le 5 mai 2008 YT / MB N° 08 – 126 - 1 QUELLE ORGANISATION DES SERVICES SOCIAUX La législation – et précisément des lois successives – ont fait du Conseil général, la collectivité publique le plus souvent chargée d’une fonction de chef de file en matière de politique sociale que ceci s’exerce vis-à-vis d’une autre collectivité publique – l’Etat – ou visà-vis des autres collectivités publiques ayant statut juridique de collectivités territoriales, la Région et la Commune. Cette fonction de chef de file s’exerce dans le cadre de la loi de République qui s’applique sur l’ensemble du territoire national, c’est-à-dire dans le cadre d’un Etat centralisé et non d’un Etat fédéral ou confédéral comme l’Allemagne ou la Suisse, ou doté de gouvernements provinciaux, voire infra provinciaux, comme l’Espagne. Non en France, la décentralisation s’exerce dans le cadre d’un Etat central où les collectivités décentralisées n’ont pas la compétence juridique, la liberté juridique, de leurs compétences politiques et techniques. C’est comme le code de la route qui impose de rouler à 50 km/h en ville, partout en France. Dans les Conseils généraux, l’organisation des services sociaux, notre sujet, s’est donc constituée au fur et à mesure des transferts de compétence qui se sont opérés à compter des années 1980. Elle s’est également constituée, en toute logique, en fonction des critères de partenariats que les Conseils généraux ont été amenés à développer, pour exercer leurs compétences, avec les autres collectivités publiques (Etat, Région, Villes), mais aussi avec les partenaires essentiels que sont les organismes de protection sociale, les caisses d’assurance – maladie (CPAM et CRAM) et la CAF, mais aussi « le petit dernier » appelé à vite grandir, la CNSA. Et puis, il y a bien entendu, le mouvement associatif qui joue un rôle particulier dans le champ social, j’y reviendrai brièvement tout à l’heure. Je vais développer ces deux volets (orga / compétences et orga / partenariats) dans les deux parties qui suivent, sachant que je ne prends pas le mot organisation au sens d’organigramme au sens strict, mais de mode de fonctionnement. Page 1 sur 7 1) L’organisation selon les compétences Au début des années 1890 va intervenir une évolution très importante du fonctionnement institutionnel. C’est ce que l’on appelle la décentralisation. Elle sera complétée ultérieurement par d’autres transferts dans le même champ de compétences. a – Elle va s’opérer dans un double contexte : - La modification des relations entre l’Etat et les collectivités ; les délibérations adoptées par ces dernières ne sont plus soumises à la tutelle de l’Etat avant de devenir exécutoires. Les Présidents des assemblées élues, le Maire, le PCG, le PCR deviennent des exécutifs à part entière. Les délibérations ou actes réglementaires (arrêtés) pris par les collectivités sont cependant susceptibles d’être déférés devant la juridiction administrative par le Préfet, au titre du contrôle de légalité. Je vous disais bien tout à l’heure que nous ne sommes pas dans un Etat fédéral ou confédéral. Mais ceci toute personne physique ou morale qui a intérêt à le faire, l’ « intérêt à agir » dans le jargon du droit administratif, en a aussi la possibilité juridique. - Les services ou parts de services dont la compétence est transférée sont eux-mêmes transférés. C’est au nom de ce principe qu’une part essentielle des DDASS va passer de l’autorité du Préfet sous celle du Président du Conseil général au 1er janvier 1984. C’est l’ancêtre des actuels services sociaux des Conseils généraux. b – Les compétences et donc les services transférés au début des années 1980 : o la protection maternelle et infantile, ordonnance de 1945, seule activité médico-sociale assumée par les Conseils généraux. o la protection de l’enfance, l’aide sociale à l’enfance. o le service social départemental. o l’hébergement des PA et PH. o quelques compétences en prévention santé mais reprise par l’Etat suite à une loi promulguée en 2004. c - D’autres transferts ont suivi : o o le RMI, co-gestion des actions d’insertion depuis le 1er janvier 1989 puis de l’allocation ellemême depuis le 1er janvier 2004. les compétences en matière de PA se sont élargies, confortées, avec la mise en place de la PSD et surtout de l’APA en 2002. La loi du 13 août 2004 légalise la maîtrise d’ouvrage des Conseils généraux en matière de gérontologie. C’est sans doute pour des raisons d’ordre démographique mais aussi de rapprochement opérationnel et institutionnel avec la problématique de la prise en charge des PH, le secteur d’activité qui a connu et continuera à connaître le plus fort développement. La logique initiale de l’aide sociale – tarification des établissements habilités à l’aide sociale – s’est peu à peu transformée en dynamique d’action sociale en élargissant son spectre d’intervention. Page 2 sur 7 o o