Conférence d’Economie HARNAY Sophie MOMI Jean-Daniel Fiche technique LA THEORIE DU CAPITAL HUMAIN La traditionnelle théorie néo-classique considère le travail comme les autres biens : il existe donc un marché du travail qui possède les mêmes caractéristiques que les autres marchés (homogénéité, concurrence et information parfaites, atomicité des acteurs…). La théorie du capital humain apparaît dans les années 1960 avec G.Becker (Human Capital en 1964 et prix Nobel en 1992). Cet économiste de l’école de Chicago remet en cause l’hypothèse d’homogénéité du travail (qui était en soi peu réaliste) et ouvre ainsi de nouveaux champs aux analyses néo-classiques. I. Qu’est-ce que le capital humain ? Il s’agit de l’ensemble des expériences, qualifications, connaissances et caractéristiques qu’un individu a acquis depuis sa naissance. Le capital humain permet de qualifier l’aptitude de cet individu à travailler et sa productivité. II. Que dit la théorie du capital humain ? Le facteur travail est hétérogène : les individus ont des capitaux humains très différents qui leurs sont propres. Ainsi le marché du travail est un marché spécifique du cadre de l’analyse économique. De même, les individus ont des productivités différentes, qui attirent plus ou moins les employeurs et déterminent ainsi leur salaire. III. Ce que permet d’expliquer cette théorie 1) Les investissements spécifiques en capital humain MOMI Jean-Daniel Conférence d’Economie HARNAY Sophie Si le marché du travail répondait aux critères traditionnels des néo-classiques, les employeurs n’auraient aucune raison, à cause de la concurrence parfaite, d’employer des salariés pour une longue période. Or, ce n’est généralement pas le cas. En effet, au fur et à mesure du temps, la productivité d’un salarié augmente parce qu’il s’adapte à l’entreprise concernée : son capital humain se spécialise (acquisition de savoir-faire, méthodes et utilisation d’équipement spécifiques à l’entreprise). Lorsqu’un employeur embauche un nouveau salarié, il réalise un investissement en capital humain : - au début, on a : salaire de l’employé > productivité marginale de l’employé. En effet, il est payé selon le salaire équivalent sur le marché mais il est encore peu productif selon les critères spécifiques de l’entreprise. L’employeur réalise un investissement en capital humain. - puis on trouve : salaire < productivité marginale de l’employé. L’employé est payé selon le salaire du marché mais comme il s’est formé au sein de l’entreprise, sa productivité spécifique à celle-ci a augmenté. L’employeur perçoit alors le rendement de son investissement en formation. 2) Le problème des inégalités des revenus du travail La difficulté a longtemps été de savoir quelle était la source de ces inégalités de salaires. Grâce à la théorie du capital humain, on peut alors dire que le salaire d’un employé dépend de l’utilité qu’en tire son employeur ou son entreprise : cette utilité est directement liée au capital humain de l’employé. Ainsi, comme les individus ont différents niveaux de capital humain, ils ont des productivités différentes et par conséquent perçoivent des salaires différents. (Attention ! ne pas tomber dans l’écueil qui a longtemps valu de l’hostilité à la théorie de Becker, à savoir qu’un capital humain > à un autre, parce que déterminant des salaires ne signifie absolument pas qu’un être humain est > à un autre !!) Par exemple, la théorie du capital humain permet d’expliquer l’augmentation du niveau général des salaires dans le temps : les gens ont de meilleures qualifications aujourd’hui qu’au début du siècle. La théorie du capital humain permet d’expliquer des inégalités de salaires à court terme (par exemple, on constate que cette inégalités augmente fortement depuis les années 1970 : en effet, les nouveaux secteurs valorisent souvent des qualifications très élevées. cf la haute Conférence d’Economie HARNAY Sophie MOMI Jean-Daniel technologie…. Autre exemple : les inégalités salariales chez les ouvriers anglais aux XIXè siècle) IV. Les limites de la théorie du capital humain même si elle est utile pour expliquer beaucoup d’observations économiques, cette théorie a fait l’objet de peu d’études empiriques permettant de vraiment la vérifier. en ce qui concerne la détermination des salaires, la théorie ne considère que des critères individuels qui composent le capital humain, alors qu’il faut aussi tenir compte du rôle de la firme et des syndicats. affirmer que seule une inégalité des capitaux humains est la cause des inégalités de revenus du travail permet d’un certain côté de rejeter toute politique d’intervention publique trop importante. Ainsi, la théorie du capital humain a dévoilé de nouvelles perspectives pour renouveler l’analyse micro-économique dans le domaine des problèmes de l’emploi (notons qu’elle n’est pas la seule). De plus, elle possède un pouvoir explicatif intéressant mais qui doit être relativisé car, bien que mettant à jour les inégalités, une application absolue de cette théorie pourrait aussi conduire à les creuser. ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bibliographie : Economie générale, A.Beitone, C.Dollo, J.P Guidoni et A.Legardez, éd. Dalloz, coll. Sirey 1994. L’Economie des inégalités, T.Piketty, La Découverte 2001 Economie politique, J.Généreux, t. 2 et 3, Hachette, les Fondamentaux, 2000