FT2_Bouclier_fiscal - Les pages perso du Crans

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Mark Pelé
Jean Savary De Beauregard
I.
Fiche Technique : Le Bouclier Fiscal
20/05/2009
Cadre théorique, définition et modalités de la mesure
A. Cadre théorique et inspiration économique
Le bouclier fiscal est une mesure fiscale qui a pour but de plafonner le taux
d’imposition global des contribuables et ce afin qu’ils ne soient pas sur-imposés (dû à une
superposition des impôts). En Europe, ce type de mesure est inspiré par l’économie de
l’offre et ses théoriciens, notamment Arthur Laffer.
« Trop d’impôt tue l’impôt »
La courbe de Laffer est une illustration concrète de cette idée. Celle-ci se base sur les points
suivants. On estime qu’une augmentation de l’impôt au-delà d’un certain seuil finit par
réduire les recettes fiscales de l’Etat. A l’inverse, on imagine aussi qu’une réduction du taux
d’imposition a pour effet d’accroître le revenu national. L’arbitrage des choix d’une politique
de distribution se fait ainsi « entre le niveau de fiscalité qui est le plus efficace d’un point de
vue économique et celui qui permet de disposer de la masse la plus importante à
redistribuer, au prix d’une perte de revenu national.»1
Le cadre théorique de la courbe de Laffer
justifie l’utilité d’une mesure fiscale telle que
le bouclier fiscal.
En abscisse le taux d’imposition « t », et en
ordonnée les recettes fiscales « T ». Ainsi,
lorsque t ≥ t*, le taux d’imposition est
considéré comme excessif et les recettes
fiscales de l’Etat diminuent.
On assume une économie fermée dans ce
modèle.
2
Ce modèle implique un certain comportement des agents économiques. En effet, lorsqu’ils
sont sur-imposés, ceux-ci, rationnellement, diminuent leur travail. L’autre hypothèse forte
de ce modèle est celle de l’économie fermée ; les échanges extérieurs sont occultés. On
assume que si l’on « ouvrait » le modèle, la relation entre taux d’imposition et recettes
fiscales, illustrée ici par Laffer, n’en serait qu’encore plus exagérée. Un taux d’imposition
plus haut que t* aurait pour conséquence une baisse encore plus vertigineuse des recettes
de l’Etat et ce dû au phénomène « d’évasion fiscale ».
La mesure du « bouclier fiscal » en France est ainsi censée diminuer les effets de ce
phénomène qui chaque année coûte cher à l’Etat français en recettes fiscales non perçues.
1
J.C PRAGER et F. VILLEROY GALHAU, 18 Leçons sur la politique économique, Chapitre « Réformes
structurelles », encadré p.302 « Courbe de Laffer »
2
Graphique tiré de l’article Wikipedia : article « Courbe de Laffer »
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Mark Pelé
Jean Savary De Beauregard
Fiche Technique : Le Bouclier Fiscal
20/05/2009
B. Le bouclier fiscal en France : bref historique et modalités
On estime que le premier bouclier fiscal en France apparaît en 1988 sous le
gouvernement de Michel Rocard. A l’époque, celui-ci prend la forme d’un plafonnement de
l’Impôt de Solidarité sur la Fortune et de l’impôt sur le revenu à 70% des revenus. Le
bouclier fiscal dans sa forme actuelle est instauré par La Loi de Finances 2006. Dans sa
première version, celui-ci définit un plafonnement des impôts à 60% maximum des revenus
des contribuables. Dans ses versions plus récentes de 2007, puis révisée en 2008, le bouclier
fiscal définit ce plafonnement à 50% et prend en compte l’ISF, la CRDS, la CSG, l’impôt sur le
revenu, les taxes foncières et les taxes d’habitation (comme promis par la candidat Sarkozy).