avec la création de la CMU, les aides médicales départementales ont été supprimées au début des années 2000. Dans le champ du handicap, une évolution analogue à celle qu’à connue et que va connaître celui des PA, c’est-à-dire le passage d’une logique d’aide sociale à une logistique d’action sociale s’est opérée. Et là aussi une légalisation a posteriori : la création par la loi du 11 février 2005 des MDPH (GIP) dont la commission exécutive est présidée par le PCG. Le PCG coordonne ainsi par le biais de l’animation de la MDPH, mais aussi grâce à l’action de ses propres services, les différentes actions en direction des PH, quelles soient adultes et, désormais, enfants. d – L’organisation qui en résulte. La plupart des Conseils généraux ont structuré leurs services sociaux selon les populations cibles de leurs politiques. Ceci aboutit à 3 grands pôles : Un pôle enfance – famille regroupant la PMI et l’ASE (et dans le Val de Marne, les crèches), Un pôle PA – PH axé sur les problématiques de la dépendance, Un pôle service social / insertion. Dans quelques départements, l’insertion est rattachée au volet action économique / aménagement du territoire des services départementaux. Ces trois pôles sont en général regroupés dans une Direction unique et placés sous la responsabilité d’un DGA. Dans un Département comme le mien et ce schéma commence à être suivi par d’autres « gros » Départements, la structuration repose sur deux Directions, l’une chargée de l’enfance (ce qui s’explique notamment par l’existence de 76 crèches départementales en Val de Marne), l’autre de l’action sociale et des solidarités. L’échelon hiérarchique est le plus souvent de niveau Direction générale ce qui est assez logique quand on sait que les services sociaux représentent plus de la moitié des effectifs départementaux et près de 60 %, en moyenne nationale, des dépenses de fonctionnement. En Val de Marne, 5 000 agents sur 8 500 dans les pôles sociaux et 800 millions de dépenses, masse salariale comprise. Au-delà d’opérationnelle, l’organisation est également territoriale. Les services sociaux départementaux, c’est un maillage très fin du territoire départemental. En Val de Marne c’est presque 200 lieux différents sur 245 km2 , soit un équipement départemental pratiquement au km2 . (crèches, CDPMI, espace social des solidarités, foyers de l’enfance). Je dis bien équipement départemental donc fonctionnant avec des fonctionnaires du CG et non équipement sous contrôle tarifaire du CG comme les foyers associatifs de l’enfance, les EHPAD ou les établissements pour les PH, ou la MDPH qui rassemble des agents de fonctions publiques diverses (FPT, fonctionnaires du Ministère des affaires sociales, Ministère de l’Education nationale, agents des DDTE). L’organisation territoriale des services sociaux départementaux est, elle aussi, à géométrie variable. soit un « éclatement » total par mission, soit un regroupement partiel de ces missions. Ainsi, nos espaces de solidarités regroupent en Val de Marne, le service social, nos équipes de travailleurs sociaux Page 3 sur 7 enfance et nos équipes de PMI hors CDPMI, ceux-ci assurant les activités de consultations proprement dites. soit un regroupement de toutes les missions sociales, jusqu’à l’action en direction des PA et PH. Cela s’appelle les unités territoriales (77, 95, etc). soit un rattachement avec d’autres services départementaux, de tous les services du CG pouvant donner lieu à territorialisation. C’est la logique des « Maisons du Rhône », ancrage territorial des services du CG 69, département où il est vrai, la ville de Lyon regroupe la majeure partie de la population. 2) Les partenariats Ils relèvent de plusieurs configurations sur le plan juridique : ils sont soit imposés par la loi, du fait de compétences partagées, ils sont volontaristes donc découlant d’une démarche de partenariat choisi, et entre ces deux extrêmes toutes les combinaisons possibles, du volontariat dans le cadre légal au légal dans le volontaire, ceci découlant de choix politiques. Commençons par le partenariat obligatoire. C’est celui qui découle des compétences croisées, ces secteurs où subsiste un enchevêtrement des pouvoirs entre collectivités publiques. C’est principalement le champ des PA et des PH où s’entrecroisent les compétences du CG au titre de l’action sociale et celle de l’Etat du fait de sa tutelle sur l’assurance – maladie et donc les soins. C’est un entrecroisement qui se pose en matière de tarification (par exemple l’APA) mais aussi en terme de planification et de programmation avec les schémas départementaux désormais opposables depuis la loi du 2 janvier 2002, et les outils de l’Etat (PRIAC). C’ est l’impact de la réforme des unités de soins de longue durée (ex. longs séjours), réforme gérée par l’Etat, sur les besoins en lits dits médicalisés en EHPAD, relevant de la charge du CG. C’est le