Thème 4 – Nouveaux horizons géographiques et culturels

Histoire programmes de la classe de Seconde générale et technologique 2010
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Thème 4 Nouveaux horizons géographiques et culturels des Européens à
l’époque moderne
Question obligatoire l’élargissement du Monde (XVe-XVIe siècles)
Programme
Horaires 5 à 6 heures (entre 1H30 et 2H pour chacun des trois items)
Mise au point scientifique
Avec ce « nouveau » thème d’histoire moderne, c’est une conception récente de la période
charnière des XVe-XVIe siècles qui est ici envisagée : est donc proscrit l’usage, si habituel, de
« Grandes Découvertes », au profit d’un « élargissement du Monde », moins européo-centré et qui
fait donc la part belle aux « autres » civilisations, ici ottomane, précolombienne(s), chinoise. Ce
changement de vocabulaire et d’orientation historiographique n’est certes pas neuf : dès la fin des
années 1960, Pierre Chaunu tentait d’imposer une « pensée globale »
1
, qui s’est progressivement
connectée à la « World History », une histoire forcément plus globale, décentrée de l’Europe et
défendue par des historiens de tous horizons (notamment anglo-saxons) à partir des années 1980.
Au Moyen-âge, les terres et les peuples connus par les Européens se limitaient à l’Eurasie,
en incluant la frange septentrionale de l’Afrique jusqu’au Sahara. Mais l’Inde, la Chine, l’Extrême-
Orient sont pour les Occidentaux des mondes lointains, sans parler des terres sibériennes ou
himalayennes qui sont totalement inconnues. Pourtant, aux XVe et XVIe siècles, le monde connu
par les Européens s’étend progressivement à toute la planète et à une grande partie des terres
peuplées l’œkoumène : à l’exception du cœur de l’Afrique et de l’Océanie, le monde des
Européens correspond donc, pour la première fois, à la surface de la Terre, entraînant une
interconnexion globale de multiples peuples. Ici, le programme invite donc à s’interroger sur les
évolutions multiples qui ont conduit à une première forme de mondialisation, largement dominée
par l’Europe, par la mise en relation culturelle, commerciale, humaine entre les différentes
civilisations d’au moins quatre continents (même l’Afrique, qui n’est essentiellement connue des
autres civilisations que par une « conquêtes de plages »
2
, est intégrée au système pendant la
période envisagée, avec la mise en place de la traite au XVe siècle et du commerce triangulaire dès
1513, avec l’arrivée des premiers Noirs à Cuba).
L’idée centrale est donc ici de comprendre les conditions qui ont permis aux Européens
du Moyen-âge de mettre en place une domination, surtout économique, sur la majeure partie des
terres connues, puis de voir les formes prises par cette domination. Celle-ci n’est cependant pas
1
P. Chaunu, L’Expansion européenne du XIIIe au XVe siècle, PUF, 1969
2
Yann Potin, « Afrique : le continent contourné », L’Histoire n°355, juillet-août 2010, p. 54-58
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totale sur toutes les autres civilisations, et des apports, culturels notamment, des autres peuples
(même ceux qui apparaissent comme vaincus par les Européens, voire décimés, tels les peuples
méso-américains Mayas et Aztèques mexica), transforment profondément les élites
européennes, entraînant l’apparition d’une modernité multiforme en Europe. C’est donc bien,
plus qu’une question d’histoire moderne ou médiévale d’ailleurs, une question qui propose un
travail sur le passage entre deux temps historiques.
Etude obligatoire De Constantinople à Istanbul : un lieu de contacts entre différentes cultures
et religions (chrétienne, musulmane, juive)
Carte générale : http://www.planet-turquie-guide.com/carte-ottoman.gif
Au début du XVe siècle, Constantinople reste la capitale de l’Empire byzantin, mais un
Empire byzantin réduit à sa principale cité, des territoires limitrophes et quelques enclaves
grecques. Depuis les années 1350, l’Empire romain d’Orient s’est en effet dramatiquement réduit
avec la conquête de toute l’Anatolie occidentale, des Dardanelles, puis des Balkans par un beylicat
musulman, de langue et d’origine turques, les Osmanlis compagnons d’Osman ») qui a donné,
pour les Européens, le nom d’Ottoman. La prise de Constantinople, le 29 mai 1453, par le sultan
Mehmet II (le Conquérant), si elle symbolise la fin de l’Empire romain pluriséculaire, n’est en fait
que l’aboutissement d’un processus de domination des Turcs sur une région du Monde s’étendant
de l’embouchure du Danube à l’Asie centrale. Un nouvel Empire, ottoman, prend la place des
Byzantins et, dès la fin du XVe siècle, se présente comme une puissance incontestable pour les
Européens, un ennemi « infidèle » à abattre, d’autant que son expansion leur paraît dangereuse.
