Les proches oscillent entre inquiétude et espoir
Les familles de schizophrènes se sentent souvent désemparées devant la maladie et isolées
dans la société.
«Le diagnostic de la maladie fut long et difficile à obtenir»
Audrey, mère de Raphaël, 17 ans.
«Mon fils est schizophrène. Il est scolarisé en première ES, dans une école privée hors
contrat qui accueille des jeunes ayant du mal à entrer dans le moule scolaire. Si on m’avait
dit, quand il avait 11 ans, qu’un jour il préparerait le bac, je ne l’aurais pas cru.
J’ai senti très tôt qu’il y avait “quelque chose”. Pendant ses cinq premières années, il n’a
jamais fait une nuit complète. À l’école, il n’avait pas d’amis. Très tôt, il a consulté des psys
qui ne nous disaient pas grand-chose, sinon qu’il était dans un fantasme de “toute-
puissance” et autres âneries psychanalytiques.
En classe, il était souvent agité. Lors d’un voyage scolaire, il a “pété les plombs”. Quelques
mois plus tard, il s’apprêtait à se jeter par la fenêtre car il “ manquait d’air”. Il a fallu le
déscolariser.
Le diagnostic de la maladie fut long et difficile à obtenir. Vers 12-13 ans, dans un hôpital
parisien, un psychiatre assez expérimenté nous a parlé de schizophrénie. Connaître le
diagnostic m’a presque rassurée. Il a pu intégrer un hôpital de jour, à 12 ans, où il a pu
suivre un cursus scolaire durant trois ans, mais avec de violentes crises d’angoisse chaque
matin. Les médicaments ont été d’une grande aide. Il en prend encore, mais à dose réduite.
J’ai dû cesser toute activité pour m’occuper de lui. Mon mari prenait le relais le week-end.
Nous sommes restés très unis et solidaires. J’ai tout fait pour continuer à avoir une vie
sociale. Mais parfois, tout m’était indifférent.
J’ai toujours dit à ma fille, la sœur de Raphaël, que j’étais disponible pour elle. Mais elle a
sans doute mis ses inquiétudes de côté. Nous avons eu de la chance, car il n’a pas été
victime de rejet de notre famille. Il est très courageux. Aujourd’hui il a 17 ans, se prend en
main, et a mis en place des stratégies pour calmer ses angoisses et ne pas laisser la
maladie prendre le dessus. Récemment, il est parti en camp de vacances, a pris l’avion
seul… Il y a un vrai espoir.»
«Quand ils ont décidé de créer un foyer, les réactions ont été négatives»
Pierre et Marie-France, parents de Jocelyn, 44 ans.
«Nous avons quatre enfants, dont deux souffrent d’une maladie psychique : une fille de
47 ans qui vit dans un foyer médicalisé, et un garçon de 44 ans, souffrant d’une psychose
légère, décrite par sa psychologue comme une “schizophrénie affective”. Il est marié et père
de deux enfants de 7 et 11 ans.
Sa maladie s’est déclarée vers 15 ans, avec des troubles importants. Grâce à la
psychothérapie et les médicaments, son état s’est stabilisé, mais il reste fragile, ce qui est
souvent pour nous une source d’inquiétude. Quand il a rencontré sa femme et qu’ils ont
décidé de fonder un foyer, les réactions autour de nous ont été négatives.
Certains de nos proches – en particulier son frère qui avait beaucoup souffert de sa
violence – nous ont dit que nous ne devions pas le laisser se marier. Sa rencontre avec sa
femme qui venait d’Algérie a été une rencontre d’amour, mais aussi celle de deux fragilités.
Ils ont trouvé compréhension et protection mutuelles.
Notre fils connaît toujours des hauts et des bas, auxquels s’ajoute une précarité
économique. Ses enfants savent que leur père est malade. Nous sommes très présents
auprès d’eux depuis le début. Il faut faire confiance aux enfants sur leur capacité de
s’adapter. Ils font ainsi l’apprentissage de la différence, de la fragilité.
Pendant longtemps, nous avons ressenti une certaine honte par rapport à nos amis dont les
enfants grandissaient, faisaient des études… Durant toutes ces années, nous avons trouvé
du soutien dans un mouvement chrétien, le Relais Lumière Espérance et à l’Unafam, où
nous participons à un groupe de grands-parents.
Échanger avec d’autres permet de relativiser nos problèmes qui paraissent minuscules par
rapport aux difficultés auxquelles certains sont confrontés. »
Recueilli par Marie Auffret-Pericone