secteur qui va connaître sans doute le développement le plus fort, avec la création à court terme, à l’horizon 2009, de ce qui est appelé le « 5ème risque » ou le « 5ème champ » de la protection sociale, celui de la dépendance. Financée initialement par la CNSA, sur la base de la journée dite de solidarité, cette prise en charge serait assurée en fait par les Conseils généraux dès l’année prochaine. Cette réforme se corrèle à la mise en place des futures agences régionales de santé, celles-ci incluant dans leur champ, les équipements et services médico-sociaux donc ceux en charge des PA et des PH. Toujours dans le cadre des compétences croisées, il y a celles qui touchent à la protection de l’enfance que cette dernière relève de la pleine compétence des Conseils généraux grâce à l’ASE ou de la compétence de l’Etat grâce à ses services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ, relevant du Ministère de la Justice). Nombre d’établissements de l’enfance relevant de par la loi d’une double habilitation ASE / justice du fait des publics qu’ils reçoivent, on peut aller plus loin et c’est le choix qu’a fait mon Département, en élaborant un schéma de protection de l’enfance qui est conjoint au Département et à l’Etat, le fait qu’il soit conjoint ayant valeur revendicative pour nous. Ceci dit, le contexte national a évolué, compte-tenu des lois ou projets de loi proposés récemment par Rachida DATI. Et puis l’Etat a délaissé depuis le début des années 2000 le champ de la prévention au profit de celui de la répression, dans le champ de l’enfance comme dans les autres. Puisque l’on parle de protection de l’enfance et qu’une grande part des structures qui assument la prise en charge de cette mission, sont de statut associatif, faisons un zoom rapide sur les associations. Ces dernières constituent un partenaire essentiel dans le champ social. Mais à double titre, contrairement à d’autres domaines. Les associations assument dans le social la vocation Page 4 sur 7 revendicative qui est la leur comme partout ailleurs, la défense des intérêts de leurs adhérents. Mais elles exercent aussi une fonction gestionnaire très importante principalement dans trois domaines : la protection de l’enfance avec les établissements spécialisés ASE ou ASE/PJJ, mais aussi les clubs de prévention spécialisée, les établissements pour PH où elles sont en situation de quasi-monopole, et le soutien à domicile pour les PA où elles sont en situation de cohabitation avec le service public municipal. C’est une particularité forte du champ social qui amène l’ADF à intervenir fortement dans l’agrément des conventions collectives de ce secteur par le Ministère des affaires sociales. Autre partenariat à caractère obligatoire, mais avec un autre partenaire institutionnel que l’Etat, l’assurance – maladie. Ceci au titre des actes médicaux assurés par la PMI et pris en charge, au titre du droit commun de la sécurité sociale. Je mets « droit commun » entre guillemets car l’assurance – maladie souhaite s’en dégager au profit d’une action de prévention volontariste donc non obligatoire ni renouvelable systématiquement. C’est un gros enjeu de santé publique pour un Département comme le notre qui mène notamment une politique médico -sociale et vaccinale très active, très préventive, dans le champ de la petite enfance et de la protection maternelle, et qui connaît un taux de mortalité infantile parmi les plus faibles de France. Ce partenariat avec la CPAM, issu d’une convention passée en 1989 au titre de la PMI, après plusieurs années de non recevoir de la sécurité sociale suite aux transferts de compétences opérés en 1984 de l’Etat vers le CG, nous aimerions l’étendre et le finaliser dans le champ d’autres politiques préventives que nous développons, comme la lutte contre l’obésité et le surpoids en milieu scolaire ou la santé bucco-dentaire que nous menons pour cette dernière en articulation avec 21 villes du Val de Marne, rassemblant la majorité de la population. Autre partenariat légal mais que nous exerçons au titre d’une activité extra légale, cette foisci, le partenariat avec la CAF au titre des modes d’accueil de la petite enfance puisque le CG gère en propre 76 crèches départementales sur les 150 que compte notre joli pays. Des difficultés dans le partenariat du fait de la volonté de la CAF, sur instruction nationale, de mettre en œuvre une réforme de la tarification de l’accueil en crèche, la PSU, largement inadaptée aux caractéristiques de l’Ile de France (poids relatif des modes d’accueil collectifs dans l’ensemble des modes d’accueil, durée des transports domicile / travail et son impact sur l’amplitude horaire des prises en charge en crèche). Toujours dans le cadre du partenariat légal, nos relations avec le Conseil régional du fait des compétences qu’il exerce depuis peu en matière de formation professionnelle et plus