Arts et artistes à la Renaissance : aspects généraux Le Prince et les

Arts et artistes à la Renaissance : aspects généraux
Le Prince et les Arts
L’art et l’artiste se comprennent toujours autour de trois catégories :
Une question sociale : le statut de l’artiste et de l’œuvre dans le contexte social
général.
Une question culturelle : grammaire et vocabulaire mobilisés par un système de
représentation propre à une culture donnée.
Une question esthétique : le style et le goût du temps.
Le statut de l’artiste et son rôle social, au-delà des problèmes de définition, intéresse le sujet
car c’est probablement au cœur des cours européennes qu’est née la définition actuelle de
l’artiste, grâce aux honneurs et charges qu’il a pu recevoir et qui l’élevèrent socialement, le
dégageant ainsi des contraintes corporatistes (Martin Warnke, L’artiste et la cour. Aux
origines de l’artiste moderne, Paris, MSH, 1989).
La commande :
Contrat passé entre le commanditaire et l’artiste.
Contient toujours : thème du tableau, délais d’exécution, condition de paiement. On
voit ici comment l’initiative de l’œuvre revient largement au commanditaire, et l’on
compte sur la qualité technique de l’artiste pour réaliser ce que son commanditaire a
dans sa tête.
Commanditaires : très varié, princes, potentats, papes, communautés religieuses,
confrérie, magistrats urbains,… Dans ce contexte, le prince n’est qu’un commanditaire
parmi d’autres et tout ce que l’on va voir cette année doit toujours être replacé dans un
contexte plus large, avec de petits amateurs d’arts et des petits artistes, qui ont souvent
des comportements similaires aux élites et artistes de renom.
Par la redécouverte de l’Antiquité, la Renaissance va voir la commande continuer à
être très importante. Renouvellement des thématiques (allégorie, mythologie, peinture
historique), ascendant des lettrés humanistes dans les cours princières qui poussent les
souverains à définir des programmes iconographiques, valorisation du goût du prince,
tout cela joue en faveur d’un engouement pour l’art dès le XVe siècle et toujours au
XVIe siècle qui conduit à une multiplication des commandes et à la circulation des
artistes d’un lieu à l’autre grâce à la réputation qu’ils ont acquise.
Le marché de l’art :
Apparition sur le théâtre italien d’un véritable marché de l’art dès le XIVe siècle, i.e.
un marché sur lequel s’échangent les œuvres d’art, et donc une transaction financière
autour de l’art qui ne passe pas par la commande. Et l’investissement financier dans le
marché de l’art n’a cessé de croître tout au long de notre période.
XVIe siècle : les princes comme les amateurs d’art ne renoncent pas à la commande,
mais ont déjà l’habitude de surveiller le marché de l’art, en fonctionnant par courtiers
ou négociants. Le développement de la gravure permet de faire circuler l’image d’une
œuvre d’art et ainsi de vitaliser ce marché et donnant à voir ce qui existe ailleurs.
L’essor du marché a une conséquence majeure sur l’artiste : d’une part le prix d’une
œuvre va se définir en fonction de l’offre et de la demande, de la côte de l’artiste et de
sa réputation. Ici, l’individu quitte son seul rôle de technicien pour entrer dans celui
d’individu autonome recherché pour ses qualités personnelles, pour son style, qui le
distingue et lui permet de vendre sa production plus chère. Et ceci a nécessairement
une influence sur la commande. Dans ce contexte, le thème de l’œuvre peut aussi être
laissé libre à l’artiste, qui peint sans commande et s’appuie sur le marché de l’art pour
écouler sa production. Ces mutations se mettent en place à la Renaissance, tout au
long du XVe siècle, et sont achevées au XVIe.
Le statut de l’artiste :
L’artiste initialement appartenait aux arts mécaniques. Tous étaient regroupés selon les
lieux dans des corporations [en Italie, les Arti], et rarement des corporations qui leur
étaient propres (sauf Venise depuis le XIIIe siècle existait une corporation des
artistes : la plus ancienne et la plus prestigieuse). Ils étaient la plupart du temps
associés aux doreurs, aux enlumineurs, aux fabricants de cartes à jouer, de masques. A
Florence, ils étaient associés aux médecins et aux apothicaires. Pour la France, la
première création de corporation d’artiste autonome, est celle des orfèvres, créée à
Paris, Bordeaux, Marseille, Montpellier, Rouen, Toulouse, Troyes, Angers en 1506.
Fonctionnement classique des corporations : piété, contrôle de l’accès au métier,
privilège des familles en place, surveillance de la qualité de la production.
Cadre d’apprentissage et conservation d’une mémoire. Evolution d’un savoir
mécanique (reposant sur le savoir faire) à une conception plus libérale (reposant sur le
savoir livresque) ; aussi, en cours tout au long de la Renaissance et donc déjà bien
implanté au XVIe siècle.
Cadre de travail de l’artiste : l’atelier/boutique, lieu d’apprentissage, lieu de travail et
lieu de vente. La forme même du lieu de travail est directement hérité de la période
précédente. Dans l’atelier, il travaille à la demande et ne présente quasiment jamais
d’œuvres déjà réalisées. Pour l’artiste principal, cela lui permet d’être secondé pour
des tâches secondaires par ses assistants, et il se concentre alors sur l’invention, i.e.
l’originalité de l’œuvre, sa singularité. Et c’est que la notion d’artiste évolue vers
celui de créateur, et non plus de simple technicien. Des choses qui se mettent en place
dans les ateliers italiens du début du XVIe siècle, et les textes théoriques de Léonard
de Vinci sont là-dessus très explicites. Les artistes qui travaillent seuls ou avec un
nombre réduits d’artistes sont de fait rares au XVIe siècle et aux suivants (retenons
Corrège, 1494-1534 et Pontormo, 1494-1557).
