Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Conservatoire National des Arts et Métiers Master de recherche en sciences de gestion Option : « Comportement organisationnel » Monsieur Yvon PESQUEUX L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J. – P. TYBERGHEIM Fiche de lecture élaborée par : M. Dominique FELTAILLE Dominique FELTAILLE -1- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J. – P. TYBERGHEIM I- Présentation des auteurs : -Yvon PESQUEUX Yvon Pesqueux, né le 18 juin 1951, est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de développement des systèmes d'organisation et auteur d'ouvrages de sciences des organisations. Biographie Ancien élève de l'ENS de l'enseignement technique (Cachan), il obtient un doctorat en économie à l'Université de paris 1 – Sorbonne en 1975 et l'Agrégation des techniques économiques de gestion la même année. Co-Directeur du LIPSOR1 (Laboratoire d'Investigation en prospective, Stratégie et organisation) avec Michel Godet Expert EQUIS (EFMD) depuis 2000 Expert APM (Association pour le Progrès de Management) depuis 2000 Membre fondateur de l'ADERSE (Association pour le développement de l'Enseignement et de la recherche en responsabilité Sociale de l'Entreprise) depuis 2002 Membre de l'Academy of Management (États-Unis), membre du Board de la division Management Education Development (depuis 2002) President elect de l’IFSAM (International Association of Scholarly Associations of Management) Président du Congrès IFSAM 2010 France Membre du Comité pour la Valorisation du capital intellectuel, Reims Management School depuis 2001 Membre du Conseil Scientifique de l'ISC depuis 2005 Membre du Conseil Scientifique de l'ESCEM depuis 2005 Membre du Conseil Scientifique de l'ISTEC depuis 2009 Président des jurys de l'ESG depuis 2005 Membre de la SFM (Société Française de Management) depuis 2003 Membre du Comité de sélection et de lecture de Business Digest (depuis 1992) Dominique FELTAILLE -2- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Membre du Comité de Rédaction de la revue de l'Association Francophone de Comptabilité – Comptabilité, Contrôle, Audit (depuis 1996) Membre du Comité Scientifique de la revue Sciences de Gestion depuis 1998 Membre du Comité de lecture de Philosophy of Management depuis 2000 Membre du Comité éditorial de la Revue de l’Organisation Responsable depuis 2005 Membre du Comité éditorial de Innovations depuis 2006 Membre du Comité éditorial du CJAS (Canadian Journal of Administrative Science) depuis 2007 Membre du Comité éditorial de Ethical Prospects depuis 2007 Membre du Comité éditorial de Communication & Organisation depuis 2008 Membre du Comité éditorial de Culture & Organization, Routledge depuis 2008 Membre du Comité éditorial de la revue EuroEconomica, Université Danubius Galati, Roumanie Membre du Comité éditorial de la revue Critical Accounting Studies, Pluto Press Membre du Comité éditorial de la revue Annales scientifiques de l’Université « Alexandru Ioan Cuza », Iasi, Roumanie Membre du Comité éditorial de la revue Cahiers d’Administration de l’Universidad del Valle, Cali, Colombie Membre du Comité éditorial de Corporate Governance, Emerald Publishing, depuis 2004 Membre du Comité éditorial de la revue Gestion 2000 depuis 2004 Rédacteur en chef de Society and Business Review, Emerald Publishing, depuis 2006 Conseiller scientifique du Groupe d'Experts QSE Cnam, GEQseC2, depuis 2007 Pensée Il aborde la question de l'organisation sur la base de l'existence d'une science des organisations (un ensemble « théorie des organisations - questions organisationnelles techniques d'organisation ») et considère que ce corpus est le seul corpus vraiment conceptuel en management. Il met en exergue l'importance fondamentale de la notion de représentation en organisation. Il couvre depuis la rédaction de son ouvrage Organisation : modèles et représentations (PUF, paris, 2002) le champ des sciences des organisations à partir de cette perspective. Il souligne l'importance essentielle de la dimension politique de l'activité économique. Il n'y a pas de business à côté de la société