CRISE DU CAPITALISME : QUELLE CRISE ? Débat animé par Alain Obadia Plusieurs crises ou une crise à multiples dimensions ? Présente les modalités du débat. S. Treillet : crise à multiples dimensions. Est-ce crise du régie d'accumulation ? Y a-t-il continuité avec phase néolibérale du capitalisme (depuis 1980) ? Avec cristallisation de tendances anciennes ? Ou ouvre-t-elle de nouvelles contradictions (tournant dans le fonctionnement de l'économie mondiale) C'est la 1ère grand crise du capitalisme mondialisé. Depuis 2 siècles, c'est la 1ère crise mondiale au sens strict. Pas le cas en 1929, avec colonies. Nouvelles voies analogues à 1930 ? Fin 30 glorieuses a ouvert crise de la dette, à l'exception URSS. Aujourd'hui, on est à l'échelle de la planète. Les mécanismes en cause: mise en concurrence généralisée des systèmes économiques et sociaux dans le monde. Il y a résistance, mais c'est globalement vrai. Captation de la richesse produite par une minorité étroite (national et international). Écart entre pauvres et riches s'est creusé en moyenne. Mais constitution du G20 montre qu'il y a eu croissance des pays émergents. Déplacement de la richesse produite en faveur du capital. D'où nécessite d'intervenir au niveau du partage à la base de la VA, avant de parler de fiscalité et de répartition compétition et guerre commerciales (recherche de débouchés pour les marchandises produites). Pas de solution possible. Crise des subprimes n'est que la partie émergée de l'endettement nécessaire pour faire consommer sans augmenter les salaires. Donc bases fragiles pour la croissance mondial tirée par les États-Unis. Fuite en avant : paralysie de l'OMC et surréglementation commerciale via les accords bilatéraux, mins favorables aux pays les plus démunis. Donc titrisation etc est l'aboutissement de tout cela et pas un accident. La régulation suffira-t-elle pour venir à bout de ces contradictions. Le contexte a changé : basculement des rapports de force mondiaux (PVD moins touchés par la crise que les pays du centre ; croissance des pays émergents). Est-ce durable ? Difficile à dire. Fuite en avant ne peut que creuser déséquilibres et faire advenir de nouveaux problèmes, comme la dette publique. Pedro Paez : La crise est structurelle. Qu'est-ce que cela veut dire ? On ne peut sortir de la crise du capitalisme sans sortir du capitalisme en crise. Donc changer d'horizon pour un système moins discriminatoire. Est-ce seulement un problème de corruption et d'incompétence. Bien sûr, cela existe, mais relève de la loi. Cela ne changera pas la situation de crise. Aux États-Unis, on a eu 2 boucs émissaires (Madoff par exemple). Les dernières années, des milliers de procédures aux États-Unis. Cette foisci, beaucoup moins. Les régulations ont failli. Si on se tourne vers le keynésiennes, cela changera pas non plus la crise. L'Europe se sud-américanise (plans d'austérité). États-Unis peuvent réagir en émettant du dollar. Ce qui change les règles du libre-échange. Cohérence dynamique entre production et consommation a changé (il ne suffit pas de redistribuer) C'est aussi crise du mode de vie. Pour lutter, augmenter la possibilité pour la société d'intervenir. Michel Husson 3 niveaux der la crise : financier (au début) crise des solutions apportées à la crise précédente. On réduit les salaires, on n'investit pas, on spécule et on nourrit la consommation via les dettes (les profits n'ont pas baissé, cf. Marx, mais n'ont pas été réinvestis) crise du mode de satisfaction des besoins sociaux. Même chose pour l' »environnement : le critère est : est-ce profitable ou non ? 1) le retour au keynésianisme est impossible. « Ils » ne veulent pas. 2) Le capitalisme néolibéral ne peut plus fonctionner. Même les liens Chine USA sont fragiles 3) solution : régulation chaotique avec 4 dilemmes on baisse les salaires et on n'embauche. Aux USA, on rétablir les profits avant toutes chose (taux de marche rétablis mais pas emploi guerre des monnaies, héritage de la crise n'a pas disparu (dettes) mais est passé du privé aux États. Qui va payer ? Les citoyens via les plans d'austérité. Europe : éclatement car chacun veut tirer son épingle du jeu (cf. Allemagne). Sortie de l'euro a-t-elle un sens ou faut-il revendiquer une refondation de l'Europe. (par ex : on ne peut pas faire de monnaie européenne sans budget et sans harmonisation fiscale) Question clé : la répartition des revenus : salaires-profits, mais aussi durée du travail (l'argent gagné sur la non-réduction du temps de travail part aux dividendes et non à l'investissement et donc à l'emploi). Il y a prise de conscience de cela mais pas d'alternative. Plonger tout cela dans un ensemble européen. Porter les projets à ce niveau. Le Duigou Sur le travail. Il y a crise systémique. Mais plus on dit cela cela, moins on voit les moyens de changer les choses. Pas seulement interpréter la crise mais en sortir. Les gouvernements continuent à traiter la crise comme une crise financière. Pourtant elle a beaucoup d'autres dimensions. Le lien ? La question du travail. C'est de l'économie (produit de la richesse) et de l'anthropologie (permet à l'individu de se réaliser). Il ne suffit