précisément de formation professionnelle sur les métiers du champ social. Là encore, des relations plutôt difficiles car les services du CR n’étaient pas totalement préparés à la gestion de cette nouvelle compétence qui avait été délaissée par ceux de l’Etat (la DRASS) depuis des années, dans l’attente du transfert (c’est un peu comme les arbres sur l’ex voirie nationale !). Un peu de positif maintenant : le partenariat avec les communes. Toutes les actions sociales du CG ne donnent pas lieu à partenariat avec elles, mais pour l’essentiel elles y donnent lieu. Page 5 sur 7 Avec deux caractéristiques en Val de Marne : - un fait départemental fort dans le domaine social. Par exemple, la quasi totalité du service social est départemental, seules deux villes ayant conservé un service municipal : VINCENNES et SAINT MANDE. J’ajoute à cela nos 76 crèches et les 1 800 personnes qui y travaillent. L’on est typiquement là sur une activité qui dans d’autres départements est assumée ou devrait être assumée par les villes. - en Val de Marne, il a plus de Conseillers généraux que de Maires, 49 contre 47. Ceci facilite qualitativement nos rapports avec les villes et permet , compte-tenu de la taille moyenne de ces dernières, d’instaurer des rapports d’égal à égal, conformes d’ailleurs à l’acte I de la décentralisation qui n’a instauré aucune hiérarchie entre les trois échelons des collectivités territoriales. Ce partenariat Département / communes, il s’exerce dans des champs diversifiés : l’action sociale de terrain grâce à l’articulation EDS / CCAS même si leurs champs de compétences ne se recouvrent pas totalement, le champ de la gérontologie compte-tenu d’une implication forte des services publics municipaux dans ce domaine, des actions de prévention sanitaire, notamment le service bucco-dentaire avec pour objectif de coordonner les actions de prévention dans l’école élémentaire. La ville avec laquelle nous avons conventionné en premier, FONTENAY SOUS BOIS, connaît une baisse de plus de 50 % de la prévalence de la carie dentaire en un peu plus de 10 ans, dans les tranches d’âge concernées, donc une action très efficace. * * * Pour conclure, les grands enjeux sur lesquels il me paraît nécessaire d’insister dans la conduite des politiques sociales des Conseils généraux et des partenariats à développer dans ce cadre. Les CG, du fait de la diversification de leurs politiques, sont peu à peu sortis d’une logique d’aide sociale, d’une logique de prestation financière et de barème, le moule du fonctionnement des DDASS, pour aller vers une logique d’action sociale, prenant la personne dans son ensemble et non seulement par tel ou tel aspect, en les fractionnant, de ses difficultés d’ordre social et / ou personnel. Il faut prolonger et amplifier cette démarche qualitative, en s’appuyant sur le partenariat et en le faisant évoluer qualitativement. Les logiques d’action sociale ne peuvent se suffire à elles-mêmes. Dans les politiques départementales, elles doivent s’interpénétrer avec les politiques de l’emploi, non seulement parce que le champ social est fortement créateur d’emploi mais surtout parce que la finalité ultime de toute politique sociale, qu’il s’agisse de l’aide sociale à l’enfance, du service social, des actions d’insertion, de la prévention et de la prise en charge du handicap, de la gestion des modes d’accueil de la petite enfance, c’est l’accès ou le retour à l’emploi. C’est bon pour la société dans son ensemble et surtout c’est bon pour chaque personne humaine, au sens de sa dignité et du sens qu’elle peut donner à son existence. Je crois réellement à cette vocation Page 6 sur 7 émancipatrice de l’action sociale, comme je crois à la santé communautaire, et au fait qu’elle appelle à une démocratisation des pratiques politiques. Mais les experts du quotidien ne sont ils pas les gens eux-mêmes ? Insertion dans le développement économique donc, mais aussi dans les politiques éducatives dans les collèges, dans l’aménagement du territoire au titre de la lutte contre les ruptures sociales et donc territoriales. Ne reproduisons pas ce que l’Etat n’a pas su, pu ou voulu faire, en balkanisant ses différents modes d’interventions, avec ce fonctionnement en départements ministériels qui s’ignorent la plupart du temps. Il faut territorialiser davantage et même dans un petit Département comme le Val de Marne, le plus petit de France après les Hauts de Seine. Territorialiser pour créer plus de synergie entre services départementaux déconcentrés, territorialiser pour une gestion de proximité et citoyenne, territorialiser pour amplifier les partenariats avec les collectivités de proximité, en tenant mieux compte des disparités des situations et des politiques locales, mais sur la base d’une politique départementale globale qui, dans ces conditions, trouvera une plus grande efficacité et efficience. Page 7 sur 7