mais le business est une activité sociale parmi d'autres. Il souligne donc aussi l'importance fondamentale de la philosophie (et en particulier de la philosophie politique) aux sciences des organisations. Bibliographie Programmation linéaire en collaboration avec Philippe Chrétienne et Jean Claude Grandjean, Technip, Paris, 1978 Le nouveau Plan Comptable, la Documentation Française, Paris, 1980 Pratique de la comptabilité analytique en collaboration avec Bernard Martory, Dunod, Paris, 1986 Manuel Economie d'entreprise T.G chez Nathan, Paris, en collaboration avec Bernard Martory (19801985) Dominique FELTAILLE -3- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Manuel Economie d'entreprise T.G chez Nathan, Paris, en collaboration avec Bernard Martory et Michel Lomi (1980-1985) L'entreprise mise à nu, Economica, Paris, 1987 La nouvelle comptabilité des coûts, PUF en collaboration avec Bernard Martory, Paris, 1995 Contrôle de gestion - Le pilotage de la performance, (et al.), Dunod, Paris, 1998, réédition en 2004 Mercure et Minerve : perspectives philosophiques sur l'entreprise, Ellipses en collaboration avec Bernard Ramanantsoa, Alain Saudan et Jean Claude Tournand, Paris, 1999 Le gouvernement de l'entreprise comme idéologie, Ellipses, Paris 2000 Organisations : modèles et représentations, PUF, Paris, 2002 Ethique des affaires – Management par les valeurs et responsabilité sociale, Editions d'Organisation, Paris, 2002 (en collaboration avec Yvan Biefnot) Points de vue sur les sciences de gestion, Yvon Pesqueux (Ed.), L'Harmattan, Paris, 2003 L'entreprise multiculturelle, L'Harmattan, Paris, 2004, collection « L'esprit économique » La « dérive » organisationnelle, L'Harmattan, Paris, 2004, collection « Dynamiques d'entreprise » (en collaboration avec Bruno Triboulois) L'organisation en réseau : mythe ou réalité, PUF, collection « La politique éclatée », Paris 2004 (en collaboration avec Michel Ferrary) Stakeholder Theory: A European Perspective, Palgrave-macmillan, Basingstoke, UK, 2005 (en collaboration avec Maria Bonnafous-Boucher) (Eds.) Management de la connaissance - Knowledge Management & Apprentissage organisationnel & Société de la connaissance, Economica, Paris, 2006 (en collaboration avec Michel Ferrary) Décider avec les parties prenantes, La Découverte, collection « Recherches », Paris, 2006 (en collaboration avec Maria Bonnafous-Boucher) (Eds. Gouvernance et privatisation, PUF, collection « la politique éclatée », Paris, 2007 Qualité et Management: une analyse critique", ECONOMICA, Paris, 2008 " Filosofia e Organizacoes", CENCAGE Learning, Sao polo, Brésil, 2008 - La « société du risque – Analyse et critique, Economica, Paris, 2009 (en coll. Avec J. Méric & A. Solé) - L’« école japonaise » d’organisation, Editions AFNOR, Paris, 2009 (en coll. avec J.-P. Tyberghein) Dominique FELTAILLE -4- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM - Jean-Pierre TYBERGHEIN Consultant et enseignant en Organisation au CNAM Lille Expertise principale : Organisation des Entreprises Spécialités : structures logistique stratégie production Formation : École Supérieure des cadres des Charbonnages de France Ingénieur Organisation – CNAM Lille Docteur Sciences de gestion – IAE - Lille III Co-auteur de l’Ecole Japonaise d’Organisation » - Afnor Editions – Novembre 2009 Enseignements donnés CNAM Lille – Organisation des entreprises / Management des Projets École Centrale Lille – Logistique Maritime Secteurs d’interventions principaux : Automobile Ferroviaire Aéronautique Grande Distribution Mines Expérience Internationale : USA – Canada – Mexique – Brésil – Argentine – Tunisie – Maroc – Espagne – Iran – Roumanie – Belgique – Russie - Slovénie Participation à création d’entreprises : Ogip Organisation – Conseil en Organisation Ogip Méthodes – Conseil en Maintenance Iode – Prestation informatique PortailPro – Conception de portail Internet Inftech Ingénierie – BE bâtiment Yser Europe – Échanges industriels et commerciaux avec la Chine Dominique FELTAILLE -5- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM II- La ou les questions posées par l’auteur: