Les peintres du renouveau au Quattrocento par Marianna Lora
Florence connaît à la fin du XIVe siècle un moment de paix et d’évolution politique positive après des moments difficiles de la fin
du siècle. Elle se développe avec Pise qu’elle annexe en 1406, Cortone en 1411 et Livourne lui donnant accès à la mer. Que se
passe-t-il entre 1415-1420 pouvant motiver cette nouvelle façon de représenter le monde? Le concours de 1401 pour la réalisation
des portes en bronze du Baptistère est important. Le bronze est une référence au Moyen-Age, à l’antique basilique. Un élément
déclencheur est le départ de Brunelleschi après son échec au concours de 1401 à Rome où il étudie les monuments antiques. De
retour de Rome au-delà de sa recherche, il travaillera sur la cathédrale Santa Maria del Fiore. Il va réussir ce symbole de la ville avec des
méthodes d’ingénieur et non d’architecte. Cette coupole n’a rien de Renaissance quant au style, mais c’est un déclencheur quant à
la méthode. Il réalise également une expérience sur la perspective centrale, théorisée en 1436 par Alberti et diffusée Piero della
Francesca. Parmi les 1ères représentations où on retrouve la ligne de fuite en perspective apparaît d'abord dans la sculpture puis
dans la peinture. Donatello - St Georges et le dragon, socle de St Georges, Orsanmichele, Florence. Masaccio sera le 1er à mettre en application cette
manière de penser la peinture.
Tommaso di Ser Giovanni, dit Masaccio (San Giovanni Valdarno, Arezzo, 1401 – Rome 1428).
Dès son arrivée à Florence, vers 1422, il travaille avec Masolino auquel il finit par imposer sa vision de la peinture, inspirée de
Brunelleschi et Donatello, dans le sens où il exalte la dimension de la personne humaine, là où Masolino esquissait des silhouettes
poétiques. Les maîtres de Masaccio, durant sa très précoce formation, furent les deux plus grands représentants de la Renaissance
toscane en architecture et en sculpture, Brunelleschi et Donatello. C'est à Brunelleschi que Masaccio emprunte le solide
agencement de ses perspectives. La nouvelle conscience de la personne humaine que Donatello exalte dans ses statues pour
Orsanmichele et pour le campanile du Dôme (Saint Georges, Jérémie, Habacuc), Masaccio la traduit en peinture dans les personnages
vrais. Et si Masaccio a médité l'œuvre d'un peintre, ce fut certainement celle de Giotto.
Masaccio et Masolino - Sainte Anne trinitaire 1424 Uffizi, Florence Peint pour l’église Sant'Ambrogio Le groupe de la Vierge à l'Enfant, peint par Masaccio
est éclairé par une lumière naturelle qui vient de la gauche, alors que le personnage de sainte Anne, peint par Masolino, esquisse
seulement un geste timide, la main tendue en perspective au-dessus de la Vierge, entourée par la fragile et gracieuse couronne
formée par les anges autour du trône, dont un seul, le deuxième à droite, plus dense de couleur et plus précis dans le geste,
appartient à la nouvelle manière, pleine d'assurance celle-ci, de Masaccio. (A comparer avec une Vierge à l'enfant de Lorenzo di
Niccolo, où l'enfant est recouvert et la vierge hiératique et avec la Vierge à l'enfant de Masolino - Munich, encore gothique
quoique subissant l'influence de Masaccio)
Le polyptyque de Pise peint pour l'église du Carmine à Pise est l'unique œuvre datée avec certitude (1426), démembré au XVIIe s.
Les parties qui subsistent sont auj. dispersées. Le panneau central, la Vierge et l'Enfant sur un trône avec des anges, Londres, N. G. compte parmi
les compositions les plus fameuses de l'artiste. Le rythme gothique de l'encadrement en ogive est aboli par la grande figure de la
Vierge, assise de trois quarts sur un simple trône carré, et par celle de l'Enfant, qui égrène une grappe de raisin ; l'auréole vue en
raccourci, la figure de sotto in su. La vierge est une femme de la rue, pensive et mélancolique. La nouveauté est dans la cimaise.
