BRAU Camille DELALANDE Emilie 21/03/11 Immunologie Dr TARTE LA TOLERANCE FOETO-MATERNELLE I. Introduction Chez les vivipares, la grossesse représente une énigme immunologique. En effet, le fœtus reçoit pour moitié des molécules d’origine maternelle et pour autre moitié des molécules d’origine paternelle qui sont donc du non soi. On parle de HLA semicompatible. Il s’agit d’une greffe semi allogénique ou totalement allogénique (ex: dons d’ovocytes-mère porteuse). On a donc dans le cas de la grossesse une tolérance temporaire et sélective. Cela a été prouvé par des expériences sur les animaux qui ont montré qu’une greffe avec des tissus fœtaux ou une tumeur d’origine paternelle est tolérée pendant la grossesse et rejetée ensuite. Cette tolérance est nécessaire car il y a de nombreux échanges fœto-maternels. Au niveau du contact entre les cellules fœtales et maternelles, la mère et l’enfant sont donc exposés en permanence à ces cellules du non-soi. On parle de tolérance active. Pour éviter le rejet, différents systèmes sont mis en place. II. Interfaces fœto-maternelle 1/7 Il existe beaucoup de systèmes et de zones d’échanges entre l’enfant et sa mère, comme par exemple au niveau des villosités choriales qui sont d’origine fœtale mais en contact étroit avec la mère. Il y a au moins quatre zones d’échange entre les cellules d’origine fœtale et la mère pendant la grossesse : -le syncitiotrophoblaste au contact des cellules sanguines maternelles à proximité -le chorion et l’espace inter-villeux maternel -les cellules du cytotrophoblaste et les cellules maternelles soit au niveau de la decidua basalis, soit au niveau de l’artère spiralée Les villosités chorioniques du fœtus sont divisées en deux couches : la couche externe ou syncytiotrophoblaste la couche interne ou cytotrophoblaste villeux. Ces deux couches sont en contact avec l’espace inter villeux maternel et les cellules de la couche interne prolifèrent à l’extrémité des villosités chorioniques et vont au contact des cellules immunologiques maternelles. Les cellules placentaires prennent la place des cellules endothéliales maternelles. De plus, pendant l’implantation, il y a un phénomène lié à la prolifération des cellules du trophoblaste qui vont pénétrer dans les tissus maternels et intégrer les artères spiralées. Enfin, les cellules du trophoblaste sont en communication avec les effecteurs cellulaires et humoraux de la mère. Les preuves d’une communication réciproque sont les suivantes : Existence de microchimérisme fœtal post grossesse (des cellules fœtales passent 2/7 chez la mère et persistent pendant des années) Existence de microchimérisme maternel dans les organes lymphoïdes secondaires du fœtus. Transmission fœto-maternelle du HIV. Développement d’anticorps anti-paternels chez la mère=anticorps contre le HLA du père (15% des primipares et 75% des multipares), la mère s’immunise donc contre le père de l’enfant. Ces anticorps sont utilisés pour le typage HLA. Pour tolérer le fœtus, il y a donc nécessité de mécanismes d’échappement qui mettent en jeu les cellules trophoblastiques (fœtus) et l’environnement maternel. Par exemple, augmentation des LyT régulateurs en périphérie et donc modification de l’immunité chez une femme enceinte. III. Les molécules HLA Il n’y a pas d’expression de CMH de classe II sur les cellules fœtales (ni spontanée, ni inductible même dans un contexte inflammatoire). Par conséquent, les cellules fœtales ne seront jamais vues par un Ly T CD4. Il y a une perte du CMH de classe I (il n’y en a donc que très peu voire pas du tout) : Les cellules fœtales ne peuvent exprimer le HLA-I qu’après un certain stade de développement. (avant : ne l’expriment pas) Au niveau du syncytiotrophoblaste, le HLA-I est totalement absent. Par conséquent, pas vu par les LyT CD8 Au