Pourtant, le monde ottoman est aussi une interface entre de multiples groupes humains,
notamment aux niveaux religieux et commercial, qui tente de concurrencer les Européens dans ce
dernier domaine.
Les origines de l’Empire ottoman
Les Ottomans sont d’abord d’origine turque. Les premières mentions du peuple turc
apparaissent aux alentours du VIe siècle dans des annales chinoises et byzantines et désignent un
peuple, issu de l’Empire hun du Ve siècle, contrôlant la majeure partie de l’Asie centrale. Ces Gök
Türk (« Turcs bleus » ou « Turcs célestes ») se sont alors ainsi nommés d’après le terme qui, dans
leur langue, désigne le peuple, « Tu Kiu ». En fait formé par un ensemble de populations
disparates, le peuple turc possède quelques grandes caractéristiques culturelles : usage des
dialectes turcs, polythéisme chamanique, persistance du nomadisme ; malgré cela, une grande
variété culturelle peut aussi apparaître : ainsi, les Khazars, installés au nord de la Caspienne, sont
dirigés par des élites judaïsées, tandis que les Ouïgours, installés dans la vallée de l’Orkhon, en
Mongolie actuelle, ont fondé pendant près d’un siècle à partir de 762 un royaume chrétien,
manichéen. Une longue tradition de tolérance et de syncrétisme culturel apparaît donc au sein du
monde turc.
La majeure partie des Turcs s’islamise dès le début du VIIIe siècle
3
et surtout à partir des
IXe et Xe siècles, selon deux grands processus distincts. D’abord, les chefs des tribus turques
d’Asie centrale, réunis dans une vaste coalition (les Qara Khan, ou « Seigneurs Noirs »), se
convertissent collectivement à l’Islam en 920. Parallèlement, les califes abbassides font venir en
Arabie des esclaves turcs à usage militaire, les Mamelouks, qui épousent eux aussi l’Islam : caste
militaire et pouvoirs politiques convertis, les populations suivent. C’est entre le IXe et le XIe
siècles que les Turcs s’imposent au sein du monde musulman et plus particulièrement les
Mamelouks. En effet, ces derniers gravissent progressivement les échelons militaires, puis
administratifs, du califat abbasside, s’imposant à des positions de pouvoir : au XIe siècle, la
3
Quand les Arabes prennent Samarkand, alors capitale de la Sogdiane iranienne alliée des Turcs, en 712.
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plupart des seigneurs musulmans sont Turcs. En 1055, Tughrul Beg, descendant d’un dénommé
Seldjuk Ibn Durak, prend Bagdad : c’est le début de la dynastie des Turcs Seldjoukides et du
sultanat des Grands Seldjoukides. Le sultanat s’étend rapidement vers l’Ouest, au détriment des
musulmans non Turcs, puis, après 1071 et la bataille de Manzikert le basileus Romain IV
Diogène est capturé par Alp Arslan, successeur de Tughrul Beg, sur toute l’Anatolie byzantine
(les Turcs atteignent Nicée
4
, aux portes de Constantinople, en 1078). Théoriquement unifié, le
sultanat seldjoukide se fragmente en fait régionalement dès la mort d’Alp Arslan : ainsi, est fondé
en Anatolie le sultanat de Roum
5
qui est le plus important de ces « royaumes » semi-indépendants,
mais qui est comme les autres conquis par les Mongols
6
au XIIIe siècle (les troupes du sultan de
Roum sont écrasées à la bataille de Köse Dag en 1243).
C’est pourtant dans l’Anatolie mongole, où les Turcs ne contrôlent plus le pouvoir
politique, que naît l’aventure ottomane. Osman, chef de guerre turc d’Anatolie occidentale, crée
en 1299 un beylicat sous contrôle (nominal) mongol, celui d’Osmanlis, aux alentours de Nicée.
Rapidement, Osman étend son territoire au détriment de Byzance : en 1301, il bat l’armée
byzantine à Baphaion, puis son successeur Orhan prend Nicée et Nicomédie dans les années
1330, avant de franchir la péninsule de Gallipoli (1354) et de commencer la conquête de la partie
européenne (les Balkans Bulgarie, Thrace, Macédoine et sud de la Serbie) de l’Empire byzantin.