L'intense Crucifixion (Naples, Capodimonte) est le rouge violent du manteau de la Madeleine vue de dos, dans un geste tragique. Le christ
est comme engoncé, cette partie devant être vue par le spectateur placé en position inférieure. Masaccio joue avec la perspective.
Jeune homme de profil National Gallery of Art, Washington le portrait redevient à la mode après avoir été considéré comme péché d'orgueil.
L'homme est au centre de l'univers et non plus un pion dans le monde de Dieu. C'est l'un des premiers portraits de la
Renaissance. De profil, comme sur les médailles antiques, buste légèrement de ¾, sur fond noir.
Masaccio-Masolino- Décor de la chapelle Brancacci- Eglise Santa Maria del Carmine 1424-27. Le marchand Brancacci confie le décor des fresques
de la chapelle de l'église du Carmine à Florence aux 2 artistes. Le thème en est la vie de saint Pierre et le péché originel (achevées
en 1480 par Filippino Lippi). Masaccio, passionné par les règles de la perspective mathématique, révolutionne la peinture par sa
nouvelle conception de réalité et l'utilisation d'une lumière naturelle. Le tribut de Saint Pierre –Masaccio L’accent est mis sur les taxes
instaurées par le pape Nicolas V. Les hommes et leur parole occupent le 1er plan, dans une architecture contemporaine. Les
auréoles participent de la profondeur. L’arrière-plan fuit efficacement. 3 moments du miracle avec le Christ au centre. St Pierre
guérissant un infirme avec son ombre – Masaccio La rue est vue dans une perspective de biais, et au fur et mesure de son cheminement,
l’ombre naturaliste suit le saint. Le baptême des néophytes (Masaccio) Le torse à l’antique, l’efficacité de la transparence, l'homme
grelottant, alors que ce sont des peintures à fresque montrent une très grande habilité. Tentation d'Adam et Ève, Masolino La forme
élancée est ancrée dans le monde gothique de sa poésie, malgré le nu. L’iconographie pousse à cette représentation assez nouvelle.
Le paysage, l’attitude d'Eve, la petite tête de serpent tentateur appartiennent à la fin du monde gothique. Adam et Ève sont de
tendres images caressées par la lumière ; les protagonistes ne vivent aucun drame, ne sont conscients d'aucune faute. Adam et Ève
chassés du paradis Le couple, exprimant ainsi la honte de la nudité en liaison avec la faute, est jeté dans une lumière printanière.
L’illusion plastique est convaincante avec ce torse à l’antique, le geste de marche, l’ombre en partie gauche répondant à cette
pleine lumière qui le frappe. Le geste et l’expressivité des gestes doivent se lire selon les conventions convenues de l’expression de
la douleur. Masaccio a exposé un drame pleinement humain, qui se traduit par le hurlement d'Ève, dont le visage, déformé par la
douleur, est rendu plus pitoyable encore par la lumière et par l'attitude honteuse d'Adam, qui, la tête baissée, se couvre le visage.
Sainte Trinité de S. Maria Novella Derrière le Christ en croix, un spectaculaire plafond voûté à caissons. Vasari, dans la seconde édition
des Vies, en 1568, détaille cet extraordinaire trompe-l'œil. « C'est une voûte en berceau, tracée en perspective, et divisée en
caissons ornés de rosaces qui vont en diminuant, de sorte qu'on dirait que la voûte s'enfonce dans le mur. » Le parcours est
ascensionnel depuis le memento mori vers les hommes priants, la sainteté (Marie et saint Jean) puis la trinité. Les deux donateurs
sont agenouillés devant un arc de triomphe avec chapiteaux ioniques. Dieu le père soutient le crucifix. Cette Trinité, considérée
comme une étape dans l'histoire de l'art, représente la traduction en peinture des lois de la perspective découvertes par
Brunelleschi. Certains critiques estiment que Brunelleschi lui-même a tiré les traits de perspective. D'autres soutiennent que
Masaccio a interprété les innovations de Brunelleschi. Masaccio meurt en 1428, peu compris. Parmi ses suiveurs, il y aura Fra
Angelico et Filippo Lippi.