour se rendre compte des désirs des épargnants solidaires, nous nous sommes livrés à une rapide analyse des chartes que se sont donnés la plupart de ces mouvements. A notre grande surprise, aucun ne mentionne le souhait de mettre en avant « des entreprises solidaires », mais la terminologie employée renseigne malgré tout sur leurs objectifs. Par la Charte des Clubs d’investisseurs CIGALES, révisée en 2000, les cigaliers s’engagent à «donner la priorité à des entrepreneurs, dont les buts, au-delà du nécessaire aspect financier, sont sociaux, culturels, écologiques, c’est-à-dire respectueux de la place de l’Homme dans son environnement». La Fédération Love Money, qui rassemble d’autres investisseurs solidaires de proximité, ne prend pas plus de risques en mots (mais elle en prend en actes !), puisqu’elle entend favoriser « toute entreprise en création, en développement ou rencontrant des difficultés surmontables. Ces entreprises doivent être intéressées par une ouverture de leur capital aux investisseurs individuels de proximité ». Le langage est semblable dans la Charte de la Nef qui offre son soutien à des « projets réellement utiles qui contribuent à un développement économique durable dans un esprit de solidarité ». Autrement dit, on aide ceux qui nous ressemblent, sans trier les secteurs d’activités qui font appel à ce type de financement. Et effectivement, les entreprises solidaires de ces réseaux touchent les secteurs de l’environnement ou du soutien social, mais aussi la restauration, le bâtiment, l’informatique ou la coiffure. D’autres réseaux prennent plutôt en compte la cible de leurs actions, c’est à dire des personnes en difficulté ou des chômeurs-créateurs. France Initiative Réseau ne veut pas distinguer, dans sa Charte, « les créations contraintes, de ceux qui créent leur propre emploi, faute de trouver un employeur, et les créations libres, de ceux qui créent par envie, voire par passion 18 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE (...). Insertion sociale, création d’emplois, développement économique, innovation interagissent souvent dans les mêmes projets. » La Charte des fonds de garantie France active s’avèrent la plus précise dans ce domaine. En avance sur le statut défini par la loi sur l’épargne salariale, elle est même la seule à employer le terme d’entreprises solidaires. Elle indique que «les interventions de FFA s’adressent aux projets solidaires, notamment les activités professionnelles, créées ou développées par des personnes en situation de précarité économique ; les structures d’insertion par l’activité économique ; les TPE créées ou développées dans des territoires sensibles urbains ou ruraux ». Entreprises du troisième type Pour réconcilier les termes entreprise et solidarité, il faut peut-être se tourner vers l’étranger, en l’occurrence le RoyaumeUni. Dans leur déclaration d’intention, les entreprises sociales de Londres sont en effet beaucoup plus précises : « elles combinent le besoin d’être efficaces économiquement et d’avoir des buts sociaux ; elles sont dans les mains de groupes de stakeholders (utilisateurs, clients, groupes communautaires) ». Cela nous permet d’avancer aussi sur la définition d’entreprise solidaire, par l’opposition entre les stakeholders (ceux qui ont investi dans l’entreprise pour ses objectifs sociétaux) et les shareholders, les actionnaires qui ne sont mus que par la recherche du profit. La référence à l’Angleterre va aussi nous permettre d’en venir aux observations des chercheurs, en introduisant la notion d’entreprise sociale que nous n’avons pas utilisée jusqu’à présent. L’entreprise sociale est à l’économie sociale ce que l’entreprise solidaire est à l’économie solidaire ! Elle est plus ancienne et a une fonction englobante : ce sont à la fois les coopératives, les mutuelles ou les associations, mais donc aussi les formes d’entreprises nouvelles, comme les SCIC. Hélène CLEMENT et Laurent GARDIN, deux sociologues du CRIDA, notent qu’« en France, aucun statut juridique ne reconnaît l’entreprise sociale spécifiquement (ils parlent avant la