Marcel Bolle De Bal R…L… Les A…P… Or… de Bruxelles Edgar Morin, maçon sans tablier Edgar Morin : un auteur original, à la fois sociologue et philosophe. Profane … et pourtant d’esprit fondamentalement maçonnique. Un maçon sans tablier comme nous aimons à qualifier ceux qui, sans être des nôtres, nous paraissent très proches. En effet, son œuvre considérable, en sa dimension originale, n’est-elle pas articulée (il se plaît à l’affirmer lui-même) autour de la notion de « reliance », de la nécessité de relier ce qui est délié, de rassembler ce qui est séparé, bref de « réunir ce qui est épars », ce principe qui nous est cher. Il revient abondamment sur cette idée dans son (momentanément) dernier livre « Mon chemin »1. A plusieurs reprises, ses analyses, engagements et idéaux donnent à penser qu’il est – ou pourrait être - franc-maçon. Sentiment d’ailleurs partagé par les nombreux FF. et SS. qui ont eu la chance de l’entendre prendre la parole en la chaire des Colloques de Ferrette, ces rencontres mises en chantier dans le Jura, des années durant, par les L… de Mulhouse de la Fédération française du Droit Humain, sous l’impulsion de Léon Nisand, Grand Maître Adjoint de cette Ob… Dans cet ouvrage capital – car synthétisant avec une rare rigueur ses apports théoriques et pratiques les plus marquants – il insiste tout particulièrement sur ses conceptions en matière d’enseignement rénové (proche de celui de nos initiations maçonniques) : la religion de ce qui relie, le rejet de ce qui rejette (p. 206) , apprendre à être (« sois ce que tu es »). Dans la foulée de ceci, il met en évidence les deux principes qui constituent pour lui la nature essentielle du sujet humain : un principe égocentrique d’exclusion des autres (le « Moi-Je ») et un principe d’inclusion (‘dans le « Nous »i du couple, de la communauté, de la société, de l’espèce). Ne vivons-nous pas concrètement la conjonction de ces deux principes au fil de nos initiations et expériences maçonniques (reliance à soi, aux autres, au monde …) ? Prolongeant et illustrant cette réflexion, il touche du doigt une expérience qui nous est spécifique et précieuse : l’« égrégore » de nos ten… en L … A plusieurs reprises, il souligne cette réalité des groupes humains qui veut que le tout vaille souvent plus (et parfois moins) que la somme des parties (pp. 214, 216, 324, 326). Nos « chaînes d’union » constituent un des moments privilégiés où nous pouvons ressentir la manifestation émouvante et bénéfique de cet égrégore… 1 Edgar Morin, Mon chemin, Entretiens avec Djénane Kareb Tager, Pariçs, Fayard, 2008. 1 Par ailleurs, quand il entend (p. 213) relier les principes d’ordre, de désordre et d’organisation, ne s’inscrit-il pas dans la droite ligne de plusieurs de nos rituels ? Personnellement, j’avoue avoir été séduit par sa formule (p. 332) : « … c’est à nous de donner un sens à nos vies en cherchant à vivre poétiquement, dans la communion et l’amour, et en résistant à la cruauté du monde, de la nature, des humains. Tel doit être notre dessein intelligent…». Ici je retrouve une idée qui m’est chère et que j’ai exprimée en diverses occasions1 : point de GADLU, mais des PADNUS (des Petits Architectes de Notre Univers), et, pour chacun d’entre nous, surtout un Padsu (un petit architecte de son univers). Autre réflexion (p. 272) où, profane et initié, je le rejoins sans réserves « …réunir et articuler les disciplines entre elles … connaître le tissu commun des choses … la composition des fils et la figure d’ensemble ... ». Tel a bien été mon constant engagement de psychosociologue cherchant à réunir et articuler les apports de la psychologie, de la sociologie et de la philosophie, en proposant notamment l’élaboration d’une « sociologie existentielle » investie dans le traitement des problèmes cruciaux de l’existence humaine (la naissance, la vie, l’amour, la mort, etc.)2 … Et puis il y a cette affirmation (p. 267) qui ne peut nous laisser indifférents : « …se présente … la plus grande cause jamais connue dans l’Histoire : celle de la métamorphose de l’Humanité… » : comment ne pas y percevoir une invitation à repenser, renouveler, tailler, polir et repolir notre traditionnelle vocation à œuvrer au Progrès de l’Humanité ? Morin connaît-il le mythe d’Hiram ? Je n’en sais rien. Il ne le cite pas, en tout cas. Pourtant lorsqu’il évoque les relations duelles, dialogiques, antagonistes et complémentaires entre la Vie et la Mort (p. 216), ne touche-t-il point au cœur de notre rituel d’accession au troisième de gré ? Il plaide en faveur d’un principe d’action « qui non pas dirige mais anime » (p. 234) : un principe qui, comme j’ai exposé à maintes reprises3, mérite d’inspirer l’évolution nécessaire de la fonction de Vénérable, dans pas mal de nos R… L… … Enfin, ne pouvons-nous acquiescer sans réserves à la définition que cet homme passionné nous donne de la sagesse (p. 315) : « garder passion dans la raison, raison dans la passion » et revivifier de la sorte la formule contestée, expression d’une certaine philosophie dépassée, de nombre de nos rituels (« vaincre ses passions » …) ? De même, n’hésitons pas à méditer les messages de son Evangile de la Perdition, Marcel Bolle De Bal, « GADLU, PADNUS, Padsus : un symbole, trois interprétations », in Marcel Bolle De Bal, L’initiation maçonnique, à partir et au-delà du secret, Paris, Detrad, 2004, pp. 129-137. 2 Marcel Bolle De Bal, « La sociologie .. . et la personne ? », in Marcel Bolle De Bal, Les adieux d’un sociologue heureux . Traces d’un passage, Paris, l’Harmattan, 1999, pp. 17-50. 3 Marcel Bolle De Bal, « Le travail eln L … : animons ce chantier ! », in Marcel Bolle De Bal ; L’initiation maçonnique …, op. cit., pp. 151-163. 1 2 notamment cette invocation (p. 359) qui nous touche au cœur même de nos aspirations existentielles et maçonniques primordiales : « soyons frères, puisque nous sommes perdus, et non pas parce que nous serons sauvés ! » ? 3