Lucien JUVENTY
Souvenirs
et
Lettres
1914 1918
(2ème partie)
NOTES et COMMENTAIRES
Jacques JUVENTY
1988
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NOTES ET COMMENTAIRES
Ces notes sont nées de curiosités tardives que mon père ne pouvait plus satisfaire j’avais
onze ans quand il mourut en 1936. Elles n’ont pour ambition que de proposer :
- Quelques notices biographiques empruntées, pour ce qui regarde les militants
socialistes et syndicalistes, à l’irremplaçable « Dictionnaire biographique du
mouvement ouvrier », dirigé par Jean Maitron, mention particulière devant être faite
de Madeleine Rebérioux pour les très intéressantes recherches touchant la période
1871/1914 et notamment, le département de l’Yonne.
- Un petit dossier sur la presse de l’époque, volontairement limité aux journaux cités
dans le texte et établi à partir, principalement de renseignements puisés dans ‘Histoire
générale de la presse française » publiée sous la direction de Claude Bellanger.
- Un aide-mémoire visant à restituer au texte l’intelligibilité qu’un recul de soixante-dix
ans a pu gommer et, dans la mesure du possible, rendre à la vie quotidienne l’aspect
buissonneux que la perspective atténue.
- Enfin divers documents : articles de la presse socialiste du temps, nationale et surtout
régionale, comptes rendus de manifestations, faits divers, controverses, retenus en
fonction de leur relation directe avec le texte.
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NOTICES BIOGRAPHIQUES
- BARRES Maurice 4
- BRIZON Pierre 4
- CAMELINAT Zéphirin 6
- COMPERE-MOREL Adéodat 7
- COUTE Gaston 9
- CRUCY François, pseudonyme de ROUSSELOT Maurice 9
- DAUDET Léon 10
- DUPORC François 12
- FROMENT Luc, pseudonyme de LECLERCQ Lucien 13
- GERARD Georges 14
- GUESDE Jules 15
- HERVE Gustave 18
- HINGLAIS Louis 20
- JAURES Jean 22
- JOBERT Léopold 25
- JOUHAUX Léon 26
- JUVENTY Gaston, frère de JUVENTY Lucien 28
- LEGROS Gaston 29
- LEVY Gaston 30
- LIEBKNECHT Karl 30
- MALVY Jean 32
- MARY-GUERDER Charles 33
- SEMBAT Marcel et Georgette 34
- VIVIANI René 36
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BARRES Maurice (1862 1923)
Originaire des Vosges, Maurice Barrès arrive à Paris en 1883. Il y atteint très tôt une notoriété
durable avec trois œuvres souvent évoquées comme représentatives du « culte du moi ».
Elu député boulangiste en 1889 il s’oriente vers un nationalisme de la revanche, xénophobe et
antisémite, qui ne fait que s’affirmer au temps de l’Affaire Dreyfus. En 1897 il entame une nouvelle
trilogie : « Le roman de l’énergie nationale », « L’appel au soldat », « Leurs figures » et, parallèlement,
participe à la fondation de la Ligue de la patrie française.
Député de Paris en 1906 il devient, à la mort de Paul Déroulède en février 1914, président de
la Ligue des patriotes.
Tout au long de la guerre Barrès se fait une gloire et un devoir de remplir le « Ministère de la
parole ». Ses articles quotidiens de « L’Echo de Paris », rassemblés dans les quatorze volumes des
« Chroniques de la grande guerre », ont été pour Jean Guéhenno : « [un] des plus éclatants
témoignages de la confusion mentale dans laquelle un peuple doit vivre pour subir et faire la guerre.
Entre tout les bavardages des écrivains et des journalistes ces articles […] composent un
exceptionnel document. [on] pourrait dresser un répertoire de tous les paralogismes par lesquels tant
de souffrances ont pu devenir motifs d’exaltation et la plus grande misère du monde, la nourriture de
l’opinion et la matière d’une vanité dérisoire. » Cependant chez Barrès aussi la lassitude et le doute
s’insinuent ; si ses articles n’en donnent aucun écho, dans ses « Cahiers » il laisse paraître comme un
dégoût croissant pour cette tache de journaliste et parfois des interrogation sur sa légitimité.