A la fin du XIVe siècle, l’Empire romain d’Orient n’est donc plus qu’un Etat « croupion », dont il
ne reste quasiment que Constantinople. Les Ottomans décident alors d’envahir la ville pour
contrôler le Bosphore, clé maritime et commerciale, mais leurs projets sont retardés par un autre
chef de guerre musulman et turco-mongol, Tamerlan, qui bat le sultan ottoman Bayezid Ier à la
bataille d’Ankara en 1402. Les forces ottomanes doivent alors se reconstruire, et deux tentatives
pour prendre Constantinople échouent en 1410 puis 1422, même si l’expansion continue vers les
Carpates et l’Europe centrale.
La prise de Constantinople et la constitution d’un Empire multiethnique
C’est dans ce contexte de forte pression musulmane que les derniers basileus ont tenté de
réagir par une alliance avec l’occident chrétien : l’empereur Jean VIII Paléologue (1390-1448)
décida ainsi de signer avec le Pape un accord sur l’union des Eglises catholique et orthodoxe en
1439 à Florence, en échange d’une aide militaire soutenue par la papauté contre les Ottomans
autant dire une nouvelle croisade. L’accord est en fait rejeté par la population de Constantinople
et le clergé orthodoxe, tandis que les forces occidentales promises pour desserrer l’étau ottoman
n’arrivent pas. Parallèlement, un jeune sultan ottoman arrive au pouvoir en 1451, Mehmet II
7
, qui
décide dès son avènement de prendre la ville, pour éviter une alliance chrétienne qui aurait pu
être réellement dangereuse. Il décide donc de lancer rapidement les préparatifs en 1452 :
renouvellement d’une alliance avec Venise (pour éviter une contre-attaque maritime,
notamment
8
), construction d’un château-fort sur la côte européenne du Bosphore et de grands
canons pour pilonner la ville.
Le siège de Constantinople commence le 5 avril 1453. Pendant 55 jours, les défenseurs de
la ville, probablement près de 7 000 hommes en armes (dont 3000 Italiens
9
), qui avaient refusé de
capituler, tentent de protéger une population réduite (entre 37 000 et 42 000 personnes au total),
4
Actuellement Iznik.
5
Terme désignant les Byzantins pour les Musulmans.
6
Ce sont bien sûr les hordes de Gengis Khan, qui s’imposent de Delhi à Ankara.
7
Il règne jusqu’en 1481.
8
Voir à ce propos l’intéressant article de Stéphane Yerasimos, « Pourquoi les Turcs ont pris Constantinople », Les
collections de l’Histoire 45, octobre-décembre 2009, p. 14-19, l’auteur montre comment les Ottomans comptent sur
la complexité du système républicain nitien pour l’empêcher d’agir, alors que Venise était la seule véritable force
maritime crainte par les Ottomans.
9
Essentiellement des hommes en armes vénitiens et génois qui protégeaient les intérêts commerciaux les
marchands et leurs comptoirs des deux républiques italiennes rivales.
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face à une armée ottomane forte de près de 160 000 soldats. Finalement, les canons ottomans
réussissent à ouvrir une brèche dans les murailles de la ville et l’assaut final est lancé le 29 mai au
matin. Très rapidement, les Byzantins sont débordés, la cité est pillée, 2 000 à 3 000 défenseurs
sont massacrés et le reste de la population est faite prisonnière
10
. Dans l’après-midi, Mehmet II
entre dans la ville et se dirige vers Sainte-Sophie, qui, transformée en mosquée, accueille les
premières prières dès le 1er juin : l’Islam a vaincu les Infidèles.
La plupart des prisonniers de guerre sont ensuite dispersés à travers l’Empire ottoman, à
l’exception notable de la part du sultan
11
, installée près de la Corne d’or. Rapidement, Mehmet II
doit donc repeupler la ville, vidée de des habitants. Il fait le choix de créer une société
pluriethnique et multiculturelle pour ce qui devient la capitale d’un Empire ottoman
correspondant aux limites de l’Empire byzantin avant l’arrivée des Turcs en Anatolie et Manzikert.