Afin de mieux comprendre l’ensemble des impôts concernés par le bouclier fiscal, arrêtonsnous un instant sur l’ISF, la CSG et la CRDS. L’ISF ou Impôt de Solidarité sur la Fortune est un
impôt concernant les contribuables ayant un patrimoine net supérieur à 790 000 euros. Cet
impôt est qualifié de « redistributif ».
La CSG ou Contribution Sociale Généralisée est un impôt dont le rôle est de participer au
financement de la Sécurité Sociale. Instituée en 1990 sous le gouvernement de Michel
Rocard, la CSG est considérée comme une imposition (et non une cotisation).
La CRDS ou Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale, crée en 1996 est un
impôt dont le rôle est de participer au remboursement de la dette de la Sécurité Sociale.
Le bouclier fiscal prend la forme d’un remboursement aux contribuables dès lors que les
50% des revenus sont dépassés. Tout impôt versé à l’Etat par un contribuable en excès de
50% de ses revenus lui est remboursé par l’administration fiscale. C’est ce « trop » d’impôt
(la fraction de la somme versée à l’Etat représentant ce dépassement des 50% des revenus)
qui est reversé au contribuable. Jusqu’à 50% des revenus, le bouclier fiscal ne prend pas
effet. On note que le contribuable est donc censé payé l’intégralité de ses impôts et ensuite
demander le remboursement des sommes payées « en trop » des 50% de ses revenus.
Dès 2009 cependant, le contribuable pourra « auto-liquider le bouclier fiscal »
immédiatement. Ceci veut dire que le contribuable aura ainsi la possibilité de directement
déduire ces sommes remboursables de ses impôts, simplifiant ainsi le mécanisme du
bouclier fiscal.
C. Le bouclier fiscal : définition officielle
« Le « bouclier fiscal » est un dispositif de plafonnement des impôts directs qui bénéficie aux
particuliers. »3
C.f. article 1 du code général des impôts :
« Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses
revenus. »4
3
4
Site des impôts : http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm
Site des impôts : http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm
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Jean Savary De Beauregard
Fiche Technique : Le Bouclier Fiscal
20/05/2009
Comme mentionné auparavant, les impôts concernés sont les suivants (la liste ci-dessous est
la liste officielle telle que l’on peut la trouver sur le site Internet des Impôts) :
-
-
L’impôt sur le revenu
Les contributions et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine,
d’activité et de remplacement ou sur les produits de placements (contribution
sociale généralisée ou CSG, contribution pour le remboursement de la dette
sociale ou CRDS, prélèvement social de 2% et contribution additionnelle de 0,3 %
à ce prélèvement)
L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF)
La taxe d’habitation et la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties
concernant la résidence principale et certaines taxes additionnelles à celles-ci5
« Exemple : Vous pouvez déposer, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre
2009, une demande de plafonnement des impositions excédant le seuil de 50 %,
pour l’impôt sur le revenu et les contributions et prélèvements sociaux acquittés
en 2007 ou 2008 au titre des revenus de 2007 et pour l’ISF et les impôts locaux
établis au titre de l’année 2008. »6
Les bénéficiaires de la mesure sont les contribuables fortement imposés sur leur patrimoine.
On peut ainsi dégager trois sous-catégories de bénéficiaires :
-
Les contribuables aisés et très aisés (hauts revenus, patrimoine important) sujets
à l’ISF
Les contribuables et ménages modestes (revenus bas/RMI) qui sont cependant
propriétaires sujets à la taxe foncière et la taxe d’habitation
Les contribuables étrangers résidant depuis plus de 3 ans sur le territoire français
(catégorie ajoutée par la Loi de Modernisation de l’Economie 2008)
Les contribuables visés par la mesure ne sont donc pas seulement les contribuables aisés.
Dans les faits, cette mesure avantagerait aussi environ 14 000 ménages modestes (chiffres
de 20097) dont les deux tiers gagnent 1000 euros par mois.
En outre, cette mesure est souvent associée au plafonnement des niches fiscales.