Dans cet ouvrage, l’auteur analyse les évolutions des entreprises au cours du processus de modernisation. A ce titre, l’auteur pose les questions suivantes : Parler d’« école japonaise » d’organisation, c’est proposer de fonder une référence au regard de modalités liées à un lieu (le Japon) et à une époque, c’est-à-dire essentiellement entre 1980 et 1990. C’est donc devoir distinguer l’existence d’une spécificité (perspective généraliste) qui soit possible à situer dans le temps et à une époque du développement de la grande entreprise) en fonction de traits spécifiques enseignables et transférables à l’ensemble des organisations, quel que soit leur lieu d’activité et dans l’espace géographique (au Japon), (perspective culturaliste). Mots clés : Culture, Japon, Méthodes d'organisation, Sciences des organisations, Toyota Dominique FELTAILLE -6- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM III- Les postulats : Le modèle d’organisation japonais s’est peu à peu imposé au monde de l’entreprise depuis une trentaine d’années. Prendre la mesure de la culture japonaise afin d’analyser les évolutions qu’ont connu les entreprises, l’auteur postule sur l’existence de ceux qui croient au changement et de ceux qui n’y croient pas. Dominique FELTAILLE -7- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM IV- Avant-propos : « La récolte du pays du soleil levant essaime la tempête… » Sur l’art de conclure sa vie : « Il faut prendre au sérieux les plus petits détails. Il est peu de problèmes véritablement importants, dans le cours d’une vie, il ne s’en pose probablement que deux ou trois. C’est la conclusion à laquelle vous conduira la réflexion quotidienne. Il est donc nécessaire de prévoir la conduite en temps de crise et de s’en souvenir une fois celle-ci survenue de façon à régler le problème conformément à son plan. Faute d’une préparation quotidienne, on risque d’être incapable de réagir assez rapidement pour faire face à une situation difficile et d’aboutir ainsi à un résultat désastreux. Nous ne sommes donc pas en droit de dire que le principe qui soustend le précepte « il faut aborder les questions importantes avec légèreté » est d’affermir quotidiennement sa résolution de suivre la ligne de conduite choisie. » Livre I du HAKAGURE p56 Pour Mishima : « Si un trou de fourmi peut provoquer l’effondrement d’une digue, il faut prêter attention aux petites théories, aux convictions minimes qui régissent notre vie quotidienne, de nuit comme de jour. C’est là une leçon valable pour notre époque pervertie qui n’accorde de valeur à l’idéologie et ne prend pas au sérieux les pratiques insignifiantes de la vie courante. » MISHIMA : « Le Japon moderne et l’éthique du samouraï » éd. Gallimard Dominique FELTAILLE -8- L’école japonaise d’organisation Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM V- Résumé de l’ouvrage : Préface : Alain FLORENS, directeur de programme chez AIRBUS : « Il n’est de richesse que d’hommes. » Les récentes convulsions économiques crises financières, mutations économiques induites par la mondialisation, obligent les organisations à trouver un modèle économique économe appuyé sur l’homme avec l’excellence pour ambition. Introduction : Les sciences d’organisation révèlent leur caractère éminemment social. La complexité de l’homme s’exprime à travers celle qu’il essaie d’expliquer rationnellement, scientifiquement. Pour autant, si la finalité est industrielle, l’apport du temps de la civilisation dépasse la modernité en cherchant à apporter une contribution tendant à un optimum. S’il y a eu un modèle britannique, puis américain, les années 1990 font apparaître l’excellence japonaise. S’agit-il d’un modèle organisationnel original au sens entendu par A. HATCHUEL ? - Dépassement de la dimension technique - Dépassement des spécificités sectorielles - Existence d’institutions formulant et diffusant le modèle. - Des concrétisations exemplaires. La réalité d’un modèle de pure conception et de pure civilisation passe par l’inévitable intrication qu’il trouve lorsqu’il rencontre une autre culture. Le métissage, un enrichissement du modèle