donc pas d'abaisser le temps de travail. Travail aujourd'hui ? Réalité qui échappe même aux statistiques : suicides à PSA, etc. Pression sur travailleurs : emploi, salaires, qualification dévalorisée (doublement dans les statistiques). Sousemploi, même en cas de CDI à temps complet (sur l'année). Seuls 20% sont dans des « vrais emplois à l »échelle du monde. Travail / financiarisation : on ne peut pas en rester à vision 1930. Financiarisation ne s'est pas développée sur un corps sain. Travail vivant asphyxié sous des montagnes de capital fictif. Durant les 4 années précédant la crise, le taux de rentabilité était de plus de 20% dans les banques, de 17% dans l'automobile. Au prix de la destruction du capital fixe et du capital humain. C'est donc la questions du mode de production qui est posée (plus celle du mode de consommation) Pas seulement question de partage de la VA : critères normes et valeurs engagées autour de la question du travail. Aller au-delà des règles du travail et de la répartition. Travail est dimension essentielle de la vie humaine. Ne suffit pas diminuer temps de travail. Enjeu de société au delà de l'enjeu économique. Question de démocratie (droit des salariés sur gestion de l'entreprise) et facteur de convergence des luttes entre personnes ayant des statuts ou des histoires différentes (France, Europe, monde). Discutants Billard M. : quel poids de la Chine au plan international (27% de contribution à la croissance mondiale, etc) Dans les exportations, part importante des sociétés étrangères. Qui va gagner la course aux matières premières. PVD se tournent vers Chine Capitalisme vert : très réduit (Husson). Mais ne veut-on pas faire de lui un moment de respiration du système. Travail on demande de travailler plus pour produire plus. Mais est-ce bien nécessaire ? Mise en cause des produits à durée de vie limitée ? Que penser des « revenus pour vivre bien » (salaires mais aussi biens gratuits) Solution à l'échelle de la planète (soutenable) et pas seulement pour salariés des pays riches. Durand D. Intervenants ont mis au centre la question de la répartition. Comment les libéraux ont-ils fait ? Pas par décret. Multitude d'actes de gestion, d'investissement, etc. Les 10% de VA l'ont été en dix ans et cela ne bouge plus depuis 15 ans. Comment ? Appui sur la finance (et prise de pouvoir par les banquiers et les financiers). Les marchés financiers sont des machines de pouvoir aux mains des actionnaires et des financiers. Donc il y a crise du système capitaliste, il y a lutte sociale et en même temps sentiment d'impuissance. Cause : le tabou autour des questions monétaires. Cossart : Environnement. Bien commun ? Si oui, cela devrait conduire à une réforme fiscale de grande ampleur au plan national et international. Monnaie globale mondiale ? La Chine peut-elle être ce que l'URSS a été dans les rapports avec les USA ? Organisation économique ultra-centralisé a conduit à cela. C'est elle qui fait actuellement les plus grands progrès dans ce domaine. Pedro dit qu'il faut changer logiciel et pas seulement revenir au keynésianisme. Mais n'est-ce pas un peu croire au grand soir. L'augmentation considérable des salaires permettra-t-elle d'inscrire le salaire dans une autre configuration. Donc, quel détricotage ? Sortir de l'euro et faire ce qu'on veut ? Pure illusion. Véronique : pourquoi a-t-on crise du système mondial ? Est-ce parce que les États, qui auraient pu la contrer, ne sont plus en situation de la faire ? Crise de système ? Dans ce cas, que valent le solutions à court terme ? Quelles seraient les valeurs à changer ? Travail : regarder les rapports sociaux qui l'accompagnent. Retour au débat : Husson : chômage a joué un rôle important en permettant aux capitalistes de faire pression sur les salaires à partir des années 1970. Ne pas opposer réduction du temps de travail et contenu du travail. Ce qui pèse sur les 35 heures, c'est la non-obligation d'embaucher (de Robien était mieux de ce point de vue, cf. Larrouturou). Moins productiviste et moins « consommateur », cela passe par la réduction du temps de travail. La réduction du temps de travail est aussi une façon de faire contrôler la chose par les travailleurs. Créons les emplois et regardons ensuite comment on les finance. Le Duigou : Parle-t-on d'emploi ou de travail ? En France, on a le plus niveau de productivité. Donc dans temps de travail, il doit y avoir formation, apprentissage de la gestion. Rappelle que le travail c'est aussi accomplissement. Transfert de la VA : une des causes en est la perte des emplois industriels, mieux payés que les emplois de service. Donc, si on veut corriger, il faut aussi changer le mode de production (réindustrialisation). S. Treillet Déplacement de l'accumulation vers les pays émergents ? Si cela se faisait, cela changerait profondément le capitalisme. Découplage s'est avéré un espoir vain car il faudrait que les pays émergents financent la consommation intérieure. Que répondre à la mise en concurrence des salariés au plan international. La traduction des gains de VA pour les salariés n'est pas nécessairement du salaire mais peut être de la réduction du temps de travail.