niveau du cytotrophoblaste, il n’y a pas de HLA-A et B, très peu de HLA-C. Par contre il y a expression de HLA-G et E (non classique) et surexpression de protéines anti-apoptotiques. Il y a ainsi une résistance à la lyse par les cellules T8 et NK. HLA-G et E sont des molécules qui ressemblent à HLA-I, elles sont donc dites HLA-I like. La caractéristique principale de ces molécules est qu’elles sont très peu polymorphes (par exemple HLA-E a un peptide signal issu de HLA-I et présente toujours le même peptide). Elles peuvent se lier à un récepteur inhibiteur présent sur les cellules NK qui envoie un signal off à ces cellules NK déciduales (les récepteurs inhibiteurs : NKG2A, famille KIR…). HLA G a été découvert au niveau des cellules trophoblastiques mais n’est jamais exprimée ailleurs dans un contexte normal (peut l’être dans un contexte pathologique). 3/7 Cellules trophoblastiques HLA-E (fixation peptide signal HLA classe I) HLA-G ILT2 NKG2A SHP CD9 NK de la decidua ITI ITI Signal OFF Ainsi au niveau des cellules fœtales il n’y a pas ou peu de HLA-I classique donc : Pas de reconnaissance par les LT CD8 (qui ne sont donc pas activées). Reconnaissance par les cellules NK qui s’activent mais sont inhibées par les molécules HLA-E et G. D’où le phénomène de tolérance, par ce mécanisme spécifique qui permet un échappement à la lyse par les cellules NK de la mère. IV. Rôle des cellules NK Pendant les deux premiers trimestres de la grossesse, 70% des cellules de la décidua sont des cellules NK (dNK). Ceci est dû aux modifications de la composition cellulaire de la muqueuse après l’implantation. Ces dNK sont CD56high et CD16neg, elles sont productrices de cytokines mais ne sont pas cytotoxiques. Elles expriment un récepteur activateur liant le HLA-G (activé au contact des cellules fœtales) et on les retrouve dans le tissu maternel. Ces cellules jouent un rôle dans le remodelage vasculaire au début de la gestation, responsable de l’invasion des artères spiralées de la mère par des trophoblastes qui remplacent l’endothélium maternel. Elles jouent donc un grand rôle dans le développement du fœtus. Ce mécanisme a lieu grâce à : La synthèse de facteurs antigéniques tels que le VEGF La synthèse de chimiokines inflammatoires qui recrutent les trophoblastes. L’augmentation du risque de pré-éclampsie (entraînant un risque de fausse couche par rupture prématurée de la poche des eaux) en cas de déficit d’activation des NK 4/7 Dans ce cas, des cellules immunitaires contribuent au remodelage tissulaire Les cellules NK ont un rôle crucial dans l’implantation du foetus V. Inhibition de l’action du complément Les CD59 et CD46, qui sont sur les cellules trophoblastiques et qui sont exprimés à des taux élevés, empêchent la destruction du trophoblaste par les anticorps anti paternels et par le complément. Il s’agit donc d’un système d’échappement au complément. VI. Synthèse des molécules suppressives par le trophoblaste immuno- Ces molécules ne sont pas spécifiques, mais produites de façon importante localement au niveau de l’interface foeto-maternelle pendant la grossesse : Surexpression de sHLA-G (HLA-G soluble) : inhibe les cellules dendritiques (DC), provoque l’apoptose des TCD8.. TGF (beaucoup au niveau du placenta ) : induit l’activation des LT régulateurs (Treg), inhibe les DC, donc induit la tolérance. Fas L (Fas Ligand): destruction des T activés exprimant Fas PD-L1 (molécule membranaire très puissante dans la réponse immunitaire) : arrêt de croissance et de la prolifération et mort des T activés exprimant PD-1 Enzymes immunosuppressives : IDO et HO-1/-2 IDO (Indoléamine 2,3 dioxygénase) Cette enzyme permet de dégrader le tryptophane qui est un acide aminé essentiel en kynurénine, qui est un métabolite toxique pour les T effecteurs (les plus sensibles), donc les bloque. Cela arrête donc la prolifération cellulaire. Cette enzyme a été découverte suite à des expériences sur les souris. 