5
Cette liste est directement tirée de la page du site des impôts : http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm
Page dédiée au bouclier fiscal, site des impôts : http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm
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http://www.porte-parole.gouv.fr/wp-content/uploads/2009/03/98-cles-actu-le-bouclier-fiscal.pdf
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D. L’objectif du bouclier fiscal dans sa forme actuelle
Le but de cette mesure fiscale, selon le gouvernement français, est bel et bien
d’améliorer la compétitivité fiscale du pays et donc son attractivité. Par là, il est entendu que
cette mesure vise en premier lieu à réduire l’exil fiscal et donc à inciter les contribuables
français (fortunés) à rester domiciliés en France (et payer leurs impôts en France). On incite
donc ces contribuables à demeurer en France avec la perspective que ceux-ci participent à la
richesse du pays (consommation, investissement mais aussi des recettes fiscales
supplémentaires dans les caisses de l’Etat). En effet, on estime à 2,5 milliards d’euros qui
quittent la France chaque année pour des destinations où la fiscalité est moins lourde sur les
revenus. C’est autant d’argent en moins dans l’économie française (investissements) mais
c’est surtout autant en moins dans les caisses de l’Etat. Grâce au bouclier fiscal, on estime
que l’exil fiscal a diminué de 15% en 2007 et que le retour de français de l’étranger a
augmenté de 9%.
Il est bien entendu que cette mesure a aussi pour but d’inciter les étrangers fortunés
(cadres, investisseurs) à venir s’installer et travailler en France (et ainsi pour l’Etat
d’engranger les recettes fiscales correspondantes supplémentaires).
II.
Le bouclier fiscal dans les faits
Le paradoxe du bouclier fiscal français, c'est qu'il remplit apparemment ses objectifs,
mais qu'il est pourtant critiqué à la fois par la droite et par la gauche, pour des raisons
différentes.
A. Le bouclier fiscal, une mesure qui remplit ses 2 objectifs initiaux
A l'origine, le bouclier fiscal a été mis en place afin de remplir 2 objectifs:
-
Une imposition moins lourde des ménages modestes propriétaires de leur logement
et touchés par la hausse des prix de l'immobilier
Une imposition moins lourde pour les foyers les plus riches afin d'éviter l'évasion
fiscale et d'augmenter l'attractivité fiscale de la France
Le bouclier fiscal ayant été mis en place en 2006, on peut maintenant effectuer un bilan sur
ces 2 objectifs (même s'il faut prendre en compte les ajustements qui ont été faits sur le
bouclier fiscal entre 2006 et aujourd'hui). Et ce bilan est globalement positif.
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Fiche Technique : Le Bouclier Fiscal
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1) Imposer moins lourdement les foyers fiscaux modestes
En 2007, 74% des foyers fiscaux bénéficiaires du bouclier fiscal pouvaient être
considérés comme des ménages modestes (revenu annuel inférieur à 42 000€), dont une
bonne part de RMIstes. Sur les 230 000 contribuables bénéficiaires du bouclier fiscal, 200
000 n'étaient pas assujettis à l'ISF.
Ce résultat, qui était prévu, avait été anticipé par le Conseil Constitutionnel. Dans une
décision du 29 décembre 2005, il avait estimé que le bouclier fiscal ne rompait pas l'égalité
devant l'impôt mais qu'au contraire il la renforçait.
2) Imposer moins lourdement les foyers fiscaux les plus riches et limiter l'évasion fiscale
Les foyers fiscaux les plus aisés, et notamment les propriétaires de gros patrimoine,
sont évidemment très favorisés par le bouclier fiscal. Ce sont même en réalité les principaux
bénéficiaires du bouclier fiscal, non pas en nombre (ils sont minoritaires), mais en montant
des sommes restituées, comme en témoigne le chiffre suivant: En 2008, les 5.4% de
bénéficiaires les plus riches (755 foyers fiscaux à plus de 15.5 millions de patrimoine) se sont
partagé 288.6 millions d’€ (soit la moitié du total)
Par ailleurs, l'évasion fiscale a été partiellement endiguée grâce au bouclier fiscal. En 2007, il
y a eu une diminution de 15% des expatriations fiscales, pour un retour de 9%. Un taux
encore assez faible dû sans doute au caractère encore récent de la mesure.