loi du 19 février 2001). C’est plus un type de fonctionnement qui tend à définir ce concept qu’un statut juridique » (in L’entreprise sociale, Les notes de l’Institut Karl POLANY, novembre 1999). CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 19 Une contribution importante au débat a été apportée par le rapport d’Alain LIPIETZ, « Pour le tiers secteur » (La Découverte/La documentation française, février 2001) qui préfère parler d’entreprise d’utilité sociale. En cours de route, il abandonne l’idée d’un nouveau statut pour promouvoir l’idée d’un label d’utilité sociale, qu’il verrait bien accordé en fonction de certains critères : la primauté du projet sur l’activité, la non-lucrativité et la gestion désintéressée, l’apport social de l’association et le fonctionnement démocratique sont notamment prioritaires. Si un label proprement dit d’entreprise solidaire voit le jour, certains de ces critères devraient être repris. Dans une vision œcuménique, Morgane COUNARIE, chargée de mission à l’association Développement et emploi parle d’entreprises d’économie sociale et solidaire dans un texte récent (L’économique au service de l’homme, in Chronique, revue trimestrielle de Développement et emploi, décembre 2001). Dans cet article très synthétique et en même temps très riche, elle évoque « un autre mode d’entreprises, de communauté démocratique de projet et de travail ». Autant de termes qui dressent un tableau idyllique de ces entreprises solidaires. Comme les entreprises classiques, elles peuvent pourtant être soumises à des dysfonctionnements. Pointons quelques-unes de ces dérives possibles pour terminer. On mettra rapidement de côté les distorsions de concurrence, auxquelles elles sont accusées de se livrer par les entreprises marchandes, puisque justement ce qui fait leur spécificité est d’offrir une dimension supplémentaire, la dimension sociétale, à la simple recherche du profit, même si cela doit avoir un coût supplémentaire pour la collectivité (emplois aidés, mieuxdisant social, incitations fiscales). C’est quand ces avantages sont détournés de leurs objectifs pour maintenir des personnes dans la précarité par exemple qu’on peut parler de dérive ; régulièrement, la Cour des comptes met le doigt sur des collectivités territoriales ou des associations, trop grandes consommatrices de contrats emploi solidarité : bien pire, parfois elles remplacent des emplois contractuels pour les remplacer par des CES... A l’inverse, ces associations, entreprises d’insertion ou autres structures solidaires sont parfois sous la menace d’une instrumentalisation par les 20 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE politiques publiques, pour des objectifs de court terme : faire du chiffre. Nombreux sont aussi les exemples d’entreprises qui, une fois aidées financièrement par les réseaux solidaires, s’empressent de couper les ponts, seulement intéressées par un développement capitalistique ou trop prises par la gestion du quotidien. De la même façon, est-ce qu’une entreprise solidaire mériterait ce nom, si elle ne prend un statut particulier, comme celui de SCOP, que pour des raisons fiscales ? Mais le risque le plus grand n’est-il pas, après avoir été rejeté par les banques et être né dans la mouvance de l’économie solidaire, d’oublier la solidarité pour ne plus penser qu’à l’économique ? Attention à ne pas devenir comme les autres, c’est ce que nous dit en substance Jean-Loup MOTCHANE, professeur à l’Université Paris VII, à propos des entreprises de l’économie sociale : « ses grandes institutions se proclament différentes de leurs homologues capitalistes, mais elles n’en donnent pas toujours la preuve de manière explicite ou convaincante. Les grandes banques et les sociétés d’assurance mutualistes, ainsi que les coopératives, ont des statuts incompatibles avec la logique marchande. Pourtant, elles se moulent dans le système libéral, au point de ne pas pouvoir être facilement distinguées des entreprises ordinaires » (in Ces territoires méconnus de l’économie sociale et solidaire, le Monde diplomatique, juillet 