Attention, cela ne veut pas dire dévalorisation du savoir technique, au
contraire, l’artiste est celui qui maîtrise une technique, qui sait travailler la
matière, est minutieux et passionné par ses outils.
La conscience que les artistes ont d’eux-mêmes, notamment visible grâce à
l’apparition d’une première histoire de l’art, qui a sa propre temporalité. Le
premier auteur est le peintre Giorgio Vasari, qui publie à Florence en 1550 Vite
de’ piu eccelenti pittori, scultori et architetti, où il dresse une galerie de
portraits des individus qu’il considère comme des artistes. Il fonde ainsi l’unité
de l’art, tous, architectes, peintres, sculpteurs, ont en commun de travailler
pour le beau. Et tous ont leur originalité, leur « manière », leur style. La qualité
de l’artiste se mesure à sa capacité à imiter la nature, sur le modèle grec et
romain de l’époque antique, avant que cet art ne soit abâtardi par cet art
barbare qu’est le gothique. Les artistes qu’il présente sont bien ceux de la
Renaissance, qui se distinguent par leur manière et leur art d’imiter la nature.
Et Michel Ange, pour Vasari, en est l’expression la plus parfaite.
Le souci des artistes d’affirmer la singularité de leur activité et la dignité de
leur statut. Réflexions théoriques de Léonard de Vinci sur le rapport entre les
arts, défendant la peinture contre la poésie, il pose la peinture comme un art
libéral. Des artistes comme Raphael ou Parmigiano adoptent un genre
vestimentaire qui les fait se rapproche des courtisans dans l’entourage du
prince, et montre qu’ils ont le sentiment d’exercer une charge méritant d’être
reconnue à la cour. Egalement, se développe à la Renaissance et au XVIIe
siècle le genre de l’autoportrait, or dans ces représentations, l’artiste adopte les
mêmes canons et les mêmes références que lorsqu’il peint pour ses
commanditaires.
Tout un courant philosophique néoplatonicien, depuis Marsile Ficin, qui
défend l’amour de la beauté comme une propédeutique à l’harmonie céleste.
L’inspiration de l’artiste est une inspiration divine qui peut lui permettre
d’espérer accéder au Beau. L’œuvre d’art devient l’expression subjective d’un
individu particulier parvenu à une généralité philosophique. Ce qui compte,
c’est le tempérament de l’artiste. C’est là qu’intervient la théorie humorale des
hommes à cette époque, i.e. la théorie des humeurs qui règlent les affects.
L’artiste revendique un tempérament mélancolique caractéristique de son
génie. A la Renaissance, valorisation du tempérament « mélancolique » (sur les
4 : sanguin, flegmatique, colérique et mélancolique), comme étant marque du
génie, i.e. de l’homme créateur.
Evolution du regard porté sur l’artiste, et ce dès le XVe siècle. Sur les textes
des commandes, on voit des commanditaires affirmer le géni de leur artiste, ce
qui en fait un personnage à part. Autre exemple : bref de Paul III en 1539 qui
distingue artiste/artisan.
Mais le rôle capital, c’est le rôle des cours princières : c’est précisément la
faveur du prince envers tel ou tel artiste qui induit son changement de position
dans l’univers social. Et ce rang, l’artiste estime qu’il n’est dû qu’à son talent,
mis au service du prince. Exemple : Botticelli (1444-1510) et Gozzoli (1420-
1497) se font représenter sur leurs deux tableaux de l’Adoration des mages, à
côté des Médicis reconnaissance publique et fierté de son statut, mais qui
est autorisée grâce à l’association avec les Médicis, alors famille toute
puissante à Florence.
L’artiste devient ainsi l’artiste-prince : dans Le Courtisan de Castiglione, il
établit des parallèles entre les qualités du parfait courtisan et celles de l’artiste,