100% des souris ont avorté suite à l’administration de IDO qui est donc indispensable à la grossesse. On retrouve des taux très élevés de IDO dans le placenta. HO (Hème Oxygénase) Elle dégrade l’hème en biliverdine + CO. La biliverdine active les Treg. Inhibe de façon importante les LyT effecteurs. NB :- Mêmes mécanismes utilisés par les tumeurs dans un contexte pathologique pour éviter les réactions immunitaires. -En pharmacologie, on essaye de développer les inhibiteurs d’IDO pour lutter contre le cancer. 5/7 PD-1 Treg Teff Fas TGF Métabolites Biliverdine + Kynurénine Tryptophane Hème Effet IDO anti-apoptotique HO-1 HO-2 FasL PD-L1 Cellule trophoblastique Dans ce contexte, les cellules fœtales produisent de nombreuses molécules (membranaires, cytokines, enzymes…) qui inhibent la production des LT et favorisent la production des LTreg. Tous ces mécanismes permettent de garantir la tolérance du fœtus. Il s’agit de phénomènes de tolérance active car l’inhibition du système immunitaire se met en place uniquement pendant la grossesse. VII. Les lymphocytes T régulateurs Les femmes enceintes auront plus de Treg. On observe une expansion systémique des TCD4posCD25hi (T d’origine thymique) et également la présence de Treg activés localement au niveau de l’interface. Cela explique l’amélioration transitoire des symptomes des maladies auto-immunes (MAI) chez certaines femmes enceintes par augmentation et activation des Treg.=>Impact de la grossesse sur l’état global du système immunitaire. Les Treg induisent la synthèse d’IDO par les cellules monocytaires et les DC de la décidua (Les DC et les monocytes sont les cellules les + nombreuses avec les NK). 6/7 Cellule trophoblastique T CD4posCD25pos CD86 CD8 CTLA IFN- IDO TGF IL-10 IDO autre TGF... Au niveau de l’interface, les cellules dendritiques produisent IDO et les Treg inhibent le système immunitaire. Les cellules trophoblastiques produisent un facteur inhibiteur et activent les Treg qui interagissent avec les cellules dendritiques. On a beaucoup plus de Treg dans les ganglions lymphatiques du fœtus que dans ceux d’un adulte. Les cellules maternelles expriment deux types de molécules HLA (celles héritées par l’enfant et celles non héritées). Le deuxième type de molécules HLA est normalement à l’origine de la réponse immunologique. Mais pendant la grossesse, on a une synthèse massive de TFG et donc une tolérance spécifique pour que le fœtus soit tolérant vis-à-vis de sa mère. Ces phénomènes se mettent en place pendant la grossesse mais on peut les détecter pendant toute la vie en mettant en évidence la présence de cellules du fœtus chez sa mère tout au long de la vie. La grossesse est un phénomène actif sur le plan immunologique. En l’absence de ces mécanismes, la grossesse serait impossible. 7/7 Il y a des cellules fœtales qui passent chez la mère, et des cellules maternelles qui passent chez le fœtus. Les cellules maternelles qui passent chez le fœtus sont semicompatibles, elles vont induire l’expansion de Treg dans les ganglions fœtaux. Ce qui peut expliquer que même si on fait une greffe d’organe de sa mère chez un adulte, c’est beaucoup mieux toléré car on a induit une certaine tolérance immunitaire. VIII. Synthèse des molécules immunosuppressives par les cellules maternelles (au contact du trophoblaste) FasL sur les cellules déciduales : contribue à la destruction des LT activés LIF : shift (= différenciation) Th2, mais pas Th1 Progestérone : induit la synthèse de PIBF par T maternels d’où un shift Th2 et un recrutement NK. Très forte production de Galectin-1(= protéine d’adhésion): inhibe la prolifération T, induction de DC tolérogènes, shift Th2 8/7 9/7