Cf. « Histoire générale de la presse française » (page 426)
* * *
*
BRIZON Pierre (1878 1923)
D’une famille modeste du Bourbonnais, Brizon parvient, après des études primaires et
primaires supérieures, à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud son adhésion en 1898 au
groupe des étudiants collectivistes donne le premier repère de son entrée dans le mouvement
socialiste.
Les sanctions administratives émaillent sa carrière de professeur, en conséquence très
itinérante. C’est ainsi qu’en 1905, enseignant à l’Ecole nationale professionnelle de Voiron, il
représente le département de l’Isère au congrès d’unité de Paris.
Emile Guillaumin, cultivateur-écrivain à Ygrande (village voisin de Moulins) se souvient, trente-
deux ans plus tard, du nouveau député que viennent de choisir, en avril 1910, les électeurs d’une
circonscription majoritairement rurale : « Brizon était un homme d’une assez belle prestance, très brun
de poil, peau hâlée, sourire énigmatique, voix de nez caverneuse plutôt désagréable. Point timide, la
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parole abondante, il se laissait tout de suite aller à son tempérament d’orateur de réunion publique,
utilisant les gros effets faciles ».
En mai 1914, toujours dans cette deuxième circonscription de l’Allier, la profession de foi de
Brizon ne permet aucune ambiguïté racoleuse : « Mon programme ? Et d’abord, à bas les trois ans ! A
bas le militarisme qui nous écrase ! A bas le Maroc ! A bas les conquêtes coloniales par le fer, le feu,
par le sang ». Ses électeurs nullement effrayés par son radicalisme lui renouvellent leur confiance.
La guerre de 14/18 révèle en Brizon un des premiers et très rares opposants à la politique
d’Union sacrée. Retenons quelques dates caractéristiques :
- Début novembre 1915 il adhère au Comité pour la reprise des relations internationales, au
côté des pèlerins de Zimmerwald : Bourderon et Merrheim (voir Aide-mémoire n°30)
- Le 28 janvier 1916 il interpelle le gouvernement sur les mesures nécessaires pour conduire la
guerre à sa fin « la plus rapide et la meilleure possible »
- Le 21 novembre 1916 il dénonce à la Chambre les responsabilités de la Russie dans le
déclenchement du conflit et pousse l’incongruité, en ce lieu et à cette heure, jusqu’à s’écrier : « A bas
la guerre ! ». Exclamation vaine sans doute mais notable pour son caractère unique.
- Le 11 décembre 1916, l’exclusion temporaire de l’Assemblée stigmatise sa prétention de
chiffrer publiquement les pertes humaines et matérielles de la guerre.
- Le 25 octobre 1917 il demande l’étude immédiate de toute proposition de paix.
Son activité parlementaire se double d’un militantisme actif. Du 24 au 30 avril 1916 il participe
avec Alexandre Blanc et Raffin-Dugens (également enseignants et également parlementaires) à la
seconde conférence socialiste internationale de Kienthal (Suisse). Sans souscrire à la condamnation
du principe de défense nationale, préconisée par Lénine, Brizon s’attache à défendre l’idée de la paix
immédiate assurant liberté et indépendance des peuples. De retour en France Brizon, épaulé par ses
deux compagnons de Kienthal va, au cours de la séance houleuse du 24 juin 1916, refuser le vote
des crédits de guerre, saluant à l’occasion l’action parallèle des minoritaires allemands groupés autour
de Liebknecht. Au président qui constate que dans la Chambre française il n’y a que trois socialistes
pour approuver de pareilles paroles, Brizon rétorque : « Il y a beaucoup de soldats qui pensent
comme nous ». Il participe aussi à la rédaction du « Populaire », organe des minoritaires, avant de
pouvoir créer son propre hebdomadaire, « la Vague » dont le 1er numéro paraît le 5 janvier 1918. Il
parvient, avec l’aide de Marcelle Capy qu’il va épouser, à maintenir le combat socialiste et féministe
de sa feuille jusqu’en 1923.
En désaccord avec sa fédération de l’Allier, en majorité hostile à l’adhésion à la Troisième
Internationale, Brizon est battu aux législatives de 1919 et n’est pas mandaté pour participer au
congrès de Tours de 1920. Il adhère au Parti Communiste et en est exclus en 1922 peu de temps
avant sa mort.
Cf. « Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier »
Article de J. Raymond
« Histoire de l’arrière » de Ch. Fraval
Jideher éditeur 1930
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