original, lui évite de se limiter à sa conception. Sans évolution, il risque la rigidité et potentiellement son échec par rejet. L’expansion des modèles qui finissent par s’imposer, révèle un aspect circonstanciel de temps et de lieu. L’époque actuelle semble trahir une accélération du temps et se présenter comme l’ère de la grande transformation. Pourtant, il est nécessaire de distinguer l’idéal-type du stéréotype, du préjugé, pour relever la dimension inter-culturelle du modèle. La comparaison des perspectives anglo-américaines et japonaises met en évidence une distinction liée à la caractéristique explicite ou implicite de l’un et de l’autre. Dominique FELTAILLE -9- Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Si comme L. SFEZ l’envisage, le modèle s’apparente à un « personnage conceptuel » pour n’être « ni un héros ni un mythe mais une production discursive en synchronisation avec une époque, il s’incarne par les caractéristiques qu’il tire du réel ». D’où l’importance des aspects contingents, qu’ils soient socio-économiques ou sociopolitiques. La succession des crises (abandon de la parité du dollar en 1971, chute du mur de Berlin en 1989 ou crise des subprimes en 2007) dépose des couches organisationnelles d’adaptation plutôt que de rupture. L’existence d’une « école japonaise d’organisation » se constitue d’une alchimie des trois aspects dans ce qui constitue un apport aux sciences des organisations au Japon dans la dernière décennie du XX ème siècle: - Contours épistémologiques concernant les modes de construction des parcours discursifs liés à ses objets. - Les fondamentaux de l’idéologie organisationnelle liée au modèle - L’évolution des représentations de l’organisation au regard de l’analyse de la transformation des discours Dominique FELTAILLE - 10 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Première partie : 1 LES FONDEMENTS D’UNE « ECOLE JAPONAISE D’ORGANISATION » 1.1 L’évolution des structures entrepreneuriales au Japon L’entrée du Japon dans l’ère industrielle fait l’objet d’une transition symbolisée par ce que l’on appelle l’Ere MEIJI. Le développement de l’entreprise de production emprunte des aspects marquants également observés en occident : initiative familiale et volonté d’expansion. Ainsi les zaïbatsu s’apparentent-ils aux konzerns allemands et trusts américains. Le clanisme financier se développe efficacement jusqu’à la seconde guerre mondiale avant d’être interdits par les vainqueurs américains qui imposent les modalités de la reconstruction. Ils réapparaissent cependant dans les années 50 sous la forme de keiretsu : une constellation d’entreprises et d’associations en interdépendance. Cette organisation caractérise « l’école japonaise » 1.2 « L’école japonaise » par l’analyse chronologique de la littérature. La littérature concernant l’organisation japonaise présente la caractéristique d’être concentrée dans le temps : sur la décennie 1984-94, et de se présenter d’abord sous l’aspect conceptuel puis méthodologique. Expliquer l’émergence japonaise est l’ambition de trois auteurs principaux : ISHIKAWA, SHINGO et OUCHI (voir annexes) 1.3 Evaluation historique par les savoir-faire majeurs requis. Les sciences de gestion s’adaptent aux concepts macro-économiques. Les décennies d’aprèsguerre voient se cumuler à l’originel intérêt de coût, ceux de la qualité puis du délai. Le management s’impose comme le moyen de parvenir à concilier les nouvelles exigences. L’avènement du toyotisme se constate dans les années 1980 où lorsque les autres constructeurs automobiles mondiaux intègrent la méthode d’organisation et en particulier les groupes européens. En 1994, l’industrie américaine vacille tandis que la japonaise se recompose : juste à temps. Dominique FELTAILLE - 11 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Deuxième partie : 2 L’EXISTENCE DE TRAITS CULTURELS SPECIFIQUES Parler de la nature de « l’école japonaise » oblige à considérer la réalité d’une dimension culturelle singulière. 