Toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la
physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois
principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale ; j'entends la plus haute et la plus parfaite
morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la
sagesse. »
Descartes, Œuvres philosophiques.
II ] LA PHILOSOPHIE ET LES SCIENCES
Comment préciser la relation de la philosophie avec les autres sciences ?
A – UNE CAPACITE A JUGER
Une science en tant que tel est maîtresse en son domaine. Elle est autonome, c’est-à-dire qu’elle est
capable, qu’elle a les moyens d’atteindre la vérité de ce qu’elle étudie.
Est-ce à dire que toute science est infaillible ? Bien sûr que non ! Un savant peut évidemment se
tromper dans son propre domaine. En ce cas, la science en question pourra juger et rectifier cette erreur. Mais
une science plus élevée est tout aussi fondée à juger et rectifier cette erreur si cette erreur vient heurter
quelqu’une de ses vérités.
Or, la philosophie est la science naturelle la plus élevée ; donc elle peut juger toutes les autres sciences
humaines si celles-ci émettent des propositions scientifiques incompatibles avec ses vérités philosophiques.
Evidemment la philosophie est exercée par des philosophes qui eux, sont faillibles.
B – UNE CAPACITE A DIRIGER
1) Les raisons de cette direction
Cette possibilité découle logiquement de ce qui précède. Une science plus élevée peut diriger
une moins élevée. Ainsi les principes philosophiques tiennent sous leur dépendance les principes de
toutes les sciences humaines ; et ce, puisque les principes de la philosophie sont les premiers de toute la
connaissance humaine. La philosophie dirige donc les autres sciences.
Il ne s’agit pas d’une dépendance directe : c’est-à-dire qu’en fait les principes de ces sciences
humaines doivent supposer les principes philosophiques. Ils peuvent être connus sans qu’ils soient pour
autant expliqués par la science en question, ou connus de façon explicite. Mais si ces principes sont
vrais, c’est que les principes philosophiques supérieurs inclus sont vrais.
Exemple : si un mathématicien disait que A est différent de B, que B serait égal à C, mais que A serait
égal à C, il nierait le principe de non-contradiction.
2) Les façons de diriger
Que veut dire diriger ? Diriger une chose, c’est lui assigner son but ou sa fin. On comprend
bien que les sciences ne soient pas dirigées par la philosophie vers leur fin propre, puisqu’elles n’ont
pas besoin de la philosophie pour tendre vers leur objet (l’arithmétique n’a pas besoin de la philosophie
pour être dirigée vers les vérités du nombre.) Mais si une science dérive de son objet, de sa fin propre,
en empiétant sur une autre science, c’est la philosophie qui préviendra de ce désordre.
On peut considérer une autre façon de diriger. Dans le sens où la philosophie, puisqu’elle est
s’attache au bien ultime (connaissance la plus haute), peut être regardée comme la fin commune et
transcendante vers laquelle les autres sciences convergent. Toutes les sciences sont ainsi ordonnées à la
sagesse.
Picasso disait : « Je ne cherche pas je trouve. » Phrase qui
pourrait fort bien convenir à Einstein. Le chercheur scientifique
trouve en effet, dans l’expérimentation, la vérité. Et ce, avant
l’étincelle du génie. Edison voyait dans le génie scientifique de la
découverte : 1% d’inspiration contre 99% de transpiration…
L’expérience de laboratoire, n’est-elle pas d’abord imaginé, conçu et
pensé ?
« La philosophie a une tendance à la solitude, à l'isolement systématique, à l'introspec-
tion passionnée. La philosophie est impopulaire aux yeux des profanes, car toute son activité
mystérieuse et intime semble dénuée de sens pratique ; elle passe pour enseigner la magie, et
ses incantations ont un air solennel, parce qu'on ne les comprend pas.
Mais les philosophes ne sortent pas de terre, tels des champignons ; ils sont le produit de
leur temps, de leur peuple, qui leur inspire les idées philosophiques. L’esprit qui construit les
systèmes philosophiques dans le cerveau des philosophes est identique à celui qui construit les
lignes de chemins de fer par les bras des ouvriers. » Karl Marx,
Œuvres philosophiques
.
Questions :
1 – Que pensez-vous de la première phrase de Marx ?
2 – L’auteur explique que la philosophie est impopulaire. Que répondriez-vous aux accusa-
tions citées par Marx (2ème phrase.)
3 – Marx réfute lui aussi ces accusations. Mais quelle raison donne-t-il ? Etes-vous d’accord ?
4 – Expliquez le sens de la dernière phrase. Qu’en pensez-vous ?