2000). Aux acteurs impliqués dans les entreprises solidaires de veiller à ne pas en arriver là... Eric LARPIN CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 21 22 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE QUESTIONS A : FRANCIS MORIN, CONSEILLER TECHNIQUE AUPRES DU SECRETARIAT D’ETAT A L’ECONOMIE SOLIDAIRE Jacques DUGHERA : Quels sont selon toi les trois critères de définition de l’entreprise solidaire ? Francis essentiellement : MORIN : J’en vois de deux sortes - Des critères tenant aux finalités de l’entreprise et à la nature de sa production, - Des critères tenant à son mode d’organisation interne et externe, par exemple, l’implication des différentes composantes et l’inscription du projet d’entreprise dans son environnement territorial et la durée. A contrario, les statuts juridiques ne sont pas un critère suffisant en soi. JD : Mais est-ce que ces critères sont cumulatifs ? Et toutefois certains statuts juridiques comme les sociétés commerciales prévoient explicitement la recherche du profit. Est-ce bien une logique d’entreprise solidaire que de faire du profit ? FM : Sur la première question, il me semble que l’appréciation de la qualité solidaire ou pas de l’entreprise doit être progressive, inscrite dans un processus. Mais on ne doit pas pour autant galvauder ces critères. C’est ce qui se passe avec le concept d’agriculture raisonnée qui consacre, a priori, le fait que les critères CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 23 et exigences relatives aux produits d’agriculture biologique sont inaccessibles. Sur la seconde question, le problème n’est pas de faire du profit mais de savoir comment il est réparti. Il y a des entreprises qui relèvent des statuts de l’économie sociale qui produisent n’importe quoi, n’importe comment ! Le label de l’entreprise solidaire permettrait de répondre à ces questions. JD : Tu nous parles de production. Est-ce que selon toi, une entreprise solidaire doit produire exclusivement des produits solidaires. Par exemple, une entreprise de commerce ne serait solidaire que si elle vendait des produits de commerce équitable ? FM : Je crois qu’il faut effectivement distinguer le label de l’entreprise solidaire du label du produit solidaire. Ce dernier peut rapidement se mettre en place dans une logique de certification professionnelle, garantie par l’Etat si nécessaire. Il ne me semble pas raisonnable aujourd’hui compte tenu du marché, de réclamer à cette entreprise de commerce de ne vendre que des produits labellisés commerce équitable pour obtenir le label d’entreprise solidaire. Le label d’entreprise solidaire suggère une Charte et des réponses aux seuils au-delà desquels ou en deçà desquels on est ou pas entreprise solidaire. Jacques DUGHERA 24 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE LA LOI DU 19 FEVRIER 2001 SUR L’EPARGNE SALARIALE : LES ENTREPRISES SOLIDAIRES ET FONDS SOLIDAIRES Article L 443 3 1 du code du travail L ’entreprise solidaire : - entreprise dont les titres de capital, s’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, c’est à dire entreprise non cotée, - entreprise dont au moins un tiers de ses salariés sont des emplois jeunes, des salariés relevant de la COTOREP, ou des salariés relevant de l’un des minima sociaux, Ou - entreprise dont la nature juridique est spécifique et le niveau de rémunération est déterminé. Par nature juridique spécifique, on entend : Une entreprise dont les dirigeants sont élus directement ou indirectement par les salariés, les adhérents ou les sociétaires (gérant de SARL, associé, PDG, Président de conseil de surveillance,…). CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 25 Par niveau de rémunération, on entend : Dans les entreprises de moins de 20 salariés, adhérents ou sociétaires, la rémunération annuelle perçue de l’entreprise, à l’exception des remboursements de frais dûment justifiés, par l’un de ceux-ci n’excède pas 48 fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base d’un salaire minimum de croissance (54 067 euros ou 355 KF, soit 29 KF mois brut sur la base