2.1 Les fondements. La subtile alliance de caractères : ambivalence, ambiguïté, reliance serait la source du mystère japonais. (selon M. Bolle de Bal) L’ie (idée de maisonnée), iemoto (idée de maître dans la construction hiérarchique), d’amae (idée du lien affectif qui génère le sentiment de loyauté) fondent l’esprit japonais. Au-delà, les sources métaphysiques innervent la société contemporaine. D’inspiration confucianiste, la tradition d’organisation sociale distingue les guerriers (samouraïs), les paysans, les artisans et les marchands. C’est pourtant la classe guerrière qui domine et impose son bushidô comme essence éthique. L’alchimie de ces dimensions se transpose dans l’ère moderne sans se révolutionner. La philosophie bouddhiste mêlée à une évolution shintoïste permet de révéler une capacité légèrement différenciée du japonais moderne à voir survivre une capacité à générer des individus capa capables d’intégrer dans la chaire et l’âme l’existence de l’Autre. Une source pour l’aptitude à l’abnégation survit jusqu’alors. Une qualité qui fait défaut à l’occident avec des conséquences chaotiques (crises financières, sociales…) L’art de soi n’est pas un égoïsme car dans sa composante « altérité » et son sens de l’action, il est tributaire de sa capacité de choix. La singularité philosophique empreinte de la loi du tao bouleverse l’occidentale par la subtilité de sa notion de bonne économie du geste pour ce que la bonne action est celle qui requiert le moindre « agir ». Dominique FELTAILLE - 12 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM 2.2 Conséquences de ces traits culturels Des comportements différenciés au travail : - La contribution à la nation (apparue de façon étonnante au brutal sortir du féodalisme de l’ère Meiji) - La loyauté envers l’entreprise - Le dévouement au travail - Le travail comme accomplissement de soi - L’harmonie et le consensus - La priorité au client (non seulement roi mais dieu) - L’importance donnée à la confiance Les invariants du management ou les conditions de transfert du modèle : La transposition intégrale du modèle d’organisation de « l’école japonaise d’organisation » n’a pas trouvé à exister à l’export. Les exemples d’implantation en France (Akaï, Sony…) en France dans les années 80 en ont apporté la preuve. Des adaptations ont été nécessaires quand bien même la cohérence des intérêts stratégiques s’imposait à tous. Dominique FELTAILLE - 13 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Troisième partie : 3 CARACTERISTIQUES ET COMPOSANTES DE « L’ECOLE JAPONAISE D’ORGANISATION » 3.1 Evolution des écoles et des théories D’apparition récente (début du XXème siècle), les sciences des organisations révèlent une alternance d’écoles et de théories oscillant entre dimension humaine et économique. - De « l’école classique » à « l’école japonaise » : A l’origine, les pères fondateurs de la discipline : F.W. Taylor, H. Fayol, H. Gantt et L. Gilbreth incarnent « l’école classique ». « L’école japonaise » a ses « porteurs » : T. Ohno, S. Shingo, K. Ishikawa. Epoques différentes mais des traits communs sont remarquables : organisation contre le gaspillage humain (dans la gestuelle) et matériel, la recherche de prospérité (pour le patron et l’ouvrier), l’apport méthodologique. De là, il y a à considérer que la seconde est une continuité de la première par ses apports spécifiques : - Polyvalence - Préparation au travail (formation) - Etude des flux (innovation) Ce qui permet de cerner les grands traits caractéristiques de « l’école japonaise d’organisation» : (pour ce qui est du secteur industriel) - Manque de visibilité sur les fondamentaux (caricature des cercles de qualité et Kanban) - Puzzle méthodologique - Juste-à-temps - Assurance qualité - Auto-organisation - Automatisation L’apport indéniable de « l’école japonaise » dans le secteur industriel se caractérise par l’avènement de nouveaux concepts : la réactivité, la flexibilité, l’efficience. Dominique FELTAILLE - 14 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Quatrième partie : 4 DESCRIPTIF DES METHODES ET OUTILS 4.1 L’axe du juste-à-temps La description correspond typiquement à l’organisation Toyota : La production est déclenchée par la commande du client (à qui l’on propose