Ainsi, un dénombrement de la population effectuée en 1477
12
montre que 42% des 60 000
habitants d’Istanbul
13
ne sont ni Turcs, ni musulmans
14
et on y trouve de fortes minorités
grecques, arméniennes, juives. Les minorités peuvent être importantes (par exemple les minorités
chrétiennes dans le quartier de Galata, au nord de la Corne d’Or, qui était une colonie génoise
jusqu’à la prise de la ville) et sont globalement intégrées. Mehmet II donne d’ailleurs des gages
importants à ces minorités : ainsi, dès janvier 1454, il intronise Genadios
15
patriarche, permettant
aux orthodoxes de pratiquer leur religion dans la ville et dans son Empire. Globalement, vers
1500, la partie européenne de l’Empire comptait plus de 77% de foyers chrétiens, l’Anatolie près
de 10%.
16
De la même façon, beaucoup de Juifs chassés d’Espagne (ou des autres Etats chrétiens)
par les Rois Catholiques après la chute de Grenade en 1492 s’installent à Istanbul
17
. Il faut dire
que le statut des Juifs et des chrétiens est plutôt bon dans l’Empire ottoman : ils jouissent alors de
la dhimma protection » ou « sauvegarde »), codifiée au XIIe siècle. En échange de réels droits
religieux, les minorités des « gens du livre » non-musulmans, doivent payer un simple impôt, la
dziya (capitation). Chaque communauté peut aussi régler ses conflits de manière interne, sans
avoir recours à la justice musulmane. Loin d’un repli des Ottomans sur eux-mêmes, la prise de
Constantinople s’inscrit donc dans une dynamique ancienne des peuples turcs la tolérance est
de rigueur.
Le rayonnement militaire, culturel, religieux d’Istanbul et de l’Empire
Au début des années 1470, Mehmet II fait construire à Istanbul une résidence impériale,
le Nouveau Palais (Yeni Saray), l’actuel Topkapi. Dans ses jardins, le sultan décide la construction
de trois kiosques, le premier à la mode grecque, le deuxième à la mode turque, le troisième à la
mode persane, symbolisant l’empire multiethnique qu’il est en train de fonder, un empire
règne une paix intérieure grâce à une administration qui s’appuie sur tous les peuples le
composant. Les membres de la haute administration, appelés koul, sont des esclaves ou
apparentés, bien souvent d’origine chrétienne, qui, adolescents, sont turquisés et islamisés : sur les
10
Le dernier basileus, Constantin XI Paléologue, meurt parmi les défenseurs, anonymement.
11
Soit 1/5e tout de même, c'est-à-dire près de 10 000 personnes.
12
Tous les chiffres par feux sont donnés par Bernard Lewis, Istanbul et la civilisation ottomane, JC Lattès, 1990, p. 113
13
En réalité, la ville est encore longtemps appelée Constantinople, notamment par les Ottomans eux-mêmes. Le
terme d’Istanbul ne s’impose véritablement qu’au XVIIIe siècle, mais est ici utilisé pour montrer la rupture politique
le passage d’une domination grecque à une domination turque.
14
Les Arabes sont alors une « minorité » importante : la ville compte ainsi de nombreux Chiites…
15
Genadios était le chef de file des orthodoxes anti-unionistes, qui avaient combattus l’accord sur l’Union des Eglises
de 1439.
16
Robert Mantran, « L’âge d’or de l’Empire ottoman », Les Collections de l’Histoire n°45, 2009, p. 25
17
Le sultan Bayezid II (1481-1512), fils et successeur du Conquérant, proclame à cette occasion des édits de
tolérance envers les Juifs.