de 169 heures). Dans les entreprises de 20 salariés, adhérents et sociétaires et plus, la condition ci dessus est satisfaite par 19 salariés, adhérentes et sociétaires. En outre, la rémunération des autres salariés, adhérentes ou sociétaires ne peut excéder pour un emploi complet, 84 fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du SMIC (94617 euros ou 620 KF, 52 KF brut par mois sur base de 169 heures). Sont assimilés à des entreprises solidaires les organismes dont l’actif est composé pour au moins 80 % des titres émis par des entreprises solidaires où les établissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires. 26 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE MANIFESTE : « VIVENT LES ENTREPRENEURS SOCIAUX ! » C e manifeste a été rédigé par un groupe informel de huit personnes toutes travaillant dans le soutien à l’initiative économique collective. Il leur est apparu que les grandes déclarations sur l’entreprise et la nécessité du droit à l’initiative économique ignoraient en général la nécessité préalable d’entrepreneurs sociaux, souvent mal reconnus voir instrumentalisés quand reconnus. Une méthode de reconnaissance mutuelle entre pouvoirs publics ou privés intéressés au développement de ces entrepreneurs sociaux et les entrepreneurs sociaux eux-mêmes et des critères d’évaluation communs sont ainsi proposés dans ce manifeste. A signer et faire signer pour que le débat sur l’entrepreneur social soit aussi un débat politique. Nous croyons que l’entreprise sociale a un sens aujourd’hui, qu’il faut la faire reconnaître et en augmenter significativement le nombre. Certes, ses dirigeants ne savent pas toujours qu’il s’agit d’une entreprise. Ils parlent bien souvent d’association, de petite entreprise comme s’il y avait des petites et des grandes aventures, des petites et des grandes activités, des petits et des grands emplois. Ils ne savent pas non plus toujours que leur projet, leur activité relèvent du champ social, tout simplement parce que le sens, le mot même n’est plus « actuel » ou trop galvaudé peut-être. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 27 L’entreprise sociale, c’est quoi au fait ? Indépendamment de son statut particulier, l’entreprise sociale est une aventure humaine, une activité économique organisée, sans but lucratif. Si elle se donne pour but de produire de la richesse, ce n’est pas pour limiter la distribution de ses excédents aux actionnaires. Elle se propose principalement de satisfaire des besoins sociaux non couverts par le marché ou l’intervention publique. Elle est porteuse d’une éthique qui la conduit à inventer de nouvelles formes de régulation sociale inscrites dans des territoires concrets, au plus près des habitants et s’appuyant sur leur volonté d’autonomie, au demeurant souvent collective. Nous sommes loin du prix décerné par les conférenciers de Davos à une « entreprise sociale » issue de leur rang. Qui sommes-nous ? Au départ, une petite dizaine d’individus, placés à titre professionnel au cœur de l’esprit d’initiative, du développement local, de la création d’activités. Sensibles à ce sentiment d’urgence, plus d’une centaine de personnes, issues du privé, du public ou de l’économie sociale se sont déjà associées à ce projet et participent désormais à nos travaux. Aurons-nous, nous aussi, nos 500 signatures à la veille des prochaines élections ? Combien pesonsnous ? Notre souhait militant est d’agir pour donner toute leur place aux entreprises sociales et leur permettre de se développer. Chaque jour, chacun fait le constat de l’existence de projets aux dimensions multiples : économique, sociale, territoriale, … dont les dirigeants ont fait le choix de la complexité par souci de la réalité et le choix de l’activité économique par engagement personnel. Bien évidemment, il en faut plus. Mais, il faut surtout que les institutions soient en mesure de les repérer, les connaître et les apprécier. Un exemple : nombre d’associations se sont lancées avec ferveur dans le programme « nouveaux services – emplois jeunes ». Combien se cassent les dents