
Docteur N.Monnier 5
4) LES APPROCHES SOCIALES
a) L'antipsychiatrie
Le courant antipsychiatrique, qui a émergé en Italie à la fin des années soixante, pose la folie
comme une réponse à l’exigence d’une société hiérarchisée, bureaucratique et mécanisée. Ainsi
les individus les plus fragiles n’ont pas d’autres solutions que d’être les victimes à enfermer dans
les asiles que la société a créés pour eux. La mise en application de la théorie (fermeture des
hôpitaux, arrêts de traitements…) n’a pas amené les améliorations de l’état de santé des patients
espérées. Cette approche est par contre à l’origine des structures de vie alternatives à
l’hospitalisation (foyer, ESAT…).
b) La psychothérapie institutionnelle, la sectorisation
Diverses expériences de soins institutionnels portées par Jean Oury à la clinique de la Borde ou
François Tosquelles à l’hôpital de Saint Alban sur Limagnolles entraînent une réflexion sur les rôles
de l'hôpital. Les années 60 amèneront, outre la diminution notoire du rôle du médecin dans les
soins, une désinstitutionalisation plus ou moins réussie des malades mentaux.
Le point d'orgue de ce mouvement sera la mise en place de la sectorisation psychiatrique. Le
secteur psychiatrique français, qui reste le modèle de l’intervention psychiatrique publique dans
notre pays, est né dans la continuité de la psychiatrie institutionnelle de l’après-guerre. Il s’agissait
bien pour la psychiatrie publique française de déplacer l’intervention des équipes spécialisées de
l’hôpital psychiatrique assimilé aux asiles vers des lieux de soin les plus proches du domicile du
patient afin d’éviter chronicisation et désocialisation.
L’idée novatrice est de rattacher à chaque service hospitalier une aire de recrutement et
d’intervention d’environ 70.000 habitants auxquels seront proposées des consultations
rapprochées dans des Centres Médico Psychologiques (CMP), véritables plaques tournantes de
l’action de soin en psychiatrie publique, mais aussi des interventions infirmières au domicile du
patient (les VAD, visites à domicile). Dans les suites de la circulaire ministérielle de 1960 créant les
secteurs de psychiatrie adulte et les intersecteurs de psychiatrie de l’enfant, tous les
départements seront progressivement découpés en secteurs et intersecteurs. Chaque secteur sera
confié à une équipe médicale et paramédicale prenant en charge toutes les pathologies
psychiatriques de sa zone géographique. Il devra en outre mettre en place des structures
diversifiées de prise en charge : hôpital à temps complet, hôpital de jour ou de nuit, CMP, CATTP
(centres d’accueil thérapeutique à temps partiel), sans parler des possibilités d’intervenir sur les
lieux de vie du patient à son domicile ou à proximité de son lieu de travail. Dans une perspective
d’accès égalitaire aux soins, le secteur devait avoir l’avantage de donner des soins d’égale qualité
quel que soit le lieu de vie du patient dans notre pays. La pénurie actuelle en temps médicaux de
psychiatres et d’infirmiers psychiatriques, très inégalitaire sur le territoire, remet en cause cette
orientation « sociale » de la psychiatrie française.
La conséquence de la sectorisation en France sera la diminution recherchée du nombre de lits en
hospitalisation à temps complet : on est passé de 170.000 lits de psychiatrie en 1970 à 58.000 en
2012 et la durée moyenne de séjour des patients est passée de plus de 250 jours en 1970 à moins
de 30 jours en 2012. Plus de 60% des malades suivis par la psychiatrie publique ne sont jamais
hospitalisés.