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35 grands vizirs
18
recensés entre 1453 et 1600, on trouve deux Italiens d’origine et au moins 19
d’entre eux proviennent de familles non-musulmanes. De plus, aucune persécution religieuse
n’apparaît envers les Juifs ou les chrétiens, tant qu’ils participent à la vie de l’Empire et sont
fidèles au sultan. Cette « pax ottomanica » permet aux sultans des XVe et XVIe siècles d’étendre
leur domination au-delà des limites de l’ancien Empire byzantin, puisque les successeurs de
Mehmet II conquièrent d’une part l’Anatolie orientale, l’Arabie et l’Egypte (sous Selim Ier 1512-
1520 qui s’empare notamment du puissant sultanat Mamelouk du Caire en 1517, devenant ainsi
le protecteur des lieux saints Médine, la Mecque, Jérusalem), d’autre part l’Europe centrale et
l’Afrique du Nord sous Soliman (le Magnifique, 1520-1566), lorsque les Ottomans envahissent
une bonne partie du Maghreb Maroc et Tunisie
19
exceptés au détriment des Ibériques, puis le
sud du domaine des Habsbourg (sud de la Croatie, Hongrie, Transylvanie). Le coup d’arrêt de
l’expansion européenne est donné en 1529, quand les Ottomans échouent devant Vienne. Malgré
tout, l’Empire Ottoman apparaît pendant tout le XVIe siècle comme la puissance militaire
majeure d’Europe : terrestre, d’une part, s’appuyant sur une infanterie et une cavalerie d’élite
formée, comme les koul, d’esclaves, les janissaires, mais aussi sur une flotte puissante qui contrôle
l’ensemble de la Méditerranée orientale
20
, pratiquant des razzias sur l’Italie du Sud ou les côtes
ibériques, notamment grâce à des corsaires inféodés
21
, rendant ainsi la navigation peu sûre pour
les navires occidentaux. Même si une véritable défaite apparaît à Lépante, en 1571
22
, le XVIe siècle
apparaît bien comme celui de la domination militaire ottomane en Europe.
Dans ce cadre, la capitale de l’Empire, Istanbul, apparaît comme une métropole majeure,
qui accueille une population croissante : sous Soliman (1520-1566), la ville compte près d’un
demi-million d’habitants
23
. Elle est aussi un centre religieux et culturel majeur, que les sultans
ottomans embellissent progressivement. Ainsi, Sainte-Sophie, dont l’architecture orthodoxe est
conservée, connaît des transformations et agrandissements pour en faire une mosquée : Mehmet
II y ajoute un minaret et consolide le mur sud grâce à des contreforts, Selim II (1566-1574) y
ajoute deux minarets et Murad III (1574-1595) restaure l’ensemble et termine les quatre minarets
d’angle toujours visibles. Parallèlement, les mosaïques anthropomorphiques byzantines à
l’intérieur de l’édifice sont recouvertes de badigeon pour laisser place à des représentations
géométriques ou à motif floral propres à l’art musulman
24
. D’autres mosquées sont construites
dans la ville, dont la plus importante, entre 1462-70, elle fut fondée, et sa destruction par un
tremblement de terre en 1766, est celle de Mehmet II lui-même. Située sur l’une des collines de la
ville au cœur d’un vaste ensemble universitaire
25
, cette mosquée est alors à la fois un lieu de prière
majeur, créée pour concurrencer Sainte-Sophie et prouver la foi du Conquérant, mais aussi le lieu
d’enseignement central de l’Empire dans les domaines traditionnels du savoir musulman,
18
Le grand vizir est le principal conseiller du sultan, une sorte de premier ministre de l’Empire. Certains sont très
influents : par exemple, Mehmet Sokollu règne de fait à l’époque de Selim II (1566-1574), le sultan étant peu
intéressé par le pouvoir.
19
La Tunisie est tout de même conquise en 1574, peu après Lépante.
20
Mais la flotte ottomane ne réussit pas à s’implanter durablement dans le bassin occidental, échouant à prendre
Malte après un siège de plus de trois mois en 1565.
21
Le plus célèbre est bien entendu Khayreddine Barberousse.
22
La bataille, qui se déroule, près des côtes grecques, voit la victoire navale de la Sainte Ligue essentiellement des
Vénitiens et des Espagnols et a un retentissement énorme en Occident : pour la première fois, la flotte ottomane
est arrêtée en Méditerranée. Malgré la mort de près de 30 000 hommes, la défaite n’apparaît pas aussi clairement aux
Ottomans, qui continuent leur expansion en Afrique du Nord.
23
Entre 400 000 et 600 000 habitants, selon les auteurs et la datation envisagée.
24
Mehmet II avait originellement déci de conserver les mosaïques, qui furent seulement recouvertes d’un voile.
C’est sous Soliman que les travaux de recouvrement commencèrent, mais ils furent progressifs : au XVIIe siècle, des
vestiges étaient encore visibles. Finalement, les sultans du XIXe siècle acceptèrent une restauration partielle des
mosaïques byzantines par des artisans italiens, ce qui explique que beaucoup sont aujourd’hui visibles. Le bâtiment
témoigne donc bien à la fois de la position centrale d’Istanbul, à la croisée de plusieurs civilisations, mais aussi de
l’ouverture et de la tolérance culturelle des sultans ottomans.
25
Appelé Sahn-i Seman, « la Cour des Huit », à cause de son plan particulier.
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