B. Le bouclier fiscal, critiqué partout pour des raisons différentes
1) Même sur ses 2 objectifs, le succès du bouclier fiscal serait un leurre
Tout d'abord, même les chiffres cités plus hauts sont critiqués. Selon l'opposition, le
bouclier fiscal a en réalité failli sur ses 2 objectifs. Le taux de retour et la diminution des
expatriations fiscales sont trop faibles (à relativiser: même un faible retour a un grand
impact, vu le potentiel de consommation des foyers fiscaux visés).
Les ménages les plus modestes ne sont qu'en apparence les bénéficiaires du bouclier fiscal.
En réalité, les ménages les moins aisés (1er décile de revenu) n'ont bénéficié que de 700€ en
moyenne de restitution, et ils représentent seulement 17% des restitutions. Un autre chiffre
confirme cette tendance: Les bénéficiaires de la mesure qui ne payent pas l’ISF sont certes
les plus nombreux (60%) mais ils ne perçoivent que 1% des restitutions et leur part a été
divisé par 2 entre 2007 et 2008
2) Une mesure trop coûteuse aux effets encore limités
La principale critique contre le bouclier fiscal a trait à son coût comparé au bénéfice
espéré. D'abord, le coût du bouclier fiscal a doublé entre 2007 et 2008 (de 229 millions d’€ à
458 millions d’€) pour un nombre de bénéficiaires stable (autour de 13000 foyers fiscaux,
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Jean Savary De Beauregard
Fiche Technique : Le Bouclier Fiscal
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augmentation de 200 en 1 an). Un coût de 458 millions d'€ /an à mettre en relation avec les
17 millions d'€ / an de pertes d'ISF imputées à l'exil fiscal.
En dehors du coût de la mesure, le bouclier fiscal tarde à produire ses effets: le nombre de
demandes de restitutions est assez faible relativement à celui attendu (environ 20 000 vs 90
000 attendues en 2007). Un chiffre qui s'explique partiellement par le caractère récent du
bouclier fiscal, mais aussi par un biais qui n'avait pas été prévu: les gens ne demandent pas à
bénéficier du bouclier fiscal parce qu’ils ne veulent pas subir de redressement d’ISF en
déclarant leurs biens à leur valeur réelle.
3) La proposition Marini, une solution?
Philippe Marini, sénateur UMP et Président de la Commission des Finances du Sénat
a fait il y a quelques mois une proposition qui semble intelligente. Au lieu de complexifier le
système fiscal français avec le bouclier fiscal et un ISF mille fois aménagé et réformé, autant
supprimer le bouclier fiscal et l'ISF, et créer un nouvelle tranche supérieure à l'impôt sur le
revenu.
Evidemment, on change de logique (taxation du patrimoine vs taxation du revenu), mais on
opère une simplification du système fiscal, qui gagne en lisibilité mais aussi en attractivité
puisque les grandes fortunes seront incitées à rester en France. Ce serait une mesure juste
puisque alors les plus lourdement imposés seraient réellement ceux dont le revenu est le
plus grand et non pas ceux dont le patrimoine est important par héritage ou tout
simplement en raison de la flambée des prix de l'immobilier.
Sources :
-
Page web dédiée au bouclier fiscal sur le site des impôts :
http://www2.impots.gouv.fr/bf/bf-accueil.htm
Encyclopédie en ligne Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouclier_fiscal +
Article « Courbe de Laffer »
http://www.porte-parole.gouv.fr/wp-content/uploads/2009/03/98-cles-actu-lebouclier-fiscal.pdf
J.C. PRAGER et F. VILLEROY de GALHAU, 18 Leçons sur la politique économique
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