Contexte dans lequel émerge la reconnaissance de l’artiste, au sens actuel du terme,
i.e. créateur et non plus simplement excellent artisan. Comment cela se manifeste-t-il ?
Le passage aux arts libéraux (arts du savoir, propres à libérer l’esprit de la
matière). Le premier théoricien à rendre compte de cette évolution est Léon
Batista Alberti (1404-1472) qui associe la peinture à la géométrie, art libéral
reconnu, grâce à l’usage de la perspective, des règles de figuration précises.
Même logique avec l’architecture, qui se fonde sur l’art d’édifier ; même
logique avec la musique, poètes et musiciens commencent à assimiler leur
art à un art de l’esprit. Ce qui veut dire que l’artiste ne va pas réclamer à être
rétribué pour les heures passées à son ouvrage, mais pour la valeur symbolique
de cet ouvrage.
Attention, cela ne veut pas dire dévalorisation du savoir technique, au
contraire, l’artiste est celui qui maîtrise une technique, qui sait travailler la
matière, est minutieux et passionné par ses outils.
La conscience que les artistes ont d’eux-mêmes, notamment visible grâce à
l’apparition d’une première histoire de l’art, qui a sa propre temporalité. Le
premier auteur est le peintre Giorgio Vasari, qui publie à Florence en 1550 Vite
de’ piu eccelenti pittori, scultori et architetti, où il dresse une galerie de
portraits des individus qu’il considère comme des artistes. Il fonde ainsi l’unité
de l’art, tous, architectes, peintres, sculpteurs, ont en commun de travailler
pour le beau. Et tous ont leur originalité, leur « manière », leur style. La qualité
de l’artiste se mesure à sa capacité à imiter la nature, sur le modèle grec et
romain de l’époque antique, avant que cet art ne soit abâtardi par cet art
barbare qu’est le gothique. Les artistes qu’il présente sont bien ceux de la
Renaissance, qui se distinguent par leur manière et leur art d’imiter la nature.
Et Michel Ange, pour Vasari, en est l’expression la plus parfaite.
Le souci des artistes d’affirmer la singularité de leur activité et la dignité de
leur statut. Réflexions théoriques de Léonard de Vinci sur le rapport entre les
arts, défendant la peinture contre la poésie, il pose la peinture comme un art
libéral. Des artistes comme Raphael ou Parmigiano adoptent un genre
vestimentaire qui les fait se rapproche des courtisans dans l’entourage du
prince, et montre qu’ils ont le sentiment d’exercer une charge méritant d’être
reconnue à la cour. Egalement, se développe à la Renaissance et au XVIIe
siècle le genre de l’autoportrait, or dans ces représentations, l’artiste adopte les
mêmes canons et les mêmes références que lorsqu’il peint pour ses
commanditaires.
Tout un courant philosophique néoplatonicien, depuis Marsile Ficin, qui
défend l’amour de la beauté comme une propédeutique à l’harmonie céleste.
L’inspiration de l’artiste est une inspiration divine qui peut lui permettre
d’espérer accéder au Beau. L’œuvre d’art devient l’expression subjective d’un
individu particulier parvenu à une généralité philosophique. Ce qui compte,
c’est le tempérament de l’artiste. C’est qu’intervient la théorie humorale des
hommes à cette époque, i.e. la théorie des humeurs qui règlent les affects.
L’artiste revendique un tempérament mélancolique caractéristique de son
génie. A la Renaissance, valorisation du tempérament « mélancolique » (sur les
4 : sanguin, flegmatique, colérique et mélancolique), comme étant marque du
génie, i.e. de l’homme créateur.
Evolution du regard porté sur l’artiste, et ce dès le XVe siècle. Sur les textes
des commandes, on voit des commanditaires affirmer le géni de leur artiste, ce
qui en fait un personnage à part. Autre exemple : bref de Paul III en 1539 qui
distingue artiste/artisan.
Mais le rôle capital, c’est le rôle des cours princières : c’est précisément la
faveur du prince envers tel ou tel artiste qui induit son changement de position
dans l’univers social. Et ce rang, l’artiste estime qu’il n’est qu’à son talent,
mis au service du prince. Exemple : Botticelli (1444-1510) et Gozzoli (1420-
1497) se font représenter sur leurs deux tableaux de l’Adoration des mages, à
côté des Médicis reconnaissance publique et fierté de son statut, mais qui
est autorisée grâce à l’association avec les Médicis, alors famille toute
puissante à Florence.
L’artiste devient ainsi l’artiste-prince : dans Le Courtisan de Castiglione, il
établit des parallèles entre les qualités du parfait courtisan et celles de l’artiste,
ce qui débouche sur le fait que les hommes de cours, se doivent d’avoir une
éducation artistique. Et le prince devient un également un artiste, avec le
développement des figures princières, des mécènes, se piquant de pratiquer un
art (jusqu’à Louis XIV et son amour de la danse).
Mais attention : quelque chose qui concerne essentiellement l’Italie. En plus,
seule une poignée d’artistes est reconnue à ce niveau, ce qui entraîne des
disparités très grandes entre artistes selon qu’ils bénéficient ou non de la
protection du prince.
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