aujourd’hui sur la pérennisation ? Manquant d’outils, de méthodes, elles ré-inventent des solutions. Certaines d’entre elles choisissent d’atteindre des objectifs marchands, éventuellement en composant avec leurs valeurs constitutives. Comment éclairer leurs choix ? Et en face, 28 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE est-ce mieux ? Du côté de leurs « clients » qui pourraient permettre la poursuite de ces nouveaux services ? Bien souvent, ces financeurs publics n’ont pas les outils pour juger de la pertinence et de l’efficacité sociale et économique de tels projets. Le constat est général : les outils manquent ainsi que les dispositifs de qualification des acteurs (formation, accompagnement, parrainage), la mise en place de transferts de savoir-faire (analyse, production d’outils, création de couveuses…). Mais plus encore, c’est d’une culture et d’un langage communs dont ont besoin les entrepreneurs sociaux et ceux qui sont amenés à les côtoyer, les apprécier, les financer. Il faut expliquer, démontrer, décloisonner, banaliser. Où en sommes-nous ? Depuis un an et demi, nous avons audité des experts, rencontré des entrepreneurs sociaux, multiplié les contacts. Nous avons tout d’abord tenté de mieux définir l’entreprise sociale. Le 4 juillet 2001, une cinquantaine d’entre nous se sont réunis pour convenir des définitions et des champs d’action. Le 25 octobre, une réunion à l’Assemblée Nationale nous a permis de cerner précisément la réalité de l’entreprise sociale pour le champ particulier de l’insertion par l’activité économique. Deux premiers groupes, l’un sur les « outils et méthodes », l’autre sur « les dispositifs de formation » se sont réunis fin novembre. Quels critères d’évaluation pour l’entreprise sociale? L’entreprise sociale est une alchimie étonnante au carrefour de deux grands ensembles. L’un précise l’organisation interne et les options des dirigeants. Nous l’appelons le choix social. L’autre, externe, prend en considération la dimension sociétale de l’entreprise. Ce second aspect fait appel à des indicateurs sociétaux qui restent encore à mieux définir. Il est, en effet, hors de question de s’inspirer des méthodes des agences de rating social pour affiner notre approche. Nous considérons que ces sociétés anonymes ont une vocation différente de la nôtre. Nous définissons cet ensemble sociétal comme le « supplément d’âme » du projet sur son environnement. Cet ensemble est une partie constitutive indispensable au projet. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 29 Le choix social - La répartition des excédents éventuels, La primauté du capital social sur le capital financier, L’innovation dans le process interne et externe. La nature de l’activité, L’inscription des effets du projet dans la durée. Le choix sociétal - Les conditions d’accessibilité de l’offre, - La responsabilité du projet à l’égard de la collectivité, - La mobilisation des acteurs économiques et / ou sociaux du territoire, - La satisfaction de besoins sociaux non couverts. Nous sommes conscients que chacun de ces critères a une influence et une importance variables, mais tout un chacun est à même de comprendre le sens de la démarche. Le positionnement de l’entreprise sociale, à la confluence de ces deux ensembles, montre bien l’attachement qu’il faut porter à chacune de ces dimensions. Pour chacun de ces critères, nous avons mis en évidence des résultats attendus, des indicateurs de réussite et les éléments de preuve vérifiables facilement. Ce travail a déjà permis de produire un langage commun et de faciliter les échanges. Il permet, il est vrai, pour toute entreprise sociale, de se positionner sur ces grilles multicritères, de vérifier l’adéquation de son projet avec sa réalité sociale, économique et territoriale, enfin de définir précisément les axes de développement. Une illustration graphique pourrait être par exemple celle d’une étoile à 9 branches dont certaines, plus ou moins longues, mériteraient d’être étendues pour tendre vers l’entreprise sociale. Cette objectivation doit être réalisée par les