un délai fiable plutôt qu’un « meilleur délai ») Le raccourcissement de la longueur du processus de production depuis la conception (le but étant d’arriver sur le marché avant les concurrents par la personnalisation au plus tard du produit, raccourcissement de la chaîne de montage, modularité des sous-ensembles enrichis en composants, repositionnement de l’intégration verticale) Le kanban (étiquetage, traçabilité…) Le SMED (réduction des temps de changement d’outillage) Réduction des stocks Implantation (compactage des sites de production) Logistique (flux tendus internes et externes) Autocontrôle Détrompeur ( Poka Yoké : électroniques, visuels…) Carte de contrôle (tendant vers le zéro défaut initial) PDCA (« Roue de Deming » : plan, do, check, act) 4.2 L’axe auto-organisation Ce qui correspond à la description : L’amélioration continue (Kaïsen) qui doit être décrite et écrite (knowledge management) Chasse au gaspillage (Hoshin, compactage) : travail en équipe (détermination de la taille, découpage du processus, animation, polyvalence, réunions de groupe, axe de déploiement, installer et délimiter la responsabilité, afficher les performances, développer le progrès, consolider le travail) La démarche « 5S » : tri, ordre, nettoyage, propreté, rigueur Dominique FELTAILLE - 15 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM 4.3 L’axe « automatisation » (troisième pilier après le juste-à-temps et la qualité) Repose sur une méthodologie orientée vers la longévité des équipements : TPM (« total productive maintenance »). Le TPM se concentre sur trois objectifs majeurs : Accroître le taux de rendement synthétique des équipements Allonger leur durée de vie Améliorer la conception des équipements existants et nouveaux La préservation de l’outil de production est assurée par la rigueur des interventions de maintenance, des systèmes d’arrêt d’urgence, des témoins lumineux pour en assurer la bonne maîtrise, et l’analyse des méthodes de défaillance. L’AMDEL (FMEA : failure mode and effect analysis) permet : La décomposition du dispositif L’évaluation qualitative L’évaluation quantitative Le suivi La maintenance de premier niveau Dominique FELTAILLE - 16 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM VI Principales conclusions Au début des années 80, un courant d’inspiration américaine dit « process re-engeneering » proposa d’aller au-delà de « l’école japonaise » de façon plus rapide et forte. Le risque encouru du fait des conséquences inconnues sur la dimension humaine et la rupture technologique et organisationnelle la rendirent éphémère. Le « lean manufacturing » proposé par des chercheurs du M.I.T. revient à se réapproprier le système Toyota ce qui étonna en pleine période de crise des géants américains Ford, GM, Chrysler. « L’école japonaise » a, au-delà de l’industrie automobile, inspiré d’autres secteurs par certains aspects d’organisation : Le travail en équipe Le management par projet La culture de l’observation La logistique L’organisation en réseau Dominique FELTAILLE - 17 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM VII ANNEXES Présentation des principaux théoriciens de « l’école japonaise d’organisation » : Masahiko AOKI Japonais de naissance et professeur à Stanford après Kyoto, ses travaux lui permettent dans les années 90 de présenter une théorie de la firme dans une perspective institutionnaliste au regard de l’archétype japonais. Il distingue le type d’organisation japonais de l’américain et apprécie la capacité du premier à s’adapter à un univers incertain grâce à sa souplesse. Un premier principe, privilégie une approche hiérarchique dans les systèmes de stimulation des agents plutôt que la coordination. L’augmentation des gains des salariés dépend davantage de l’augmentation des compétences plutôt qu’une concurrence quantitative entre les individus. Le second principe met en évidence le rôle limité de la hiérarchie dans les mécanismes d’incitation soutenus par l’impossibilité faite aux banques de détenir plus de 5% du capital protégeant la firme des risques d’O.P.A. Un dernier principe fait prévaloir, dans l’organisation