dirigeants et les parties prenantes du projet. Dans une configuration idéale, bien accompagnés dans la durée, ces entrepreneurs disposeront d’indicateurs relativement précis de leur utilité sociale. Mieux armés pour la défendre auprès d’acteurs locaux ou d’institutions disposant de personnels formés, ils pourront construire avec eux des programmes efficients. La mise en place des SCIC participe de ce mouvement. Est-ce rêver ? Non, le travail est lancé ; les modules de formation en cours, des projets 30 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE de couveuses sont évoqués. Reste à pousser les responsables politiques à intégrer ce projet. Que pensent les candidats aux élections présidentielles et législatives ? Du bien, assurément, comme de tout projet relevant apparemment du technique. Mais que fera réellement l’élu ? Nous lui suggérerons des actions territoriales, une agence indépendante de notation sociale, un réseau d’accompagnateurs…. Au boulot pour que vivent les entrepreneurs sociaux ! Pour notre part, nous continuons à œuvrer pour ce projet de société. Attentifs aux travaux actuels des praticiens, nous lançons cette adresse aux candidats : Vous, sur ce vrai débat de société, quelles sont vos positions, vos propositions ? Collectif « Pour de nouveaux entrepreneurs sociaux » Pierre AUDIBERT Christian CAVE Jacques DUGHERA Patrick ENGELBACH Benoît GRANGERr Philippe SALES Adelphe DE TAXIS DU POËT CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE Sylvie TUMOINE 31 Fédération des CIGALES Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative Locale de l’Epargne Solidaire Les CIGALES sont des clubs d’investisseurs privés au service des créateurs respectueux de la place de l’homme dans son environnement social, écologique, culturel et local. Les Cigales se situent au carrefour de l’Epargne de proximité, de l’Epargne éthique et de l’épargne solidaire. Elles veulent contribuer à développer la citoyenneté active de leurs membres et à inciter à toujours plus de démocratie économique et de démocratie locale. Fédération des Cigales 61 rue Victor Hugo 93 500 Pantin Tél/Fax : 01 49 91 90 91 www.cigales.Asso.fr 32 En 2000, - Un réseau de 105 Cigales réparties sur le territoire français - 1.700 cigaliers investissent et accompagnent des créateurs d’entreprises. - 141 778 Euros ont été investis - Plus d’une centaine d’emplois a été créée ou maintenue grâce à l’intervention des CIGALES. CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE PAROLES DE GERANT(E)S Le 15 décembre 2001, 19 cigalier(e)s, la plupart gérant(e)s de CIGALES, réunis à la MAAFORM qui entre autre accueille le restaurant d’insertion « Le Relais », échangeaient sur leurs pratiques. En fin de journée, chacun(e) a pu faire le point entre la réalité des entreprises cigalées et ce qu'on en attendait en arrivant dans sa CIGALES. Le débat qui s'est instauré à cette occasion n'a pas permis de répondre à la question de savoir ce qu'est une entreprise solidaire mais on n'en était pas loin… Les motivations rappelées ne laissent aucun doute sur le caractère solidaire et militant des démarches des cigalier(e)s présent(e)s. Mais est on satisfait(e) des entreprises cigalées en regard de ces motivations ? Parmi les réponses : "c'est satisfaisant d'avoir aidé une entreprise intéressante comme cette Biocoop". "D'avoir investi dans Andines (Commerce équitable), ça a satisfait les adhérent(e)s car ils sont près de l'économie solidaire; de plus, on a eu l'occasion de conseiller une meilleure gestion des stocks comme dans une entreprise traditionnelle. Ce qui montre que les 2 économies peuvent cohabiter". Cette réflexion rappelle évidemment qu'une entreprise clairement solidaire de par son activité (bio, écologie, commerce CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 33 équitable) et / ou son milieu d'embauche (insertion), et / ou son statut (scoop), n'est pas dispensée d'être bien gérée au sens de l'économie traditionnelle. Le contraire risquant de mener à un échec, ne serait pas le bon moyen d'atteindre l'objectif de solidarité! Et l'inverse ? Une entreprise née de l'économie traditionnelle, aux activités traditionnelles, peut-elle être solidaire? Ce pourrait être grâce à ses règles internes de fonctionnement par exemple (respect des droits des salariés et leur place dans les décisions, respect des clients, respect de l'environnement …) ou ce pourrait être dans son utilisation des excédents (investissements en formations, développement, redistribution prioritaire aux bas salaires pour une réduction des écarts…). A t'on rencontré une telle entreprise ? Si oui, pourra t–elle tenir longtemps ? Ses responsables ne s'estimeront-ils pas tôt ou tard obligés de tenir compte des fameuses "lois de la concurrence" et faire des choix prioritaires moins solidaires au nom de la rentabilité ? A moins que des aides… Quelques autres réponses : " J'ai apprécié la proximité avec l'entrepreneur". "Il doit y avoir un "déclic" avec le créateur. Il faut qu'on sente qu'une relation peut naître." "Souhaitant, en militante, participer à l'évolution sociétale, je suis satisfaite ; bien que j'ai rencontré des porteurs qui n'avaient pas la fibre solidaire". "Dans ma CIGALES, au final, (alors qu'au départ, les motivations étaient très diverses), tous sont contents d'avoir investi dans la librairie "Comme Dans Un Moulin". A la question "deviendriez-vous cigalier(e)s à votre tour" , la réponse a été "oui, dès qu'on pourra". Mais quelle crédibilité accorder à une réponse sollicitée ? Cependant parmi les gérants présents l'un est un chef d'entreprise cigalée ayant créé, à son tour , une CIGALES. Après ce débat, on était tout près de pouvoir analyser les vécus des entreprises cigalées et se poser la question "sont-elles des entreprises solidaires? » Si le temps n'avait pas manqué et si la motivation avait été là pour ce genre de question ? 34 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE On peut cependant essayer de prolonger un peu la réflexion après coup. Si certains créateurs (ou créatrices ?) lors de la première rencontre avec la CIGALES ne semblent pas du tout concernés par le rôle solidaire que pourrait jouer leur entreprise, certains découvrent avec stupeur et émerveillement le milieu de l'économie solidaire au contact des cigalier(e)s. Ils sont surpris que des personnes comme ça existent : aussi désintéressées du profit financier pour donner la priorité à la création et à la réussite de leur entreprise. Ainsi, grâce à la relation de "proximité avec l'entrepreneur" et au "déclic" mentionnés par certains participants à la journée, on constate qu'une évolution est possible. Si l'entreprise réussit, il n'est pas rare en effet que l'entrepreneur, reconnaissant l'efficacité du soutien de la ou des CIGALES, crée à son tour, une CIGALES qui aidera à la création d'autres entreprises. Dans ce cas, cet entrepreneur, en tant que personne, est clairement devenu solidaire et sera acteur de l'économie solidaire. Le caractère de solidarité (le "solidarisme" !) d'un individu (cigalier(e), entrepreneur créant une CIGALES) est très lisible dans sa volonté de créer des entreprises pour créer des emplois. Mais pour une entreprise ? Qu'en est-il d'une entreprise ainsi créée? Elle n'est pas nécessairement une entreprise solidaire. Elle est pour le moins née de la solidarité. Marie PICHEVIN CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 35 Vous avez un projet à vocation solidaire ? Vous recherchez un financement www.bourse-solidaire.org Votre partenaire 36 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE ET SI LA CIGALES ETAIT ELLE-MEME UNE ENTREPRISE SOLIDAIRE ? L a question ne se pose même pas : pour certains, le club d’investisseurs produit une activité d’utilité sociale, le financement de petites entreprises en création ou en développement mettant en application la charte des cigales. Intrinsèquement, la CIGALES est une entreprise solidaire. Pour d’autres, plus attachés à la notion d’entreprise, ce regroupement de bénévoles, même si de nombreux membres viennent des entreprises classiques, n’est pas en soi une entreprise. Oui, mais, l’article 19 de la loi du 19 février 2001 