japonaise, les réalités d’un pouvoir décisionnel soumis à la double influence des détenteurs du capital et des employés. Yasuhiro MONDEN Professeur de compatibilité, il théorise un modèle d’organisation « toyotiste » à même de s’étendre à d’autres types d’activités y compris aux Etats-Unis. Il présente le détail des caractéristiques développées par Toyota : production juste-à-temps, organisation des processus, standardisation des postes et progrès permanents. Le processus intègre le souci de promouvoir l’aspect humain : attribution des postes, participation à la qualité, rétribution par prime. Ikujiro NONAKA et Hirotaka TAKEUCHI Professeurs diplômés de Berkley, ils s’unissent dans les années 80 pour développer une théorie sur la création de connaissances organisationnelles se nourrissant des interactions sociales. Ils se fondent sur la qualité de relation, principale caractéristique de la pensée japonaise. « L’unité entre l’humanité et la nature, entre le corps et l’esprit ». Ce trait révèle une particularité : une conception collective et organique plutôt qu’atomiste et mécaniste. Dominique FELTAILLE - 18 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Le processus de connaissance qui imprègne les relations intérieur/extérieur (sous-traitants…) se fonde sur des modes de : conversion, socialisation, extériorisation, combinaison, intériorisation. L’organisation doit offrir aux individus un contrôle propice au développement de la connaissance au niveau individuel et en assurer la conservation, la mémoire. Kenichi OHMAE Spécialiste japonais des perspectives stratégiques, K. Ohmae met en avant l’importance d’une organisation réellement humaine laissant place à l’initiative et à l’innovation individuelle. Cette caractéristique s’appuie sur la particularité du système éducatif japonais qui reproduit le sens du respect d’autrui et de l’effort patriotique. L’ambition de déplacer le « champ de bataille » compte-tenu de la forte dépendance en matières premières pousse à l’innovation, la découverte de solutions. Taiichi OHNO Dirigeant historique de Toyota, pour ce qu’il y construit totalement sa carrière, T. Ohno présente dans le détail les recettes du succès de la firme. L’innovation en termes d’organisation le conduit à imposer : le kandan, le juste-à-temps, le tout reposant sur une forte automatisation et une puissante capacité d’adaptation. William G. OUCHI Professeur et conseiller américain, W.G. Ouchi relève de « l’école japonaise d’organisation » pour ce qu’il apporte dans sa théorie dite « Z ». Elle prend comme postulat : Le travail possède une source de satisfaction mais aussi de sanction L’individu peut s’autocontrôler dès lors qu’il a des objectifs qu’il accepte Sa responsabilité est renforcée par les récompenses en termes d’ego Il apprend à rechercher des responsabilités Il possède une capacité à résoudre les problèmes organisationnels Le potentiel humain reste souvent sous-employé Cette approche « behavioriste », l’organisation induite par le keiretsu, favorisent l’épanouissement chez les employés de l’esprit d’entreprise et la création de culture commune. Ce particularisme s’illustre dans le système de représentation du personnel. Dominique FELTAILLE - 19 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Shigo SHINGO Consultant en ingénierie industrielle, sa théorie du SMED (single minute exchange die) développée au début des années 70, participe à la diffusion du kanban à partir de 77 donc de la promotion de l’organisation de type Toyota. Dominique FELTAILLE - 20 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM VIII- Discussion et critiques de l’ouvrage : « En réfléchissant à la mort et à l’impermanence, vous commencez à donner un sens à votre vie » Dalaï Lama (page 31) Pour Mishima : « La voie du samouraï, c’est la mort. » « L’école japonaise d’organisation » est une intéressante épure sur un phénomène économique contemporain. Son essence culturelle est le carburant d’un moteur économique au service d’une notion proche de la nation. Une vision géo-centrée et ethno-centrée permet un agréable voyage dans un ailleurs organisationnel