relative à l’épargne salariale ajoute une disposition importante : il assimile certains organismes à des entreprises solidaires. Et c’est quoi un tel organisme ? Manifestement, ce n’est pas la nature juridique qui le distingue du reste des entreprises solidaires, un organisme c’est tout et rien, une société voire une société de capital risque, un FCP (Fond Commun de Placement), et pourquoi pas une INDIVISION ? En réalité, selon la loi, cet organisme se caractérise par un ACTIF composé au moins à 80% de titres émis par des entreprises solidaires . C’est pas une CIGALES ça ? La plupart des entreprises au portefeuille des CIGALES sont appelées à être agréées comme entreprises solidaires, si elles font la démarche administrative. Une de plus direz vous, mais c’est aussi l’utilité des CIGALES que de les accompagner dans ces démarches. Et pourquoi refuser la CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 37 possibilité d’une épargne salariale solidaire, améliorant ainsi le réseau et le capital ? Bref, en aidant les entreprises solidaires de son portefeuille, une cigales pourra se faire reconnaître entreprise solidaire elle – même et ainsi profiter du réseau en cours de construction autour de l’épargne salariale solidaire. Le fait que 4 organisations syndicales sur 5 aient récemment décidé de coordonner leurs efforts dans ce champ n’aura pas échappé à la sagacité des cigaliers. Cela bouge. Aux CIGALES précurseurs de l’épargne solidaire d’en profiter également pour le développement du mouvement. Jacques DUGHERA 38 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE Sommaire Présentation : Epargnes cherchent entreprises Nicolas MEUNIER 3 Eléments de définition de l’entreprise solidaire Dominique CARLIEZ 7 L’entreprise solidaire pour quoi faire Eric LARPIN 15 Questions à Francis Morin, conseiller technique auprès du secrétariat d’Etat à l’économie solidaire Jacques DUGHERA 23 Les entreprises solidaires et fonds solidaires au sens de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale 25 Manifeste : « Vivent les entrepreneurs sociaux ! » Collectif « Pour de nouveaux entrepreneurs sociaux » 27 Parole de gérant(e)s Marie PICHEVIN 33 Et si la CIGALES était elle-même une entreprise solidaire ? Jacques DUGHERA 37 Achevé de rédiger le 21 mars 2002 Comité de rédaction : Jacques DUGHERA, Eric LARPIN, Nicolas MEUNIER, Olivier NICOL, Marie PICHEVIN, Fanny RICHARD CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE 39 CONTACTS REGIONAUX DES CIGALES Fédération des CIGALES Président : Jean Pierre Dumoulin 61 rue Victor Hugo, 93 500 Pantin Tél/Fax : 01 49 91 90 91 Mail : [email protected] Association Territoriale d’Ile de France Président : Yves Barnoux Tél/Fax : 01 41 71 00 92 Mail : [email protected] Association Territoriale du Nord et du Pas de Calais Présidente : Christiane Bouchart Tél : 03 20 68 17 83 Mail : [email protected] Association Territoriale d’Ile et Vilaine Président : René Troprès Mail : [email protected] Association Territoriale de Bourgogne Président : Olivier Mazué Tél : 03 80 50 90 47 Mail : [email protected] Association Territoriale de l’Essonne Présidente : Monique Bredel Tél : 03 29 24 36 23 Mail : [email protected] Association Territoriale Lorraine Franche-Comté, Présidente : Eliane Vilanova Tél : 03 29 24 36 23 Mail : [email protected] APEAS, Bouches du Rhône Association de soutien Tél : 04 91 90 99 02 40 Mail : [email protected] 40 CAHIER DE L’EPARGNE SOLIDAIRE DE L ’ EPARGNE SOLIDAIRE C AHIER Cette publication de la Fédération des CIGALES vise à présenter des études et écrits réalisés par ou pour les militants d’une économie alternative et solidaire. Elle invite au témoignage de professionnels comme d’acteurs qui apportent leur pierre à l’édifice des réalisations concrètes du développement solidaire des territoires. Elle se veut surtout une base simple d’échange et de réflexions à destination Fédération des CIGALES 61 rue Victor Hugo 93 500 Pantin Site : www.cigales.asso.fr e-mail : [email protected] Tél/Fax : 01 49 91 90 91 Prix de vente : 2 euros de tous ceux qui voudront bien s’en saisir.