qui peut susciter une envie de transposition universelle en matière de production industrielle. Pour autant, dans une ère géographique où les dragons côtoient les tigres, le battement d’aile du papillon n’est jamais anodin. La symbiose entre nature et culture se vit au quotidien ordinaire et extraordinaire. Un grain de sable naturel dans une mécanique culturelle peut ébranler un système fascinant, proliférant et prolifique. La métaphysique rattrape assez vite et dramatiquement une vision céleste de la mécanique automobile. « Le Grand mécanicien » a bouleversé la chaîne de production japonaise lors d’un cataclysme tellurique en ce début 2011. La rationalité nationalisée transpire de peur depuis que les fondements techniques, humains éprouvent le peuple et son système. Les mots-clefs de la qualité, les principes fondateurs appartiennent à ce que la nature à de puissant et de fragile. Un proverbe japonais dit : « La tête de clou qui dépasse rencontrera le marteau » La mise sous pression des individus par le groupe existe sous l’appellation de hijime, ce qui interpelle sur la conception du bonheur. A philosophie comparée, où est la vérité ? Les Echos, le 26/04/2011 : « Juste à contretemps » : « Toyota a l’une des plus mauvaises conduite boursière de l’automobile depuis le retour de la famille Toyoda » Les Echos, 26/04/2011 : « L’effondrement de quelques fournisseurs pourrait bloquer l’automobile mondiale » (exemple : RENESAS fournit 41% des microprocesseurs pour l’automobile.) Ouest France, le 18/04/2011 : « La grève bloque le chaîne de Toyota Valenciennes » Dominique FELTAILLE - 21 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM ( première grève totale de l’usine d’Onaing inaugurée en 1999) La revendication est le paiement des jours de chômage technique et la dénonciation d’un management « à la japonaise » qui « multiplie les pressions pour diviser les salariés ». Les 2700 employés produisent 879 Yaris chaque jour. Début 2010, Toyota est contrainte d’organiser une campagne de rappel pour 6 millions de véhicules suite à un risque lié au système d’accélérateur. La production de 8 modèles est interrompue. A petite cause… La centrale nucléaire de Fukushima est détenue et gérée par une entreprise japonaise. L’industrie nucléaire est une filière de haute technologie pour laquelle il n’est en théorie de plus exigeantes conditions de sureté et de sécurité. Qu’elle est la perfection en matière de gestion des risques ? La qualité d’organisation ne devient-elle pas une faiblesse ? « L’école japonaise d’organisation » est-elle une machine de guerre économique des temps de paix ? En temps de crise, qu’en est-il du mobile de l’auto-organisation dans l’organisation de l’automobile ? S’interroger sur la nature des choses permet un retour à la nature de la civilisation, sa culture : « …le samouraï est un être humain total alors que l’homme qui s’absorbe totalement dans une activité technique s’est dégradé en une fonction, un simple rouage de la machine… » Principe N°24 page 72 « L’homme qui fonde sa réputation sur une compétence dans une technique particulière est un imbécile. Ayant connu la folie de concentrer son énergie sur un seul objet, il n’a acquis son excellence dans un domaine qu’en excluant toute autre préoccupation. Un tel individu ne peut servir de rien. » « Le Japon moderne et l’éthique du samouraï » Livre I, Principe N°26 page 74 MISHIMA Dominique FELTAILLE - 22 - Chaire : « Développement des systèmes d’organisation. » L’école japonaise d’organisation Yvon PESQUEUX et J.- P. TYBERGHEIM Table des matières I- Présentation des auteurs page 2 II- La ou les questions posées par l’auteur page 6 III- Les postulats page 7 IV- Avant- propos page 8 V- Résumé de l’ouvrage page 9 1) LES FONDEMENTS D’UNE « ECOLE JAPONAISE D’ORGANISATION » page 11 2) L’EXISTENCE DE TRAITS CULTURELS SPECIFIQUES page 12 3) CARACTERISTIQUES ET COMPOSANTES DE « L’ECOLE JAPONAISE D’ORGANISATION » page 14 4) DESCRIPTIF DES METHODES ET OUTILS page 15 VI- Principales conclusions page 17 VII- Annexes page 18 VIII-Discussion et critiques de l’ouvrage page 21 Dominique FELTAILLE - 23 -